Le tissage recommencé: une lecture de Marguerite Duras

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Le tissage recommencé: une lecture de
Marguerite Duras
Nilza de Campos Becker
Doutoranda em Letras Modernas (Estudos Linguísticos, Literários e
Tradutológicos em Francês) na Universidade de São Paulo. Mestre em
Literatura e Crítica Literária pela Pontifícia Universidade Católica de
São Paulo e Especialista em Literatura pela mesma instituição.
RESUMO:
RÉSUMÉ:
O presente trabalho propõe-se, a partir do diálogo entre
algumas obras de Marguerite Duras, sobretudo Un
barrage contre le Pacifique, L’amant e L’amant de la
Chine du Nord, constatar a intertextualidade na obra da
escritora, numa perspectiva autobiográfica. Verificaremos
que a autotextualidade é um procedimento característico
na composição de Duras, uma estratégia que denuncia o
caráter paródico da obra. Este trabalho atesta uma prática
constante em Duras: a absorção de diversos elementos de
seus próprios textos literários, habilmente transformados
pela autora, no interior de outras de suas produções
artísticas, atribuindo-lhes, desta forma, novas significações,
prevalecendo contudo, a força de sua escritura
Le présent travail se propose, à partir du dialogue entre
quelques ouvrages de Marguerite Duras, surtout Un
barrage contre le Pacifique, L’amant et L’amant de la Chine
du Nord, de constater l’intertextualité chez l’écrivain, dans
une perspective autobiographique. Nous allons vérifier
que l’autotextualité est un procédé caractéristique dans
la composition de Duras, une stratégie qui dénonce le
caractère parodique de l’ ouevre. Ce travail atteste une
pratique constante chez Duras: l’absorption de plusieurs
éléments des ses propres textes littéraires, habilement
transformés par l’auteur, à l’intérieur d’autres de ses
productions artistiques, en leur attribuant, de cette façon,
de nouvelles significations, en faisant prévaloir, cependant,
la force de son écriture.
PALAVRAS-CHAVE:
MOTS-CLÉS:
Marguerite Duras – autotextualidade – autobiografia –
paródia - transformação
Marguerite Duras – autotextualité – autobiographie –
parodie - transformation
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Elle a cette manie-là, de reprendre toujours l’oeuvre passée, de lui injeter une autre sève, de lui désigner une autre désignation. Elle sait que c’est dans l’inlassable tissage
qu’elle pourra démêler l’histoire vraie de sa vie.
(Alain Vircondelet, in: Duras. Biographie)
INTRODUCTION
Marguerite Duras, au cours de sa trajectoire
d’écrivain, fait usage de l’intertextualité. Il s’agit d’une
stratégie de l’auteur, dans le but de ne pas soumettre son
oeuvre à une typologie, à un genre littéraire spécifique et
d’essayer de “brouiller des pistes” pour assurer un certain
mystère autour de sa vie personnelle, ébranlée par la publication de L’amant.
Une question se pose: quelles seraient les raisons qui
mèneraiennt un auteur à réécrire ses textes qui passent à
acquérir différentes significations à mesure où ils subissent
des transformations, des déplacements? Ce mécanisme de
répétition, évident dans toute l’ouevre de Duras, est significatif.1
L’intertextualité, théorie conçue par Julia Kristeva et
reçue par plusieurs comparatistes comme un instrument
efficace pour le renouvellement de la littérature comparée,
servira de fondement à ce travail.2
Selon Julia Kristeva, “tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout texte est absorption et
transformation d’un autre texte. À la place de la notion
d’intersubjectivité s’installe celle de l’intertextualité...”
(KRISTEVA, p. 68, 2005)3.
Dans ce travail, nous nous proposons de signaler
le caractère parodique de l’ouevre durassienne dans une
perspective autobiographique , d’évaluer comment cet aspect peut être perceptible dans le récit et juqu’à quel point
vie et oeuvre se mêlent et interviennent dans la construction de son écriture. Ainsi, nous allons nous appuyer sur
les idées exposées par Linda Hutcheon (1985), dans Une
théorie de la parodie.
L’AUTOTEXTUALITÉ CHEZ DURAS
D’abord, revenons à la définition du teme “intertextualité”, effectuée par Gérard Genette dans Palimpsestes: La
littérature au second degré. Pour lui, l’objet de la poétique
est la transtextualité, ou transcendence textuelle du texte,
définie par l’auteur par “tout ce qui le met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes”. Genette considère
cinq types d’intertextualité, qui ne sont pas de classes étanches. Bien au contraire, leurs relations sont nombreuses et
déterminantes. À son avis, l’intertextualité est un type de
transtextualité. Il fait mention de Rifaterre qui, selon Genette, définit l’intertextualité d’une manière plus vaste que
lui, dans Palimpsestes, en affirmant que “l’intertexte est la
perception, par le lecteur, de rapports entre une oeuvre ou
d’autres qui l’ont précédée ou suivie” (GENETTE, 1982, p.
7-8).
Un autre type de transtextualité mentionné par Ge-
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nette est l’hypertextualité, qu’il définit de la façon suivante: “J’entends par là toute relation unissant un texte
B (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que
j’appellerai, bien sûr, hypotexte)” (GENETTE, 1982, p. 11).
Dans ce sens, un texte serait dérivé d’un autre texte préexistant. Cette dérivation peut se présenter de deux façons:
un metatexte peut “parler” d’un texte ou le texte B résulter de A en raison d’une transformation. Genette considère l’hypertextualité comme une classe de textes englobant
certains genres canoniques tels que le pastiche, la parodie,
le travestissement.
