les concepts en jeu (la morale, la norme-alité, la liberté, le mal etc.), à
construire une problématique philosophie etc. Et donc à poser des
questions, découvrir des problèmes.
Philosopher peut ensuite consister aussi dans le raisonnement qui se
refait continuellement pour mettre en ordre, justifier et fonder ce
que l’on pense, ce que l’on comprend, les questions que l’on se pose.
Ces raisonnements qu’on appelle « argumentation » mobilisent
beaucoup de compétences telles que diviser, organiser, douter,
questionner, abstraire, généraliser, fonder, prévoir, critiquer,
discuter… L’évolution de la discussion en classe a permis de
découvrir combien l’argumentation s’apprend mieux quand chacun
veut défendre sa propre opinion, dans une discussion. Mais, d’une
part argumenter peut se faire hors de tout « philosopher » et
philosophie, et parfois, « philosopher » peut se faire sans nécessité
d’argumenter.
Finalement, dans le « philosopher », il y a un imprévu de la pensée,
que les profs nomment kairos, parce qu’ils ne savent pas en dire
beaucoup plus, que le fait qu’ils ont été surpris et parfois pris au
dépourvu, souvent autant que l’élève qui l’a produit et les élèves qui
l’ont écouté. Cela pose problème à l’animateur qui voudrait en faire
« quelque chose ». Il existe une diversité de kairos. Et ils représentent
tous un vrai enjeu pour l’animateur, ou prof. Mais aussi pour les
élèves. Pourquoi ces kairos surgissent-ils ? D’où viennent-ils ? Qu’en
faire ? Je vais donc donner un exemple de kairos et tenter d’en
proposer des analyses différentes.
Prenons un exemple tiré d’une discussion avec des enfants de 10
ans, animée suivant la méthode Lipman, par Véronique Delille. à
l’Unesco en novembre 2012. La discussion était partie d’un début
d’histoire: un avion tombait sur une île déserte, laissant un groupe
d’enfants seuls. La question posée portait sur s’ils avaient besoin
d’un ensemble de lois ou non. Les jeunes s’accordaient sur ce
besoin et discutaient ensemble comment le fonder et le justifier. Ils
pensaient au problème: pourquoi faisons-nous des lois. Une
question est née : mais les lois, doivent-elles venir après ou avant
que les personnes ne fassent quelque chose de mal ? Cette question
n’est pas surprenante car l’homme pense facilement aux
conséquences de ses idées, aux conséquences des hypothèses que
ces questions posent. Et la question de la posteriorité/antériorité
de la poule ou de l’œuf est assez spontanée. Mais soudain, un
enfant a dit : « Mais avant qu’un groupe ne fasse de lois, il existe