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Paul Miamboula
Sartre :
du néant à l’intersubjectivité
Itinéraire philosophique et humaniste
Préface de Richard Gérard Gambou
Sartre :
du néant à l’intersubjectivité
Itinéraire philosophique et humaniste
Paul Miamboula
Sartre :
du néant à l’intersubjectivité
Itinéraire philosophique et humaniste
Préface de Richard Gérard Gambou
- Congo
© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
[email protected]
ISBN : 978-2-343-03495-9
EAN : 9782343034959
À la mémoire de Jean Miamboula, mon défunt père,
et à Suzanne Mangampou, ma défunte mère,
qui m’ont aidé à devenir ce que je suis.
Remerciements
Je remercie, du fond de mon être, tous les esprits qui
m’ont accompagné dans ce travail. Que tous les membres
fondateurs du Club d’études sartriennes soient chaleureusement remerciés, en l’occurrence B. Ambeto, A. Ngaye,
J. Goma, A. Kounkou, E. Boukaka, Kanté-Mamadou, E.
Mouanguelé, M. Nguimbi, feu Léopold Pindi
Mamonsono, Ghislain Parfait Nzaou.
Enfin, ma gratitude va à Bathéas Mollomb, Richard
Gérard Gambou, Abel Kouvouama, David Mavouangui,
Rosamour Okombi qui m’ont encouragé et soutenu dans la
vulgarisation de la pensée de Sartre au Congo-Brazzaville.
Je tiens également à témoigner ma reconnaissance à
Emilienne Andzouoko, mon épouse, et à mes enfants,
Miamboula Mangampou Chardène Leslie, Miamb Lewis
et Ntsan Mélyna Aïcha, pour leur soutien.
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« La plus grande des pauvretés
c’est de ne plus compter pour personne. »
Mère Teresa
Sommaire
Préface.............................................................................. 13
Avant-propos.................................................................... 15
Introduction ...................................................................... 17
Chapitre I - Les caractéristiques du néant ........................ 23
I.1. Le néant et la néantisation ......................................... 23
I. 2. La dialectique du néant ............................................. 30
I.3. La liberté comme structure fondamentale du néant... 38
Chapitre II - Les fondements ontologiques du néant ....... 47
II.1. L’en-soi .................................................................... 47
II.2. Le pour-soi ............................................................... 51
II.2.1. La facticité ............................................................. 52
II.2.2. Le pour-soi et l’être de la valeur ........................... 56
II.3. L’interdépendance du pour-soi et de l’en-soi ........... 69
Chapitre III - Phénoménologie et Intersubjectivité .......... 81
III.1. L’ontologie phénoménologique .............................. 81
III.2. L’intersubjectivité ................................................... 91
III.3. L’humanisme ........................................................ 101
Conclusion ..................................................................... 117
Bibliographie.................................................................. 121
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Préface
Sur les traces du philosophe Jean Paul Sartre
Voici un jeune philosophe d’Afrique, plus précisément de
la République du Congo, qui se lance sur les traces du
philosophe français Jean-Paul Sartre avec une sagacité et
une opiniâtreté intellectuelles.
Il commence par remettre les concepts philosophiques à
leur place avant de marquer une différence ou un
dépassement opéré par Jean-Paul Sartre par rapport à ses
nombreux prédécesseurs ou à ses contemporains (Les
Stoïciens, Parménide, Kant, Fichte, Hegel, Husserl,
Heidegger, Popper, Merleau-Ponty et Levinas). La tonalité
du discours philosophique tenu nous plonge dans une
nouveauté inattendue et appréciable par un raisonnement
lucide, explicatif et compréhensible. Nous sommes loin, à
mille lieux, d’un discours abscons, mais plutôt proche d’une
source limpide pour étancher notre soif des connaissances.
D’après notre jeune philosophe, le néant n’est pas
synonyme de rien ou de vide. Il est surtout un contradictoire de l’être dans un mouvement de néantisation qui
produit de l’être. Il est toute une dialectique dans le
mouvement qui va du néant à l’être où se réalise la liberté et
celle-ci n’est pas opposée à l’homme, mais au contraire lui
est consubstantielle, c’est-à-dire à l’existence de l’homme :
L’homme est libre.
Dans ce va-et-vient entre cet être qui se pose comme étant
en même temps néant et le néant qui, dès le moment où on
l’appréhende, se pose comme l’être. Il se passe un
mouvement qui renvoie de l’être au néant, c’est-à-dire, très
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précisément au devenir. Ce devenir qui est à la fois de l’être
et du néant, affirme l’auteur.
