compagnie Roland furieux
Responsable artistique Laëtitia Pitz
11, rue des Armoisières
57 000 Metz
www.compagnierolandfurieux.fr
Production Isabelle Bernay
TEL / 06 88 61 47 22
1
La Double Inconstance
Marivaux
Dossier pédagogique
SOMMAIRE
Quelques notes du metteur en scène > p.4
Quelques notes au sujet de la scénographie et de la dramaturgie > p. 5
Quelques repères sur Marivaux (1682-1763) > p.11
Résumé de La Double Inconstance > p.19
2
Qui mieux que Marivaux, a su, saura figurer la confusion des sentiments, leurs ambivalences, leurs paradoxes, ainsi que leurs éprouvantes drôleries?
Cette Double Inconstance là, interpelle aujourd'hui la compagnie Roland furieux. Et qui mieux que cet auteur saura conclure ce cycle, qui, de Soie d’Alessandro Baricco à Manque
de Sarah Kane, aura tenté de déplier, pli après pli, ces pages troublées et sublimes ?
"Pas une trahison, juste voler un petit quelque chose d'un don supérieur", un bout de phrase tiré de Botho Strauss, phrase juste assez lumineuse pour orienter et inspirer notre
Double inconstance.
Une comédie avec sa vitalité, son humour, son excentricité, sa fièvre érotique et littéraire - c'est parfois la même - comme des objectifs évidemment. Et sans doute cela doit sure.
Mais encore, comme une intuition diuse et aujourd'hui encore - un inexprimable paradoxe -, ressentir que l'expression finale de ce travail touche d'autres zones, plus ambigües,
plus déchirantes.
Cette pièce est à la fin réjouissante, parce qu'elle rétablit les spectateurs dans leur estime d'eux-mêmes - ne chipotons pas sur ce plaisir - mais doit, du moins je le crois, le laisser
un peu incommodé. Abasourdi. Parce que cette oeuvre est géniale et que c'est un bien banal enjeu que de creuser un peu.
Un arrière goût.
"La séduction est un jeu plus fatal, plus risqué aussi, qui n'est en rien exclusif du plaisir, au contraire, mais qui est autre chose que la jouissance. La séduction est un défi qui toujours
tend à dérégler quelqu'un au regard de son identité, du sens qu'il peut prendre pour lui- même. Il y retrouve la possibilité d'une altérité radicale." Jean Baudrillard.
C'est à ce jeu des possibilités qu'il convient de se livrer... A ces bifurcations incessantes, parce que la vie est ainsi.
Encore dire que si le deuxième acte de La Double Inconstance est un modèle de ciselure, de complexité et d'esprit, nous avons eu à cœur de le figurer, avec le vocabulaire
esthétique approprié à son siècle. Les deux autres actes moins somptueux sans doute, plus débraillés, n'en marquent pas moins à mes yeux les premières manifestations de la
modernité. Imaginer donc un geste scénographique pour composer ces trois temps.
Notre distribution n'est plus à l'âge de la candeur, mais à celui des échanges, des revers de fortune, des accomplissements aussi, des négoces, des cartes rebattues, des regains,
des retours sur soi. Voilà qui est passionnant !
Une note personnelle : La Dispute, mise en scène par Patrice Chéreau, inaugura pour moi, pour bien d'autres forcément, une compréhension et une "excitation" encore jamais
ressenties avec le théâtre de Marivaux. Des années plus tard, j'ai été son assistant pour Le Temps et La Chambre de Botho Stauss. Cela a compté...
Aujourd'hui que nous créons le texte de La Double Inconstance, c'est vers lui que se portent mes regards.
Patrick Haggiag
metteur en scène
3
Quelques notes
du metteur en scène
Patrick Haggiag
Propos recueillis par Anaïs Pélaquier
Pourquoi le choix d’un appartement en rénovation!?
Les circonstances et ensuite les contingences construisent une aventure théâtrale, à cela s’adjoignent quelques idées …
Dans la Double inconstance, les destins aussi sont en construction, c’est-à-dire que les personnages échafaudent des plans. Le lieu Sylvia est amenée est un lieu de l’incertitude,
un lieu peuvent se dessiner des architectures, des destins, des désirs C’est un peu comme une page blanche… On peut se dire que le Prince destine un lieu à l’avenir de
Sylvia et que cet avenir est à inventer à partir d’une figure féminine, à partir d’un fantasme… Cette page blanche permet d’écrire tout ça … Cet espace, qu’il soit en rénovation ou en
déconstruction – «#en déconstruction#» est un mot intéressant – me semblait le lieu possible pour que les expériences se croisent.