Marguerite Duras parodie son propre texte. L’ “aveu
autobiographique” s’introduit dès le début de ses écrits,
mais d’une façon indirecte, voilée.
L’intertextualité chez l’écrivain constitue une ressource de composition de texte qui contribue à la réecriture de
son ouevre.4
Dès ses premiers écrits Marguerite Duras pratique l’autotextualité5. Lucien Dällenbach (1979), à partir
des études de Jean Ricardou et Gérard Genette, présente
l’intertextualité autarcique, qu’il nomme autotextualité.
L’autotexte peut se définir comme une “réduplication interne”, qui dédouble le récit (DÄLLENBACH, 1979, p. 52).
En nous reportant à plusieurs textes de Duras dès le
début de sa carrière littéraire, nous allons démontrer que
son écriture est autotextuelle, car l’écrivain pratique la
réécriture sur des textes à elle.
Aliette Armel (1990), en discutant l’autobiographie
chez Duras, avait déjà affirmé:
Marguerite Duras est donc passée de l’autisme à l’autarcie,
d’une écriture obéissant à des lois extérieures, cherchant
hors d’elle même la réponse à ses questions à une forme
autobiographique où elle devient son seul référent, porteuse d’un étrange pouvoir de certitude (ARMEL, p. 53-4).
L’“aveu autobiographique” apparaît constamment à
peine suggeré dans les interlignes. Dans ce labyrinthe, ses
personnages s’éloignent pour se retrouver dans d’autres
livres; ils quittent le monde réel et pénètrent l’imaginaire
avec le même naturel inouï.
Dans ses premiers romans, Les impudents et La vie
tranquille, Marguerite Duras ébauche déjà les thèmes qui
feront partie de son univers littéraire: les rapports d’amour
et de haine parmi les membres de la famille, la folie, la
mort.
Un barrage contre le Pacifique, publié en 1950, a
comme sujet un drame réel vécu par sa famille; l’auteur y
présente plusieurs données autobiographiques. Le roman
parle de la construction d’un barrage contre le Pacifique
qui protégerait la propriété de la mère et celle de ses voisins, de petits paysans de la région qui, en partageant le
rêve de la mère, ont participé à cette aventure. Leur effort
a été inutile: les terres ont été envahies par le Pacifique. La
folie de la mère se manifeste déjà et la rend de plus en plus
obsédée par ses idées. Dans ce livre apparaît un personnage qui aura une grande importance dans l’oeuvre de Duras.
Il s’agit de M. Jo, un jeune homme riche et méprisable qui
habite aux environs et essaie de séduire Suzanne; il serait
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une caricature du Chinois de L’amant. Les éléments autobiographiques sont liés aux thèmes du roman, tels que la
construction et démolition des barrages, les rapports entre
mère et fille, les difficultés financières de la famille, la misère des habitants de la région, la mort précoce des enfants,
la vente de la bague. Malgré cela, l’écrivain se cache sous
le prénom de Suzanne et ses frères se trouvent condensés
dans un seul personnage: Joseph.
En 1954, paraît Des journées entières dans les arbres.
L’histoire d’une vieille dame riche et folle, et de son fils
préféré, nous rappelle la relation de la mère de Duras et de
son fils aîné.
Dans Moderato Cantabile, paru en 1958, Marguerite
Duras essaie de raconter une expérience personnelle. C’est
dans les interviews qu’elle fait des allusions à des leçons
de piano qu’elle imposait à son fis. Anne Desbarèdes, personnage de ce roman, consomme de l’alcool et boit jusqu’à
l’ivresse. L’écrivain, aussi bien que ses personnages, aiment l’alcool; il les aide à oublier leur solitude.
Le ravissement de Lol V. Stein et Le vice-consul
sont publiés en 1964; ils inaugurent “le cycle de l’Inde”.
Les lieux où se déroulent les histoires sont dépourvus de
toute réalité géographique. On y constate la présence de
certains thèmes qui laissent leurs marques dans l’oeuvre
durassienne. La folie a toujours hanté Duras; elle a témoigné la perte de lucidité de sa mère. Lol, ainsi que d’autres
personnages, est victime de la folie.
François Peraldi dans “Les Indes Impossibles”,
nous parle de ce pays lointain et mythique où a lieu
“...l’interminable voyage du retour vers les origines...”
(PERALDI, 1981, p. 121). C’est là où les personnages de
Duras se rencontrent, indépendamment de leur âge, leurs
idées ou de leur condition sociale. C’est là où l’on trouve
Anne-Marie Stretter (personnage créé à partir du souvenir
d’Elizabeth Striedter, femme de l’administrateur général à
Vinh-Long) et son double, la mendiante, dans son éternelle
pérégrination.
L’image de la mendiante est toujours présente chez
Duras et se perpétue dans ses livres. Elle est, selon Madeleine Borgomano, la
cellule génératrice de l’oeuvre entière; (...) l’histoire de
la mendiante indienne resurgit dans le texte et devient
le thème central des livres et des films les plus réussis de
Marguerite Duras: Le Vice-consul, India Song et L’Amour
(BORGOMANO, 1981, p. 481).
La mère lui soigne le pied malade et garde son enfant, qui meurt ensuite. C’est l’histoire de la mendiante que
l’écrivain raconte dans un enregistrement discographique.
Devant la difficulté de continuer le roman Le vice-consul,
elle accepte de parler à l’improviste devant le micro, sur
les difficultés qu’elle trouve pour donner suite à son travail. Cet épisode la libère de toute contrainte et elle finit
son livre.
Dès lors, la pratique de l’interview va l’encourager
à raconter des particularités sur sa vie et son oeuvre,
jusqu’alors inavouées.
