H ist o ir e Séquence 7 Les échelles de gouvernement dans le monde de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours Sommaire 1. L ’échelle de l’État nation : Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement et administration, héritages et évolutions Glossaire 2. L’échelle continentale Glossaire Biographies Webographie 3. La gouvernance économique mondiale depuis 1944 Glossaire Séquence 7 – HG00 1 © Cned - Académie en ligne 1 N.B. les mots suivis d’un astérisque sont définis dans le glossaire ci-dessous. L’échelle de l’État nation Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement et administration, héritages et évolutions L’État est l’ensemble des personnes et des institutions qui exercent le pouvoir suprême de gouverner et de décider sur une population et un territoire donnés. Ce n’est ni le gouvernement seulement, ni le corps de ses serviteurs, que l’on peut nommer communément la bureaucratie ou l’administration. L’historien Pierre Rosanvallon affirme que l’analyse de l’État ne peut être découpée en tranches. Son étude doit donc être envisagée dans son rapport au régime politique, aux institutions, à l’économie, la société, et à la nation. Au cours de l’Histoire, il a revêtu quatre figures qui se sont juxtaposées : E l’« État gendarme » qui assure les fonctions régaliennes afin de maintenir l’ordre politique et social : justice, police, défense. E L’État comme institution du social : il doit renforcer la cohésion d’une société d’individus en développant des règles juridiques, économiques, contractuelles, mais aussi favoriser des représentations, un imaginaire collectif, bref en fabriquant du Français. E L’État comme « réducteur d’incertitudes », par exemple en établissant un protectionnisme* favorable aux agriculteurs dans les années 1880, ou en créant une sécurité sociale en 1945. E L’État régulateur, avec la planification* et les nationalisations*. Solution à tous les problèmes, recours ultime, l’État n’en demeure pas moins stigmatisé en permanence par ceux qui refusent son intervention ou veulent la transformer. À la critique traditionnelle révolutionnaire ou antifiscale, s’est ajoutée celle, néo-libérale, des années 1980, qui pointait les disfonctionnements des économies dirigées, ou encore celle du déficit démocratique dans les choix politiques. Ces critiques ont d’autant plus pesé que l’État doit s’adapter depuis le milieu du XX° siècle aux mutations engendrées au niveau infranational par la multiplication des lois de décentralisation*, et sur le plan supranational*, par la construction européenne. Le tournant du XXI° siècle est donc marqué par un questionnement sur la place de l’État en France, d’autant plus problématique qu’il se pose à des organisations politiques hésitant entre plusieurs modèles. Problématique Entre amour et désamour comment ont évolué la place et le rôle de l’État en France et dans la vie des Français ? Séquence 7 – HG00 3 © Cned - Académie en ligne Plan du chapitre : traitement de la problématique A- L’État et la Nation en France : un mariage plus que de raison 1- La longue durée de l’État : de la monarchie capétienne à la République démocratique 2- L ’État moteur des « Trente Glorieuses » B- L’État problème 1- Une crise de la représentativité. 2- Une tradition anti-étatique parfois ancienne renouvelée à l’aune de la modernité. 3- L’État en question 4- La révolution libérale C- L’État dépassé 1- É tat de droite, État de gauche : un clivage toujours pertinent ? L’État : une échelle de décision 2- dépassée ? 3- L’État contre-attaque 4 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Notions clés État/Nation Culture républicaine « État de Droit » Dirigisme Keynésianisme Plan ; économie mixte ; nationalisation Démocratie sociale État Providence Système redistributif Fonction publique Repères Commenter une caricature ; Identifier des symboles et des attributs Pantouflage Haute fonction publique Tradition anti-étatique Poujadisme Responsabilité de l’État Contre-pouvoir Révolution libérale privatisation Étatisme/libéralisme Fonctionnaire Décentralisation/ déconcentration Mondialisation Supranational Subsidiarité Renationalisation FTN ; ONG Reconnaître les compétences État/UE et les classer dans un tableau A L’État et la nation en France : un mariage plus que de raison 1. L a longue durée de l’État : de la monarchie capétienne à la République démocratique La question de l’État en France est indissociable de celle de la construction de la Nation*. La dynastie capétienne a su construire à son profit un État avec qui elle finit par se confondre et qu’elle pare de la notion de bien commun. À partir du XIII° siècle, elle a unifié les mondes français par la conquête à son profit, elle a marginalisé les féodaux, éliminé les dynasties concurrentes notamment lors de la Guerre de Cent ans, monopolisé la violence, la justice et la guerre, centralisé les pouvoirs par la création d’une structure administrative moderne, véritable corset d’un monde conçu comme toujours prêt à se diviser. Elle a aussi gagné la légitimité par la fabrication d’un « roman des rois » étayant une véritable idéologie monarchique. Ainsi, à partir du XV° siècle, dans une évolution multiséculaire mais non linéaire, se dessine une communauté politique, liée à un État et à un territoire donné, qui fait naître l’idée d’une « nation France » (C. Beaune). Cependant, la nation fondée sur la conscience de caractéristiques communes et sur la volonté de vivre ensemble, prend son sens contemporain au XVIII° siècle et lors de la Révolution française, avec l’affirmation d’une opinion publique, la politisation* du peuple. Elle se concrétise dans l’exercice de la souveraineté nationale. La Révolution, malgré la méfiance de tous ses acteurs (y compris les Jacobins*) pour un État identifié à la royauté et à la tyrannie, finalise ce lien quasi consubstantiel entre la nation et l’État, en particulier parce que celui-ci doit assurer la guerre contre les agents de la contre-révolution et contre les monarchies européennes. Ce lien est enfin scellé par l’épisode napoléonien qui donne aux institutions leur caractère définitivement centralisé et opère la synthèse entre les héritages révolutionnaire et monarchique. C’est, enfin la III° République qui fonde à la fin du XIX° siècle les cinq caractéristiques de l’État contemporain, celles qui ont participé à forger une culture républicaine partagée par la masse des citoyens : E L a dimension sacrée du suffrage universel qui légitime le rôle de l’État comme gardien de l’intérêt général au-delà des luttes de partis. E La laïcité et le respect des consciences État de droit* garantissant les libertés fondamentales et l’égalité en droit. E Un E Le parlementarisme* qui contrôle l’État au point qu’il assimile tout ren- forcement de l’exécutif à une volonté d’établir un régime autoritaire Séquence 7 – HG00 5 © Cned - Académie en ligne État bien plus centralisé que durant l’Ancien Régime, et qui a toujours dû composer avec des intermédiaires et des pouvoirs locaux faute d’outils modernes pour contrôler le plus vaste royaume d’Europe occidentale. E Un La crise des années 1930, la défaite de juin 1940, l’écroulement de la République sous les coups de ses adversaires de toujours et de « notables fâchés avec la démocratie » (J. P. Azéma), l’établissement par ces derniers d’un État « fort » débarrassé de son idéologie républicaine et de sa pratique démocratique ont dopé le questionnement sur la réforme de l’État et de sa place dans la société. Si la IV° République a hérité du parlementarisme absolu de la III° République par idéal républicain et réaction à la dictature pétainiste, elle n’en initie pas moins un dirigisme économique et social qui aboutit à la démocratie sociale la plus avancée de l’histoire, qualifiée — avec exagération — d’« Union soviétique réussie » (J.M. Domenach) qui fait de la France une originalité dans le monde des démocraties occidentales. La république gaullienne couronne cette tendance au renforcement de l’État en 1958, et la transforme au plan institutionnel cette fois-ci. Sans remettre en cause l’État de droit, elle réalise la synthèse entre monarchie ancienne et république, en initiant un exécutif fort, processus finalisé avec l’élection du président de la République au suffrage universel direct (1962) et un parlementarisme encadré et limité. Cependant cette création a connu un destin en partie contraire à l’esprit de son créateur. La prépondérance du Premier ministre en période de cohabitation a donné à la V° République des accents de parlementarisme à l’Anglaise. Le régime, sous l’effet conjugué d’une élection présidentielle orpheline de la figure tutélaire de de Gaulle et de la bipolarisation de la vie politique droite/gauche, a remis en cause la neutralité de l’Administration et politisé la haute fonction publique, qui fournit d’ailleurs l’essentiel du personnel politique. Une lente construction historique a engendré un rapport complexe entre l’État et les Français. Alors que les Anglo-saxons ont conquis en Angleterre puis aux États-Unis, leurs droits et leurs libertés, aux XVII° et XVIII° siècles, contre une monarchie jugée inique, d’où une défiance face à un appareil d’État toujours soupçonné de vouloir empiéter sur les libertés individuelles. On peut constater les actuelles résistances au projet de sécurité sociale voulu par B. Obama. L’État a généralement été célébré comme « ayant fait la France » puis comme garant de l’équité, le défenseur des droits et libertés. Les serviteurs de l’État ont, par exemple, toujours bénéficié d’un prestige supérieur à celui des classes marchandes. 6 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Document 1 « Charles de Gaulle regnante (régnant) (1958 – 1965) ». Caricature de Roland Moisan le Canard Enchaîné 1965. © Collection Kharbine-Tapabor © Adagp, Paris 2012. Questions 1 Après avoir identifié le personnage principal, relevez dans cette ca- ricature les éléments que l’illustrateur Moisan utilise pour montrer les tendances monarchiques de la Ve République. À l’aide de vos connaissances, établissez ensuite une liste des pouvoirs régaliens du président de la république qui irait dans le sens d’une monarchie démocratique. 2 De gaulle est, à travers cette caricature, affublé de prétentions monar- chiques, lesquelles ? Séquence 7 – HG00 7 © Cned - Académie en ligne Réponses Identification du personnage : – Les traits du visage même caricaturés représentent Charles de Gaulle, alors Président de la V° République (élu en 1958, réélu en 1965). – Il est représenté dans un portrait d’apparat, et la parenté avec le tableau de Hyacinthe Rigaud de Louis XIV en costume de sacre est évidente. – costume de sacre et insignes royaux : manteau d’hermine, épée, couronne, sceptre. À noter que le collier de l’ordre du Saint Esprit (créé par Saint Louis) a été remplacé par celui de la Légion d’Honneur (créé par Bonaparte en 1802). De même, la fleur de lys a disparu. – port altier, pose de trois quart – à l’arrière-plan, un château de facture classique qui pourrait faire penser à Versailles et ses jardins ou au palais de l’Elysée ? Le postulat de cette caricature serait que De Gaulle se comporte alors comme un monarque. Quels sont les pouvoirs régaliens du président sous la V° ? (« régalien », de rex (latin) : le roi. Les pouvoirs du président de la République ont été considérablement élargis par la constitution de la V° République : – pouvoirs spéciaux en cas de mise en danger de la République et de l’intégrité de son territoire, pour une période de 6 mois (article 16) – droit de dissolution de l’Assemblée Nationale – droit de grâce – droit de soumettre un projet de loi au referendum populaire ; signature des décrets et ordonnances pris en Conseil des Ministres – il nomme le premier ministre ; nomme aux emplois civils et militaires – il est élu à l’époque pour 7 ans, et rééligible. L’élection au suffrage universel direct à partir de 1962 accroît sa légitimité. Le caricaturiste fait aussi probablement référence à la pratique des institutions par de Gaulle ; il a en effet faire preuve d’un autoritarisme allant jusqu’à la personnalisation du pouvoir : l’utilisation du referendum marginalise le pouvoir législatif de – l’Assemblée Nationale et en fait une « chambre d’enregistrement » des décisions du président de la République. Ces référendums s’apparentent d’ailleurs à de véritables plébiscites en faveur de l’homme, qui a d’ailleurs, un véritable mépris du parlementarisme (face à un parlement hostile à la révision constitutionnelle, de Gaulle n’hésite pas à dissoudre l’Assemblée Nationale en octobre 1962). – De Gaulle se veut au-dessus des partis. « L’homme du mouvement comme la gauche, et l’homme de l’ordre comme la droite ». D’ailleurs, ses députés ne siègent ni à droite ni à gauche mais en haut. – Durant la guerre d’Algérie, à l’occasion du putsch des généraux, de Gaulle obtient les pleins pouvoirs durant 6 mois. 8 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne – Il s’appuie sur des ministres issus de la haute fonction publique, sans passé politique généralement, ce ne sont pas des élus mais des techniciens, parfois avec peu de personnalité. – Le petit personnage couronné dans le cadre est Michel Debré, l’un des auteurs de la Constitution de 1958, premier ministre jusqu’en 1962, « Monsieur le Prince qui nous gouverne ». les autres personnages que de gaulle écrase de sa grandeur sont ses ministres et hommes de pouvoirs, ici considérés comme une masse de courtisans. Plus largement, la dérive monarchique de la V° toujours a été moquée après de Gaulle : voir Valéry Giscard d’Estaing caricaturé en Louis XV à la Une du Nouvel Observateur en 1978 ; François Mitterrand, en « Dieu » chez les chansonniers… 2. L’État moteur des « Trente Glorieuses » a) L e dirigisme pour l’expansion : un unanimisme issu de la Résistance Comme on l’a vu dans le programme de classe de Première, l’État de la III° République opérait un mélange de libéralisme-libre entreprise, limitation du rôle de l’État à quelques services publics, et de protectionnisme. La crise des années 30 offre un contexte favorable à l’interrogation des élites sur la réforme de l’État et sur son rôle dans l’économie. On voit ainsi émerger des associations technocratiques, animées par des ingénieurs et des universitaires issus des grands corps de l’État, tels les groupes Xcrise ou Révolution constructive plus ou moins inspirés par les théories planistes* d’Henri de Man. Sans qu’ils soient articulés ensemble, ces mouvements se construisent alors même que le corpus économique keynésien* se structure et que le président américain Roosevelt s’entoure du « Brain Trust ». Certains, l’ingénieur du corps des Mines Bichelonne, le normalien Pucheu, voient dans le Régime de Vichy une occasion de promouvoir une réforme autoritaire et dirigiste de l’État. Beaucoup d’autres, ayant rejoint Londres et les rangs d’une Résistance presque unanime à donner un rôle accru à l’État, proposent un dirigisme de reconstruction et d’expansion. D’un point de vue idéologique, sans le remettre en cause, il s’agit aussi d’encadrer un capitalisme mis au banc des accusés, non sans raisons, comme fauteur de crise, voire comme collaborateur des nazis. Au plan économique, ce plan de modernisation de l’économie s’inscrit pleinement dans la réalisation du keynésianisme* : l’État doit être l’indicateur et le promoteur de l’économie en investissant et en maîtrisant les secteurs moteurs de l’économie et les organismes de financement pour créer de la croissance. Il cherche ainsi à entraîner les autres secteurs de l’économie, à favoriser l’activité en reconstruisant et modernisant les infrastructures, à relancer directement l’emploi et donc la consommation. Séquence 7 – HG00 9 © Cned - Académie en ligne Les nationalisations (Renault…), la direction du crédit par l’État (Banque de France et quatre grandes banques de dépôts : Crédit lyonnais, Société générale, Comptoir national d’escompte, Banque nationale pour le commerce et l’industrie), la prise en charge des services publics de transport et d’énergie (SNCF, Air France, EDF, GDF), la politique d’aménagement du territoire (création de la Direction à l’aménagement du territoire et à l’action régionale en 1963) puis la promotion de champions nationaux industriels (Elf-Aquitaine, Péchiney…) capables de rivaliser au plan international et surtout la planification sont le fait d’un nombre réduit de hauts fonctionnaires sous la IV° et la V° Républiques tous réunis autour de Jean Monnet, père de la planification française. – François Bloch-Lainé, directeur du Trésor puis de la Caisse des dépôts. – Louis Armand, ingénieur du Corps des Mines, président de la SNCF puis d’Euratom (Communauté européenne à l’énergie atomique). – Simon Nora, inspecteur des finances, proche de Pierre Mendès-France – Paul Delouvrier, créateur de la TVA et dirigeant d’EDF. Le premier Plan, assez bâclé n’est d’ailleurs pas solvable. Mais pour François Bloch-Lainé, il s’agit de profiter du moment exceptionnel de la Libération « pour changer de pied, même sans bien savoir où l’on [marche] » Il affirme : «J’avais, en arrivant à la direction du Trésor en 1947, une sorte d’idée fixe. Je souhaitais que le Ministère des Finances sortit de son attitude traditionnelle à l’égard de l’économie, attitude consistant à agir contre ce qui paraît inopportun ou nocif, plutôt qu’à agir pour ce qui peut être bénéfique. Je souhaitais qu’il jouât un rôle délibérément positif dans la Modernisation et l’équipement du pays. […] Ma conviction personnelle était que le Trésor public devait devenir le facteur actif de la reconstruction puis de l’expansion. […] Un peu de fuite en avant ne pouvait pas lui faire de mal. » Il s’agit donc clairement, au nom de la modernité, de rompre avec le malthusianisme* de l’économie française et l’orthodoxie de l’équilibre budgétaire. L’État doit aiguillonner le reste de l’économie et accélérer la mutation de l’appareil de production. Cette politique économique n’est en rien conçue dans une optique socialiste. Le seul lien entre le plan et le socialisme tient au soutien par des fonds publics – d’origine américaine – du programme d’investissements publics. Le plan se veut d’abord l’« anti-hasard » (M. Nouchi), un plan d’action face à des priorités dégagées à l’unanimité de ceux qui l ‘élaborent. Il est une troisième voie entre le modèle anglo-saxon et l’économie étatisée : l’économie mixte*. Il est d’autant mieux accepté dans la France de l’Après-guerre qu’elle s’inscrit dans une tradition française d’intervention de l’État dans l’économie au moins depuis Colbert, confirmée durant le Second empire. Elle trouve son apogée dans la France gaullienne qui n’est pas sans rappeler la pratique bonapartiste, par son mélange d’autoritarisme politique, de dirigisme économique, au service de la grandeur et de l’indépendance nationale, mais