La clause de conscience dans le droit définitif

publicité
La clause de conscience dans le
droit belge
M. Bossens
ULB
29/11/2014
La clause de conscience est une démarche
individuelle qui implique un choix éclairé
• Elle n’a pas de définition légale claire
• Elle découle de la liberté de conscience
VISION SPIRITUALISTE:
VICTOR HUGO
La Conscience neuronale, morale,
spiritualiste, le Bien et le Mal:
Pétitions de Principe…
• Institut Européen de Bioéthique: « La
conscience morale est le jugement de valeur
formulé par l’intelligence pratique du sujet
sur la bonté ou la malice d’un acte concret. »
• Confucius: « La conscience est la lumière de
l'intelligence pour distinguer le bien du
mal. »
La liberté de la conscience neuronale
du matérialiste?
• La pensée résulte de l’activité du système
nerveux: La Liberté, c’est écouter son propre
cerveau? , c’est faire des choix informés?
• Pétition de principe? Etre libre, c’est se sentir
libre? FLOU…
La clause de conscience est une démarche
individuelle qui implique la liberté d’esprit
• Elle n’a pas de définition légale claire
• Elle découle de la liberté de conscience
• Elle est invoquée généralement en obéissance
aux lois divines, écrites par des prophètes
sous la dictée de Dieu
La liberté de conscience du croyant
• La liberté de l’homme découle de l’existence
de son âme, immortelle, et responsable de ses
actes au jugement dernier; c’est elle qui
commande au cerveau
Le Devoir moral de Désobéissance
• Résulte du conflit entre la conscience morale
personnelle, et l’obéissance aux lois de l’état
qui régissent le fonctionnement de la société
Devoir légal de désobéissance
Les Lois de l’état sont contestables
• Le Bien et le Mal sont des valeurs
individuelles et relatives
• Mais la vie en groupe exige des consensus ou
des règles majoritairement admises
• En démocratie, la Loi est l’expression écrite
de la loi morale majoritaire
Le Bien et le Mal sont des valeurs relatives
• Ex: Brésil: l’avortement est interdit, sauf en
cas de viol
• Algérie: l’avortement est interdit, même en
cas de viol, sauf si l’auteur est un membre du
GIA (2004)
• Uruguay: l’avortement est interdit, sauf en cas
de viol ou de pauvreté extrême
Le relativisme de la loi morale
• Ne peut pas être à sens unique…
La clause de conscience peut être invoquée par les
catholiques contre les lois de l’état, pas contre celles
de l’église
• La conscience elle-même ne distingue pas toujours facilement le
bien du mal, parce qu’elle peut être « mal formée »
• Les lois religieuses sont là pour l’aider:
Los “católicos” de nombre que firmemente piensan que la fidelidad a
los dictados de la conciencia ordena oponerse a las enseñanzas de la
Iglesia sobre las cuestiones de la “vida humana” y de la sexualidad,
son los mejores ejemplos de una “conciencia mal formada”. Sus
“conciencias” “les obligan” a oponerse a la doctrina del Magisterio
que, para los católicos, es la fuente de orientación autorizada para la
formación de la conciencia.
• Cuad Bioet. 2014 Jan-Apr;25(83):25-40. [The physician's conscience,
conscience clauses, and religious belief: A Catholic perspective].
• Pellegrino ED
En matière d’IVG, nous avons tous des
problèmes de conscience…
• Dès avant la légalisation de l’IVG, des hôpitaux
ont institué des procédures de décision
collective, justifiant ou non l’indication d’IVG
vis-à-vis du patient, du médecin, de l’hôpital
et du reste du monde: réunion de staff,
commission IVG, comité d’éthique (critères?)
