Programme de Coopération MEDA
Modernisation et Assistance aux Réformes Administratives
Unité d’Appui au Programme – UAP MARA
L'évaluation des actifs immobiliers
(1)
Guide de l'Evaluateur
de la Direction Générale du Domaine National
Auteur: Yann VIDREQUIN Expert-consultant Domaines
1/227
AVANT PROPOS
L'expertise immobilière en Algérie prend de plus en plus d'importance dans les temps
présents. Beaucoup de facteurs y contribuent. En sa qualité de principal propriétaire
foncier, l’Etat algérien a mis sur le marché et continue à le faire, une importante offre
foncière publique dans le cadre du développement de l’économie nationale. Il convient
donc que cette offre foncière soit accompagnée de mesures optimales de valorisation et ce
d’autant plus qu’il s’agit d’une ressource non renouvelable.
Par ailleurs, les règles de l’économie de marché imposent la cession des biens domaniaux
à leur juste valeur à l’instar de tout autre produit.
Enfin, le marché immobilier algérien, jugé actuellement porteur de plus-values rapides et
importantes, est particulièrement attractif aux yeux des investisseurs internationaux qui
disposent d'abondantes liquidités à placer sur le marché mondial. Cette financiarisation du
marché immobilier est un phénomène dominant. Par opposition au placement en "bon père
de famille", le bien immobilier devient un actif comme un autre, à acheter ou à vendre selon
les circonstances.
Cependant, qu'il soit le fait d'un placement familial envisagé comme durable ou celui d'un
groupe d'investisseurs à la recherche d'une rentabilité maximale rapide, l'acte d'achat
immobilier renvoie toujours à la même question: celle de la juste appréciation des facteurs
de valeur, condition sine qua non de la pertinence de l'investissement au regard de
l'objectif recherché.
Dans ce contexte d'effervescence du marché immobilier, les évaluateurs de la Direction
Générale du Domaine National sont donc devenus incontournables et doivent s'adapter à
l'élargissement considérable de leurs missions ainsi qu'à l'évolution des contraintes
réglementaires.
Le présent Guide de l'Evaluateur de la DGDN a pour objectif de contribuer à
l'approfondissement des méthodes d'estimation et à l'harmonisation des travaux
d'évaluation.
Auteur: Yann VIDREQUIN Expert-consultant Domaines
2/227
INTRODUCTION
L'estimation des valeurs dont se compose un patrimoine privé ou les actifs immobiliers
d'une entreprise ou d'une administration est une opération qui peut paraître d'une évidente
simplicité. Ne suffit-il pas de regarder la cote de la Bourse pour savoir ce que vaut une
action ou de lire les pages spécialisées de la presse pour connaître les prix des
appartements dans tel secteur d'Alger ou telle grande ville d'une wilaya ? Certains experts
immobiliers (débutants sans doute) pensent parfois que leur métier pourrait se réduire à
l'exécution de simples règles de trois à partir de fichiers informatisés. Cette évidence
apparente de l'estimation occulte en fait de considérables difficultés plus évidentes encore
à notre époque. Si tout ou à peu près tout s'achetait et se vendait sans contraintes
majeures juridiques ou fiscales, cela réduirait le rôle de l'expert puisque la sanction du
marché pourrait toujours et assez facilement départager les évaluateurs. Mais, aujourd'hui,
dans les économies dirigées et même dans les sociétés libérales, beaucoup de biens sont
hors marchés ou en marché trop étroit pour que jouent les mécanismes classiques de
l'offre et de la demande. Par ailleurs, la valeur de certains biens résulte de réglementations
et de l'arbitrage des tribunaux: ce sont des valeurs plus ou moins administrées. D'où
l'importance du rôle de l'expert qui, dans ces cas particuliers de plus en plus nombreux,
doit aider à définir des valeurs, non pas à partir d'un marché qui n'existe pas ou n'existe
plus, mais à partir de raisonnements par analogie en tenant compte, bien entendu, des lois,
des règlements et de la jurisprudence.
Ce champ d'application est très vaste et le rôle de l'Evaluateur en matière immobilière est
souvent délicat. Il doit être à la fois économiste, juriste et technicien.
L'Evaluateur doit être avant tout un économiste. La "valeur" qu'il doit déterminer n'est
pas une valeur subjective, ni une quelconque valeur intrinsèque mais une valeur vénale1,
la valeur marchande, celle qu'on pourrait obtenir s'il était possible de mettre le bien en
vente sur un marché où pourrait s'exercer normalement le jeu de l'offre et de la demande.