Avant la publication de L’amant, elle prenait déjà
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la parole dans les journaux, à la radio ou à la télevision,
sous une certaine réserve pourtant. Dans sa présentation à
Apostrophes, émisssion litttéraire très renommée en France, Duras révèle un remarquable charisme médiatique, qui
l’aide à faire libérer plus aisément la parole autobiographique.
Dans toute sa production artistique, Duras semble
semer le doute, confondre le lecteur ou spectateur, qui ne
saura jamais si les faits présentés correspondent ou non à
la réalité ou s’ils expriment de différents points de vue à
propos des événements vécus par l’écrivain selon chaque
phase de sa vie.
Dans son oeuvre, Duras fait usage de la parodie comme artifice dans la construction du discours.
Malgré les analogies entre L’amant et de L’amant de
la Chine du Nord à l’égard de l’énoncé de Un barrage contre le Pacifique, on pourrait plutôt détecter une dynamique
spéciale dans le procédé de création littéraire chez Duras
qui privilégie une absorption de plusieurs éléments du roman écrit en 1950, subtilement transformés à l’intérieur de
L’amant et de L’amant de la Chine du Nord.
Dans Un barrage contre le Pacifique Duras plonge
dans son passé et revit l’épopée de la mère. Malgré les ressemblances entre les épisodes vécus par l’écrivain et Suzanne, personnage du roman, le texte présente plusieurs
informations qui diffèrent de la réalité de l’auteur. Parmi celles-ci nous pouvons citer la mort prématurée de la
mère, le personnage Joseph qui réunit les caractéristiques
de deux frères de l’écrivain. Il s’agit d’un roman autobiographique, où l’expérience tragique de la mère est mise en
évidence. Duras signe ici le pacte romanesque par “la pratique patente de la non-identité (l’auteur et le personnage ne
portent pas le même nom” (LEJEUNE, 1975, p. 27).
En 1984 Marguerite Duras publie L’amant et inaugure ainsi une période nouvelle dans son écriture. “L’amant
apparaît comme un livre autobiographique”, qui présente, explicitement, des données personnelles de la vie de
l’auteur, jusque-là, parsemées dans plusieurs de ses livres
(ARMEL, 1990, p. 13).
Le but de cette étude n’est pas de discuter si L’amant
doit ou non être considéré comme une autobiographie. Aliette Armel a déjà très bien discuté les contradictions à propos de ce sujet dans Marguerite Duras et
l’autobiographie. Nous allons nous restreindre à mentionner certains déplacements procédés par l’auteur, dans quelques-uns de ses ouvrages, pour mieux attester l’exercice
de l’autotextualité chez l’écrivain.
Quelques personnages de L’amant, dejà parus dans
Un barrage contre le Pacifique sont modifiés: Suzanne devient “l’enfant” qui perd son innocence et découvre un univers jusqu’alors inconnu. M. Jo évolue: l’aspect caricatural
du personnage fait place à un lyrisme et à une fascination
qui séduisent l’enfant et lui font découvrir la jouissance.
Leur relation, plutôt physique, n’exclut pas la tendresse. Le
Chinois est l’élément révélateur qui contribue à la libération de l’enfant. L’écriture durassienne est imprégnée du
désir qui rôde parmi les personnages.
Le récit rétrospectif de L’amant ne suit pas un ordre
chronologique. Le temps de l’imaginaire s’intercale dans le
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temps linéaire. Des histoires parallèles vécues par l’écrivain
dans des moments différents de sa vie s’entrecroisent dans
le récit et sont séparées les unes des autres par des espaces
en blanc.
Selon Mireille Calle-Gruber, “deux dimensions tendent aussi, dans le roman, à rivaliser : avec le récit linéaire,
un effet de réel (synthétique) se produit; avec le récit paradigmatique, un effet d’imaginaire (fragmentaire) ébranle le
premier” (CALLE-GRUBER, 1986, p. 111). La lisibilité du
texte étant compromise, s’installent le silence et le non-dit,
qui constituent une caractéristique de l’écriture durassienne.
Lorsque le narrateur débute son récit, il se situe à
un âge avancé et réfléchit sur les marques laissées par le
temps dans son visage “dévasté”. C’est l’image de soi que
l’écrivain met en évidence au début de L’amant. Plusieurs
images de la jeunesse lui viennent à l’esprit. Ces images
rétrospectives, archivées dans la mémoire se succèdent devant l’auteur comme des photos feuilletées dans un album.
Duras y trouve les souvenirs de la pension à Saigon, les
rêves de la mère à l’égard des souvenirs de ses enfants et
surtout la traversée du bac du Mékong.
Avec cette introduction autobiographique, Marguerite Duras invite le lecteur à participer à ce voyage
vers le passé, vers son “ombre interne”, d’où elle extrait
des faits révélateurs. En pénétrant des zones obscures de
l’inconscient elle fait appel à des réminiscences pour y
trouver l’inspiration pour son travail. Avant L’amant elle
avait déjà écrit sur sa famille d’une façon voilée; elle avait
écrit “autour d’eux, autour de ces choses sans aller jusqu’à
elles”. (DURAS, 1984, p. 14)
D’après Mireille Calle-Gruber, L’amant oscille “entre
l’autobiographie et l’autographie: entre l’histoire de ma vie
et l’histoire de mes écrits” (CALLE-GRUBER, 1986, p. 107).
Le pacte initial signé avec le lecteur atteste, dans ce
livre, l’intention de l’auteur de dire la vérité, de raconter
son histoire personnelle quoique, selon Duras, elle soit
inexistante. “L’histoire de ma vie n’existe pas”. (DURAS,
1984, p.14) On se trouve donc devant les contradictions de
l’auteur qui laisse dans l’air le dessein de confondre le lecteur.