• Dans ces conditions, le médecin applique la
décision du groupe, réduisant sa propre
responsabilité morale
Situation de fait de l’IVG en France et en Belgique en 1914
Situation judiciaire de l’avortement:
Belgique 1919-1940: Stéphanie Villers 2009
1919
Loi de 1867: Avortement = « crime contre l’ordre des
familles et la moralité publique »
Loi de 1923: réprime la provocation à l’avortement et la
propagande anticonceptionnelle
1939
Situations où s’applique dans certains
pays l’objection de conscience légale
• La guerre (refus de tuer): citoyens
• L’application de la peine capitale: médecins,
infirmiers, pharmaciens
• L’IVG, l’euthanasie, la PMA: médecins,
pharmaciens, paramédicaux (stérilisation?,
contraception?, circoncision?, …)
• La recherche scientifique? (embryons …)
• Journalisme: démission pour changement de
ligne éditoriale
Clause de conscience et IVG: La
situation européenne
• Résolution 1763 de 2010 de l’Assemblée Parlementaire du
Conseil de l’Europe (les 47):
Les états doivent introduire dans leurs lois la clause de
conscience pour les personnes et les institutions, tout en
étant responsables de l’accès aux soins légaux en temps
utile.
• EU: Clause de conscience dans la loi de 21 pays, + Norvège
et Suisse
• Pas légale en Tchéquie, Suède, Bulgarie et Finlande, +
Islande
• Norvège: 10% l’invoquent en cas de demande d’IVG
Nordstrand SJ et Al, 2012
• Italie: 70%: Minerva F 2014 (59% en 2005)
Loi belge: Art 350 du code pénal:
3 avril 1990 (Lallemand – Michielsen)
• 6°: Aucun médecin, aucun infirmier ou
infirmière, aucun auxiliaire médical n'est
tenu de concourir à une interruption de
grossesse. Le médecin sollicité est tenu
d'informer l'intéressée, dès la première visite,
de son refus d'intervention.
• 2° c: L'appréciation de la détermination et de l'état de
détresse de la femme enceinte qui conduit le médecin à
accepter d'intervenir est souveraine lorsque les conditions
prévues au présent article sont respectées.
« Avortement et objection de conscience en Belgique »
Louis-Leon Christians et Sophie Minette
Chaire de droit des religions UCL 2010
• Trois traits majeurs caractérisent ce que l’usage reconnaît être une
« objection de conscience » : (a) son bénéfice est limité aux
médecins, infirmiers et auxiliaires médicaux et non à d’autres
catégories professionnelles, comme les pharmaciens par exemple ;
• (b) le droit de refus n’est soumis à aucun contrôle ni condition
d’authenticité ou de sincérité, la référence à une « conscience »
n’étant même pas présente dans la loi ;
• (c) aucune obligation positive de renseignement ou de renvoi
ne pèse sur le corps médical puisque seul le refus d’intervention
doit être communiqué, sans obligation de fournir à l’intéressée le
nom d’autres praticiens ou établissements où l’intervention
pourrait être pratiquée .
• Il n’en va pas de même au plan des droits
régionaux d’organisation du planning familial.
Décret de la Région Wallonne du 18/7/1997
relatif aux centres de planning et de consultation familiale et
conjugale
• art. 11 : « Les membres de l'équipe pluridisciplinaire qui,
pour des raisons de conscience, ne veulent ou ne peuvent
donner suite à une demande d'aide dans le domaine de
l'interruption volontaire de grossesse sont tenus de désigner
sans délai au demandeur la personne du centre, le centre ou
l'établissement auprès duquel l'aide peut être obtenue. À cet
effet, le centre met à disposition des membres de l'équipe
pluridisciplinaire la liste des personnes, centres ou
établissements auprès desquels l'aide
sollicitée peut être obtenue. »
Sénat de Belgique
SESSION DE 1999-2000 25 NOVEMBRE 1999
• Proposition de loi repénalisant l'avortement
• (Déposée par M. Wim Verreycken et consorts)
• « Il est évident que la loi Lallemand/Herman-Michielsens marque
le triomphe d'un groupe de pression qui entend soustraire l'éthique
à tout contrôle social pour la soumettre exclusivement à
l'appréciation personnelle. »
Limitation subtile du droit à l’IVG?
• La Cour Européenne des droits de l’Homme:
« l’état qui met des obstacles à l’accès à
l’avortement viole les droits des femmes »: 2
arrêts,
• Mais: « L’accès à l’IVG n’est pas un droit
humain en soi »: 1 arrêt
Jurisprudence européenne:
• Cour eur. D.H., arrêt du 26 mai 2011, R.R. c.
Pologne, n° 27617/04
• Les États sont tenus d’organiser leurs services
de santé de manière à garantir que l’exercice
effectif de la liberté de conscience des
professionnels de la santé dans un contexte
professionnel n’empêche pas les patients
d’accéder à des services auxquels ils ont
légalement droit.
