La problématique de gestion des aires protégées en Afrique centrale

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La problématique de gestion des aires protégées en Afrique centrale :
le cas du parc national de Lope-Okanda au Gabon
Richard NDÉMANOU
Chef de Division Environnement, Société Africaine d'Expertise
Cameroun
1. LE CONTEXTE DE LA CONSERVATION EN AFRIQUE CENTRALE
1.1 Richesse de la biodiversité en Afrique centrale
Avec 6 % des forêts qui existent encore dans le monde, et 35 % des forêts restantes en Afrique, le Bassin du Congo
est d’une importance vitale pour la conservation de la diversité biologique (FRA 2000). Abritant la plus importante
richesse en espèces du continent, les forêts de la région « guinéo-congolaise » en font une région exceptionnelle au
niveau mondial, qui exige l’attention particulière de la conservation. La région regorge d’espèces végétales et
animales, comprenant des grands mammifères très spectaculaires tels les gorilles, les chimpanzés, les mandrills, les
éléphants, les buffles, les bongos, les okapis, et des oiseaux de forêt tels que les aigles, les perroquets gris ou les
calaos. Aujourd’hui, les larges portions intactes de forêt tropicale qui subsistent en Afrique centrale sont celles qui
offrent les meilleures possibilités de protéger des communautés entières de grande faune tropicale. La
conservation de ces forêts n’est pas seulement critique pour la sauvegarde de la faune sauvage, mais aussi pour les
65 millions de personnes qui trouvent dans la forêt leur source première de protéines animales, des plantes
sauvages, du bois et d’autres produits (Aubé 1996). Elle est aussi cruciale pour la communauté mondiale dont le
bien-être dépend directement ou indirectement du bon état de la forêt, de ses diverses fonctions écologiques et
économiques, et des mécanismes climatologiques globaux qui en dépendent.
Les forêts tropicales qui recouvrent la plus grande partie de la région sont très hétérogènes et comprennent de
nombreux types forestiers différents comme des mangroves, des forêts côtières, des forêts marécageuses, des
forêts denses de basse altitude et des forêts de montagne. Chacun de ces types, y compris diverses caractéristiques
locales comme les inselbergs ou les clairières naturelles, présente des communautés d’espèces et des phénomènes
écologiques uniques. En raison de sa vaste étendue et des accès difficiles, de grandes portions du Bassin du Congo
sont restées inexplorées par les scientifiques; il est dès lors impossible de fournir une description quantitative de
toute la biodiversité de la région. Cependant, même si la connaissance de la région, basée sur les données
disponibles, reste incomplète, on sait que la richesse et le degré d’endémisme des groupes de plantes et d’animaux
sont extrêmement élevés. Étant donné les multiples menaces qui pèsent sur les régions forestières de la région, la
communauté internationale peut, à juste titre, s’inquiéter du fait que de nombreuses espèces ou communautés
pourraient disparaître avant même d’avoir été décrites.
1.2. Réseau et statut des aires protégées
On se rend généralement compte du fait que, même s’il est protégé efficacement, le réseau actuel des aires
protégées ne pourra pas garantir le maintien de toutes les espèces et les communautés de la région parce que la
représentation écologique n’y est pas complète. Un récent exercice stratégique destiné à évaluer les priorités en
matière de conservation biologique de la région (atelier de Libreville, 30 mars – 2 avril 2000 ; WWF, 2001) a révélé
des failles dans l’actuel réseau d’aires protégées et dans le support des projets internationaux de conservation qui
ne concordent pas parfaitement avec les plus importantes priorités en matière de conservation identifiées selon
des critères biologiques. Le rapport du WWF recommande de réaliser une évaluation, au niveau de la région, de
l’efficacité de la gestion des sites actuellement conservés, une évaluation du réseau d’aires protégées (AP) de la
région, de la valeur de certaines AP existantes et des ajustements des systèmes nationaux des AP. En effet, on a
constaté que de nombreuses zones dont la conservation exige un niveau élevé de priorité n’étaient pas assez
connues, ne jouissaient d’aucun statut de conservation et n’étaient soutenues par aucun projet de conservation.
La pression croissante exercée par divers facteurs (chasse, pêche, coupes de bois, routes, exploitations minières,
extensions agricoles, exploitation de pétrole et de gaz) isole peu à peu les AP les unes des autres. Ce processus
d’« insularisation » constitue une menace majeure pour les processus écologiques et la survie à long terme de
certaines espèces. La nécessité de protéger de vastes blocs forestiers, suffisamment grands pour abriter les espèces
sensibles et les processus écologiques fragiles, est reconnue de tous, et on a à plusieurs reprises exprimé des
recommandations pour la création de grands complexes consacrés à la conservation. Plusieurs propositions sont
actuellement mises au point pour le développement de telles zones, tant au niveau national qu’international, et
elles incluent des complexes d’aires protégées et non protégées qui sont soumis à différents régimes de gestion.
Cette approche inclut des propositions pour la création d’aires de conservation transfrontières et des plans de
régimes de gestion homogènes pour les complexes transfrontières d’AP contiguës (COMIFAC 2001).
Les différentes demandes qui pèsent sur les écosystèmes forestiers exercent une pression croissante sur les aires
protégées. Les routes tracées dans les concessions forestières avoisinantes ont créé un nouveau réseau de
communication qui facilite les déplacements et les transports et donne accès à des forêts qui n’étaient auparavant
pas affectées par la chasse. Les capacités de gestion actuellement disponibles en termes de personnel, de
formation et de support logistique sont insuffisantes pour assurer le maintien de l’intégrité des aires protégées. De
plus, la gestion de la faune dans les zones tampons des aires protégées est essentielle pour empêcher la disparition
locale des espèces de gibier dont dépendent les populations rurales.
1.3. Menaces actuelles sur les habitats et sur les espèces
Nous l’avons mentionné plus haut, le nombre et la variété des menaces qui pèsent sur la conservation des forêts
d’Afrique centrale augmentent sans cesse. Alors qu’on considérait que l’envahissement par les plantations de café,
de cacao, de caoutchouc et de palmiers à huile était la menace principale jusqu’à il y a 15-20 années, les principales
causes de la disparition de la biodiversité des forêts sont aujourd’hui les coupes de bois et la construction des
routes qui y est associée, l’exploitation de pétrole et de gaz, l’exploitation minière et la chasse. Ce changement est
dû à de nombreuses causes, y compris l’évolution des marchés internationaux, la dévaluation consécutive du franc
CFA en janvier 1994 et les mesures d’ajustement structurel imposées par la Banque mondiale et par le Fonds
monétaire international, ainsi que les politiques nationales et internationales en matière de subsides et autres
incitants économiques. De nouvelles difficultés économiques liées à la diminution des revenus pétroliers ont réduit
les possibilités d’emplois, créant une niche économique attractive pour le commerce de viande de brousse qui a
pris de l’ampleur en réponse à la demande insatiable pour la viande sur les marchés urbains (Wilkie et Carpenter,
1998). Il n’est pas toujours possible de quantifier la contribution respective de chacune des causes de déforestation
et de « défaunation » dans la région. Plusieurs facteurs causaux sont liés, ils apparaissent à la suite l’un de l’autre
et/ou ils évoluent en fonction des facteurs socio-économiques locaux ou des circonstances nationales. Il en résulte
que l’on considère maintenant le niveau de menaces existant et futur comme étant élevé dans toute la région.
Presque toutes les parties du Bassin de Congo connaissent l’une ou l’autre forme de chasse, et le commerce de
viande de brousse semble être partout devenu la menace numéro un (BCTF, 2002).
Davantage que les modifications induites par l’exploitation forestière et les changements qualitatifs et quantitatifs
générés par l’extraction de grumes, ce sont plutôt les pièges et la chasse d’animaux destinés à la consommation
humaine, pratiques très répandues, qui posent la plus importante menace pour la conservation de la faune dans les
forêts du Bassin du Congo (Wilkie et al., 1998). Dans les zones forestières qui, pour des raisons naturelles ou
culturelles, sont impropres à l’élevage, la chasse a toujours fourni aux populations rurales les protéines animales
nécessaires.