C’est un lieu qui définit aussi un statut social, la magnifique verrière donne à cet espace un standing, elle raconte l’aristocratie. Tandis que les murs en placo-plâtre peuvent dire
l’instabilité des choses, la précarité. Le monument n’est pas totalement installé#!
Dans ce lieu en déconstruction, pourquoi le choix de ces couleurs!acidulées ?
Ce n’est pas vraiment un choix… Mais il est rose parce qu’à Castorama, il est rose aussi ! Ce sont les couleurs objectives de ces placo-plâtres qui sont acidulées, étrangement.
Dans ce sens-là, c’est un décor réaliste, on voit en eet un placo-plâtre d’évidence. Ce n’est pas une stylisation de placo–plâtre, c’est le revêtement qu’on met d’habitude devant les
murs anciens. De manière un peu subliminale, c’est aussi une façon de mettre une couche de modernité là où on imagine, au-dessous, des vieux murs.
Comment en arrives-tu à cette envie de lieu en construction, à ce placo-plâtre ? Est-ce que c’est quelque chose qui est venu dans le travail ou dès la lecture du texte!?
L’idée vient d’un événement objectif#: d’un lieu qui n’était pas un théâtre, qu’on devait investir, dans lequel on devait présenter la pièce et qui était lui-même en construction. Le
placo-plâtre était l’élément qui pouvait s’adapter de la façon la plus idéale à ce lieu, pas encore fini. Les vocabulaires d’un lieu véritablement en construction et de notre placo-plâtre
pouvaient s’ajuster absolument et permettre à la pièce d’exister.
Le lieu d’origine a disparu mais l’idée du placo-plâtre est restée. Et à cette idée s’est ajoutée une autre idée#: ce lieu est devenu l’aile ou les dépendances d’un château en
construction… Mais qui sont finalement tous les lieux qu’on a croisés dans notre recherche de lieux de représentation. C’est une manière de faire conjuguer un lieu objectif (un
château, un parc…) avec notre espace propre.
La présence du film L'Assoié du grand cinéaste indien Guru Dutt est arrivée, je crois, très vite, avant même l’idée du lieu en construction ?
L’idée du film indien, c’est d’abord une atmosphère#: on souhaitait être dans une intelligence un peu ironique avec ce texte, dans une méditation presque orientale. Les musiques ou
les imageries qui m’apparaissaient ne relevaient pas d’une sorte de lourdeur dialectique, elles n’étaient pas d’un académisme où on recherchait les musiques du XVIII ième siècle. Il
y avait une orientation qui était un dépaysement. Si on sortait la pièce un peu de son contexte historique, si on sortait de l’imagerie un peu préfabriquée qu’on a tous en tête, on
pouvait peut-être éclairer davantage ce qu’elle était. Je pouvais très bien accepter ou imaginer cette ambiance.
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Quelques notes
au sujet de la scénographie et de la dramaturgie
Cette envie est née aussi autour du personnage du Prince!?
Cette envie est née autour du personnage du Prince, oui, en me disant qu’on pouvait penser ou imaginer que ce Prince pouvait être revenu de tout. Peut-être parce que c’est Didier
Menin qui jouait ce rôle peut-être aussi parce que les personnages masculins des films indiens - que ce soit chez Satyajit Ray ou chez Guru Dutt - sont des amants tragiques. Et
que je voyais plus ça, pour mon Prince, pour le Prince, qu’un jeune premier idéal. Je voyais un destin construit, qui avait déjà tout rencontré, et qui puisse être séduit par quelque
chose d’un peu inattendu, par une jeune paysanne, un peu sauvage. Cette figure du prince un peu désolé, mélancolique comme un Maharadja me plaisait beaucoup.
Ces associations de sens, d’images m'attiraient aussi. La typologie des personnages dans le cinéma indien est encore très respectée. Je pouvais faire un va-et-vient entre ces deux
mondes et en même temps sortir du XVIII ième siècle et retravailler le texte à la lumière de certaines séquences du film.