Sanctions en cas de non-respect de la
clause de conscience ?
• Bien que la clause de conscience figure dans une disposition
du Code pénal, il est généralement estimé que le non-respect
de cette disposition n’est pas punissable pénalement. S’il est
fait pression sur un médecin, un infirmier, une infirmière ou
un auxiliaire médical, au mépris de son droit d’exercer la
clause de conscience, pour le forcer à prêter son concours à
une interruption de grossesse, la sanction est à chercher sur
le terrain civil. La victime de pressions ou menaces
(déplacement vers un autre service, refus de promotion,
spectre d’un licenciement…) peut mettre en cause la
responsabilité civile de l’auteur de celles-ci et réclamer des
dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice
matériel et/ou moral.
• Institut Européen de Bioéthique
Sanctions en cas d’omission du refus à
la première visite?
• Quant au médecin qui refuse de pratiquer une interruption
de grossesse pour motifs de conscience, mais qui a omis de
notifier son refus dès la première visite de sa patiente, il
pourra également être considéré comme ayant commis une
faute civile ouvrant un droit à la réparation de l’éventuel
préjudice. Ainsi en sera-t-il si, par cette faute, la femme n’a
pas pu se tourner vers un autre médecin dans le délai
requis pour bénéficier d’une interruption de grossesse.
Suivant l’état actuel de la jurisprudence, le médecin
s’expose à devoir indemniser l’intéressée pour avoir dû
mener à terme une grossesse estimée dommageable,
voire pour une « naissance dommageable ».
• Institut Européen de Bioéthique
Institut Européen de Bioéthique:
• La loi ne soumet l’exercice de la clause de conscience à
aucune autre obligation légale, ni ne prescrit aucune règle
de forme à respecter. Pour parer à toute contestation
future éventuelle, le médecin aura toutefois intérêt à
manifester par écrit son refus de pratiquer l’interruption
de grossesse. Il importe qu’il conserve soigneusement cet
écrit, daté et contresigné par la patiente, afin de se
ménager une preuve qu’il a informé l’intéressée dès la
première visite. Une autre solution, sans doute plus
réaliste, est que le médecin notifie son objection de
principe, par écrit, à la direction de l’institution de santé où
il travaille, cette dernière s’engageant à en informer les
patientes. Ici aussi, le médecin gardera une copie, datée et
signée de l’original.
La clause de conscience profite-t-elle
au personnel non médical ?
• Des personnes peuvent être impliquées dans la gestion
administrative d’un dossier relatif à une interruption
de grossesse et amenées ainsi à coopérer, fût-ce
indirectement et de façon éloignée, à un acte que leur
conscience réprouve. Elles sont néanmoins exclues du
bénéfice de la clause de conscience visée par l’article
350, 6°, du Code pénal qui ne mentionne que les
professionnels des soins de santé. Ainsi, un membre du
staff administratif d’un hôpital ou une secrétaire
médicale ne peut invoquer cette disposition pour
refuser de poser un acte administratif
relatif à une interruption de grossesse.
• Institut Européen de Bioéthique
Quid des pharmaciens?
Quid des pharmaciens?
• La loi belge de 1990 les a oublié! …
• Saisie par deux pharmaciens français pour refus de vente,
sur la base de l’article 9 de la Convention européenne des
droits de l’homme, la Cour européenne des droits de
l’homme a rejeté leur requête, s’exprimant en ces termes :
• « Dès lors que la vente du produit est légale, intervient sur
prescription médicale uniquement et obligatoirement dans
les pharmacies, les requérants ne sauraient faire prévaloir
et imposer à autrui leurs convictions religieuses pour
justifier le refus de vente de ce produit, la manifestation
desdites convictions pouvant s’exercer de multiples
manières hors de la sphère professionnelle. »
• Institut européen de bioéthique
Code de déontologie pharmaceutique belge
• Article 32
• Sans préjudice aux droits du patient, à la continuité des
soins et à l’exécution de la prescription, le pharmacien
a le droit de refuser la délivrance en raison de ses
objections de conscience.
• Dans ce cas, il doit renvoyer le patient auprès d’une
pharmacie où le produit en question peut bien être
délivré. Si ce n’est pas le cas, le pharmacien doit
exécuter la prescription.