La pratique qui consiste à prélever de la viande en forêt (« viande de brousse » ou « bushmeat ») est très répandue,
et culturellement et économiquement bien établie (Robinson & Bennett, 2000). On peut définir simplement la
viande de brousse comme « toutes les espèces sauvages, y compris celles qui sont menacées ou en danger, qui
peuvent servir de viande, telles que : gorilles, chimpanzés et autres primates, antilopes de forêt (céphalophes),
crocodiles, porcs-épics, potamochères, aulacodes, varans du Nil, pintades, etc. » (BCTF, 2002). Au cours de la
dernière décennie, on a assisté à une augmentation rapide de la chasse commerciale et du commerce de viande de
brousse dans tout le Bassin du Congo. Cette situation accroît la pression sur les aires protégées, spécialement là où
l’accès à ces zones s’est vu facilité par la vague montante des abattages sélectifs de bois.
L’exploitation forestière actuelle, contrôlée par les administrations nationales, est effectuée par des compagnies
forestières majoritairement étrangères sur base de concessions de surface et de durée variables selon les pays. Des
lois et règlements limitent le nombre d’espèces exploitables, les diamètres minimums d’abattage ainsi que les
volumes exploités. Il s’agit essentiellement d’une exploitation industrielle intensive, utilisant du matériel lourd
(pour l’abattage, le transport des bois et la construction des infrastructures routières et autres) et nécessitant de
gros investissements. L’exploitation est concentrée sur un petit nombre de pieds (2 à 5 tiges / ha) d’un nombre
réduit d’espèces et dès lors l’impact sur la composition et la structure forestières est théoriquement limité
contrairement à l’exploitation industrielle des forêts asiatiques à Dipterocarpaceae où l’exploitation est beaucoup
plus intensive (20 à 50 pieds / ha) et concerne un grand nombre d’espèces. En pratique, l’impact de l’exploitation
forestière est sensiblement multiplié par ses effets indirects.
Du fait de l’utilisation sans précautions suffisantes de matériel lourd à tous les stades de l’exploitation (création de
routes forestières, abattage, débardage, transport des billes), on considère généralement que 10 à 50 % de la
superficie forestière est gravement affectée par l’exploitation. Ces chiffres peuvent être réduits à quelques % par
l’adoption de techniques améliorées d’exploitation à faible impact, comme cela est de règle dans les forêts
européennes, mais c’est encore très rarement le cas en forêt africaine.
Le non-respect des lois (non-respect des diamètres minimums, des limites de coupe, du volume maximum à
exploiter, passages multiples illégaux sur la même coupe multipliant sensiblement les dégâts d’exploitation) est
monnaie courante et la faiblesse institutionnelle des administrations forestières et leurs moyens réduits ne
permettent guère de circonscrire ce problème. Ce tableau s'est encore sensiblement assombri par l’apparition
récente de coupes sauvages alimentant des scieries locales.
L’ouverture du couvert forestier du fait de l’implantation des routes forestières facilite l’exploitation illégale de la
faune (grand braconnage commercial par des chasseurs professionnels, chasse aux pièges ou au fusil de
céphalophes et de petits singes par le personnel des exploitations forestières ou par les populations locales) ainsi
que l’extension des cultures sur brûlis.
D’autres menaces sont importantes à certains endroits de la région, telles que l’exploitation de pétrole et de gaz,
l’exploitation minière, l’élevage de bétail et les feux. On s’inquiète aussi beaucoup des conséquences possibles des
conflits armés dans certains pays, et l’histoire récente a montré clairement que leurs impacts sur la biodiversité
sont variés et destructeurs : défaillances dans l’application des lois et le maintien de l’ordre, accès facile aux armes
à feu, migrations massives de réfugiés, trafic d’ivoire et de diamant, et coupes de bois illégales pour alimenter les
efforts de guerre, réduction des financements pour la conservation, diminution drastique des revenus du tourisme.
La poursuite éventuelle de la guerre civile en RDC, en particulier, constitue un défi majeur pour la mise en pratique
de toute stratégie régionale de conservation. Étant donné la taille même de la RDC et son importance écologique
régionale, l’insécurité pose une grave menace sur l’ensemble de la biodiversité de la région.
Tableau 1 : Statistiques d’aires protégées en Afrique centrale
Pays
Nombre d’aires protégées
Cameroun
Congo
Gabon
Guinée Équatoriale
RCA
RDC
TOTAL
Figure 1 : Le réseau ECOFAC
174
14
17
13
73
50
341
Superficie (ha)
10 437 336
3 513 438
2 431 367
590 955
17 330 015
26 314 330
57 104 003
Proportion du territoire national (%)
22
10
9
21
28
11
14
2. FICHE SIGNALÉTIQUE DES DIFFÉRENTES ZONES DU SITE DE LOPE OKANDA
 Localisation : Centre-Est du Gabon, provinces de l’Ogooué Ivindo (département de la Lopé), Ogooué Lolo
(département de l’Offoué Onoye), Moyen Ogooué (département de l’Abanga-Bigné) et Ngounié
(départements de Tsamba Magotsi et de l’Ogoulou)
- Latitude : 0°00’N et 01°20’S
- Longitude : 11°05’E et 11°55’E
 Classement en Parc National : Décret N° 000607/2002/PR/MEFEPCEPN signé par le Président de la
République Gabonaise en août 2002
 Érection en Site du Patrimoine Mondial naturel et culturel : Décision 31 COM 8B.54 de juin 2007
 Catégorie UICN : Catégorie II
 Superficie du Parc National : 484 894 ha
 Superficie de la zone tampon : 150 000 ha
 Superficie des zones aménagées villageoises : 2688 ha
 Superficie des ensembles historiques : 20700 ha
 Caractéristiques géophysiques majeures : Socle archéen à 350 m d’altitude des collines convexes de la
cordillère de l’Okanda orientées selon un axe Nord-Sud
 Principaux groupes ethniques : Okandé, Simba, Saké, Babongo
 Principaux cours d’eau : Ogooué, Offoué, Mingoué, Lélédi et Lopé
 Pluviométrie moyenne annuelle : 1502 mm
 Température moyenne : 26°C
 Altitude : 350-960 m
 Espèces de faune : éléphant, buffle, gorille, potamochère, chevrotain aquatique, mandrill, chimpanzé,
pangolin géant, chat doré. Parmi ces espèces, le Gorille et le Chimpanzé sont menacés d’extinction.
 Principaux types de végétation :
- Formations de savane
- Galeries et bosquets
- Forêts à Marantacées
- Forêts matures
- Jeunes forêts.
 Richesse culturelle : ateliers lithiques, gravures rupestres, sites de l’âge du fer, rites initiatiques
traditionnels ayant survécu à l’influence du christianisme
 Moyenne annuelle des visiteurs : 800
 Principales problématiques :
- Fonctionnement inadéquat du parc
- Relations parfois conflictuelles avec les partenaires (WCS, ZSL, SEGC)
- Conflits Hommes-Faune
- Délimitation inexistante des terroirs villageois
- Absence de gestion participative
- Exploitation illicite des ressources naturelles.
3. CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE
Situé au centre du Gabon, à environ 300 km de Libreville et distribué sur quatre provinces, le site de la LopéOkanda a été classé en aire protégée pour la première fois en 1946 comme réserve de faune. Cet espace a ensuite
connu différents statuts juridiques de protection qui ont abouti à la création du Parc National de la Lopé en 2002 au
même titre que douze autres Parcs représentatifs de la diversité écosystémique du Gabon (cf Décret Présidentiel
N° 000607/2002/PR/MEFEPCEPN).
Le Parc National de la Lopé est un témoignage vibrant des processus écologiques et biologiques qui ont eu cours
depuis le Pléistocène dans cette région du bassin du Congo. Il comprend deux types d’écosystèmes :
- une mosaïque de forêts et de savanes
- et la forêt congolaise de plaine de basse altitude de type « refuge forestier du Pléistocène ».
Grâce à leur état de conservation, ces écosystèmes ont permis d’abriter des populations animales d’importance
internationale pour la conservation (UICN).
Sur le plan de la diversité floristique, on note la présence de plus de 1500 espèces appartenant à environ 700
genres et un peu plus de 120 familles. Les Rubiacées constituent la famille la plus riche avec 52 genres et 138
espèces. Elle est suivie par les Césalpinoidées (48 genres et 107 espèces). Les Poacées constituent la famille
dominante de la végétation savanicole.
Certaines espèces sont également remarquables par leur endémicité dans le Parc National de la Lopé. C’est le cas
de Cola lizae, Dialium lopense et Begonia lopense.
