
Lecture critique et contributive du rapport de Steven Hearn – septembre 2015 4
1 Contexte : création vs économie
En France, la culture est abordée de façon duale : création artistique d’un côté, économie du
divertissement de l’autre. Cette approche – parfois entretenue à dessein – est artificielle et
inexacte.
Elle est surtout abordée de façon floue, indéfinie, voire parcellaire, y
compris en termes de langage. Ce que nous dit Larousse du terme
« culture » est : « ensemble des coutumes, des manifestations
intellectuelles, artistiques, religieuses qui caractérisent un groupe de
personnes. ». Il serait plus juste de noter qu’en France, à l’intérieur
même de la définition écrite relevant de l’usage de la langue, coexiste un
usage du terme sur des modes de représentation, et qui permet de ne
concevoir à certains moments et certains endroits la culture que comme
le champ des manifestations artistiques et de leur déclinaison/circulation
au sein de la société.
Partant de cette première fragmentation, l’on glisse peu à peu, et c’est
ainsi que le rapport débute, vers une autre fragmentation des
représentations entre ce qui relèverait d’une création artistique censée
participer à l’élévation de l’individu, et détachable ou détachée de
relations objectives à l’économique, et des processus permettant
l’élaboration de produits culturels consommables, vus comme réduisant
la capacité individuelle d’émancipation. Ce n’est donc pas la CULTURE
qui est abordée en France de façon duale, mais la relation à la mise en
économie de la création artistique. Il est à mon sens dommageable à la
compréhension du rapport d’avoir en même temps posé dans le titre du
contexte les termes permettant d’aborder cette dualité, mais d’en avoir
immédiatement complexifié la compréhension en intégrant la
dangereuse idée sémantique de culture.
Il eût été préférable ici de pointer la véritable dualité en œuvre : celle qui
fait coexister dans des processus économiques des échanges de valeur
ajoutée dans des apports matériels et des actes de création non
mesurables économiquement sans lesquels pourtant une grande part
des échanges du secteur économique culturel n’auraient pas lieu.
Ainsi, adoptant des postures tranchées, les acteurs du secteur culturel se font face : culture
strictement désintéressée des équilibres économiques d’un coté, management et rentabilité de
l’investissement industriel de l’autre.
Cela revient aussi à dissocier à l’intérieur d’une même entreprise les
pôles de recherche et investissement dont les modélisations
économiques ont par nature un rapport complexe à la rentabilité. S’il est
judicieux d’admettre que les « acteurs » concernés peuvent aujourd’hui
se faire face en termes de posture sur cette question, il est tout aussi
pertinent de rappeler qu’au-delà des acteurs existent des réalités et des
processus qui, loin d’être en contradiction, se révèlent souvent en
situation d‘imbrication délicate. C’est ce que Steven Hearn me semble
formuler quelques lignes plus bas sous le terme de dynamique
commune.
Entre une approche progressiste et contemporaine et une approche archaïque d’un secteur
assisté, il n’y a certainement pas à choisir.
Encore faudrait-il que l’auteur nous dise à qui ou quoi il pense ici, quelles
sont les références qu’il veut nous partager. Lorsque je roule sur des
routes de campagne, en effet mon choix est vite fait entre un vélo récent
dont les matériaux sont de pointe et une draisienne vaguement retapée
dénichée dans une brocante !