Résultant de la comparaison des utilités et des besoins, d'une part, et de la rareté et des
coûts, d'autre part, le prix est l'expression monétaire de cette valeur et ce que doit
rechercher l'évaluateur, c'est la valeur vénale normale. Le mot vénal signifie "qui peut être
1 La notion même de valeur est susceptible d'entraîner à de vastes réflexions. Les philosophes
distinguent les jugements de réalité et les jugements de valeur. Seuls les premiers présentent un
caractère d'objectivité et d'universalité. Si je dis par exemple: "cette maison est en pierres et occupe une
superficie de 150 m²", je suis dans le domaine des réalités physiques, dans un monde stable où la raison
se reconnaît. Si je dis "cette maison est belle" ou "cet emplacement me paraît de grande valeur", rien ne
m'assure que tous les hommes, dans tous les temps, jugeront comme moi cette maison belle ou cet
emplacement intéressant. L'histoire des villes, l'évolution des techniques et des modes de vie, tout est là
pour nous prouver le caractère forcément subjectif, donc le plus souvent instable et relatif, des valeurs
posées par l'homme vis à vis des choses qui l'entourent.
Pourtant la vie exige la mise en oeuvre, à chaque instant, de jugements de valeur. Vivre c'est toujours de
quelque manière choisir, fonder une hiérarchie de valeurs et chercher à les réaliser qu'il s'agisse de lutter
pour un idéal ou d'accumuler des biens matériels.
Auteur: Yann VIDREQUIN Expert-consultant Domaines
3/227
vendu", la notion de valeur vénale fait donc référence à une possibilité de transaction, à un
marché, et représente la prévision du prix qui pourra être raisonnablement offert et
accepté. Par l'adverbe raisonnablement et l'adjectif normal accolé au substantif valeur, se
trouvent éliminés les cas exceptionnels: convenances particulières ou, au contraire,
absence totale de concurrence du côté des acheteurs conduisant à deux notions
particulières: la valeur de convenance, d'une part, et la valeur à la casse ou valeur de
liquidation, d'autre part2.
Il n'y a donc pas de "valeur en soi", de "valeur théorique" ou de "valeur intrinsèque" mais
une valeur normale définie comme étant une moyenne raisonnable de prix en cas de
marché ou, par analogie, comme étant le prix de l'acquisition d'un bien d'usage analogue
(valeur d'utilité ou valeur de remplacement). Les autres notions recouvrent des réalités
différentes. Nous avons déjà évoqué la valeur de convenance et la valeur à la casse. Le
technicien parle de reconstitution à neuf: c'est le prix de revient actuel d'un immeuble qu'il
est possible de réaliser. La valeur d'assurance, elle, est la valeur de reconstitution
diminuée d'un abattement dit de vétusté compensant en principe l'usure du bien. Quant à
la valeur intrinsèque, on peut la définir comme l'addition d'un prix de terrain et de la valeur
d'assurance. Aucune de ces notions ne correspond à l'objet de notre recherche. Ce que
nous appellerons "valeur", c'est la "valeur normale" telle qu'elle vient d'être définie: valeur
vénale raisonnable en cas de marché, valeur de remplacement pour le même usage en
cas d'absence de marché. C'est cette valeur qui est essentielle pour le calcul et le
diagnostic économique.
L'analyse du marché immobilier ou plutôt des marchés immobiliers, impose la collecte d'un
grand nombre de renseignements, leur classement et leur exploitation sous forme de ratios
d'un maniement aussi pratique que possible pour la mise en oeuvre des techniques
d'estimation. Ces questions seront abordées dans la partie du Guide consacrée à la
documentation immobilière.
Mais de plus en plus à notre époque, l'Evaluateur doit avoir de solides
connaissances juridiques. En matière de droit privé d'abord, depuis les servitudes de
voisinage jusqu'à la réglementation des locations, si importante pour la détermination de la
valeur des biens immobiliers engagés dans une location de nature commerciale, artisanale
ou industrielle.
Spécialiste du droit des locations, l'expert doit également posséder de solides
connaissances de droit public et ceci en deux matières au moins: le droit de l'urbanisme et
2 Tout se vend, c'est une question de prix et de temps!
Les ventes par adjudication, dites "ventes à la bougie", illustrent bien l'importance du facteur temps: la
vente s'arrête lorsque la bougie s'éteint. L'information des acheteurs, limitée à quelques publicités dans
les journaux et la prise de décision réduite à la durée de la flamme d'une bougie sont autant de freins au
libre jeu de l'offre et de la demande. Il n'est donc pas étonnant que l'on constate des décotes sensibles
entre le prix d'adjudication et la valeur vénale amiable. En fait, les principaux intervenants aux enchères
sont des professionnels avertis à l'affût d'une bonne affaire.