La question de l’identité est un point très controversé
dans l’autobiographie de Duras. Le jeu établi par l’écrivain
autour de l’identité peut être mieux éclairci à la lumière d’autres réflexions faites par Lejeune dans Moi aussi (1986). L’auteur y condamne l’aspect trop normatif du
“Pacte” présenté dans Le pacte autobiographique6.
En adoptant une position plus souple, Lejeune finit
par accepter la difficulté de s’établir des frontières rigidement définies entre “roman autobiographioque” et “autobiographie”.7
L’amant est considéré comme “un tournant dans
l’oeuvre et dans la lecture de l’oeuvre” (ARMEL, 1990, p.
13). L’auteur y présente l’origine de ses personnages. Duras
puise dans son pays natal l’inspiration pour son oeuvre.
Elle en garde des souvenirs tels que l’image d’Elizabeth
Striedter et de la mendiante. Celle-ci apparaît dans Un
barrage contre le Pacifique et devient forte présence dans
L’amant et dans d’autres livres de l’écrivain: “J’ai peuplé
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toute la ville de cette mendiante de l’avenue (...). Elle est
venue de partout. Elle est toujours arrivée à Calcutta, d’où
qu’elle soit venue”. (DURAS, 1984. p. 106). C’est dans ce
pays de son enfance, peuplé de rêves et de cauchemars où
se situe l’image de la mendiante.
Le drame familial est un thème récurrent et qui devient une hantise dans l’oeuvre durassienne. Orpheline à
l’âge de 6 ans, sa famille se restreint à la mère, femme dominatrice avec qui elle a des rapports réticents et contradictoires8, et à ses deux frères. Le frère aîné, voyou et agressif,
mais le fis préféré de la mère, effraie toute la famille, surtout le petit frère. Celui-ci, un garçon fragile, éveille chez sa
soeur un sentiment fort qui dépasse l’amour fraternel. La
mère observe la fille habillée de façon extravagante; selon
la narratrice, elle feint ignorer “cette tenue d’enfant prostituée” car, dans la maison, face à l’extrême misère, l’enfant
“saura peut-être un jour comment on fait venir l’argent
dans cette maison” (DURAS, 1984, p. 33).
Les confidences sur la mère, les châtiments qu’elle impose à sa fille sont exprimés, dans L’amant, par des verbes
dont le contenu agressif augmente progressivement: “elle
est à enfermer, à battre, à tuer...” . Le temps, loin d’atténuer
la forte présence de la famille et surtout celle de la mère, les
transforme en personnages et les perpétue; la mère devient
“écriture courante” (DURAS, 1984, p. 32-8)
Après le succès de L’amant, Marguerite Duras exploite encore la “littérature personnelle” et publie en 1985 La
douleur. L’écrivain affirme l’avoir écrit en 1944. Ce livre,
abandonné dans sa maison de campagne, a été exposé,
pendant des années, aux inondations et a résisté quand
même.
Marguerite Duras fait revivre ce texte grâce à la revue
Sorcières qui lui demande un texte de jeunesse. Ce livre est
divisé en deux parties: la première se présente sous la forme d’un journal et la deuxième contient quatre nouvelles.
Avec La douleur Duras exploite un genre avoisinant
l’autobiographie: le journal intime9. Quant à la dénomination de ce type d’écriture personnelle, on peut le désigner
de plusieurs façons: “jounal intime”, “journal personnel”,
ou tout simplement “journal”. Les journaux ne sont pas
abondants sur le marché car ils ne sont pas écrits pour être
diffusés. Duras a écrit son journal dans un moment difficile
de sa vie; elle l’a fait sans l’intention de le publier. Le texte
aurait pu se perdre s’il n’y avait pas eu la demande de la
revue Sorcières.
L’autobiographie est le récit rétrospectif d’une vie,
alors que le jounal intime présente une légère rétrospection
puisqu’il y a un certain écart entre les événements relatés et
le moment où l’on narre. La rédaction du journal peut être
quotidienne ou intermittente. La discontinuité caractérise
le journal écrit par Marguerite Duras.
L’écrivain inaugure son journal le mois d’avril, en
1945, quand elle est à la recherche de Robert Antelme, son
mari. On ignore le jour où elle commence son journal vu
que rarement elle le spécifie. Pendant quelques jours du
mois d’avril elle raconte sa pérégrination, les dangers auxquels elle s’expose pour découvrir où se trouve son mari.
Il apparaît, dans le récit, sous le nom de Robert L. et sa
femme est, par conséquent, Mme. L. L’usage de la pre-
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mière personne10 prédomine dans La douleur mais n’exclut
pas la troisième.11
Après La douleur, vie et écriture continuent à se confondre: Yeux bleus, cheveux noirs; La pute de la côte normande; Emily L. le témoignent.
Quelques années plus tard Marguerite Duras surprend ses lecteurs et écrit L’amant de la Chine du Nord.
Au premier abord le lecteur pense trouver dans ce livre la
suite de l’autobiographie de l’écrivain ; le titre le suggère.
La rencontre de la jeune fille et du Chinois éternisée dans les pages de L’amant, extrapole le réel et devient mythique. Désormais le Chinois n’existe pas en tant
qu’individu; il perd son existence réel et passe à habiter la
mémoire de l’écrivain et les pages de ses livres.