Et c’est aussi toujours la manière, comprise ou non et je ne sais pas si elle est comprise par moi-même d’ailleurs - de désorienter un texte, c’est-à-dire de perdre les points
cardinaux, de perdre la boussole.
Tu parles de mélancolie au sujet du film indien … Tu en parles souvent, cependant c’est une comédie!….
Le personnage de Flaminia dit «#je sortirai victorieuse et vaincue#». C’est une phrase qui m’intéresse, car tous les personnages sont victorieux et vaincus en même temps. La vie
témoigne aussi de cela, les victoires ne sont jamais totales, les désillusions peuvent nous faire sourire, après coup. Ce jeu, chez Marivaux, est très poignant. Si on était dans une
comédie, le théâtre qu’on ferait ne me plairait pas tout à fait, j’ai besoin que la comédie soit à l’épreuve de forces plus déroutantes, plus sombres…
Si tu devais résumer la Double Inconstance en très peu de mots!?
Si la pièce s’appelait l’Inconstance, ce serait un conte moral ou une tragédie. Mais puisque c’est «#une double inconstance#», ça se transforme en comédie. C’est-à-dire que les
défaites de l’orgueil se retournent à l’avantage de chacun des protagonistes parce qu'ils trouvent une issue à la perte de promesse ou à la perte de la fidélité, mais la fidélité comme
un idéal. Est-ce que la pièce signifie que l’idéal ou l’absence d’idéal est ce qui constitue notre espèce#? Ce qui la signifie au final ? L’homme qui a un idéal et qui se maintient dans
cet idéal, c’est un solitaire peut-être. Dès lors que nous sommes deux, quatre ou plus, nous sommes dans des jeux interchangeables. L’inconstance de nos sentiments mais
l’inconstance en soi - est le mot qui fonde finalement toute vie humaine. Quoi qu’on en pense. La pièce est passionnante, chacun est inconstant et donc chacun trouve une issue à
sa propre existence. C’est pour ça que c’est une comédie.
Il y a une symétrie chez les protagonistes. C’est cette symétrie qui fait que la pièce est jouissive, haletante et qu’elle se termine bien. Est-ce que les vies de chacun ne sont pas de
cet ordre-là#? Je perds à un endroit mais je vais peut-être triompher à un autre. Peut-être que ce qui constitue une part d’échec est aussi en creux une part d’horizon nouveau pour
mon existence. La pièce de Marivaux travaille l’avenir, l’optimisme et au fond, elle est un apprentissage de la légèreté ou de la lucidité.
Autre chose aussi, la pièce est moderne - mais c’est un lieu commun - elle est bouleversante parce que Marivaux travaille au sens presque psychanalytique l’inconscient des
personnages. Il fait dire aux personnages ce qu’eux-mêmes n’arrivent pas à avouer. Il y a des partenaires, des interprètes qui font avouer à chacun la vérité de ce qu’il est ou la
vérité de ce qu’il pense. Ce jeu d’aveux, de témoignages de soi ouvre l’espace de nos sentiments modernes. Et nous y sommes#!
Et pourquoi certaines coupes dans le texte!?
On a fait les coupes avec Laëtitia Pitz. Pour des raisons d’économie de personnages d’abord. Et aussi, parce que nous avons souhaité un redoublement du personnage du Prince
qui rebondit comme si c’était lui qui était finalement l’ordonnateur, le grand manipulateur, l’architecte de l’histoire. A un moment donné, Didier Menin, qui joue le Prince, m’a dit
voyager avec cette idée-là et de construire un sens. Je me suis dit que si Didier en construisait un, cela pouvait avoir toute sa place. Et visiblement, ça a l’air de bien marcher#!
Et dans les coupes du texte, il y a aussi un aspect «!coups de bâtons!» que tu as décidé d’éliminer …
Chez Marivaux, il y a très peu de phrases archaïques qui témoignent du rapport «#maître-valet#» au sens le plus «#historicisé#», avec le rapport du maître qui frappe son valet.
Aujourd’hui, la blessure est d’une autre nature et les mots, chez Marivaux, ont traversé le temps mais pas les gestes#: ce sont les mots qu’on garde.
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