A quel prix estimer, en vente sur saisie, un immeuble dont on connaît la valeur vénale? C'est une
question à laquelle les experts immobiliers sont confrontés dans le cadre des procédures contentieuses.
Cette estimation permet de fixer le montant de la mise à prix puis du soutien d'enchères ou d'aider à
choisir entre vente amiable et vente judiciaire.
Finalement, tout revient à déterminer une "probabilité majeure de prix".
Auteur: Yann VIDREQUIN Expert-consultant Domaines
4/227
le droit fiscal. La réglementation de l'urbanisme est le facteur déterminant de la valeur d'un
terrain à bâtir avec les plans locaux d'urbanisme et les règlements des diverses zones
d'aménagement, d'environnement protégé,… La réglementation particulière de
l'expropriation fournit l'exemple de règles de détermination de certaines valeurs qui sont
des règles d'ordre public qui s'imposent au juge, donc fixent, en dernière analyse, le prix
des choses. Et ces règles valent non seulement pour l'expropriation proprement dite mais
aussi pour la fixation unilatérale des prix en cas de préemption puisque le bénéficiaire du
droit de préemption est en droit de faire dire le juste prix par le juge de l'expropriation.
Droit de l'urbanisme et droit de l'expropriation n'épuisent pas les matières de droit public
dont la connaissance s'impose à l'expert. Le droit fiscal et immobilier est lui aussi, de plus
en plus important: un immeuble, par exemple, n'a pas la même valeur selon qu'il est en
régime de T.V.A ou de droits d'enregistrement. La loi sur les plus-values ou d'autres
dispositions fiscales ont d'évidentes répercussions sur le marché de certains biens.
Economiste, juriste, l'Evaluateur est ou doit être aussi un technicien. Il doit savoir
décrire et apprécier terrains, constructions, bâtiments industriels, etc… Il doit être en
mesure de juger des qualités intrinsèques d'un emplacement à bâtir, à géologie plus ou
moins douteuse, des qualités architecturales, de la solidité, de l'équipement et de l'état du
second oeuvre d'une construction.
Cette rapide revue des disciplines intellectuelles que requiert l'estimation des immeubles
pourrait justifier un "menu" fort copieux pour ce Guide consacré à l'Expertise immobilière
puisqu'il s'agit de contribuer à la formation d'un professionnel tout à la fois économiste,
juriste, technicien mais peut-être aussi sociologue sinon devin pour apprécier les rentes de
situation et les chances heureuses ou malheureuses de la propriété compte tenu des faits
présents, des perspectives d'avenir et des intentions fiscales, législatives et politiques.
La difficulté, pour traiter d'une "discipline carrefour" comme l'expertise immobilière, ne
concerne pas la seule présentation de la matière, mais la question de savoir où l'on
s'arrêtera un problème qui ne saurait être résolu à la satisfaction de tous. L'objectif de ce
Guide consiste à présenter les principaux éléments de l'estimation de la façon la plus
simple et la plus claire possible. L'expert chevronné qui a passé des années à accumuler
les connaissances des détails et des nuances de l'économie, du droit ou de la technologie,
aura sans doute l'impression que trop de choses ont été négligées. L'évaluateur débutant
risque de ressentir le contraire. En s'excusant auprès de l'un et de l'autre, l'auteur ne peut
que dire qu'il a beaucoup réfléchi à l'endroit où il devait s'arrêter, en soulignant et en
mettant en relief certains processus de base d'une grande importance conceptuelle et
pratique, et en minimisant des questions mineures d'un intérêt secondaire.
Ce tour d'horizon vous aura montré que les connaissances nécessaires pour mener à bien
un travail d'expertise sont extrêmement variées et beaucoup d'entre elles ne peuvent
s'acquérir que par une longue expérience professionnelle. Il est, en outre, une qualité
essentielle qui ne s'acquiert point et que l'expert doit posséder naturellement: c'est le bon
sens. Le bon sens, c'est à dire la sûreté du jugement alliée à une clairvoyante sagacité,
constitue le guide le plus sûr dans les affaires difficiles Une instruction générale très
complète, un apprentissage aussi sérieux que possible ne peuvent y suppléer. A toutes ces
qualités, nous ajouterons ceci: il faut aussi un esprit souple, qui admette toutes les
Auteur: Yann VIDREQUIN Expert-consultant Domaines
5/227
1 / 228 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !