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L
a personnalité résulte de l’intégration
dy n a m i q ue de com p o s a n tes cogn i-
tives, pulsionnelles et émotionnelles.
L’agencement de ces différents fac-
teurs constitue les traits de personna-
lité, à savoir les modalités relationnelles du
sujet, sa façon de percevoir le monde et de se
penser dans son environnement.
L'unité fonctionnelle que constitue la per-
sonnalité présente deux autres caractéristiques :
elle est à la fois stable (la personnalité contribue
à la permanence de l'individu) et unique (elle
rend le sujet distinct de tous les autres).
Sel on la dixième vi s i on de la Cl a s s i f i c a ti on
i n t ern a ti onale des maladies (
C I M
-10) de l’Orga -
n i sation mondiale de la santé,
OMS
,les person-
nalités pathologiques représentent des « dévia-
ti ons ex trêmes ou sign i f i c a tives des perceptions,
des pensées, des sensations et particulièrement
des relations avec autrui par rappor t à celles
d’un individu moyen d’une culture donnée. »
Les associations entre troubles de la person-
nalité et pathologies psychiatriques sont fré-
quentes, et la présence d’un trouble de la per-
sonnalité est un facteur aggravant d’une patho-
logie psychiatrique. Les troubles de la person-
nalité se distinguent des symptômes des diffé-
rentes pathologies psychiatriques par le fait
qu’ils apparaissent généralement à la fin de
l’adolescence, et qu’ils se caractérisent par des
com portem ents du r a bles et stables dans le
temps indépen d a m m ent des situ a ti ons aux-
quelles les sujets se trouvent confrontés.
Principalement des femmes
Le trouble de la personnalité histrionique
entre deux et trois pour cent de la population
générale ce sont surtout des femmes –, et
représente 10 à 15 pour des consultants en psy-
chiatrie. Le propre d'une personnalité histrio-
nique, c'est son besoin de se mettre en scène, de
tout faire pour qu’on la remarque. Elle est en
représentation perpétuelle et ne supporte pas
de ne pas être le centre d’intérêt de son entou-
rage, quel qu’il soit (voir l’encadré ci-dessous).
L’évolution est variable : il peut y avoir atté-
nuation des traits avec l’âge au bénéfice d’acti-
vités gratifiantes (œuvres caritatives, bénévo-
lat), ou bien majoration avec un risque d’addic-
tion (alcool, voire drogues) et de dépression.
Q u e lles sont les causes proposées po u r
ex p l i qu er ce tro u ble de la pers on n a l i t é ? Le s
p s y ch a n a lys tes ne parl ent pas de pers on n a l i t é
h i s t ri o n i q u e , mais de névrose hys t é r i q u e ,
me s’il s’ a git d’une seule et même patholo-
La personnalité histrionique
Une personne atteinte de ce trouble ne supporte pas
de ne pas être au centre de l’attention de tous.
Synthèse
Jérôme Palazzolo,
psychiatre, est professeur
au Département santé
de l’Université
i n t e rnationale Senghor,
à Alexandrie,
en Égypte), chargé
de cours à l’Université
de Nice-Sophia
Antipolis, et chercheur
associé au Laboratoire
d’anthropologie et
de sociologie, Mémoire,
identité et cognition
sociale,
L A S M I C
, à Nice.
Une personnalité histrionique
Gisèle se fait toujours remarquer, en toutes
circonstances et en tous lieux. Elle s'habille
de manière voyante, originale, porte souvent des
couleurs vives, un chapeau. Dans un groupe, elle
ne supporte pas que quelqu'un d'autre soit au
centre de l'attention de « son public ». Si cela se
produit, elle fait tout pour attirer à nouveau l’at-
tention du groupe sur elle. Elle aguiche les
hommes, mais juste pour se faire remarquer, sans
autre intention. En société, elle fait parfois honte
à ceux qui l'accompagnent, car elle s'exprime
souvent de façon déplacée : elle parle fort, rit aux
éclats, ou bien prend un air désespéré en évo-
quant un drame de l’actualité. Elle croit avoir des
amis très proches, mais en réalité son entourage
la supporte assez mal, ne pouvant pas vraiment
s'exprimer lorsqu’elle est là, ni même avoir des
échanges intéressants en tête-à-tête : même en
présence d’un unique interlocuteur, elle se com-
p o rte comme si elle était devant un public nom-
breux. Elle joue sans cesse un personnage. O n
ne sait plus qui elle est vraiment.
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gi e , dont l’intensité et les manife s t a ti ons son t
très va ri é e s . Sel on Freu d , elle traduit une réso-
luti o n pathologi que d’une sexualité con f l i c-
tu e ll e . Il s’ a g i rait de su j ets immatu r e s , i n h i b é s ,
p a s s i f s et dépen d a n t s , ne po uva nt vivre qu e
s o u tenus par un en to u ra ge maternant et pro-
tecteu r. La névrose hys t é r i que est éga l em en t
n ommée « hys t é r ie de convers i o n» .
Quant aux tenants des thérapies cogn i tivo -
com portem en t a l e s , ils met tent l’accent sur le rôle
de l’édu c a ti on . Les parents sont soupçon n é s
d ’ a voir sys t é m a ti qu em e nt en co u ragé leur en f a n t
en privi l é giant les cri t è res esthéti qu e s , sans va l o-
ri s er aucunem ent les qualités intell ectu elles et
m ora l e s . C’est po u rqu oi , le ch a rme et la sédu c-
ti on devi en n ent les stra t é gies privi l é giées de l’en-
fant qui répond ainsi aux différen tes soll i c i t a-
ti ons de ses paren t s , puis des autres à mesu re qu e
le cercle des interacti ons sociales s’ a ggra n d i t .
