Concurrences
Revue des droits de la concurrence
Competition Law Journal
Les aides d’État dans lesecteur
de l’énergie
Droit & économie l Concurrences N° 1-2014
www.concurrences.com
François lévêquE
l Professeur d’économie, Mines ParisTech l Associé fondateur, Microeconomix
Dörte fouquEt
l Directrice, Fédération européenne des énergies renouvelables
Marcelo saguan
l Économiste senior, Microeconomix
Sébastien DouguEt
l Économiste, Microeconomix
Patrick tHiEffRy
l Avocat, Thiery & Associés
l Professeur associé, École de droit de la Sorbonne Université de Paris-I
Jean-Michel glacHant
l Professeur d’économie l Directeur Florence School of Regulation
Vincent Rious
l Économiste senior, Microeconomix
Leigh HancHER
l Of Counsel, Allen & Overy l Professeur de droit européen,
Université de Tilburg
Adrien DE HautEclocquE
l férendaire, Cour de justice de l’Union européenne, Luxembourg
l Conseiller, Loyola de Palacio Chair et Florence School of Regulation
Institut universitaire européen, Florence
@ Droit & économie
Concurrences N° 1-2014 I Droit & économie Les aides d’État dans lesecteur de l’énergie
1
Nouvelles interactions et
tensions entre la politique
énergétique européenne et
l’approche de la Commission
en matière d’aides d’État*
intRoduction
François lévêquE
Professeur d’économie, Mines ParisTech
Associé fondateur, Microeconomix
1. Quel diagnostic donner de l’approche en termes de politique énergétique
de l’Union européenne pour favoriser l’intégration des marchés et la transition
énergétique? Alors que certaines problématiques n’ont pas été résolues de manière
satisfaisante, de nouveaux chantiers surgissent et nécessitent des prises de décision
rapides de la part des gouvernements et de la Commission.
2. Ces dés sont nombreux: à l’évolution contrôlée vers un système de production
décarbonée viennent s’ajouter les enjeux en termes de sécurité d’approvisionnement,
de abilité des réseaux ou encore de sobriété énergétique. La Commission se retrouve
alors face à la tâche difcile de dénir de nouveaux compromis permettant de relever
ces dés efcacement. En particulier, elle doit statuer sur la place à donner aux aides
d’État dans les mesures envisagées pour atteindre les objectifs européens. Cet enjeu
est crucial pour plusieurs raisons.
3. La première raison est liée à l’actualité. Les nouvelles lignes directrices pour le
contrôle simplié des aides d’État pour l’énergie et l’environnement doivent être
publiées début 2014. Leur contenu déterminera l’approche des gouvernements
pour soutenir leurs objectifs en termes énergétique et environnemental au cours
des prochaines années. On s’attend notamment à une approche plus extensive de la
notion d’aides d’État et à une révision des critères d’appréciation de la compatibilité
des aides d’État.
4. La deuxième raison est d’ordre opérationnel. L’analyse économique est peu
mobilisée dans le domaine des aides d’État. On peut se demander quelle serait
l’utilité de renforcer sa présence dans l’approche adoptée par la Commission. Si tel
est le cas, il faut alors déterminer comment la mettre en œuvre et comment articuler
l’expertise juridique et l’expertise économique.
5. La troisième raison touche au fond de la problématique. Le marché intérieur de
l’électricité et du gaz est loin d’être achevé, et les politiques européennes de l’énergie
et de l’environnement rencontrent aujourd’hui un grand nombre de difcultés. Il faut
alors se demander si les aides d’État sont favorables à l’aboutissement et à l’efcacité
de ces politiques, et si elles sont une partie de la solution ou bien du problème.
François lévêquE
francois.lev[email protected]
Professeur d’économie, Mines ParisTech
Associé fondateur, Microeconomix
Dörte fouquEt
doerte.fouquet@bbh-online.be
Directrice, Fédération européenne des énergies
renouvelables
Marcelo saguan
marcelo.saguan@microeconomix.com
Économiste senior, Microeconomix
Sébastien douguEt
Économiste, Microeconomix
Patrick tHiEffRy
patrick.thiery@thiery.com
Avocat, Thiery & Associés
Professeur associé, École de droit de la Sorbonne
Université de Paris-I
Jean-Michel glacHant
Professeur d’économie
Directeur Florence School of Regulation
Vincent Rious
Économiste senior, Microeconomix
Leigh HancHER
leigh.hancher@AllenOvery.com
Of Counsel, Allen & Overy
Professeur de droit européen,
Université de Tilburg
Adrien dE HautEclocquE
Référendaire
Cour de justice de l’Union européenne, Luxembourg
Conseiller, Loyola de Palacio Chair et Florence
School of Regulation
Institut universitaire européen, Florence
* Conférence organisée par le cabinet
Microeconomix le 27 septembre 2013, Paris.
Abstract
Les nombreux dés auxquels fait face l’Union européenne
en matière de politique énergétique imposent de revoir les
mécanismes à l’œuvre pour l’intégration des marchés et la
transition énergétique. La question de la révision de l’approche
de la Commission au sujet des aides d’État dans le secteur
de l’énergie se pose. Les articles de ce dossier transcrivent
certaines interventions de la conférence récemment organisée
par le cabinet Microeconomix sur ce sujet.