• Durant le service de garde, la clause de conscience
doit toujours s’effacer devant le droit du patient à la
continuité des soins.
La situation est différente pour
l’euthanasie (loi belge du 28/5/2002, art 14)
• Le médecin doit motiver son refus
• Il est tenu de transmettre le dossier si le
patient ou son représentant le demande
• La clause de conscience est étendue à toute
personne amenée à participer à l’euthanasie,
y compris les pharmaciens
Quid des institutions de soins?
• La loi belge de 1990 n’en fait pas mention
• Le 7 octobre 2010, l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe a adopté la Résolution 1763 intitulée « Le droit à
l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux»
• « Nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de
pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations
d’aucune sorte pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un
avortement, une fausse couche provoquée ou une euthanasie, ou
de s’y soumettre, ni pour son refus d’accomplir toute intervention
visant à provoquer la mort d’un foetus ou d’un embryon humain,
quelles qu’en soient les raisons. »
60% des Hôpitaux généraux belges ne
déclarent pas d’IVG (rapport 2012)
Code de déontologie médicale belge
•
Art.. 169 01/01/1975 contrats
avec des établissements de soins
• Aucune disposition statutaire, contractuelle
ou réglementaire ne peut limiter le choix des
moyens à mettre en oeuvre soit pour
l'établissement du diagnostic, soit pour
l'institution du traitement et de son
exécution,….
Code de déontologie médicale belge
•
•
•
•
•
•
17/10/1992 Art 86
Dans des cas de pathologie maternelle ou foetale, le premier devoir du médecin
est d'informer complètement la patiente. Le médecin peut envisager ou être
sollicité de réaliser une interruption de grossesse notamment dans le cadre de
certaines dispositions légales.
Dans tous les cas, le médecin est libre d'y prêter son concours. Il peut s'y refuser
pour des motifs personnels.
Ses collaborateurs doivent jouir à tous égards de la même liberté.
Dans tous les cas, l'autonomie de la personne, et s'il échet, du couple, doit être
respectée. A cet effet l'information complète et précise sur tous les aspects du
problème médical et social, ainsi que le consentement éclairé de la patiente
doivent précéder toute décision médicale en ce domaine.
L'interruption de grossesse doit se faire dans des institutions de soins disposant
de l'infrastructure nécessaire pour que la sécurité et la continuité des soins soient
garanties, dans un environnement de soutien psychologique adéquat.
Les articles 95 à 98 (fin de vie) ne traitent pas de la clause de conscience.
La clause de conscience aussi est
invoquée par des groupes
Employeurs (USA: refus d’assurer des employés pour
certains soins médicaux: IVG et contraception)
• Institutions de soins (refus systématique des IVG et
euthanasies dans de nombreux pays)
• Sociétés pharmaceutiques (RU 486, peine capitale
USA)
Les assureurs et les entreprises
entrent dans les débats éthiques
La Libre Belgique
18-19/10/2014
La religion divine n’est pas la seule
limite à la liberté d’esprit
• La volonté peut aussi se soumettre à des
religions humaines
Eduard Wirth
Carl Clauberg
Horst Schumann
L’avortement, la société, et la loi
•
•
•
•
L’avortement et la justice, une répression illusoire ?
Discours normatifs et pratiques judiciaires en Belgique (1918-1940)
Stéphanie Villers
Histoire, justice, sociétés
•
…
• Dès la fin du XIXe siècle se dessine en Europe une véritable « révolution
de l’avortement ». Les pratiques abortives, plus sûres, répondent au
rejet des morales officielles et au désir nouveau des couples de limiter la
taille de leur famille. Cette banalisation de l’avortement entraînera en
Belgique une réaction dont l’ampleur étonne encore. Morale catholique,
nationalisme exacerbé et crainte de la dépopulation concourent à faire
de l’avortement, ce « fléau du siècle », un véritable crime ...
•
Lire la suite
• Éditeur : Presses universitaires de Louvain
•
•
•
•
•
Collection : Histoire, justice, sociétés
Année d’édition : 2009
Publication sur OpenEdition Books : 21 février 2013
ISBN : 9782874631511
ISBN électronique : 9782875581761
« Pense et agis selon les eaux claires de ton être »:
Adélaïde Hautval
Téléchargement