aussi de progrès social 10 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne b) La fondation d’une démocratie sociale Document 2 Le programme du Conseil National de la Résistance (15 mars 1944), les propositions économiques et sociales a) Sur le plan économique – l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ; – une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ; – l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ; – le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques – le développement et le soutien des coopératives de production, d’achat et de vente, agricoles et artisanales ; – le droit d’accès dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie. b) Sur le plan social – le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ; – un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ; […] – la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ; – un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ; – la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ; […] – une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ; […] d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.» Séquence 7 – HG00 11 © Cned - Académie en ligne Le pendant social du dirigisme économique est la création d’une démocratie sociale* inédite voulue par les hommes de la Résistance. Le programme du CNR repris dans le préambule de la constitution de la IV° République (octobre 1946), lui-même repris dans celui la constitution de 1958. L’État doit promouvoir les institutions nécessaires à la justice sociale. L’extension des pouvoirs économiques de l’État est aussi à penser en ces termes : les entreprises publiques doivent être des « vitrines sociales » en appliquant les nouvelles lois sur les délégués ouvriers et sur les comités d’entreprise. Les objectifs de l’« État-Providence* » sont multiples : garantir un niveau de vie minimal à tous et en toute circonstance sans que ce revenu soit obligatoirement le produit d’un travail, protéger les citoyens contre les aléas de la vie (chômage, maladie, retraite), offrir aux familles les moyens de leur épanouissement, offrir un accès à la santé et à l’éducation pensés comme des services publics, développer des équipements collectifs améliorant les conditions de vie dans le travail comme pour les loisirs. Cette philosophie est concrétisée par l’ordonnance d’octobre 1945 qui crée la Sécurité sociale. Cependant, celle-ci est beaucoup plus qu’un système gratuit, égalitaire, protégeant les individus des accidents tout au long de la vie. Elle est fondée sur un contrat social et non sur la charité individuelle, l’assistanat contraignant, ou la protection patriarcale du monarque. La démocratie sociale considère « l’assuré social » comme un citoyen social pendant du citoyen au sens politique : un être responsable et autonome qui par ses cotisations et par un impôt sur le revenu progressif et proportionnel participe de l’effort collectif. C’est aussi ce qui justifie le caractère universel de la Sécurité sociale. La croissance suscitée par l’intervention directe de l’État et le contexte de reconstruction puis de modernisation de l’économie est aussi soutenue par la consommation d’une population modeste dopée par le système redistributif*. L’application de ces principes keynésiens permet un plein emploi qui offre aux ouvriers la dignité sociale, notamment par l’intermédiaire de syndicats associés qui, au-delà de leur tradition conflictuelle, joue un rôle actif dans la gestion des caisses d’assurance maladie ou d’assurance retraite. Le gouvernement de Pierre Mauroy en 1981, Premier ministre socialiste de François Mitterrand, s’inscrit dans cette philosophie : nationalisations, augmentation du SMIC des allocations sociales et du minimum retraite, retraite à 60 ans, lois Auroux institutionnalisant le syndicalisme dans les entreprises Au plan éducatif, si le Plan Langevin-Wallon de 1947, fondé sur le principe de la démocratisation du savoir et de l’exigence scientifique, est rapidement abandonné, il sert de référence jusqu’aux années 2000 à de nombreuses réformes : scolarisation obligatoire jusqu’à 16 ans (1963), collège unique (1975), Institut universitaire de formation des maîtres (1989). 