The growing number of challenges on energy policy that
the European Union faces call for a review and an update of
the current mechanisms implemented for market integration
and energetic transition. A new paradigm regarding the
utilisation of State aid by EU member States to serve national
and common interest could thus be dened. The articles in
this issue transcribe some interventions made at the recent
conference organized by Microeconomix.
Les aides d’État dans
lesecteur de l’énergie
Concurrences N° 1-2014 I Droit & économie Les aides d’État dans lesecteur de l’énergie
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6. Dans ce contexte, la conférence annuelle de
Microeconomix est l’occasion de dresser un panorama des
discussions et des enjeux liés à la redénition de la place des
aides d’État dans la réalisation des dés européens en matière
énergétique et environnementale. Microeconomix a réuni
parmi les meilleurs spécialistes du domaine, des intervenants
de haut niveau, praticiens et académiques, qui partagent
leurs points de vue an d’éclairer les débats actuels.
7. Les articles qui suivent transcrivent les différentes
interventions de la conférence. Dans le premier thème,
DörteFouquet (présidente de la Fédération européenne des
énergies renouvelables et avocate), Marcelo Saguan (économiste
senior chez Microeconomix) et SébastienDouguet (économiste
chez Microeconomix) et Patrick Thieffry (avocat chez Thieffry
& Thieffry et professeur associé à Paris-I) présentent leur
point de vue sur les aides aux sources d’énergie décarbonée.
Dans le second thème, Jean-Michel Glachant (professeur
d’économie et directeur de la Florence School of Regulation),
Vincent Rious (économiste senior chez Microeconomix),
Leigh Hancher (Of Counsel chez Allen & Overy et professeur
de droit européen à l’université de Tilburg) et Adrien de
Hauteclocque (référendaire à la Cour de justice de l’Union
européenne) présentent leur point de vue sur le traitement
des tarifs en matière d’aides d’État. n
Concurrences N° 1-2014 I Droit & économie Les aides d’État dans lesecteur de l’énergie
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1. C’est un grand plaisir pour moi et je remercie
François Lévêque de m’avoir invitée à être modératrice
pour cette session. Notre “train bleu” pour cette session est
évidemment comment agir pour le futur des aides d’État,
vers l’évaluation de différents systèmes. Avant quelques
mots d’introduction, j’ai le plaisir de présenter les personnes
qui vont discuter de ce thème. Nous commençons d’abord
avec Marcelo Saguan, économiste expérimenté chez
Microeconomix et chef de le de la pratique énergie. Il est
docteur en sciences économiques et il coopère beaucoup
avec notre cher professeur Jean-Michel Glachant. Il a signé
sous son égide une thèse sur l’analyse économique des
architectures du marché électrique, application au market
design du temps réel. À la n de notre panel, nous avons
PatrickThieffry, avocat chez Thieffry & associés. Il travaille
depuis de longues années dans le secteur de l’énergie et a
créé le cabinet il y a déjà plus de trente ans. Il est également
professeur associé à l’université de Paris-I, où il est spécialisé
en droit de l’environnement. Il a beaucoup conseillé non
seulement les administrations, mais aussi les entreprises.
L’apport de ces deux expériences va permettre d’animer le
débat.
2. Je voudrais proter de ces propos introductifs pour
expliquer mon intérêt pour la question des aides d’État.
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai plusieurs chapeaux.
Je suis invitée parce que je viens du secteur des énergies
renouvelables, en particulier les producteurs indépendants.
Depuis douze ans, je représente les intérêts d’une association
européenne de producteurs d’énergie renouvelable à Bruxelles
auprès des institutions européennes, avec l’objectif d’ouvrir
un marché européen avec un accès à ce marché, d’établir un
système beaucoup plus juste pour que tout le monde ait ses
chances, surtout le secteur indépendant (i.e., les structures au
niveau communal qui ne font pas elles-mêmes partie d’une
grande structure centrale de producteurs).
3. De l’autre côté, je suis avocate depuis les années 1980.
Et depuis le début, je travaille dans le droit de l’énergie.