Ce même mouvement dialectique nous introduit dans
l’intersubjectivité. De même Socrate ramena, jadis, la
philosophie du ciel sur la terre, de même le philosophe
Jean-Paul Sartre avait brisé l’incarcération universitaire de
la philosophie pour la mettre au service des causes justes
dans un engagement positif des hommes et des femmes
épris de liberté et de justice sociale. Une liberté qui tient
toujours compte des situations concrètes, car l’être humain
est doué de conscience. Celle-ci est toujours en mouvement et se tourne vers l’extériorité, vers l’autre dans sa
subjectivité (intersubjectivité).
Notre jeune philosophe, il faut bien le nommer, Paul
Miamboula, explicite pour nous tous les concepts sartriens
pour nous les rendre accessibles et compréhensibles avec
une virtuosité étonnante. La lecture de cet essai nous rend
non seulement connaisseurs, mais aussi sages grâce à la
morale de Jean-Paul Sartre. Le trait dominant est celui de
l’humanisme sartrien (l’existentialisme est un humanisme)
que Paul Miamboula postule avec dextérité.
Loin de nous l’idée prétentieuse d’étaler toute la quintessence des cogitations de l’auteur, mais simplement de les
signaler et de les confier à une lecture plus attentive et plus
savante sans passion aucune. L’auteur nous installe
agréablement dans un nouvel itinéraire philosophique
sartrien. Ce qui explique l’intérêt que nous portons sur ce
coup d’essai qui s’avère un coup de maître.
Richard Gérard Gambou
Docteur en philosophie et Maître-Assistant C.A.M.E.S.
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Avant-propos
Sartre est sans doute le penseur d’une philosophie polymorphe : celle qui parcourt l’être dans plusieurs directions.
A partir de l’imagination et l’imaginaire en passant par la
transcendance de l’égo jusqu’aux Cahiers pour une
morale avec une critique de la raison dialectique préparée
avec les temps forts de l’existentialisme est un humanisme.
La voie que privilégie Sartre est alors ce qu’il nomme la
liberté, qui a pour objet l’homme parti du néant pour saisir
et comprendre la réalité humaine. La réflexion sur cette
réalité aboutit à reconnaître des postulats exigés pour
garantir l’existence réelle. Puisque l’homme se construit
sans cesse, les principales facettes sont des moments
successifs de son extériorisation dans son passage actif
dans le réel.
Ces principales étapes que sont, en effet, le néant, la
conscience, la liberté, l’engagement, l’intersubjectivité, la
responsabilité assurent la compréhension même de
l’homme, qui ne peut se définir que par ce qu’il devient par
les situations qu’il devra affronter. Ces situations, qui ont
lieu dans le monde, ne peuvent se justifier qu’à travers les
rapports interhumains. C’est donc le problème d’autrui, car
de même que toute conscience est conscience de quelque
chose, de même notre conscience reconnaît l’existence
d’autres consciences dans une expérience originaire,
humaniste de coexistence.
Par conséquent, la question de la liberté, de la responsabilité irréductible, s’adosse chez Sartre à une détermination de la conscience comme néant ou néantisation : Sartre
radicalise l’intentionnalité de Husserl comme rapport de la
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conscience au monde, transcendance, c’est-à-dire ouverture
vers l’extérieur, pour bouleverser l’écueil du solipsisme.
Dans cette réflexion sur la condition humaine à travers la
responsabilité, l’engagement, la liberté, comme dans les
prises en charge plus concrètes de tel ou tel de ses aspects,
Sartre appréhende le sujet dans sa globalité, en évitant de
l’isoler des autres, afin de reconstruire le dialogue du
singulier avec le collectif en écartant toute vision
réductrice.
L’intersubjectivité naissant de cette capacité que l’homme
a de saisir le moi de l’autre, comme autres. Sartre parla
ainsi de la communauté qui se crée face à un monde
commun.
Ainsi, la première démarche de l’existentialisme sartrien
est de mettre tout homme en possession de ce qu’il est et
de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son
existence, mais cela ne veut pas dire que l’homme est
responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est
responsable de tous les hommes parmi les hommes. Cela
signifie que l’homme n’acquiert un sens qu’à partir des
autres sujets. Cette communication intersubjective est une
manière de transcender l’être afin qu’il arrive à résister à
l’oppressante monotonie et à l’indifférence.
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Introduction
L’œuvre philosophique de Sartre rencontre la vie comme
un moment de l’affirmation de l’être humain. Cette
affirmation passe essentiellement par la prise en charge de
l’homme par l’homme. Sartre est sans doute essentiellement un humaniste qui a su s’imposer à son siècle, sans
jamais rester prisonnier de sa légende. Philosophe de la
liberté héroïque et de la responsabilité, il a su défendre
avec humanisme et courage la cause de tous les opprimés,
de tous les martyrs de l’injustice. Avec une philosophie
mêlée à sa personnalité d’un dramaturge conséquent, il a
sorti la pensée philosophique de son “incarcération” universitaire, pour la porter sur la scène du débat philosophique, moral et politique y conjuguant efficacement
engagement et responsabilité.
