La personnalité histrionique

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Synthèse
La personnalité histrionique
Une personne atteinte de ce trouble ne supporte pas
de ne pas être au centre de l’attention de tous.
Jérôme Palazzolo,
psychiatre, est professeur
au Département santé
de l’Université
i n t e rnationale Senghor,
à Alexandrie,
en Égypte), chargé
de cours à l’Université
de Nice-Sophia
Antipolis, et chercheur
associé au Laboratoire
d’anthropologie et
de sociologie, Mémoire,
identité et cognition
sociale, LASMIC, à Nice.
L
a personnalité résulte de l’intégration
dy n a m i que de compo s a n tes cogn itives, pulsionnelles et émotionnelles.
L’agencement de ces différents facteurs constitue les traits de personnalité, à savoir les modalités relationnelles du
sujet, sa façon de percevoir le monde et de se
penser dans son environnement.
L'unité fonctionnelle que constitue la personnalité présente deux autres caractéristiques :
elle est à la fois stable (la personnalité contribue
à la permanence de l'individu) et unique (elle
rend le sujet distinct de tous les autres).
Sel on la dixième révi s i on de la Classification
internati onale des maladies (CIM-10) de l’Orga nisation mondiale de la santé, OMS, les personnalités pathologiques représentent des « déviati ons ex trêmes ou sign i f i c a tives des perceptions,
des pensées, des sensations et particulièrement
des relations avec autrui par rappor t à celles
d’un individu moyen d’une culture donnée. »
Les associations entre troubles de la personnalité et pathologies psychiatriques sont fréquentes, et la présence d’un trouble de la personnalité est un facteur aggravant d’une pathologie psychiatrique. Les troubles de la personnalité se distinguent des symptômes des différentes pathologies psychiatriques par le fait
qu’ils apparaissent généralement à la fin de
l’adolescence, et qu’ils se caractérisent par des
com portem ents du ra bles et stables dans le
temps indépen d a m m ent des situ a ti ons auxquelles les sujets se trouvent confrontés.
Principalement des femmes
Le tr ouble de la personnalité histrionique
entre deux et trois pour cent de la population
générale – ce sont surtout des femmes –, et
représente 10 à 15 pour des consultants en psychiatrie. Le propre d'une personnalité histrionique, c'est son besoin de se mettre en scène, de
tout faire pour qu’on la remarque. Elle est en
représentation perpétuelle et ne suppo rte pas
de ne pas être le centre d’intérêt de son entourage, quel qu’il soit (voir l’encadré ci-dessous).
L’évolution est variable : il peut y avoir atténuation des traits avec l’âge au bénéfice d’activités gratifiantes (œuvres caritatives, bénévolat), ou bien majoration avec un risque d’addiction (alcool, voire drogues) et de dépression.
Quelles sont les causes proposées pour
ex p l i qu er ce tro u ble de la pers onnalité ? Le s
psych a n a lys tes ne parl ent pas de pers onnalité
histrionique, mais de névrose hystérique,
même s’il s’ a git d’une seule et même patholo-
Une personnalité histrionique
G
isèle se fait toujours remarquer, en toutes
circonstances et en tous lieux. Elle s'habille
de manière voyante, originale, porte souvent des
couleurs vives, un chapeau. Dans un groupe, elle
ne supporte pas que quelqu'un d'autre soit au
centre de l'attention de « son public ». Si cela se
produit, elle fait tout pour attirer à nouveau l’attention du groupe sur elle. Elle aguiche les
hommes, mais juste pour se faire remarquer, sans
autre intention. En société, elle fait parfois honte
à ceux qui l'accompagnent, car elle s'exprime
92
souvent de façon déplacée : elle parle fort, rit aux
éclats, ou bien prend un air désespéré en évoquant un drame de l’actualité. Elle croit avoir des
amis très proches, mais en réalité son entourage
la supporte assez mal, ne pouvant pas vraiment
s'exprimer lorsqu’elle est là, ni même avoir des
échanges intéressants en tête-à-tête : même en
présence d’un unique interlocuteur, elle se comp o rte comme si elle était devant un public nombreux. Elle joue sans cesse un personnage. On
ne sait plus qui elle est vraiment.
© Cerveau & Psycho - N° 40
Jérôme Palazzolo
gie, dont l’intensité et les manife s t a ti ons son t
très va riées. Sel on Freud, elle traduit une résolution pathologi que d’une sexualité con f l i ctuell e . Il s’agi rait de su j ets immatures, inhibés,
passifs et dépendants, ne po uvant vivre que
soutenus par un en to u ra ge maternant et protecteu r. La névrose hystéri que est éga l em en t
n ommée « hystérie de convers i on ».
Quant aux tenants des thérapies cogn i tivocom portem entales, ils met tent l’accent sur le rôle
de l’éducation. Les parents sont soupçon n é s
d’avoir systématiquement en co u ragé leur en f a n t
en privi l é giant les cri t è res esthéti qu e s , sans va l ori s er aucunem ent les qualités intell ectu elles et
m orales. C’est po u rqu oi , le ch a rme et la sédu cti on devi en n ent les stra t é gies privi l é giées de l’enfant qui répond ainsi aux différen tes soll i c i t ati ons de ses parents, puis des autres à mesu re qu e
le cercle des interacti ons sociales s’ a ggra n d i t .
