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Troubles de voisinage
Prescription
L'article 544 du Code civil oblige l'auteur d'un trouble
excédant la mesure des inconvénients ordinaires du
voisinage à compenser la rupture d'équilibre causée par
ce trouble.
Si l'action fondée sur l'article 544 du Code civil
présente un caractère personnel (Cass., 28 juin 1990,
Pas., 1990, I, p.1243), elle n'en est pas pour autant une
action en responsabilité extracontractuelle. Elle n'a
nullement pour fondement les articles 1382 et suivants
du Code civil.
L'action pour trouble de voisinage, qui trouve son
fondement dans l'article 544 du Code civil, se distingue
fondamentalement d'une action en responsabilité.
Non seulement elle n'impose nullement la
démonstration d'une faute, mais elle tend en outre non
pas à proprement parler à la réparation d'un dommage
mais au rétablissement de l'équilibre existant entre deux
propriétés voisines par l'allocation d'une compensation.
Cette « juste et adéquate compensation » n'est donc pas
une « indemnisation » d'un dommage comme c'est le
cas lorsqu'il s'agit d'une action en responsabilité fondée
sur l'article 1382 du Code civil, voire d'autres cas de
responsabilités.
L'action fondée sur l'article 544 du Code civil ne
constitue donc pas une action en réparation d'un
dommage fondée sur une responsabilité
extracontractuelle au sens de l'article 2262bis, § 1er,
alinéa 2, nouveau du Code civil et n'est dès lors pas
soumise au délai de prescription de 5 ans visé par cette
disposition.
En décidant, en conséquence, que l'action fondée sur
l'article 544 du Code civil, dirigée par les demandeurs à
l'encontre de la défenderesse, est soumise au délai de
prescription de 5 ans prévu par ladite disposition, l'arrêt
viole l'article 544 du Code civil puisqu'il assimile à tort
l'action fondée sur cette disposition à une action tendant
à la réparation d'un dommage fondée sur une
responsabilité extracontractuelle. Il ne justifie dès lors
pas légalement sa décision d'appliquer le délai de
prescription de 5 ans prévu par l'article 2262bis, § 1er,
alinéa 2, violant en conséquence cette disposition, ainsi
que le premier alinéa de ce même paragraphe.
L'arrêt viole également les articles 1382 et 1383 du
Code civil ainsi que le principe général du droit de la
théorie des troubles du voisinage en assimilant l'action
fondée sur l'article 544 du Code civil à une action en
responsabilité extracontractuelle au sens de l'article
2262bis, § 1er, alinéa 2, du Code civil.
III. La décision de la Cour
L'article 2262bis, § 1er, énonce, en son alinéa 1er, que
toutes les actions personnelles se prescrivent par dix
ans, et, en son alinéa 2, que par dérogation à l'alinéa
précédent, toute action en réparation d'un dommage
fondée sur une responsabilité extracontractuelle se
prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la
personne lésée a connaissance du dommage ou de son
aggravation et de l'identité de la personne responsable.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 10 juin
1998, à l'origine de ces dispositions, que le champ
d'application de l'alinéa 2 comprend tous les cas de
responsabilité civile extracontractuelle, tant à base de
faute que sans faute ou objective.
La responsabilité pour troubles de voisinage est une
responsabilité objective fondée sur l'article 544 du
Code civil.
L'action de la victime d'un trouble excédant les
inconvénients ordinaires du voisinage tendant à obtenir
une juste et adéquate compensation est une action
fondée sur une responsabilité extracontratuelle au sens
de l'article 2262bis, § 1er, alinéa 2, précité.
Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.
Le rejet du pourvoi prive d'intérêt les demandes en
déclaration d'arrêt commun.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi et les demandes en déclaration d'arrêt
commun ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille cinq cent
quarante-quatre euros quarante centimes envers les
parties demanderesses, à la somme de cent huit euros
cinq centimes envers la partie défenderesse et à la
somme de cent septante-deux euros trente-six centimes
envers la première partie appelée en déclaration d'arrêt
commun.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre,
à Bruxelles, où siégeaient le président de section Paul
Mathieu, les conseillers Didier Batselé, Albert
Fettweis, Christine Matray et Sylviane Velu, et
prononcé en audience publique du vingt janvier deux
mille onze par le président de section Paul Mathieu, en
présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec
l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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