L’amant de la Chine du Nord, écrit sous la forme
d’un scénario, présente un avant-propos. Dans ce texte,
l’écrivain transmet une information importante: la nouvelle
de la mort du Chinois, qui l’encourage à réécrire l’histoire
déjà présentée à L’amant, cette fois-ci, à la troisième personne. Dès que Marguerite Duras prend connaissance de
sa mort, elle ne le considère plus un simple personnage.
Elle réinvente leur histoire.12
D’un livre à l’autre, le mécanisme de déplacement
se montre évident, surtout à l’égard du point de vue, émis
dans L’amant de la Chine du Nord par le narrateur, qui
raconte l’histoire du Chinois et de l’enfant. Dans ce paratexte, l’auteur ne nomme pas l’enfant; “elle”, (l’enfant),
“n’était pas encore là dans L’amant, le temps manquait
autour d’eux” (DURAS, 1991, p. 11). Le temps a édulcoré l’histoire et transformé les réminiscences de l’auteur.
Dans sa mémoire, l’image du Chinois s’immortalise et leur
histoire reste figée. La nouvelle de sa mort devient pour
l’écrivain une motivation pour reprendre son passé et le
transmettre sous une autre couleur.
LA PARODIE DANS LA CONSTRUCTION
DU DISCOURS
Très intuitive, la jeune fille de L’amant manifeste déjà,
à l’âge de quinze ans la volonté d’écrire: “Déjà je l’ai dit à
ma mère: ce que je veux c’est ça, écrire”. La mère n’accepte
pas: “Elle est contre, ce n’est pas méritant, ce n’est pas du
travail, c’est une blague – elle me dira plus tard: une idée
d’enfant” (DURAS, 1984, p. 29). Le besoin de transmettre
ses expériences par l’écriture est plus fort; elle arrive à
affirmer sa vocation d’écrivain. Dans l’avant-propos de
L’amant de la Chine du Nord, l’écrivain réfléchit encore
sur son écriture, en avouant: “Je suis redevenue un écrivain
de romans” (DURAS, 1991, p. 12). On est ici devant le “langage qui parle d’un autre langage”.13 Appuyés sur l’idée
de transtextualité, presentée par Affonso Sant’Anna, nous
signalons, alors, l’aspect parodique de L’amant de la Chine
du Nord par rapport à d’autres textes de Duras.
Pour miex comprendre cette définition de la parodie,
remontons à l’étymologie du mot, présentée par Genette,
pour qui la parodie “serait le fait de chanter à côté, donc
de chanter faux, ou dans une autre voix, en contrechant –
en contrepoint -, ou encore de chanter dans un autre ton:
100
déformer, donc, ou transposer une mélodie”. (GENETTE,
1982, p. 17)
Olga de Sá considère la parodie comme écriture de
connotation, qui offre, ainsi, outre son signifié immédiat,
un “signifié second, le texte parodié, et peut être également
décrite comme métalangage; elle est un discours qui prend
pour objet un autre discours (...) La parodie manifeste la
duplicité d’un attrait et d’un refus”14 (SÁ, 1993, p. 25).
Linda Hutfheon, dans Une théorie de la parodie développe une conception moderne de la parodie, qui gagne
plus grand ampleur et, dans certains cas, se trouve exemptée d’une connotation péjorative. “Le monde contemporain
paraît fasciné par la capacité que nos systèmes humains
ont pour se référer à eux mêmes dans un procédé incessant
de réflexivité”, affirme Hutcheon. L’intérêt contemporain
pour la parodie advient de cette interrogation moderne autour de l’auto-référence et l’autolégitimation. (HUTCHEON, 1985, p. 11,12,17)15
Un autre point à considérer: selon Hutcheon, Genette refuse n’importe quelle définition de transtextualité qui
dépende du lecteur, vu qu’il rejette la dimension hermeneutique du terme. Toutefois, lorsque Hutcheon discute la
parodie, elle ne se reporte pas seulement à deux textes qui
ont des rapports entre eux, mais à des facteurs tels que:
l’intention de l’auteur au moment de parodier l’oeuvre;
l’effet sur le lecteur; sa capacité de lecture pour interpréter
l’oeuvre, l’identification du texte de fond et la codification
et décodification de la parodie.D’autre part, elle affirme
que le texte cible de la parodie est une autre oeuvre d’art,
ou une autre forme de discours codifié. N’oublions pas que
l’oeuvre de Duras comprend aussi le théatre et le cinéma.
On peut détecter, chez Marguerite Duras, une certaine ironie dans la façon comment elle travaille l’ écriture,
transfigure les personnages en forgeant son jeu autobiographique. Pour Hucheon, le sens ironique advient non
seulement du remplacement du dit par le non-dit, mais
de l’interaction des deux, en créant dans le texte d’autres
significations. Le lecteur, à son tour, doit être capable de
“saisir” l’ironie, grâce à des informations sous-jacentes
contenues dans le texte.
L’inversion ironique constitue une caractéristique de
la parodie. (HUTCHEON, 1985, p. 18). L’ironie peut comprendre simultanément l’inclusion et l’exclusion, en suggérant la complicité ainsi que l’éloignement. (HUTCHEON,
1985, p. 87). L’usage de la première personne, intercalée à
la troisième, reflète l’ambiguité de la parole autobiographique et montre le degré de proximité ou d’éloignement de
l’expérience vécue. En remontant à son passé, si certains
détails échappent à la narratrice, elle les invente.16 L’ironie
durassienne prend aussi en considération le contexte.17
Plusieurs transformations ont lieu lors de la réécriture de L’amant . En composant son récit, Duras a accès au
“labyrinthe du temps”. Elle remonte à L’Indochine de son
enfance et à Saigon, si prodique de souvenirs qui, à mesure
où ils se transportent à l’univers fictif de l’écrivain, ne lui
appartiennent plus. Dès lors, à chaque production artistique, les souvenirs sont susceptibles d’être métamorphosés.