La diversité faunistique comprend les populations de gorille de plaine de l’ouest (Gorilla g. gorilla) et de chimpanzé
(Pan t. troglodytes) parmi les plus importantes du monde. Au moins une espèce de primate (Cercopithecus solatus)
est endémique dans la région (Harrison 1988). Les groupes de mandrills (Mandrillus sphinx) peuvent comporter
jusqu’à plus de 1300 individus (Abernethy 1997, Abernethy & al 2002) constituant la plus grande agrégation de
cette espèce jamais enregistrée dans le monde. On y note aussi la présence de douze espèces de Carnivores,
quatorze espèces d’Artiodactyles, ainsi que l’éléphant de forêt. L’avifaune comprend plus de 400 espèces avec
notamment le Picatharte, oiseau rare et très prisé par les ornithologues.
Cette biodiversité se conjugue à un contexte socioculturel qui représente un maillon considérable de l’histoire de
l’humanité dans le bassin du Congo. En effet, le site de Lopé Okanda rend compte de la permanence de l’espèce
humaine dans la région depuis le Paléolithique inférieur en passant par le Néolithique, l’Age de Fer jusqu’à nos
jours. Cette présence est illustrée par les ateliers lithiques, les gravures rupestres, les sites de l’âge de Fer
disséminés à travers le Parc et sa zone périphérique (Asseko Ndong 2001, Oslisly 1988, Oslisly 1992) ainsi que par
les rites initiatiques traditionnels qui ont survécu à l’influence du christianisme (Mwiri, Bwiti). Ces rites sont
aujourd’hui pratiqués notamment par les peuples Okandé, Simba et Pygmées Babongos qui vivent dans cette
région.
La valeur exceptionnelle universelle du riche patrimoine culturel et naturel du site de Lopé Okanda a reçu la
consécration suprême de la communauté internationale avec son érection comme premier Site mixte du
Patrimoine Mondial (SPM) de l’UNESCO au Gabon et dans la sous-région d’Afrique Centrale en 2007.
Quatre ans après sa création, le Parc National de la Lopé s’est doté d’un plan de gestion quinquennal articulé
autour de sept objectifs dont la révision est prévue en 2011, et le règlement intérieur du parc ainsi que les
règlements de zonage doivent être conformes aux objectifs du parc. Ces objectifs, qui décrivent les grandes lignes
et les grands principes qui gouvernent la gestion du parc, sont les suivants :
1.
2.
3.
4.
Protéger, conserver la faune et la flore, en particulier les espèces caractéristiques des cours d’eau Ogooué
et Offoue, les espèces cibles (espèces phares et endémiques), comme les Cercopithecus solatus, Mandrillus
sphinx, Cola lizae et Dialum lopense.
Conserver les habitats du parc, en privilégiant les savanes, la mosaïque forêt-savane, la forêt de
Marantacea, la forêt auparavant exploitée et les petites îles et rapides du cours d’eau Ogooué.
Protéger l’intégrité écologique afin que les processus écologiques se déroulent de manière naturelle.
Protéger les sites archéologiques, les paysages ou les formations géologiques de valeur scientifique,
patrimoniale ou esthétique dans l’intérêt et le but récréatif du public. Plus particulièrement, les éléments
suivants sont visés :
- les sites historiques, tels que les sites archéologiques et les gravures sur pierre dans le parc et la
zone périphérique;
- les caractéristiques paysagères typiques, comme les portes d’Okanda, les falaises naturelles, les
sommets de collines et les crêtes, la mosaïque forêt-savane;
- les ressources primordiales, les aires et les sites délicats qui abritent une plus grande
concentration de faune.
5.
6.
7.
Développer les activités écotouristiques novatrices qui soient compatibles avec les objectifs du parc, se
traduisant par des recettes financières qui faciliteront la gestion du parc national et contribueront au
développement des communautés locales. La gestion devrait promouvoir les investissements locaux,
nationaux et internationaux dans le tourisme ainsi que l’éducation en matière d’environnement dans le
cadre de toutes les activités touristiques.
Assurer la participation de tous les acteurs et en particulier les populations locales aux activités de
conservation. Cet objectif couvre :
- la promotion de la planification participative pour la gestion du parc;
- la participation des intéressés à la résolution des conflits qui exercent un impact à l’intérieur et à
l’extérieur du parc;
- la poursuite des activités de subsistance par les populations locales résidant à l’intérieur du parc
et en périphérie;
- la promotion de l’éducation relative à l’environnement;
- l’encouragement à créer des emplois locaux. Le parc national doit contribuer au développement
des communautés locales.
La formation et la recherche multidisciplinaire par les différents acteurs.
Pour atteindre les objectifs du parc et répondre aux valeurs sociétales actuelles et futures du peuple gabonais et de
la communauté internationale retenues dans le plan cadre de gestion du réseau de parcs nationaux, la gestion du
Parc National de la Lopé est fondée sur les principes ci-dessous énumérés, sur la base d’une gestion
écosystémique :
 bâtir une vision commune des conditions désirées conforme aux conditions sociales et économiques
existantes;
 travailler sur la base des limites écologiques et dépasser les frontières administratives et politiques;
 asseoir une collaboration interinstitutionnelle;
 rester ouvert aux changements de structure, de méthodes de travail et à une démarche multidisciplinaire;
 acquérir et utiliser les meilleures informations scientifiques disponibles comme base pour la prise de
décision de gestion du parc;
 asseoir un monitoring basé sur des indicateurs prudemment choisis qui reflètent les objectifs de gestion
du parc;
 opérationnaliser une gestion adaptative;
 assurer une gestion active de la mosaïque forêt savane et des espèces invasives;
 considérer l’humain comme composante importante de la nature et impliquer toutes les parties prenantes
à la gestion du parc;
 faire en sorte que les valeurs sociales locales, nationales et internationales restent à la base de la
détermination des objectifs d’aménagement et de gestion du Parc National de la Lopé;
 œuvrer pour que le parc national contribue au développement des communautés locales conformément
aux buts et objectifs du parc.
Malgré les efforts multiformes déployés par l’administration du Parc avec l’appui des ONG internationales,
l’application de ce plan demeure problématique, car plusieurs menaces continuent de peser sur les ressources du
Parc : le braconnage commercial, les conflits homme/faune, la faible adhésion des populations locales à l’égard des
politiques de conservation et l’impact écologique des activités économiques industrielles.
L’érection de Lopé-Okanda en Site du Patrimoine Mondial implique des obligations de la part du Gouvernement
Gabonais en termes d’identification, de protection, de conservation, de mise en valeur et de transmission aux
générations futures.
4. CONSTATS ET RECOMMANDATIONS
4.1. Activités touristiques
Constats
Pays côtier d’Afrique centrale à forte dominance forestière (85 % du territoire sont boisés), le Gabon possède
d’énormes potentialités touristiques : nature généreuse, luxuriante et diversifiée, vastes étendues de forêts
largement agrémentées par des espaces de savanes très favorables à une large variété de faune et de flore (800
espèces de plantes, environ 700 espèces d’oiseaux, 150 espèces de mammifères, etc.) parmi lesquelles nombre
d’entre elles sont endémiques. Malgré l’existence d’un schéma directeur du tourisme, le Gabon est encore loin
d’atteindre le niveau optimal de tourisme. À l’instar du Kenya qui s’est doté d’une image de tourisme de faune, de
l’Ile Maurice et des Seychelles qui se sont dotés d’une image de tourisme balnéaire, le Gabon se doit de développer
un label autour des thèmes forêt, faune, fleuves, lagunes et océan qui correspondraient mieux à ses énormes
potentialités.
Toutefois, les contraintes sont nombreuses : les circuits sont quasi inexistants, les sites intéressants sont très
éloignés de la capitale, enclavés et donc difficiles d’accès, le personnel qualifié est rare, les coûts de transport et
d’hébergement sont prohibitifs, les infrastructures d’accueil et de transport sont aléatoires et lorsqu’elles existent,
elles doivent être mises aux normes.
Dans cette optique, les problèmes auxquels il convient de s’attaquer en priorité sont :
- les coûts de transport aérien à destination du Gabon
- la mise en place des moyens de déplacement et de réception fiables et concurrentiels
- la sensibilisation des autorités gabonaises, tant à l’étranger (ambassades et consulats pour l’obtention des
visas) que sur place (élimination des tracasseries administratives)
- la mise en cohérence de la politique gouvernementale en la matière.
L’activité touristique demeure problématique à la Lopé. Entre 1992 et 2001, le Parc National de la Lopé (PNL) a
connu la visite de 1000 touristes, ce qui est de loin inférieur au potentiel de ce parc. La principale raison est le coût
prohibitif des services touristiques offerts. Par ailleurs, on note la présence d’un seul opérateur de safari, Lopé
Hôtel, ce qui ne permet pas de rentabiliser le parc. Les touristes sont en majorité des expatriés qui viennent soit de
Libreville, soit de Port Gentil. Le caractère onéreux des services touristiques offerts ne permet pas aux nationaux de
venir en tourisme dans le parc d’une part, et d’autre part les conditions difficiles d’entrée au Gabon ne permettent
pas non plus aux citoyens d’Afrique en général et de la sous-région d’Afrique centrale en particulier de venir faire
du tourisme au Gabon. En guise d’illustration, la nuitée dans une chambre simple de Lopé Hôtel coûte 42 000 FCFA
petit déjeuner non compris, et un repas coûte 16 000 FCFA. Combien de nationaux sont-ils en mesure de supporter
ces coûts?
En définitive, la plupart de visiteurs du PNL n’y vient que par contrainte, soit à l’occasion d’une mission, soit lors
d’une invitation.
Recommandations
La rentabilité du PNL passe nécessairement par la diversification de l’offre des services touristiques. C’est de cette
manière que l’on peut réussir à baisser le coût de ces services et les rendre plus accessibles aux touristes.
Par ailleurs, il conviendrait en amont de mettre en place une politique de promotion touristique plus attractive en
baissant les coûts aéroportuaires d’une part, et en assouplissant les conditions d’entrée au Gabon d’autre part.
L’amélioration des infrastructures (routière, sanitaire et de transport) n’est pas non plus à négliger.
4.2. Formation
Constats
On trouve comme personnel d’exécution deux types de personnel : les écoguides qui exercent à leur propre
compte et les écogardes qui sont les salariés du parc. Grâce à l’appui du WCS, ceux-ci reçoivent de temps à autre
des formations au CEDAMM (centre de formation de WCS) et de petits stages de perfectionnement au niveau de la
sous-région. Les thèmes abordés portent sur les techniques de communication, la gestion de conflits, etc.
Toutefois, et en dépit de la délivrance de certificats sanctionnant quelques-unes de ces formations, les écogardes
bénéficiaires de ces formations n’ont pas jusqu’ici pu s’en servir pour se valoriser et promouvoir leur carrière
professionnelle au sein de l’administration gabonaise.
Recommandations
Les personnels des eaux et forêts en général et ceux des aires protégées en particulier sont répartis en 3
catégories : Ingénieurs, Techniciens et Agents techniques. Ils reçoivent une formation dont la durée varie d’une à
plusieurs années en fonction du diplôme de base et du grade recherché. Ces formations sont dispensées dans des
centres spécialisés tels que l’École Nationale des Eaux et Forêts (ENEF) de Cap Esterias au Gabon et à leur sortie, les
diplômés sont intégrés dans le corps des Forestiers. En raison des enseignements reçus en techniques de défense
et de combat, en transmission ainsi qu’en maniement d’armes à feu, ce corps est un corps paramilitaire.
À l’instar du corps des personnels de la défense nationale, ce corps présente une structure pyramidale dont la base
est constituée d’Agents techniques moins gradés et plus nombreux (Caporal de forêts) et le sommet d’Ingénieurs
plus gradés et moins nombreux (Colonel de forêts). Ces personnels arborent dans l’exercice de leur fonction des
uniformes et des épaulettes qui diffèrent en fonction du grade et sont astreints au port d’armes à feu lors des
opérations coup de poing.
En conséquence, et afin d’être efficaces et professionnels, nous recommandons que les Ecogardes soient recrutés
au sein de ce corps. Cette démarche présente un double avantage : d’une part la reconnaissance officielle du
diplôme par l’administration gabonaise, et d’autre part la possibilité offerte aux Ecogardes d’avoir un profil de
carrière, évitant de ce fait l’instabilité du personnel d’exécution dans les aires protégées. L’ambition étant humaine,
ils doivent constamment avoir à l’esprit que s’ils sont performants sur le plan professionnel, il leur est possible de
monter en grade et de briguer un jour le poste de Responsable d’une des sections opérationnelles du parc.
En cas de pénurie d’Agents techniques des eaux et forêts sur le marché de l’emploi, il conviendrait de procéder au
recrutement sélectif des personnes ayant le diplôme de base requis (Brevet d’Études du Premier Cycle) et de
contractualiser avec l’ENEF pour leur formation.
4.3. Les recettes du parc
Constats
Aucun texte officiel précisant la nature des recettes attendues du PNL n’existe. Le coût de visite du parc a été fixé
de manière informelle à 5000 FCFA par personne par le Conservateur. L’opacité avec laquelle ces recettes sont
gérées ne permet pas d’en connaître la destination finale. En effet, il n’existe aucun registre pour l’identification et
le dénombrement des touristes, encore moins de carnets de reçus pour l’enregistrement des recettes du parc. Au
terme d’un entretien que nous avons eu avec John (écoguide), il était prévu de verser une partie de ces recettes
aux Ecoguides (qui ne sont pas des salariés du parc), mais cela n’a jamais été fait. Ceux-ci sont rémunérés à raison
de 2 500 FCFA par jour lorsqu’ils sont sollicités par Lopé hôtel pour servir de guide aux touristes souhaitant visiter le
parc. L’irrégularité et la modicité de cette rémunération ne leur permet pas de vivre de leur métier et par ricochet
garantir la durabilité de leur intervention pour la promotion du parc.
Par ailleurs, à travers son volet écotouristique, le Centre de Conservation de Mikongo (CCM) administré par ZSL
reverse les recettes collectées (12000 FCFA par touriste) dans le compte du PNL géré par le Conservateur. De
communs accords, il a été prévu qu’une partie de ces recettes soit reversée au CCM pour assurer son
fonctionnement. Mais cela n’est pas fait de manière systématique, au point où à la date d’aujourd’hui, le montant
d’arriérés de paiement dû au CCM s’élève à près de 22 millions de FCFA. Cet état de fait nuit gravement au bon
fonctionnement du CCM qui, dans la mise en œuvre de son volet écotouristique, offre sur fonds propres un
« package » aux touristes (transport, hébergement et restauration) et qui en retour ne reçoit pas la quote-part qui
lui est destinée pour couvrir ses frais généraux.
Recommandations
Il conviendrait de prendre un texte précisant d’une part la nature des recettes attendues du PNL, et d’autre part la
destination finale de ces fonds.
Par ailleurs, la gestion des recettes collectées devrait être plus transparente au travers des registres et autres
carnets de reçus.
4.4. Les conflits Hommes-animaux
Constats
Près de 600 personnes vivent à l’intérieur du PNL. Malheureusement, cette cohabitation est à l’origine de conflits
fréquents entre les Hommes et les animaux. En effet, les parcelles agricoles mises en place par ces populations font
régulièrement l’objet de destructions par la faune sauvage et en particulier les éléphants. En outre, l’on assiste
parfois à des accrochages physiques entre les hommes et les animaux qui dans certains cas entraînent le décès de
la victime. Lorsqu’une telle situation se présente, le Conservateur du parc est alerté et vient sur place établir un
constat de destruction ou d’accident. Par la suite, aucune action de prise en charge de l’accidenté ou de réparation
du préjudice subi n’est engagée. Il convient toutefois de relever que même si l’inefficacité des gestionnaires du
parc est indexée, cette situation trouve son origine dans le fait que les dispositions législatives et réglementaires
concernant la gestion des aires protégées sont muettes en matière de prise en charge des victimes des cas
d’accidents ou de dédommagement des cultures détruites. En conséquence, cet état de fait ne contribue qu’à
exacerber les tensions déjà vives entre les populations et les gestionnaires du parc.
Par ailleurs, la voie ferrée qui va de Libreville jusqu’à Franceville passe à l’intérieur du parc. Bien que cette voie soit
un moyen privilégié pour se rendre à la Lopé en raison du mauvais état de la route sur près de la moitié du parcours
entre Libreville et la Lopé, on assiste toutefois à des cas de collision entre le train et les bêtes. Certaines de ces
collisions engendrent parfois la mort des animaux.
Recommandations
De manière classique, il est proscrit de maintenir les populations à l’intérieur d’une aire protégée. Ces populations
doivent vivre en périphérie desdites aires, afin d’éviter les éventuels conflits qui viendraient à naître entre elles et
la faune sauvage.
Dans le cas du PNL, la solution de déguerpissement s’avère très difficile à mettre en œuvre aujourd’hui en raison
d’une part du nombre élevé d’habitants qu’on y trouve et d’autre part des liens ancestraux que ces populations
entretiennent avec leur milieu. À notre sens, la résolution de cet épineux problème passe par la délimitation de la
zone aménagée urbaine de Lopé et des zones aménagées villageoises tel que prévu par le Décret portant création
des parcs nationaux. Les droits d’usage des ressources naturelles par les populations à l’intérieur de ces zones
devraient ensuite être clairement définis.
4.5. L’exploitation illicite des ressources naturelles
4.5.1. Le braconnage
Constats
L’exploitation des rapports de missions de lutte antibraconnage menées par la brigade de faune de Lopé, la brigade
mobile de Libreville et les patrouilles de surveillance des écogardes du parc laisse apparaître clairement que le PNL
est un foyer important de braconnage des ressources fauniques du parc. L’analyse des résultats de perquisitions
faites durant ces missions permet de dégager quatre (4) principaux groupes d’acteurs qui interviennent dans cette
filière :
- les chasseurs
- les grossistes
- les transporteurs
- les commerçantes des centres urbains.
Le gibier abattu est soit expédié en l’état, soit boucané dans des fumoirs installés en forêt. En plus de la viande
brousse, un trafic d’ivoire y est aussi intensément mené.
L’opacité de la filière de chasse commerciale à la Lopé ne nous a pas permis d’évaluer objectivement les quantités
de gibier prélevées annuellement par les braconniers, mais il faudrait reconnaître qu’elles sont énormes.
Pire encore, la baisse des actions répressives au cours des trois dernières années a entraîné une recrudescence des
activités de braconnage. Ceci se confirme par l’augmentation des signes de chasse notés lors des patrouilles.
Carcasse d’éléphant découverte lors d’une patrouille – photo WCS
Recommandations
L’ampleur des saisies opérées pendant les opérations coup-de-poing est révélatrice de la menace qui pèse sur la
biodiversité du parc. Les prélèvements se font sans exclusive. Sont ainsi abattues les espèces de la grande faune
(éléphant, buffle, gorille), les espèces partiellement ou intégralement protégées (potamochère, chevrotain
aquatique, mandrill, gorille, chimpanzé, pangolin géant, chat doré, etc.). Certaines de ces espèces sont classées sur
la Liste rouge de l’UICN :
- en danger critique (gorille),
- en danger (chimpanzé)
- ou vulnérable (éléphant, chat doré, mandrill et colobe noir)
Exposition du gibier saisi lors d’une patrouille effectuée par les éléments de la Brigade de faune de Lopé - Photo WCS
À l’analyse, il ressort que plusieurs facteurs aggravent le braconnage dans le PNL :
- existence d’anciennes pistes forestières qui facilitent l’accès des braconniers à l’intérieur du parc;
- facilités d’évacuation du gibier vers les marchés à travers le train et la route;
-
ancienneté de la filière qui a su au fil du temps développer des mécanismes de camouflage et de
résistance;
frustration des populations locales (à l’intérieur du parc comme en périphérie) qui disent ne pas bénéficier
de l’attention et de l’appui nécessaire pouvant leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie, de la
part des gestionnaires du parc.
L’absence d’une stratégie efficace et durable pour protéger la faune du parc pourrait à terme entraîner un
déséquilibre écologique susceptible d’affecter durablement le Parc national de la Lopé. Ainsi, les actions à mettre
en oeuvre pourraient concerner :
- le développement d’une stratégie de contrôle et de surveillance du parc en tenant compte de tous les
aspects de la filière (principaux foyers de braconnage, voies d’accès et d’évacuation du gibier, acteurs
impliqués dans le braconnage);
- le renforcement du partenariat avec les différentes parties impliquées dans la gestion des ressources
naturelles (populations, autorités administratives et traditionnelles, Société d’exploitation du
transgabonais (SETRAG), ONG oeuvrant dans la conservation, Brigade de faune…);
- l’appui aux communautés locales pour le développement des activités alternatives au braconnage et au
commerce du gibier;
- l’établissement d’un protocole d’entente entre les populations et les gestionnaires du parc;
- le règlement de la problématique de délimitation des terroirs villageois;
- l’établissement d’un contrat de gestion de terroir avec les communautés afin de déterminer et de suivre
l’exercice du droit d’usage coutumier (chasse, pêche, cueillette, agriculture) en rapport avec la gestion des
ressources naturelles du parc.
4.5.2. La coupe illicite du bois
Constats
Au lieu dit Misseguelane (village pygmée situé dans la zone tampon), une exploitation forestière se déroule en
toute impunité par un opérateur de nationalité Libanaise, avec le soutien des populations locales. Celles-ci
affirment supporter cet exploitant forestier parce qu’il leur procure des emplois alors que le parc n’a jamais
contribué à l’augmentation de leurs revenus et à l’amélioration concomitante de leurs conditions de vie.
Recommandation
Convient-il de le rappeler, les zones tampon sont par essence exemptes de toute exploitation à but lucratif. Le
prélèvement des ressources naturelles dans ces zones doit être limité aux populations riveraines des aires
protégées pour leurs besoins de survie.
4.6. La gestion participative
Constats
L’article 45 de la Loi relative aux parcs nationaux prévoit la constitution d’un Comité Consultatif de Gestion Local
(CCGL) dont la composition et les missions sont fixées par voie réglementaire. Bien plus, l’article 19 de la même Loi
dispose que « des contrats de gestion de terroir peuvent être conclus entre l’administration d’un parc national et les
communautés locales. Ils sont approuvés par l’organisme du parc avant leur entrée en vigueur et portent
notamment sur la surveillance, la gestion, l’animation culturelle et touristique du parc ou de sa zone périphérique. »
Actuellement, et en dépit de l’organisation des populations en associations, le CCGL est inexistant et aucun contrat
de gestion de terroir n’a jusqu’ici été conclu entre les populations et les gestionnaires du parc. Certes des initiatives
isolées de collaboration entre certaines de ces associations et des partenaires au développement (CARPE et FFEM
notamment) ont été prises, mais sans impact réel sur l’amélioration globale des conditions de vie des populations,
ce qui n’est pas de nature à inscrire l’implication de ces communautés à la gestion des ressources naturelles du
parc dans une perspective de durabilité.
Cette situation trouve en partie son origine dans le fait que jusqu’ici, aucun texte d’application de cette disposition
n’a été pris et lasses d’attendre la mise en place du CCGL, les populations locales se sont organisées en associations
avec pour principal objectif d’apporter leur contribution à la gestion durable de la biodiversité du parc. Pour leur
mise en fonctionnement, ces associations ont reçu l’appui technique de WCS et de ZSL et n’ont jusqu’ici reçu aucun
appui de la part des gestionnaires du parc.
En conséquence, les populations continuent de se poser la lancinante question de savoir ce qu’elles gagnent
réellement en contribuant à la gestion durable des ressources naturelles du parc.
Recommandations
Afin d’accompagner les communautés dans leurs initiatives de développement, il conviendrait de :
- suivre le traitement des dossiers de reconnaissance officielle des 9 autres associations au niveau du
Ministère de l’Intérieur;
- susciter l’élaboration des micro-projets d’accompagnement et rechercher les éventuels bailleurs de fonds
intéressés par un éventuel financement;
- désigner de manière formelle l’un des écogardes pour servir de courroie de transmission entre les
communautés locales et les gestionnaires du parc. Ce dernier devra suivre de manière rapprochée les
activités quotidiennes des associations, participer à leurs réunions et remonter les informations et autres
résolutions prises au niveau de la hiérarchie du parc. De même, il devra vulgariser les messages techniques
et autres décisions des gestionnaires du parc auprès des populations.
4.7. Les relations avec les partenaires
4.7.1. Les structures se trouvant à l’intérieur du Parc National de la Lopé
Outre le Service du Conservateur, le parc héberge la Station d’Etude sur les Gorilles et les Chimpanzés sous
l’autorité du Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF), le Centre de Conservation de
Mikongo administré par ZSL (Zoological Society of London) pour la promotion touristique et l’habituation des
gorilles, le WCS (World Conservation Society) doté d’un centre de formation, le Centre de Formation Alphonse
Makanga, l’Écomusée et la Brigade de faune de la Lopé.
La Station d’Études sur les Gorilles et les Chimpanzés (SEGC)
La SEGC a été créée en 1983 pour mener des études de comportement sur les gorilles et les chimpanzés, sous
l’autorité du Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF). Le PNL étant sous l’autorité
directe de l’ANPN, le CIRMF et l’ANPN ont signé un accord-cadre de partenariat.
Selon le CIRMF, tous les programmes de recherche menés par la SEGC doivent avoir un lien direct avec la santé, en
vertu de sa vocation de centre de recherches médicales. Toutefois, cette exigence ne cadre pas toujours avec les
objectifs du parc qui perçoit mal la mise à mort de certaines espèces pour des tests d’efficacité d’un produit par
exemple. Ainsi, et en fonction de l’objectif poursuivi, la SEGC relève soit du parc de la Lopé, soit du CIRMF. Ce statut
ambivalent ne nous semble pas approprié, car il peut arriver que certains objectifs du CIRMF et les objectifs du parc
consistant en la protection de la faune soient antagonistes.
Bien plus, ni l’ANPN, ni le CIRMF ne sont représentés dans le conseil scientifique du CENAREST. Et pourtant, le
CENAREST est la seule entité habilitée à élaborer les programmes de recherche à l’échelon national. C’est dans une
telle instance que les besoins du PNL et du CIRMF peuvent réellement être pris en compte dans l’élaboration et la
planification des programmes de recherche.
Le Centre de Conservation de Mikongo (CCM)
Administré par la « Zoological Society of London » (ZSL), le Centre de conservation de Mikongo déploie ses activités
autour de trois principaux volets :
- Volet santé : il s’agit de vérifier la présence de parasites transmissibles entre les hommes et les primates
(gorille et chimpanzé). En effet, la présence des hommes dans la forêt peut être la cause de transmission
de maladies entre les hommes et la faune. Le risque est très élevé avec les primates qui sont très proches
de l’homme d’un point de vue génétique.
- Volet monitoring : il consiste en la fourniture d’informations afin de contribuer à la conservation des
ressources naturelles et le développement de l’écotourisme. En effet, l’exploitation forestière,
l’exploitation minière, le braconnage et l’extension des superficies cultivées et habitées sont une menace
réelle pour la conservation des forêts tropicales, réservoir important de biodiversité. Ayant un impact
-
faible sur l’environnement, l’écotourisme constitue une activité économique alternative à l’exploitation
non durable des ressources naturelles. Il permet en outre d’informer et de former le public sur les enjeux
liés à la conservation de la nature.
Volet sensibilisation : il est question de sensibiliser les populations vivant à l’intérieur et en périphérie du
parc sur les problématiques liées à la conservation et les impliquer dans les activités de gestion du parc
afin de les encourager à la gestion durable des ressources naturelles.
C’est depuis 2005 que la ZSL a repris les activités de Mikongo, mais il ne s’agit que d’un partenariat tacite, car aucun
document officiel n’a encore été signé entre les gestionnaires du par cet le CCM. En 2007, un accord-cadre de
partenariat a été signé entre ZSL et l’ANPN pour étendre ses activités sur l’ensemble des 13 parcs nationaux du
Gabon.
En ce qui concerne le cas spécifique du volet écotourisme, le CCM reçoit en moyenne 200 touristes par an qui
versent des droits de visite au Conservateur. Malgré l’intégration de trois écogardes du PNL dans les équipes de
pisteurs du CCM et le renforcement de leurs capacités, le reversement de la quote-part du CCM issue de ces
recettes a toujours fait l’objet de polémique, si bien qu’à la date d’aujourd’hui, les arriérés de paiement dus au ZSL
s’élèvent à près de 22 millions de FCFA. Pourtant, c’est grâce à cette quote-part que le CCM doit couvrir une partie
de ses frais de fonctionnement. « Si cette tendance se poursuit, nous nous verrons dans l’obligation d’arrêter la
poursuite des activités d’écotourisme dans un proche avenir », nous a confié la Directrice du Centre.
D’autres problèmes et non des moindres ont trait à:
- l’absence de communication avec le Conservateur en raison de son absence quasi-régulière de la Lopé
- le manque de suivi des problèmes survenus dans le parc comme les cas de braconnage qui ont maintes
fois été reportés au Conservateur sans suite
- le manque de statut de ZSL au Gabon dont la conséquence est la taxation de tout le matériel importé à des
fins professionnelles
- l’absence de protocole d’entente entre le Parc National de la Lopé et le Centre de Conservation de
Mikongo
- nos programmes ne correspondent pas toujours à ceux des Tours opérateurs, ce qui entraîne d’énormes
problèmes organisationnels
- insuffisance de véhicules pour les déplacements des équipes sur le terrain.
World Conservation Society (WCS)
Le WCS a pour mission internationale de sauver la vie et les territoires sauvages par la compréhension et la
résolution des problèmes critiques qui menacent les espèces clés et les écosystèmes du monde. Le WCS Lopé abrite
en son sein un centre de formation, le Centre Dr Alphonse Mackanga Missandzou (CEDAMM). En renforçant les
compétences des professionnels de l’environnement, le CEDAMM s’inscrit dans cette mission.
C’est en 1993 que le WCS, conjointement avec le CIRMF, a mené ses premiers programmes de formation à la Lopé.
Fort de cette expérience pilote et afin de mieux répondre à la demande nationale et sous-régionale croissante en
formation professionnelle, le WCS a été mandaté en 2002 par le Gouvernement du Gabon pour construire un
centre de formation à la Lopé. C’est ainsi que le 26 janvier 2006, Mme Solange Mabignah alors Ministre Délégué
auprès du Ministre de l’éducation nationale et de l’Instruction civique et Monsieur Émile Doumba, alors Ministre de
l’Économie forestière, des eaux et forêts et de la pêche, ont inauguré le CEDAMM. Dès lors, cette institution a été
choisie comme lieu privilégié pour mener les formations et comme base des activités d’éducation
environnementale et des projets de renforcement de capacités de gestion du parc national de la Lopé.
L’Écomusée
Outre le WCS, le CCM et la SEGC, le PNL abrite en son sein un Écomusée. Il s’agit d’un bâtiment où sont conservés
des vestiges caractéristiques du contexte socioculturel de la région, maillon considérable de l’histoire de l’humanité
dans le bassin du Congo. En effet, le site de la Lopé Okanda rend compte de la permanence de l’espèce humaine
dans la région depuis le Paléolithique inférieur en passant par le Néolithique, l’Age du Fer jusqu’à nos jours. Cette
présence est illustrée par les ateliers lithiques, les gravures rupestres, les sites de l’âge de Fer disséminés à travers
le Parc et sa zone périphérique, ainsi que par les rites initiatiques traditionnels qui ont survécu à l’influence du
christianisme. Ces rites sont aujourd’hui pratiqués notamment par les peuples Okandé, Simba et Pygmées
Babongos qui vivent dans cette région.
La valeur exceptionnelle universelle du riche patrimoine culturel et naturel du site de Lopé Okanda a reçu la
consécration suprême de la communauté internationale avec son érection comme premier Site mixte du
Patrimoine Mondial (SPM) de l’UNESCO au Gabon et dans la sous-région d’Afrique Centrale en 2007.
La Brigade de faune de la Lopé
À l’intérieur du parc, on trouve également une Brigade de faune, mais qui ne relève pas de l’administration du parc.
Elle est plutôt placée sous la tutelle administrative du Ministère en charge de la faune et de la chasse et a pour
mission de mener des actions de lutte anti-braconnage.
4.7.2. Mode de gestion prévu
La gestion administrative du parc relève d’un Conservateur assisté de :
- un adjoint administratif chargé de l’administration, des finances, des ressources humaines et de la
planification
- un adjoint chargé de la police, de la surveillance et du contentieux
- un adjoint chargé de l’aménagement, du suivi écologique et des relations avec la recherche
- un adjoint chargé de l’écotourisme, de l’information, de l’éducation et de la communication.
La Direction du parc est hiérarchiquement subordonnée au Secrétariat Exécutif de l’Agence Nationale des Parcs
Nationaux (ANPN).
Le Conservateur assure la gestion administrative, technique et financière du parc ainsi que les missions de police
(Article 42 de la loi sur les parcs nationaux).
Constats
La gestion actuelle du parc par le service de la conservation est loin d’être optimale. Sur un effectif total de 11
Ecogardes, 9 sont des hommes et 2 des femmes. Parmi les 2 femmes, l’une a récemment accouché et est en congé
de maternité (pour une durée de 3 mois) ; l’autre est actuellement enceinte et va dans quelques mois prendre elle
aussi son congé de maternité. Bien que la promotion du genre soit de nos jours un objectif de développement,
nous pensons que le déploiement des femmes comme Ecogardes à la Lopé doit être limité aux tâches
administratives, car leur présence sur le terrain n’est pas de nature à dissuader les braconniers. En outre, les
congés de maternité assez fréquents hypothèquent la conduite sereine des activités et par ricochet l’atteinte des
objectifs de conservation assignés au parc.
Par ailleurs, un proche du Conservateur a été recruté comme écogarde dans le parc. C’est lui qui gère les recettes
issues des visites du parc par les Touristes en toute opacité. Ainsi, nous n’avons pas pu mettre la main sur le
registre des visites du parc qui nous permettrait de savoir de manière précise combien de touristes visitent le parc
annuellement, et par voie de conséquence les recettes issues de ces visites.
La superficie du parc (près de 500 000 ha) est tellement grande que le personnel actuellement affecté à sa gestion
se trouve débordé. C’est ainsi que la quasi-totalité des efforts de surveillance du parc sont beaucoup plus
concentrés dans l’écosystème savane alors que l’écosystème forêt (dans les parties sud et est du parc) est presque
abandonné. Cette situation est favorable aux braconniers qui peuvent dès lors évoluer en toute quiétude.
Il existe un poste de contrôle permanent (PCP) où les écogardes procèdent à l’interpellation et la fouille des
véhicules qui entrent dans la ville de Lopé. Comme le montre la photo ci-dessous, ce poste est réduit à une barrière
sommaire et ne comporte pas d’abri pouvant protéger les écogardes contre les intempéries. La conséquence est
que lors d’épisodes pluvieux, les écogardes l’abandonnent et vont chercher refuge ailleurs, au grand bonheur des
braconniers et autres exploitants illicites de bois qui peuvent dès lors traverser le PCP en toute quiétude pour
acheminer leurs produits aux différents points d’écoulement.
Bien plus, les écogardes sont répartis en trois groupes de 3, 4 et 4 personnes respectivement. Le premier groupe
vient en appui au ZSL dans le cadre des activités de pistage des animaux en brousse, tandis que les 2e et 3e groupes
se relaient au poste de contrôle permanent selon des horaires précis : 8h-13h et 13h-18h. Comme on peut le
constater, il n’existe aucune équipe de nuit, notamment entre 18h et 8h.
Les entreprises en charge de la réfection des routes dans le parc ne respectent pas les règles de bonnes pratiques
de gestion environnementale. C’est le cas notamment des sites d’emprunt de matériaux latéritiques qui ne sont
pas remis en état après exploitation, ce qui donne un aspect délabré au site et détériore l’impact visuel du paysage.
Recommandations
- À l’instar des parcs nationaux de Loango et de Minkébé qui sont gérés chacun par deux conservateurs,
nous pensons que le PNL devrait être subdivisé en deux parties, sous la responsabilité chacune d’un
Conservateur.
- Les Ecogardes devraient désormais être recrutés sur une base de compétitivité et être rémunérés en
fonction du rendement.
- La gestion des recettes du parc devrait être plus transparente que par le passé.
4.8. La problématique de délimitation des terroirs villageois à la Lopé
4.8.1. Historique
Le territoire de la Lopé a été classé en aire protégée pour la première fois en 1946 comme réserve de faune de la
Lopé-Okanda. Cette réserve avait été initialement créée pour :
- préserver la beauté naturelle du paysage, dont la mosaïque forêt – savane au nord, la forêt mature au sud,
les rapides et les petites îles de l'Ogooué, et les monts du Massif du Chaillu;
- protéger les populations de grands mammifères;
- préserver pour la postérité un site historique;
- endiguer l’extension de l'exploitation forestière, qui depuis une soixante d’années était déjà perçue
comme une menace potentielle pour les écosystèmes naturels d'Afrique centrale.
La création de cette aire protégée en 1946 s’est faite par la volonté de l’autorité coloniale et souvent sans
consultation ni prise en compte des besoins des populations locales environnantes, et ce, malgré l’antériorité de
l’occupation de cet espace. En effet, la région de la Lopé est un témoignage de la permanence de l’espèce humaine
depuis le paléolithique inférieur (400000 BP) jusqu’à nos jours (Oslisly & Peyrot, 1992 ; Asseko Ndong, 2000-2001).
Ce climat d’hostilité à l’égard des populations locales s’est exacerbé notamment avec la loi 1/82 du 22 juillet 1982
dite loi d'orientation en matière des eaux et forêts qui a introduit pour sa part une innovation importante en
définissant la réserve de faune comme un « périmètre dans lequel la flore et la faune bénéficient d'une protection
absolue, mais dont l'accès est réglementé ».
Cette protection générale est renforcée par les prescriptions de l'article 46 qui interdit notamment, dans les
réserves de faune, « la création de villages, de campements, de routes publiques ou privées et de toutes formes
d'exploitations susceptibles de modifier l'environnement et ses ressources ». Pour veiller à l’application de cette
nouvelle mesure législative, le ministère des Eaux et Forêts installera au début des années 80 une brigade de faune
à la réserve de la Lopé. Le contexte général de prohibition et de répression tout à azimut des activités
cynégétiques, se matérialisera par l’accroissement chez les populations locales du sentiment d’aversion à l’égard
des politiques de conservation de la biodiversité et ce d’autant plus que le conflit homme faune était désormais
incarné par la présence de la réserve et très peu d’alternatives leur étaient proposées par l’administration.
4.8.2. Les dispositions législatives et réglementaires actuelles
Face aux échecs des méthodes répressives de protection de la nature, une nouvelle éthique de la conservation de
la nature va se mettre progressivement en place avec comme point culminant le Sommet de la Terre de Rio de
Janeiro en 1992. Une des innovations majeures de cette nouvelle vision sera le thème de la participation des «
populations locales et autochtones » à la gestion des ressources naturelles.
Les législations forestières vont s’arrimer à ce nouveau contexte. Dans le cas du Gabon, le Code forestier de 2001,
le Décret de 2002 portant création du Parc National de la Lopé ainsi que la Loi N° 003/2007 relative aux Parcs
Nationaux mettent un accent particulier sur la prise en compte des besoins et des usages des populations
villageoises.
Ainsi, dans le cadre des préparatifs du plan d’aménagement du Parc National de la Lopé, le programme ECOFAC a
mené au début des années 2000 une étude socio-économique dans les villages situés au nord de la Lopé. Ce travail
a servi de substrat pour l’élaboration des articles relatifs aux zones aménagées du Parc National de la Lopé (Décret
N° 607 de 2002). La matérialisation des limites des zones aménagées villageoises permettra d’actualiser le débat
sur la pertinence du choix de ces zones ainsi que les défis liés à l’exercice des droits d’usages coutumiers
notamment du point de vue légal (élaboration des règlements et statuts régissant ces zones) et pratique (stratégies
d’application de la loi) en conjonction avec les contraintes législatives en vigueur (possibilité de modifier 2 % de la
superficie d’une aire protégée dans un délai de cinq ans après la promulgation de la loi sur les Parcs Nationaux).
Afin de prendre en compte les droits d’usage coutumiers des populations vivant au nord du Parc National de la
Lopé, le législateur a prévu un zonage de l’espace.
Aussi, conformément aux dispositions du Décret N° 000607/2002/PR/MEFEPCEPN, l’aire protégée comprend le
Parc National de la Lopé et des zones aménagées à des fins d’utilisation multiple. L’article 5 du même décret
précise : « À l’extérieur du Parc National, sous la même gestion, on distingue :
- Une zone aménagée à des fins d’utilisation multiple urbaine réservée pour le développement de la ville de
Lopé
- Cinq zones aménagées à des fins d’utilisation multiple villageoises : Mikongo, Makoghé, Kazamabika,
Kongoboumba, Ayem
- Une zone aménagée à des fins d’utilisation multiple fluviale réservée pour l’exercice des droits d’usage
coutumier de la pêche ».
