Note de synthèse : Les conditions d`accès au droit des jeunes

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Note de synthèse :
Les conditions d’accès au droit
des jeunes fréquentant les Missions Locales :
Etude des permanences juridiques en droit du travail des Missions Locales de
La Ciotat (2001-2004), d’Est-Etang de Berre et de Marseille (2003-2004)»
Olivier NOËL
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Juin 2005
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1. Introduction, contexte
La tradition française a longtemps été de reconnaître des droits et des libertés au profit des
individus sans pour autant que les pouvoirs publics s’impliquent dans les conditions de leur
utilisation. Mais, récemment, sous l’influence déterminante de la Convention et de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme, le législateur français a défini un cadre juridique plus
adapté par la mise en œuvre successive de : la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide
juridique ; la loi du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable
des conflits ; et enfin la loi du d’orientation relative à la loi contre les exclusions du 29 juillet
1998. Le point commun de ces textes de loi est qu’ils affirment que l’accès au droit est
indissociable de l’effectivité de l’accès aux droits et confère ainsi à l’Etat la responsabilité
de favoriser l’intelligibilité des lois produites et de faire connaître aux individus les moyens
permettant de concrétiser les prérogatives juridiques qui leur sont reconnues. La question de
l’accès au droit s’impose comme « une nouvelle politique transversale. Elle s’inscrit dans un
contexte qui n’est plus seulement judiciaire mais prend une dimension sociale et politique »1.
Elle ne peut désormais se réduire au seul accès à la justice (principe selon lequel chacun
peut obtenir devant le juge, la reconnaissance et le respect de ses droits) mais doit être
étendu à laccès aux droits (une mise en œuvre effective des droits sociaux) et à l’accès à la
citoyenneté (qui unit l’exercice des droits au respect des devoirs). Pour accompagner cette
politique transversale, de nombreuses instances locales de concertation, entre les services
de l’Etat, les collectivités locales et les acteurs de la société civile (Contrats locaux de
sécurité, conseils départementaux de prévention de la délinquance, Commission
Départementale d’Accès à la Citoyenneté2 etc.) sont mises en place. L’émergence du projet
de mettre en place une « permanence de conseil juridique en droit du travail sur la
thématique de la lutte contre les discriminations » sur le territoire de La Ciotat en avril 2001
s’inscrit dans ce contexte. La Mission Locale, sensibilisée initialement au problème des
discriminations par la CODAC des Bouches-du-Rhône, dresse le constat que « Les jeunes
sont victimes, de manière diffuse, de formes diverses de discrimination » et que dans le
me temps « les permanences téléphoniques spécialisées dans le droit du travail sont très
difficiles à joindre ». L’action expérimentale est financée les deux premières années dans le
cadre du Contrat de ville3 de La Ciotat. Devant le succès de fréquentation de la permanence
sur le canton de La Ciotat, l’initiative est reconduite l’année suivante et élargie aux Missions
Locales d’Est-Etang de Berre et de Marseille en 2003 et 2004 dans le cadre du programme
européen Equal-Solimar.
1 ENA, L’accès au droit, Territoires et sécurité, séminaire de questions sociales, promotion Averroès (1998-2000),
54 p + annexes (document ronéotypé), p. 5
2 Circulaire du 18 janvier 1999 du Ministre de l’Intérieur sur les Commissions Départementales d’Accès à la
Citoyenneté (CODAC).
3 Circulaire du Premier Ministre du 31 décembre 1998 sur les Contrats de ville 2000-2006.
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2. Objectifs, problématisation et méthodologie :
Les objectifs de démarrage de la permanence juridique étaient « d’informer ou d’aider les
jeunes en emploi ou en recherche d’emploi sur : le droit du travail ; comment réagir face à
une attitude discriminatoire au sein de l’entreprise ; un litige avec un employeur ». Il s’agit à
la fois de dresser un bilan de son fonctionnement et de réfléchir plus largement aux
conditions d’accès aux droits des jeunes fréquentant les Missions locales.
Pour répondre à ces deux niveaux de questionnements (récapitulatif et exploratoire), notre
approche s’inscrit dans la perspective d’une sociologie politique du « droit en action »4 avec
pour triple finalité de s’attacher à relater les faits, à rendre compte des situations observées
et d’interroger la signification que les acteurs impliqués (jeunes victimes potentielles,
employeurs et conseillers des Missions Locales) donnent à ces mêmes faits. Cette
sociologie des pratiques professionnelles d’accompagnement dans l’accès aux droits et des
représentations et des usages du droit nous conduit à observer la manière dont les acteurs,
placés dans des situations données, « se servent des gles »5 et en me temps sont
déterminés par elle, postulant ainsi que la gle est un sens visé par les acteurs (y compris
ceux qui y contreviennent).
Une approche méthodologique plurielle a été adoptée et nous avons procédé à :
- une analyse des données quantitatives produites par les porteurs du projet lors du bilan
des 4 années de l’action ;
- une analyse des interprétations qualitatives des porteurs du projet, complétées par des
entretiens semi-directifs ;
- une analyse de données qualitatives (notamment les extraits d’un film documentaire6) ;
- nous avons aussi procédé à une analyse spécifique des trois situations de discrimination
rencontrées lors des quatre années de permanence ;
- enfin nous avons procédé à des recherches documentaires portant sur le croisement des
thématiques de l’accès au droit et des Missions Locales ainsi qu’à des investigations
théoriques portant sur la sociologie du droit, l’accès au droit des jeunes et l’ineffectivité du
droit.
3. Principales données et tendances
Les principaux résultats quantifiés du fonctionnement de la permanence permettent de
dresser une photographie du public, des problèmes juridiques rencontrés, et d’extraire
quelques tendances significatives. Au total, 212 jeunes ont néficié des conseils juridiques
4 SERVERIN Evelyne, Sociologie du droit, collection repères, La Découverte, 2000, p. 48.
5 WEBER Max, Essais sur la théorie de la science, Plon, Pocket, 1992 (1913), p. 319-320.
6 « Discrimination : est la solution ? », réalisé par la Mission Locale de la Ciotat, 2003.
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au cours des 4 années. Cette fréquentation, relativement faible au marrage de
l’expérimentation et exponentiellement croissante par la suite, souligne la cessité
d’inscrire un tel projet dans la durée. Tout d’abord parce que les jeunes n’identifient pas a
priori les Missions Locales comme un espace de ressources en matière d’accès au droit. Les
conseillers eux-mêmes ne se considèrent pas forcément légitimes (me si cet axe de
travail est depuis leur création, et sans cesse réaffir depuis - tout au moins dans les
textes7- comme étant au cœur de leur mission) pour initier un processus de recours
juridique. De plus, d’un point de vue strictement pratique, l’établissement et la stabilisation de
modalités de mise en relation entre les différents partenaires (conseillers, juristes et jeunes)
nécessite un temps long d’appropriation par les conseillers8 (tout particulièrement pour une
Mission Locale de grande taille, comme celle Marseille, qui compte une cinquantaine de
conseillers et plus d’une centaine d’agents).
Les résultats de la permanence juridique permettent de dresser le constat que le non-
respect des principes de base du code du travail est un pnomène fréquent et
donnent des indications significatives sur les conditions dans lesquelles les jeunes primo-
travailleurs accèdent au marcdu travail (nous faisons l’hypothèse que ce taux élevé de
recours à la permanence ne représente qu’une partie immergée des jeunes potentiellement
concernés, compte tenu de son caractère récent et expérimental). Ce résultat est un effet
indirect, non explicitement visé dans les objectifs initiaux de la permanence. Il vient
objectiver le ressenti initial des conseillers peu à l’aise (car rarement formés) avec le droit du
travail. Les situations abordées9 par les juristes concernent des problèmes liés à :
la rupture du contrat de travail (102 situations soit 48,3% du nombre total de
situations traitées) ;
l’exécution du contrat de travail (79 situations soit 37,4% du nombre total de
situations traitées) ;
l’accès à des formations ou à la régularisation de situations administratives en
regard du droit des étrangers (27 situations soit 12,8% du nombre total de situations
traitées)
7 Prenons pour seul exemple la circulaire DGEFP n°2004/024 du 18 août 2004 qui est explicite en la matière en
précisant que les Missions Locales doivent en matière d’information : « informer sur les droits et devoirs » et en
matière d’accompagnement « favoriser la prise de conscience par le jeune de ses droits ». Enfin parmi les actions
transversales, la circulaire définit cinq missions de base, pérennes qui renforcent sa capacité d’intervention sur
son territoire : « l’action en matière d’accès aux droits, de prévention, de justice et de sécurité ».
8 Il est important de souligner que les 142 jeunes orientés vers la permanence entre 2003 et 2004 l’ont été selon
le juriste par « une toute petite dizaine de conseillers » sur les trois Missions Locales. Ce qui laisse supposer que
le dispositif n’a pas déployé toute sa potentialité.
9 Tableau statistique récapitulatif des données entre 2001 et 2004.
1 / 13 100%

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