Si l'on admet qu’un dys fon cti onnement psych i que ex i s te dans ce tro u ble, il est vra i s embl a ble qu’un dys fon cti onnement cérébral est
égalem ent en cause. Dès 1995, des études d'imagerie cérébrale par tom ogra phie par émission de
po s i tons et IRM fon cti on n elle ont mis en éviden ce que l’activa ti on de certaines régi ons corticales et sous-corticales est anorm a l e . Il n’ex i s te
en core aucun modèle phys i op a t h o l ogique de la
maladie, car la plu p a rt des études n'ont pu être
ef fectuées qu'auprès d’un nom bre très limité de
patients, les troubles étant très hétérogènes.
Certaines images ont été obtenues sur d es
personnes atteintes de névrose hystérique et faisant une crise de paralysie de type hémiplégie
(une moitié du corps est paralysée et insensible) ; il s’agit d’un hémisyndrome sensitivomoteur. On a constaté une hyperactivité des
régions frontales et une hypoactivation du cortex précentral moteur responsable de l’hémiplégie transitoire. L’imagerie a également révélé
une hypoactivation du thalamus et des ganglions de la base qui se normalisait lorsque les
symptômes moteurs disparaissaient.
Ces différents résultats su gg è rent que des
boucles de régulati on des mouvem ents son t
impliquées dans la produ cti on de l’hémiplégi e
constatée sur ces pati en t s . Il est po s s i ble que ce s
bo u cles soi ent sous l'influ en ce du système limbi qu e , le système des émoti ons. Autrem ent dit,
une hypothèse serait qu e , sous l’ef fet d’une émoti on intense, les régi ons frontales con trôlant les
mouvem ents volontaires soi ent hyperactivées,
© Cerveau & Psycho - N° 40
Les caractéristiques d’une personnalité histrionique
Selon le manuel qui regroupe et décrit toutes les maladies mentales, le
DSM-IV, la personnalité histrionique est en quête d'attention, et présente au
moins cinq des huit manifestations suivantes :
• Le sujet ne supporte pas les situations où il n'est pas le centre de l'attention
• L'interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de
séduction inadapté ou d'attitude provocante
• L'expression émotionnelle est superficielle et changeante
• Le sujet utilise son apparence physique pour attirer l'attention
• Sa façon de parler est très subjective, et pauvre en détails
• Il y a une dramatisation et une exagération de l'expression émotionnelle
• Le sujet est facilement influencé par les autres ou par les circonstances
• Il a tendance à considérer que ses relations sont plus intimes qu'elles ne le
sont en réalité.
Le trouble peut s’accompagner d’un certain égocentrisme, d’une indulgence excessive vis-à-vis de soi-même, d’un désir permanent d’être apprécié, d’une tendance à être facilement blessé et d’un comportement manipulateur visant à satisfaire ses propres besoins.
en même temps que le cortex moteu r, responsable de l’ex é c ution des mouvem ents, s oit inhibé. Les sym ptômes moteu rs constatés du rant les
crises d’hys t é rie traduiraient, du moins dans les
cas étudiés, un conflit en tre la vo l onté de faire
des mouvem ents et l’incapacité de les accomplir.
La prise en charge
Comme nous l’avons vu, les personnalités histri on i ques entreti en n ent une certaine dépen d a nce vi s - à - vis d'autrui. Les changem ents d'humeurs
fréqu ents et la labilité émoti on n elle abo utissent
souvent à des « c rises de nerfs ». L'intolérance aux
f ru s tra ti ons, l'hyperactivité émoti onnelle son t
sources de souffrance et abo uti s s ent régulièrement à des décom pensations dépressives. C'est
souvent à ce mom ent que les su j ets con su l tent.
Même les con sultati ons sont vécues sur le mode
de la sédu cti on, et sont théâtrales.
La pers onnalité histri on i que souffre généra l ement d'un manque d'intro s pecti on , d'un be s oin
de valori s a ti on narcissique, d'émotivité excessive
et donc d'un manque de ration a l i s a ti on .
L ' objecti f théra peuti que principal est donc de
rehausser l'image de soi et d'apprendre au pati ent
à analys er les situ a ti ons de façon ra tionnelle plutôt qu'intuitive ou affective. La psych a n a lyse reste
la méthode de référence, mais les thérapies cogn itivo-com portem entales sont de plus en plus utin
lisées dans ce type de trouble.
Bibliographie
J. Palazzolo, Au-delà
des maux - Paroles
oubliées ou l’importance
de l’écoute, Ellébore,
Collection Champs
O u v e rts, 2003.
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P. Vuilleumier et al.,
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J. Bergeret,
La personnalité normale
et pathologique, Dunod,
1996.
93
I
des
cin
mè
les
pa
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