Les limites géographiques de chacune de ces zones sont également définies par les mêmes dispositions
réglementaires. Ainsi, selon le Décret N° 607/2002, le territoire à délimiter représente une superficie de 2688 ha et
comprend six zones aménagées : Ayem, Kongoboumba, Lopé, Kazamabika, Makoghé et Mikongo. Présentement, le
village Kongoboumba s’est complètement dépeuplé au profit du village Ayem.
Tableau 2 : Superficie des différentes zones aménagées de la Lopé telle que définie par le Décret N° 607/2002.
Zone
Ayem
Kongoboumba
Makoghé
Kazamabika
Lopé
Mikongo
Total
Surface (ha)
71
183
327
570
621
916
2688
Périmètre (km)
7,00
7,10
8,00
15,10
12,30
22,90
72,4
La population est principalement composée des ethnies Okandé, Saké, Makina et des populations allochtones
installées pour des raisons professionnelles ou matrimoniales. Cette zone région abrite la quasi-totalité des
implantations humaines riveraines du Parc National de la Lopé (mis à part les campements saisonniers des
pygmées Babongos à l’extrême sud du Parc). La zone est assez bien desservie par la route nationale 3 et le chemin
de fer. La végétation est constituée par une mosaïque de forêt savane qui s’efface au profit d’un continuum
forestier de basse altitude, en allant vers le sud.
Constats
Du 28 mai au 18 juillet 2008, une première opération de délimitation des terroirs villageois a eu lieu dans les
localités concernées, sous l’égide d’une commission mise en place à cet effet. Cette commission était composée de
la manière suivante :
- Le Sous-Préfet de Mokéko, Président
- Le Conservateur du PNL, membre
- Le Commandant de Brigade de gendarmerie de Lopé, membre
- Le Député suppléant, membre
- Le Directeur du projet WCS Lopé, membre
- Un Gendarme.
Le travail de délimitation physique s’est effectué par une équipe comprenant un superviseur venant de WCS, des
boussoliers et des pisteurs recrutés localement dans chaque village.
À l’issue de ce travail, les préoccupations des riverains ont porté sur :
- la non conformité des dispositions réglementaires par rapport aux résultats de l’étude socio-économique
relative à l’identification des zones d’utilisation villageoises réalisée en l’an 2000 dans le cadre de
l’élaboration du plan d’aménagement de la Réserve. Plusieurs plaintes ont d’ailleurs été formulées et
déposées dans les services du Sous-Préfet par les populations de ces villages par la suite
- les droits d’usage coutumiers dans les terroirs villageois : types d’activités qui pourront y être menées
(chasse, collecte du bois à des fins commerciales, pêche, accès aux forêts sacrées)
- les mesures prévues pour le dédommagement des personnes victimes de destructions de cultures par la
faune sauvage
- le rôle des communautés villageoises dans la gestion du PNL
- l’actualisation de la toponymie hydrographique
- la gestion des recettes issues du tourisme
- la création d’emploi au bénéfice des populations locales
- le financement des micro-projets communautaires.
Recommandations
Afin de procéder à un règlement définitif de cet épineux problème, il conviendrait :
- sur la base des dispositions législatives et réglementaires suscitées d’une part, et de la prise en compte des
réalités socio-culturelles des populations d’autre part, de revisiter l’opération de délimitation des terroirs
villageois au PNL afin d’aboutir à une solution concertée et admise par l’ensemble des parties prenantes
- et de définir les droits d’usage des populations à l’intérieur desdites zones.
4.9. Gestion participative
Constats
- Inexistence d’un comité consultatif de gestion locale pourtant prévu par les textes,
- absence de contrat de gestion de terroir pour la surveillance, la gestion et l’animation culturelle et
touristique du parc ou de sa zone périphérique,
- presque pas d’impact visible du Parc de la Lopé sur l’amélioration des conditions de vie des populations
locales.
Recommandations
- Prendre un texte pour l’application de la disposition réglementaire prévoyant la mise en place des comités
consultatifs de gestion locale (CCGL),
- suivre le traitement des dossiers de reconnaissance officielle des associations créées par les populations
locales au niveau du Ministère de l’intérieur,
- signer des contrats de gestion entre les responsables du parc et ces associations pour la surveillance et
l’animation culturelle et touristique du parc et de sa zone périphérique,
- susciter l’élaboration des micro-projets d’accompagnement au bénéfice des populations et rechercher les
bailleurs de fonds intéressés par leur financement,
- désigner de manière formelle l’un des écogardes pour servir de courroie de transmission entre les
communautés locales et les gestionnaires du parc, en attendant l’opérationnalisation de l’organigramme
du parc.
4.10. Relations avec les partenaires
Constats
- Inexistence d’un document officiel entre le PNL et le CCM (ZSL),
- absence de statut formel de ZSL au Gabon,
- antagonisme possible entre certains objectifs du PNL et ceux de la SEGC,
- non-représentation de l’ANPN et du CIRMF au conseil scientifique de l’ONAREST.
Recommandations
- Formaliser le partenariat entre le PNL et le CCM,
- examiner la possibilité de conférer un statut officiel au ZSL au Gabon,
- revisiter le statut et la nature du partenariat entre le PNL et la SEGC,
- solliciter du Gouvernement la représentation de l’ANPN et du CIRMF au conseil scientifique de l’ONAREST.
4.11. Gestion du parc de la Lopé
Constats
- Insuffisance quantitative et qualitative du personnel du parc,
- inadéquation entre la superficie du parc et les effectifs du personnel,
- caractère sommaire du poste de contrôle permanent pour filtrer les entrées dans le parc,
- non respect des règles de gestion environnementale durable par les entreprises en charge des travaux
dans le parc.
Recommandations
- Scinder la gestion du parc en 2 écosystèmes : un écosystème forêt et un écosystème savane, ayant chacun
à sa tête un Conservateur,
-
porter le nombre total d’écogardes à 40 au moins afin de respecter les normes de l’UICN,
limiter le déploiement des femmes écogardes aux tâches administratives,
approuver et rendre opérationnel l’organigramme du parc proposé dans le présent rapport,
faire respecter les bonnes pratiques environnementales par les entreprises en charge des travaux dans le
parc.
4.12. Fonctionnement général de l’ANPN
Constats
- Un cadre institutionnel inadéquat,
- Un organigramme inopérant à l’ANPN et inexistant dans les parcs nationaux,
- Une absence de profil de carrière,
- Un système juridique pas suffisamment opérationnel,
- Des textes présentant parfois des incohérences et rendant leur applicabilité difficile, voire impossible,
- Une insuffisance qualitative et quantitative du personnel,
- Une absence d’esprit d’entreprise,
- Une insuffisance des moyens de travail.
Recommandations
- refondre la structure organisationnelle par :
o la mise en place d’un organigramme adapté aux besoins et défis à relever,
o la flexibilité et la délégation de pouvoirs,
o une responsabilisation de l’encadrement à tous les niveaux (Empowerment),
o une communication ascendante et descendante (Top-Down et Bottom-Up).
- Instaurer de méthodes fiables de travail par :
o l’élaboration d’un manuel de procédures non susceptible de prêter le flanc aux éventuelles
interprétations et équivoques, et veiller à son respect scrupuleux,
o l’adoption d’un système d’évaluation des ressources humaines,
o la mise en place de structures de contrôle interne (audit et contrôle de gestion) et densification
de leur rôle,
- Procéder à l’adoption des textes déjà préparés, élaborer les textes d’application manquants et revisiter
ceux qui connaissent des difficultés d’application ou qui présentent des incohérences,
- Opérer un choix pertinent de l’encadrement par :
o Le recrutement après sélection issue d’un appel à candidatures tel que prévu par les textes,
o L’activation de l’ascenseur social sur la base du mérite et de la compétence unanimement
reconnus dans la gestion et le management de l’Agence,
o La promotion du talent et des pré-requis indispensables à l’atteinte des objectifs fixés.
4.13. Gestion du réseau des parcs nationaux du Gabon
Constats
- inefficacité du système de gestion en régie indirecte;
- difficulté de l’ANPN à gérer de manière optimale l’ensemble du réseau des parcs nationaux du Gabon.
Recommandations
- Confier la gestion des parcs nationaux au RAPAC selon une Convention à élaborer et à soumettre à
l’approbation des différents acteurs de la gestion des ressources naturelles au Gabon,
- Limiter le rôle de l’ANPN dans ce schéma aux tâches de supervision et de contrôle.
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