J’ai d’abord été fonctionnaire à Hambourg puis on m’a
envoyée au nord vers Bruxelles et, depuis 1993, je travaille
à Bruxelles comme avocate. En ce moment, je gère la partie
droit européen à Bruxelles du plus grand cabinet en droit de
l’énergie allemand et je conseille également depuis de longues
années des administrations, ainsi que le secteur privé. Par
exemple, sur le sujet dont nous parlons aujourd’hui, les aides
d’État, cela fait plus de douze ans que je conseille le ministère
de l’Environnement en Allemagne sur le système feed-in des
tarifs d’achat. n
Les aides d’État dans lesecteur de l’énergie
Thème1: Aides d’État et sources d’énergie
décarbonée
IntroductIon
Dörte fouquEt
Directrice, Fédération européenne des énergies renouvelables
Concurrences N° 1-2014 I Droit & économie Les aides d’État dans lesecteur de l’énergie
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1. Des mesures de soutien à la production d’électricité
d’origine renouvelable et décarbonée sont aujourd’hui
nécessaires pour permettre aux technologies concernées
(c.-à-d. éolien, solaire photovoltaïque) de combler leur
défaut initial de compétitivité par rapport aux technologies
de production conventionnelle et de se développer. En
Europe, de nombreux mécanismes ont ainsi été mis en
œuvre pour atteindre les objectifs européens en matière
d’énergie renouvelable. L’exemple classique est celui du tarif
d’achat garanti (feed-in tariff). Mis en place notamment en
Allemagne et en Espagne, il a permis le développement de
plus de 150 GW d’éolien et de photovoltaïque en Europe
(n2012)1.
3. Jusqu’à présent, les mécanismes européens de soutien
aux énergies renouvelables (EnR) ont pu être implémentés
sans obstacles majeurs en termes de droit européen de la
concurrence2. En particulier, ces aides ont dans la plupart
des cas échappé à la qualication en tant qu’aides d’État,
leur permettant alors d’être mises en place en toute légitimité
du point de vue de la Commission. La question de leur
compatibilité avec les objectifs européens en matière de
concurrence a donc rarement été évoquée.
4. Cette situation est à présent susceptible d’évoluer et
pourrait conduire à la multiplication des évaluations de
la compatibilité de ces aides par la Commission. L’avocat
général de la CJUE a par exemple conclu en juillet 2013
que les tarifs français de rachat de l’électricité éolienne
constituaient une aide d’État au regard des critères de
qualication du TFEU, jetant ainsi l’incertitude sur les
perspectives de la lière française et ouvrant la porte à une
réévaluation générale des plans de soutien aux énergies
renouvelables3. Certains mécanismes d’aides (actuels ou
futurs) risquent désormais d’être qualiés d’aides d’État,
et devront dans ce cas démontrer leur compatibilité avec
le droit européen. En parallèle, la question même de la
compatibilité de telles mesures d’aides est étudiée en
profondeur par la Commission4. Les débats actuels sur les
nouvelles lignes directrices pour cadrer les aides accordées
aux EnR suscitent des interrogations quant aux modalités
de mise en œuvre de l’évaluation de la compatibilité. Les
1 Cf. http://www.eurobserv-er.org.
2 V., p. ex., Keay (2013).
3 V., p. ex., Thieffry (2013).
4 Cf. European Commission (2013).
possibilités d’implémentation des mesures d’aides pourraient
donc bientôt évoluer selon les modications des règles
d’encadrement.
5. Dans ce contexte, un besoin réel est exprimé pour une
dénition plus rigoureuse de la mécanique d’évaluation de la
compatibilité des aides d’État pour la production électrique
renouvelable et décarbonée. Parmi les pistes possibles,
l’analyse économique permet d’apporter une contribution
signicative. Nous proposons donc d’étudier en quoi l’analyse
économique permet de renforcer la rigueur de l’approche de
la Commission européenne.
I.L’approche actuelle de
laCommission pour évaluer
lacompatibilité des aides d’État:
Lebalancing test
6. Une mesure d’aide qualiée d’aide d’État par les critères
du TFUE n’est autorisée que si son évaluation au regard
des critères de compatibilité utilisés par la Commission est
concluante. L’approche de la Commission pour l’évaluation
de la compatibilité a fortement été inuencée par l’analyse
économique5. En effet, les critères généraux du traité ont été
précisés et le cœur de l’approche repose maintenant sur un
balancing test, qui consiste à analyser et à confronter les coûts
(distorsions de concurrence et des échanges) et les bénéces
(correction d’une défaillance de marché) de la mesure d’aide.
Selon ce cadre, une mesure d’aide est compatible avec le droit
européen si elle répond à un objectif bien déni d’intérêt
commun ou de correction des défaillances de marché, si elle
est bien conçue pour répondre à cet objectif, et si les distorsions
de concurrence et d’échanges qu’elle induit sont limitées et
contrebalancées par les effets positifs qu’elle entraîne.
7. En pratique, on observe que la Commission met
généralement en œuvre ce test de manière qualitative ou
simpliée. Elle utilise souvent des critères généraux qui ont
peu à voir avec les effets économiques des cas particuliers.
Elle quantie rarement les bénéces ou les coûts et apprécie
leur ampleur au jugé. Dans le cadre des mesures d’aides aux
énergies renouvelables, les lignes directrices pour les aides
environnementales (EAG) simplient encore davantage le
cadre d’analyse.
5 V., p. ex., Friederiszick et al. (2007) ou Haucap et Schwalbe (2011).
Les aides d’État dans lesecteur de l’énergie
Aides d’État et sources d’énergie décarbonée
lanalysE économiquE dEs aidEs à la pRoduction
délEctRicité: lE cas dEs énERgiEs REnouvElablEs
Et décaRbonéEs
Marcelo saguan, sébastiEn douguEt
Économistes, Microeconomix
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