L’amant de la Chine du Nord serait aussi une réécriture du film L’amant de Jean-Jacques Annaud, basé sur le
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livre de Duras qui porte le même nom et réalisé à l’époque
où l’écrivain était malade. Mécontente du résultat du travail d’Annaud, elle écrit L’amant de la Chine du Nord
qui constitue une réponse au film tel qu’il a été conçu et
aussi un essai de réinventer une autobiographie déjà créée.
Ici, au lieu de renforcer l’aspect autobiographique, Duras
transfigure son passé et enjolive les êtres qui le peuplent.
Dans L’amant de la Chine du Nord Duras utilise un
procédé récurrent dans son oeuvre: partant des données
connues du lecteur, elle les organise de façon différente et
réalise une réécriture autotextuelle. Plusieus oeuvres de
Duras ont été adaptées au cinéma. Le film se présente comme une “voix double”, capable de lire le texte autrement et
d’exprimer ce qu’il y en a d’indicible.
ll ne s’agit pas, dans cette étude d’établir un dialogue
entre le texte littéraire de Duras et son adaptation filmique, puisque chacun a un code spécifique, mais de constater que le cinéma aide l’écrivain à transmettre avec plus
d’acuité son expression artistique, de façon à compléter, ou
à présenter d’autres aspects par rapport à ce qui a été transmit par l’écriture.
Il faut remarquer que L’amant de la Chine du Nord
est un mélange de roman et scénario, en se situant dans
une zone intermédiaire qui marque le passage du littéraire
au filmique. L’auteur n’arrive pas à définir le genre dans les
premières pages du livre.
Marguerite Duras affirme qu’il s’agit à la fois d’un
livre et d’un film.18 L’écrivain fait usage d’un langage filmique et révèle son intention d’écrire un scénario.19
L’amant de la Chine du Nord contient plusieurs
informations pour le tournage d’un film. Dans les notes
en bas de page, Duras présente des suggestions pour
l’élaboration d’un film, introduites par les expressions: “en
cas de cinéma”, “dans le cas d’un film” 20.
L’art cinématographique se fait sentir dans tout le livre. Lorsqu’on visualise le départ de l’enfant de la garçonnière et on entend le bruit de la serrure, on a l’impression
que la caméra exploite la solitude de l’endroit, ce qui rend
évident la rupture définitive des amants.21
Comme dans d’autres ouvrages, vie et écriture se confondent. Des données autobiographiques sont présentées
de façon contradictoire; l’on ignore où est la vérité. L’enfant
invente des histoires et quelquefois ne s’en rend pas compte.22 Dans son univers rêve et réalité s’amalgament en raison de l’inexistance de frontières entre eux. L’enfant ignore
si l’histoire qu’elle raconte est réelle ou le fruit de son imagination. L’enfant a peur: la folie et le Chinois l’effraient.
En réinventant son histoire, Marguerite Duras risque
de la changer, trahie par sa mémoire ou par le désir de détourner la vérité.
Duras écrit L’amant de la Chine du Nord dans le
sillage de L’amant; ce texte-là serait donc, une parodie
de celui-ci. L’auteur reprend la thématique du couple, en
l’adaptant à un autre contexte et en lui donnant une autre signification. Dans la publication de 1991 l’écrivain restreint son histoire à l’expérience sexuelle du jeune couple
et la présente sous un angle plus optimiste. L’histoire
d’amour y devient prépondérante. Ainsi, les personnages
sont embellis, la sévérité et la folie de la mère sont atténuéés
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et l’atmosphère paradisiaque est mise en relief. Le désir y
circule librement sans crise de conscience ni remords. Les
dialogues y sont abondants et constituent une pratique
courante, contrairement à L’amant où les dialogues sont
inexistants.
Quelques personnages conflitants dans L’amant se
transforment, dans L’amant de la Chine du Nord, en personnages plus délinéés, plus idéalisés.
De la limousine noire est sorti un autre homme que celui
du livre, un autre Chinois de la Mandchourie. Il est un peu
différent de celui du livre: il est un peu plus robuste que
lui, il a moins peur que lui, plus d’audace. Il a plus de beauté, plus de santé. Il est plus pour le “cinéma” que celui
du livre” (DURAS, 1991, p. 35-6).
L’implosion de sentiments, caractéristique de
L’amant ne se répète pas dans sa réécriture. Dans L’amant,
consciente de la grande attraction que le Chinois porte vers
la jeune fille, la narratrice affirme constamment sa supériorité par rapport à lui:
...il dit qu’il l’aime comme un fou, il le dit tout bas. Puis,
il se tait. Elle ne lui répond pas. Elle pourrait répondre
qu’elle ne l’aime pas. Elle ne dit rien. Tout à coup elle sait,
là, à l’instant, elle sait qu’il ne la connaît pas, qu’il ne la
connaîtra jamais, qu’il n’a pas les moyens de connaître tant
de perversité (DURAS, 1984, p. 47-8).
Dans L’amant de la Chine du Nord, les personnages subissent des transformations radicales et extravasent
constammment leurs émotions. Dans ce roman, la jeune
fille se sent affectivement liée au Chinois.
“Elle dit:
- J’aurais aimé qu’on se marie. Qu’on soit des amants
mariés” (DURAS, 1991, p. 105).
CONSIDÉRATIONS FINALES
Les données autobiographiques, dans l’oeuvre de
Duras, nous sont transmises de façon fragmentaire. La pratique de l’autotextualité assume les proportions d’un jeu
autobiographique, en attestant le caractère inépuisable de
l’oeuvre et l’ouverture à plusieurs significations.