Dans la structuration et la caractérisation de la réalité
humaine, il recherche l’Être profond qui définit la démarche philosophique particulièrement existentialiste qui
compose L’Être et le Néant à partir du problème du néant,
de l’Être pour-soi, de la dialectique Avoir, Faire, et Être,
en passant par une éthique de la liberté.
Au fond, cette démarche qui consiste à replacer l’homme
dans sa communication avec l’autre, en appréhendant le
sujet dans sa globalité, en s’efforçant de décloisonner les
vivants. Ce que Sartre veut examiner, c’est bien sûr la
réalité humaine définie tout d’abord comme conscience de
sa propre existence. Cette conscience qu’il nomme le
pour-soi, devrait impérativement néantiser l’être clos sur
lui-même, c’est-à-dire l’en-soi et se définit comme fuite,
comme négation, et comme liberté.
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En conséquence, l’idée de nature humaine n’a pas de sens.
Ce qui justifie l’homme, c’est une existence qui structure
l’essence, car l’homme est projet et se détermine par ses
actes, seuls capables de lui donner une essence construite.
La réalité humaine étant celle d’une conscience en
situation, d’une conscience intentionnelle, l’homme n’est
plus une substance statique ; il est toujours en mouvement.
Tourné vers un engagement angoissé qui récuse la
mauvaise foi et le mensonge, le pour-soi est régi par la
facticité, la temporalité, la transcendance qui donnent la
pleine valeur à l’existence humaine. Le pour-soi est naturellement organiquement lié au pour-autrui. « Le besoin de
l’autre se manifeste très concrètement dans un besoin
vital, celui de la reconnaissance par l’autre : chacun de
nous peut exister dans le regard de l’autre et veut compter
pour lui, d’une façon ou d’une autre. Les vraies joies de la
vie sont multipliées lorsqu’on les partage, et les peines
peuvent être allégées par ce même partage »1.
En fin de compte, l’homme n’est pas une chose, il est un
existant, c’est-à-dire un sujet qui échappe toujours à ce
qu’il est, et qui se renouvelle indéfiniment ; car exister au
sens étymologique, c’est sortir de ; soit de son corps, soit
de ses conditions de vie qui ne devraient pas constituer un
destin.
Il faut noter ici que c’est cette non-coïncidence de
l’homme avec soi-même ou avec une situation, cette
constante séparation d’avec ce que nous sommes, que
Sartre appelle le Néant. La liberté, souligne Sartre, c’est
précisément le néant qui a été au cœur de l’homme et qui
contraint la réalité humaine à se faire au lieu d’être. La
liberté est l’être même de l’homme, c’est-à-dire, son néant
1
Pierre Karli, Le besoin de l’autre, Paris, Jacob Odile, 2011, p. 12.
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d’être. Être libre pour Sartre, c’est poser un état de choses
idéal comme pure néant. La réalité humaine est néant en
ceci précisément qu’elle n’est pas, mais sans cesse est à
faire. Le néant chez Sartre n’est donc pas un constat
nihiliste ; c’est en somme la catégorie de l’idéal. « Cette
possibilité pour la réalité de secréter un néant qui l’isole,
Descartes, après les stoïciens, lui a donné un nom : c’est
la liberté. Mais la liberté n’est ici qu’un mot. Si nous
voulons pénétrer plus avant dans la question, nous
demander à présent : que doit être la liberté humaine si le
néant doit venir par elle au monde »2.
La nouvelle existentialiste, bien entendu, proclame
expressément que dès qu’il y a engagement, il faut que
l’homme sache prendre en compte la liberté des autres. Ici
la prise en compte de la présence des hommes humains est
impérative, car elle se constitue comme une reconnaissance des autres et de soi. En effet, ce point focal, qui est
une explication morale de notre environnement, est une
manifestation de l’intersubjectivité.
Développé pour la première fois comme concept philosophique dans La critique de la faculté de juger,
Emmanuel Kant souligne la place de « l’intersubjectivité
comme l’idée que les hommes étant des sujets pensants
sont capables de prendre en considération la pensée
d’autrui dans leur jugement propre »3, ce que Husserl
appelle « l’apprésentation », l’image de l’autre nonprésent. L’intersubjectivité fonde ainsi une théorie de la
communication. L’approche de Sartre est au départ
pessimiste, car la rencontre des sujets est souvent source
de conflits. Il s’interroge sur les moments suivants : autrui
2
J.P. Sartre, L’Être et le Néant, Paris, Gall., 1943, p. 59.
E. Kant, Critique de la faculté de juger, trad., Alain Renaut, Aubier,
Paris, 1995, p. 38-39.
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