Compagnie Le Glob/Jean-Luc Ollivier
Quai ouest
Bernard-Marie Koltès
Saison 2017/2018
« Je suis toujours fâché avec le théâtre, et j’y reviens toujours. Entre ma première pièce, La Nuit juste avant les forêts, et Quai
ouest, j’ai approfondi ma technique. Je vais vers plus de simplicité, je cherche l’immédiat. Un comique direct. »
Entretien avec Colette Godard. Le Monde, 13 juin 1986.
Note d’intention
«Je ne monte pas ce texte pour dire quoi que ce soit du monde tel
qu'il va. Je le monte en quête de sa beauté, qui ne peut se révéler
pleinement que sur la scène, dans le temps réel et incandescent du
théâtre, porté par les voix et les corps des comédiens. C'est écrit
pour ça. Un formidable livret à donner à des acteurs. C'est d'abord
cette recherche qui me passionne, qui est l'essence même du
théâtre, pour la beauté du geste, pour la poésie, avec au bout du
chemin la rencontre décisive avec les spectateurs. Là où l'expérience
prend sens.»
Par ces lignes, je concluais la note d’intention de Phèdre.
«Je n
Des mots que je reprends et revendique en ouverture du projet Quai ouest, ce texte écrit il y a trente ans, peut-être
encore plus fort, plus acéré aujourd’hui, comme si Koltès avait pressenti le désarroi éthique de nos sociétés en faisant
de ce microcosme contemporain, touché de plein fouet par la mondialisation, la métaphore possible d’une humanité
égarée …
Ce qui est beau, dans Quai ouest, c’est à la fois la rencontre invraisemblable de ces personnages à un moment crucial
de leur existence, c’est l’ardent portrait de cette famille «mythologique» que sont Cécile, Rodolphe, Charles et Claire,
c’est l’expression énigmatique, mais drôle aussi, ou terrible, de ces humanités en errance ; c’est l’énergie folle, le besoin
d’échange, la demande d’amour jamais formulée… Comme des atomes les personnages s’attirent ou se repoussent,
certains dérivant vers le centre, d’autres vers la périphérie, s'entrechoquant au passage. Tous cherchent une issue. Alors
on s’affronte ou on se cherche par pulsion plus que par raison, et cette pulsion, c’est la langue elle-même qui semble
l’exprimer, avant de déborder les personnages, ou même arrêter un moment le cours des choses, puis de s’échapper
par le dedans, dans un retour aux origines. En espagnol. En quechua.
Alors, dans l’impossibilité de dire vraiment, on deale. Tout est commerce. La transaction est le nerf de la relation. Pas de
sentiments. Corps, voix, espace. Théâtre pur.
Sous le regard d’Abad. Son silence magnifique dans cet océan de paroles.
C’est cela qui fait spectacle. Des histoires. Histoires d’hommes et de femmes dans ce no man’s land chargé d'imaginaire,
leurs mystères, la présence centrale, fondamentale, de l’homme noir, cette tension, l’irruption du comique ou de la
violence.
Impossible de saisir intellectuellement l’essence de cette œuvre, de l’enfermer dans un genre. Bien
sûr, il est question du déracinement, de la pauvreté qui exclue, de la famille, du poids de l’Histoire sur
les destinées, de survie, d’héritage, d'aspiration à la liberté, et tous ces thèmes entrelacés viennent
étoffer une intrigue impossible à réduire à aucun d’eux. La beauté profonde, la force du théâtre de
Koltès n’est sans doute pas dans ce qu’on croit comprendre qu’il nous dit, mais dans ce qu’on
ressent de ce qu’il ne dit pas.
C’est sans concession, et c’est bouleversant.
La langue, vigoureuse, énigmatique, dense, est de toute évidence la matière même de la fable, avec
le jeu trouble des relations humaines, des «corps à corps». Le spectateur est toujours en équilibre
entre ce qu'il (re)connait et ce qui perpétuellement semble lui échapper. C’est cela qu’il faut tenter de
mettre sur le plateau. En prenant garde de ne rien réduire à une pensée préalable. A fleur de peau.
Résister à la tentation de penser le texte avant de le jouer, agir en homme de spectacle plus qu’en
homme de discours.
Koltès a donné des pistes pour monter ses textes et éviter les pièges, du pathos exacerbé, du
misérabilisme, du trop-plein de mise en scène. Des indications précieuses qu’il est nécessaire de
retenir. Et impérativement se souvenir à quel point il insistait sur l'ironie et l'humour de ses textes.
Il est capital pour moi, pour nous, de montrer que cette œuvre s’ouvre au large, dans la totalidu
spectacle, accessible à tous.
Comme à chaque fois, il s'agit de tenter de traduire en langage scénique une partition, en mettant la
présence et la recherche des acteurs au-dessus de toute autre considération, et avec eux, avec leur
énergie, leur talent, leur passion, d’explorer ce territoire, afin que nous trouvions ensemble la juste
proposition pour que la rencontre avec les spectateurs soit à chaque fois un évènement poétique et
spectaculaire …
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