En transitant entre le langage littéraire ou filmique
Duras réalise, selon Marie-Claire Ropars-Wuilleumier, une
écriture sémiotique. Dans Écraniques, affirme Ropars que
l’intervention du cinéma dans le domaine littéraire oblige
l’oeuvre à se soumettre aux éxigences d’un autre langage.
La réécriture, sous la forme filmique, rend l’oeuvre ouverte
“à une autre dimension, sémiotique et non plus linguistique, de l’écriture” (ROPARS-WUILLEUMIER, 1990, p.
178).
D’après
Maria
Cecília
de
Moraes
Pinto,
l’autobiographie-acte illocutoire (pacte, accord), est susceptible à des changements, ainsi que les autres phénomènes culturels. En discutant l’autobiographie, Moraes Pinto
101
affirme qu’on ne parle pas “d’une essence ou nature de
l’autobiographie, mais d’un mode d’existence, d’une pratique qui (...) se transforme” (PINTO, 1994, p. 42).
Pendant son parcours comme écrivain, Duras produit
une ouevre de caractère parodique dont la signification
se renouvelle constamment et se caractérise surtout par
l’inachèvement. D’une part, il s’agit d’un procédé de création littéraire grâce auquel l’auteur révèle certains traits
autobiographiques issus de réminiscenses transfigurées
par l’imaginaire. D’autre part, Duras trouve dans le lecteur
un partenaire, lui aussi libre de réaliser sa propre lecture
et d’attribuer, à partir du non-dit, d’autres significations à
l’écriture de l’auteur. Ce qui intéresse vraiment à l’écrivain
c’est l’acte d’écrire, de produire une “écriture courante”,
“fantasmatique”, selon l’expression de Madeleine Borgomano, peuplée d’ innombrables images, hantées par une
multiplicité de voix.
Dans certains passages de son oeuvre l’écriture a la
valeur d’une catharsis, au sens aristotélicien du terme.
Dans L’amant, ainsi s’exprime l’auteur:
Le petit frère est mort en trois jours d’une broncho-pneumonie, le coeur n’a pas tenu. C’est à ce moment-là que j’ai
quitté ma mère. (...) Elle est morte pour moi de la mort de
mon petit frère. De même que mon frère aîné. Je n’ai pas
surmonté l’horreur qu’ils m’ont inspirée tout à coup. Ils ne
m’importent plus. Je ne sais plus rien d’eux après ce jour.
(...) Un jour ils ne sont plus venus. Je les vois. Ils sont assis dans le petit salon de Sadec, habillés de pagnes blancs,
ils restent là sans un mot, des mois, des années. (...) Ils
sont morts maintenant, la mère et les deux frères. Pour les
souvenirs aussi c’est trop tard. Maintenant je ne les aime
plus. Je ne sais plus si je les ai aimés. Je les ai quittés. (...)
C’est fini, je ne me souviens plus. C’est pourquoi j’en écris
si facile d’elle maintenant, si long, si étiré, elle est devenue
écriture courante.” (1984, p. 37-8)
Nous constatons, donc, par cette étude, que l’oeuvre
de Marguerite Duras se plie sur elle même, en se réfléchissant constamment. Dans cette mouvance, des fragments
épars signalent, chez l’auteur, un désir de se mettre à nu,
de s’exposer, mais révèlent aussi le plaisir de jouer, d’abolir
les transparences, de construire un langage symbolique
prégnant de duplicité qui s’esquive et se dévoile en se complaisant dans un jeu autobiographique plein de contradictions, qui s’affirme toutefois pour faire prévaloir avant tout
la force d’une écriture qu’elle nomme “courante”.
NOTAS
1 Selon Laurent Jenny, l’intertextualité, menée au dernières conséquences, peut provoquer la désintégration du récit aussi bien que
celle du discours (JENNY, 1979, p. 28).
2 L’avènement de plusieurs théories au cours du XXe. siècle, telles que celles de Bakhtine, Kristeva, Tiniánov (dialogisme, intertextualité, évolution littériare) contribue à la transformation des
presupposés et des objectifs concernant la littérature comparée.
(PERRONE-MOISÉS, 1990, p. 92)
“L’intertextualité, concept clé (emprunté à Bakhtine), est introduite
parce que J. Kristeva juge insuffisante l’analyse transformationnel-
102
le, ‘complice de la pensée du signe’, dichotomique, ne valant que
pour une structure close”, affirme Jean-Yves Tadié (TADIÉ, 1987,
p. 223).
3 “... todo texto se constrói como mosaico de citações, todo texto é
absorção e transformação de um outro texto. Em lugar da noção de
intersubjetividade instala-se a de intertextualidade” (KRISTEVA,
p. 68, 2005).
4 Maria Cecília de Moraes Pinto constate dans l’ouevre durassienne “um vaivém entre ficcção e realidade difícil de se delimitar.
Marguerite Duras escreve à sombra de si mesma e de seu sucesso,
desconstruindo”. (PINTO, 1992, p. 225)
5 Lucien Dällenbach, dans Intertexte et autotexte, remonte au coloque de Cerisy, dirigé par Jean Ricardou, où l’on établit une distintion entre intertextualité générale qui comprend des rapports intertextuels entre textes d’auteurs différents, et intertextualité restreinte
qui concerne des rapports intertextuels entre textes du même auteur (DÄLLENBACH, p. 51-76, 1979).