Si l'on ad m e t qu’un dys fon cti on n em ent psy-
ch i que ex i s te dans ce tro u bl e , il est vra i s em-
bl a ble qu’un dys fon cti on n em ent cérébral est
é ga l em ent en cause. Dès 1995, des étu d es d'ima-
gerie cérébrale par tom ogra phie par émission de
po s i ton s et
I R M
fon cti on n elle ont mis en évi-
den ce que l’activa ti on de certaines régi ons cor-
ticales et sous-corticales est anorm a l e . Il n’ e x i s te
en core aucun modèle phys i op a t h o l ogi q ue de la
m a l ad i e , car la plu p a rt des étu des n'ont pu être
ef fectuées qu ' a u près d’un nom bre très limité de
p a ti en t s , les tro u b les étant très hétérog è n e s .
Certaines images ont été obtenues sur d es
personnes atteintes de névrose hystérique et fai-
sant une crise de paralysie de type hémiplégie
(une moitié du corps est paralysée et insen-
sible) ; il s’agit d’un hémisyndrome sensitivo-
moteur. On a constaté une hyperactivité des
régions frontales et une hypoactivation du cor-
tex précentral moteur responsable de l’hémi-
plégie transitoire. L’imagerie a également révélé
une hypoactivation du thalamus et des gan-
glions de la base qui se normalisait lorsque les
symptômes moteurs disparaissaient.
Ces différents résultats su gg è rent que de s
bo u cles de régulati on des mouvem ents son t
i m p l i q uées dans la produ cti on de l’hémiplégi e
constatée sur ces pati en t s . Il est po s s i ble que ce s
bo u cles soi ent sous l'influ en ce du système lim-
bi qu e , le système des émoti on s . Autrem ent dit,
une hypothèse serait qu e , sous l’ef fet d’une émo-
ti on inten s e , les régi ons frontales con trôlant les
m o u vem ents vo l on t a i res soi ent hyperactiv é e s ,
en me temps que le cortex moteu r, re s p on-
s a b le de l’ex é c uti o n des mouvem en t s , s oit inhi-
b é . Les sym ptômes moteu rs constatés du rant les
c r ises d’hys t é rie tradu i ra i en t , du moins dans les
cas étu d i é s , un conflit en tre la vo l on de faire
des mouvem ents et l’incapacité de les accom p l i r.
La prise en charge
Comme nous l’avons vu , les pers o nnalités his-
tri on i ques en t reti en n ent une certaine dépen d a n-
ce vi s - à - vis d'autru i . Les ch a n g em ents d'hu m e u r s
f r é q u ents et la labilité émoti on n elle abo uti s s en t
s o u vent à des « c rises de nerfs » . L ' i n t o l é r a n ce aux
f ru s tra ti on s , l ' hyperactivité émoti on n e lle son t
s o u r ces de souffra n ce et abo uti s s ent régulière-
m e nt à des décom pen s a ti ons pre s s i ve s . C ' e s t
s o u vent à ce mom ent que les su j ets con su l ten t .
Même les con su l t a t i ons sont vécues sur le mode
de la sédu cti on , et sont théâtra l e s .
La pers onnalihistri on i que souffre généra l e-
m e nt d'un manque d'intro s pecti on , d'un be s oi n
de va l o ri s a ti on narc i s s i q u e , d ' é m o t iviexce s s i ve
et donc d'un manque de ra ti o n a l i s a ti on .
L ' obj e cti f t h é r a peuti que principal est donc de
reh a u s s er l'image de soi et d'appren d r e au pati en t
à analys er les situ a ti ons de façon ra ti on n elle plu-
t qu ' i n tu i t ive ou affective . La psych a n a lyse re s t e
la méthode de référen c e , mais les thérapies cogn i-
tivo - c om portem entales sont de plus en plus uti-
lisées dans ce type de tro u b l e .
n
Jérôme Palazzolo
B i b l i o g r a p h i e
J. Palazzolo,
Au-delà
des maux - Paroles
oubliées ou l’import a n c e
de l’écoute, Ellébore,
Collection Champs
O u v e rts, 2003.
A. Féline et al.,
Les troubles
de la personnalité,
Flammarion Médecine-
Sciences, 2002.
P. Vuilleumier et al.,
F u n c t i o n a l
n e u r o a n a t o m i c a l
correlates of hysterical
sensorimotor loss,
in B r a i n, vol. 1 2 4 ( 6 ) ,
p p . 1077-1090, 2001.
J. Berg e r e t ,
La personnalité normale
et pathologique, Dunod,
1 9 9 6 .
Les caractéristiques d’une personnalité histrionique
Selon le manuel qui regroupe et décrit toutes les maladies mentales, le
DSM-IV, la personnalité histrionique est en quête d'attention, et présente au
moins cinq des huit manifestations suivantes :
• Le sujet ne supporte pas les situations il n'est pas le centre de l'attention
• L'interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de
séduction inadapté ou d'attitude provocante
• L'expression émotionnelle est superficielle et changeante
• Le sujet utilise son apparence physique pour attirer l'attention
• Sa façon de parler est très subjective, et pauvre en détails
• Il y a une dramatisation et une exagération de l'expression émotionnelle
• Le sujet est facilement influencé par les autres ou par les circonstances
• Il a tendance à considérer que ses relations sont plus intimes qu'elles ne le
sont en réalité.
Le trouble peut s’accompagner d’un certain égocentrisme, d’une indul-
gence excessive vis-à-vis de soi-même, d’un désir permanent d’être appré-
cié, d’une tendance à être facilement blessé et d’un comportement mani-
pulateur visant à satisfaire ses propres besoins.
Il
des
cing
mèn
les r
p a r
con
taux
tale
turb
cher
tant
tôm
prés
mon
thal
men
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dan
men
tôm
sibl
l'inf
la ré
con
en c
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