Une morsure de chien, une plaie pas commune dans un centre oncologique
Daniëlle Declercq, Infirmière clinicienne en soins de plaies et cicatrisation;
Institut Jules Bordet, Centre des tumeurs de l’université libre de Bruxelles, Belgique
Dans un centre oncologique, il n’est pas fréquent de voir des plaies liées à une morsure. Une patiente s’est
présentée dans notre institution pour une prise en charge de la morsure. Il me semblait intéressant de revoir la
littérature à ce sujet afin de pouvoir prendre en charge cette patiente de façon optimale.
Introduction
La Belgique compte selon les derniers chiffres 1 064 000 chiens (2004). L’incidence de morsures de chiens y est
d’1 % (chiffres 2001). Le pic d’incidence se trouve chez les jeunes enfants (5-9ans) dont 50 % souffrent d’un
traumatisme psychologique après la morsure. Dans 32% des cas il s’agit d’une morsure du chien ‘familial” et dans
38% des cas la morsure nécessite une prise en charge médicale.
Clinique
Les dents et la mâchoire du chien sont conçues pour écraser et déchirer leur proie. Les plaies qui en découlent
sont caractérisées par des écrasements, lacérations et abrasions. Une plaie de morsure de chien est souvent
profonde et toujours contaminée. La microbiologie montre une flore poly bactérienne, fonction de la flore buccale
du chien. La prise en charge de la morsure nécessite donc une approche multidisciplinaire axée sur le risque
infectieux. Les facteurs de risque pour le développement d’une infection sont: plaie punctiforme, plaie
d’écrasement, plaies de mains, pieds et visage, pénétration jusqu’aux tissus sous jacents (os, articulation, tendon,
vasculaire), prothèse articulaire, prise en charge tardive ( > 8h) et immunodépression.
Anamnèse
La prise en charge débute par une
anamnèse complète
: terrain, antécédents (splénectomie, cirrhose,
immunodépression), allergies, statut vaccinal, circonstances et heure de survenue, traumatismes associés, type de
chien et son statut vaccinal. Ensuite, un
examen clinique
complète la prise en charge initiale : statut vasculaire,
neurologique, osseux, tendineux, et présence de corps étrangers.
Plan de traitement
Il y a peu de bases scientifiques pour la prise en charge des morsures. Les traitement sont basés sur des
recommandations d’experts.
•
Traitement antibiotique prophylactique
: seulement dans les morsures « à risque » et les patients « à risque ».
•
Immunisation
: Prophylaxie tétanique et éventuellement rabique
•
Prise en charge locale
: •Irrigation abondante à l’eau courante ou du sérum physiologique • Nettoyage et
enlèvement des corps étrangers (dents) • Débridement des tissus non vitaux • cicatrisation par seconde intention si
possible • Surélévation du membre • Frottis microbiologique uniquement si signes cliniques • Surveillance
rapprochée les premiers jours
Cas clinique
Femme de 65 ans attaquée par un chien errant en se promenant dans le parc avec son petit fils. La patiente est
soignée dans un premier temps aux urgences d’un autre hôpital. La patiente est en ordre de vaccination
tétanique et en bon état général. L’imagerie exclut toute atteinte osseuse, tendineuse et vasculaire. La patiente n’a
pas d’antécédents particuliers ni de maladie vasculaire pouvant entraver la cicatrisation. Une antibiothérapie
prophylactique est débutée et continuée jusqu’au dixième jour (J10). Elle se présente chez nous J5 après la
morsure pour avis chirurgie plastique car l’aspect de la plaie l’inquiète.
Elle présente une plaie en arcade de 5 cm de longueur sur la partie distale de la jambe gauche sans perte de
substance initiale, mais présentant une souffrance sur 6 cm en largeur. Elle est profonde de 5 cm sur toute la
longueur de la plaie. On note aussi 2 plaies punctiformes à distance de la grande plaie. Elle présente également
une énorme ecchymose allant du pied jusqu’au creux poplité. Des soins locaux par irrigation au PVP-I et
application de Flaminal Hydro® sont réalisés de façon bi journalière. Une rougeur étendue apparait au J7 autour
de la plaie punctiforme la plus distante. Un débridement chirurgical est programmé au J12. Entretemps on
continue les soins locaux au PVP-I et Flaminal Hydro®. Après le débridement qui n’a pas mis d’abcès en
évidence, les irrigations au PVP-I sont remplacées par des irrigations au sérum physiologique et l’application du
Flaminal Hydro® est continuée jusqu’à cicatrisation complète au J45.
Le résultat esthétique est acceptable pour la patiente et il n’y a pas de séquelle fonctionnelle.
Jour 3
Jour 3
Jour 7
Jour 30
3 mois
Conclusion:
La prise en charge d’un patient avec une morsure nécessite une prise en charge multidisciplinaire et une vigilance particulière au niveau infectieux. En
appliquant des soins corrects on a obtenu une cicatrisation complète après 6 semaines et un résultat fonctionnel et esthétique acceptables pour la patiente.
Références:
Morgan M.; Palmer J.;Dog bites; BMJ 24 February 2007 Volume 334; 413-417
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Dendle C.; Looke D; Review article: Animal bites: An update for management with a focus on infections; Emergency Medicine Australasia 2008; 20, 458–467
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De Keuster T.; Lamoureux J; Kahn A.;Epidemiology of dog bites: a Belgian experience of canine behaviour and public health concerns; Vet J. 2006 Nov;172(3):482-7
Jour 12