6 “L’indéniable aspect normatift du ‘Pacte’ tient essentiellement à
la présentation tranchée du problème de l’identité. Persuadé que
le repérage de l’identité et de ses marques était d’une importance
capitale dans le champ que j’explorais (et j’en suis toujours persuadé), j’ai eu tendance à durcir en une opposition de ‘tout ou rien...”.
(LEJEUNE, 1986, p. 20)
7 “...du ‘mentir vrai’ à ‘l’autofiction’, le roman autobiographique
littéraire s’est rapproché de l’autobiographie au point de rendre
plus indécise que jamais la frontière entre les deux domaines”.
(LEJEUNE, 1986, p. 24)
8 “Dans les histoires de mes livres qui se rapportent à mon enfance,
je ne sais plus tout à coup ce que j’ai évité de dire, ce que j’ai dit, je
crois avoir dit l’amour que l’on portait à notre mère mais je ne sais
pas si j’ai dit la haine qu’on lui portait aussi...” (DURAS, 1984, p. 34)
9 Le journal, “comme son nom l’indique, s’écrit au jour le jour et
n’embrasse dans chacune de ses inscriptions que ce qui a intéressé
la brève période écoulée depuis l’inscription prédédente; tandis
que l’autobiographie, ou, si l’on veut, les mémoires autobiographiques, embrassent, eux, l’ensemble d’une vie et sont donc écrits
après que celle-ci s’est en grande partie écoulée” (MAY, 1979, p.
145).
10 “Je me réveille dans le noir. J’allume”. (DURAS, 1985, p. 47)
11 “Elle n’essaye plus d’arracher le téléphone. Elle est par terre,
tombée”. (DURAS, 1985, p. 47)
12 “Je n’avais pas imaginé du tout que la mort du Chinois puisse
se produire, la mort de son corps, de sa peau, de son sexe, de ses
mains. Pendant un an j’ai retrouvé l’âge de la traversée du Mékong
dans le bac de Vinh-Long” (DURAS, 1991, p. 11-2).
13 D’après Romano Affonso de Sant’Anna “... a arte contemporânea se compraz num exercício de linguagem onde a linguagem
se dobra sobre si mesma num jogo de espelhos”. L’auteur discute
la parodie comme “efeito metalinguístico (a linguagem que fala
sobre outra linguagem) et distingue “a paródia de textos alheios
(intertextualidade) assim como a paródia dos próprios textos (intratextualidade)” (SANT’ANNA, 1985, p. 7-8).
14 “A paródia, considerada como escritura de conotação, oferece,
além de seu significado imediato, direto, um significado segundo,
o texto parodiado, e pode ser igualmente descrita como metalinguagem; ela é um discurso que toma por objeto um outro discurso;
é uma operação no sentido lógico do termo. A paródia manifesta
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a duplicidade de uma atração e de uma recusa” (SÁ, 1993, p. 25)
RÉFÉRENCES
15 “O mundo moderno parece fascinado pela capacidade que os
nossos sistemas humanos têm para se referir a si mesmos num
proceso incessante de reflexividade” (HUTCHEON, 1985, p. 11)
Hutcheon ajoute que Une théorie de la parodie se situe dans le contexte des théories de l’intertextualité. Elle se reporte à Palimpsestes
(GENETTE, 1982), qu’elle considère comme l’un des travaux les
plus importants pour l’étude de l’intertextualité. Cependant, elle
s’oppose à Genette car il limite la parodie aux modes satiriques
ou récréatifs.
ARMEL, Aliette. Le jeu autobiographique. Le magazine littéraire,
Paris, n. 278, juin. 1990.
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BORGOMANO, Madeleine. “L’histoire de la mendiante indienne”. Poétique, Paris: Seuil, n. 48, novembre 1981.
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PERALDI, François. Les Indes Impossibles. In: Marguerite Duras à
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VIRCONDELET, Alain. Duras. Biographie. Paris: François Bourin,
1991.
16 “Je ne me souviens pas des chaussures que je portais ces années-là mais seulement de certaines robes (...). Ce jour-là je dois
porter cette fameuse paire de talons hauts en lamé or. Je ne vois
rien d’autre que je pourrais porter ce jour-là, alors, je les porte”
(DURAS, 1984, p 18).
17 “... a ironia pungente que se manifesta na descrição das crianças
nativas... Aos bandos como pássaros, elas perturbam o fluxo dos
automóveis na estrada: morrem atropeladas e criam para os motoristas (aqueles que se detêm) alguns problemas de consciência”
(PINTO, M.C.Q.M., 1994, p. 43).
18 “C’est un livre. C’est un film. C’est la nuit” (DURAS, 1991, p. 17).
19 “Dans le film, on n’appellera pas le nom de cette valse. Dans le
livre ici on dira: La Valse Désespérée. (...) La caméra balaie lentement ce qu’on vient de voir puis elle se retourne et repart dans la
direction qu’a prise l’enfant” (DURAS, 1991, p. 21).
20 “En cas de cinéma on aura le choix. Ou bien on reste sur le visage de la mère qui raconte sans voir. Ou bien on voit la table et les
enfants racontés par la mère. L’auteur préfère cette dernière proposition. (DURAS, 1991, p. 28)
21 “Elle se lève. Elle éteint la lumière. Elle sort. On reste là où elle
était. Ça s’éteint dans la garçonnière.On entend la clé dans la serrure. Puis le moteur de la Léon Bollée. Puis son éloignement, sa dilution dans la ville” (DURAS, 1991, p. 173).
22 “Tu inventes... Comment tu sais ça?
L’enfant a peur. Ment-elle? Elle ne sait plus comment elle sait ça,
si elle ment ou non elle ne sait pas” (DURAS, 1991, p. 108).
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