12 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne c) L’apogée de la haute fonction publique Toutes les tentatives de réforme de la formation des hauts fonctionnaires ont échoué avant 1945, devant la coalition des forces conservatrices de l’Université, notamment les facultés de droit, et de l’Administration. Celleci malgré le discours sur le mérite républicain est le lieu de l’héritage voire du népotisme. Ainsi, le jeune Jean Moulin entama une carrière dans l’administration préfectorale, à peine bachelier, grâce à l’appui de son père, petit notable radical-socialiste de l’Hérault. Reprenant un projet de 1848, l’École nationale d’administration est créée par une ordonnance du 9 octobre 1945 suite au rapport remis par Michel Debré, spécialiste de droit constitutionnel, au Général de Gaulle. Cette école qui doit procéder au recrutement et à la formation des hauts fonctionnaires répond à une double volonté : « améliorer la qualité de la fonction publique » et accueillir « tous ceux sans distinction de rang et de fortune, sans cooptation ni favoritisme, s’y montrent aptes » (statut ENA 1952). Elle démocratise et renouvelle l’élite administrative par le système des concours externes ouverts aux étudiants et internes ouvert aux fonctionnaires. Elle accentue la dimension pratique de la formation par la pratique des stages. Le rang de sortie, comme dans, tous les corps de l’État, détermine le choix de leur carrière, les premiers optant systématiquement pour l’Inspection des finances, la préfectorale et l’Éducation nationale accueillant les derniers. Dans le contexte de modernisation économique et technologique, les grands corps de l’État prennent une place essentielle dans les cabinets ministériels et à la direction des administrations ou des grandes entreprises nationales. Leur rôle est d’autant plus renforcé sous la IV° République que l’instabilité ministérielle, le contrôle parlementaire sur l’exécutif qui oblige les ministres à une présence régulière devant les assemblées, leur permettent d’avoir une grande autonomie par rapport au pouvoir politique. Ils assurent en quelque sorte la continuité de l’État. La République gaullienne et la République pompidolienne, apogée de l’expansion française, marquent, par exemple, le rôle des « corpsards » issus non de l’ENA mais de l’élite de l’Ecole polytechnique (Corps des Mines, Corps des Ponts et Chaussées…). Ces techniciens voient paradoxalement dans les entreprises nationalisées un « refuge » pour des valeurs traditionnellement « capitalistes » (audace, dynamisme, goût de l’innovation, liberté…) délaissées par des groupes familiaux figés dans le conservatisme. Certains hauts fonctionnaires acceptent alors d’investir l’action politique dans des régimes qui reprennent les thématiques des modernisateurs : place privilégiée pour l’action de l’État, promotion du savoir technique et économique, rôle accru des experts, « ardente obligation1 », abaissement du rôle des parlementaires, lutte contre les intérêts particuliers, modernisation de l’agriculture, voire autoritarisme nécessaire pour imposer ces mesures modernisatrices. La figure de Pierre Guillaumat illustre le parcours de cette génération de serviteur de l’État. Ingénieur du Corps des Mines, ancien dirigeant des 1. L’obligation de reconstruire la France, de la moderniser et de refonder la démocratie. Séquence 7 – HG00 13 © Cned - Académie en ligne services de renseignement de la France Libre (BCRA), Guillaumat est l’un des dirigeants du Commissariat à l’énergie atomique tout en dirigeant EDF. Cette double casquette en fait l’un des pères de la Bombe atomique française comme du choix de l’électricité d’origine nucléaire. Ministre de la défense de 1958 à 1962, il est alors le serviteur zélé de la politique gaullienne lors de la Guerre d’Algérie. Il devient ensuite le dirigeant emblématique du pétrolier Elf dont on connaît les liens ambigus avec l’État français et les leaders africains. Avec la Cinquième République, cette haute fonction publique, si l’on ajoute les agrégés issus de l’Ecole normale supérieure, fournit aussi une part non négligeable du personnel politique au plus haut niveau de l’État (30 % des ministres de 1958 à 1975). Si durant la Quatrième République, la carrière ministérielle débute toujours au Parlement, il n’en est plus de même après 1958 dans laquelle on commence par être ministre ou secrétaire d’État avant d’être élu. Tel est le cas pour Georges Pompidou, Jacques Chirac, Valery Giscard d’Estaing et plus récemment Dominique de Villepin. C’est aussi dans les cabinets ministériels ou auprès des Présidents de la République que se forgent les carrières politiques de ces commis de l’État : Édouard Balladur auprès de Georges Pompidou, Jean-Louis Bianco et Hubert Védrine auprès de François Mitterrand, ou encore le même Dominique de Villepin auprès de Jacques Chirac. Cependant cette proximité entre le pouvoir politique et la haute fonction publique n’efface pas les tensions potentielles entre pouvoir politique et administration. En 1983, le Premier ministre socialiste Pierre Mauroy s’oppose au tournant de la rigueur et aux options davantage libérales que les dirigeants de son cabinet, du Trésor et du ministère de l’économie, parmi lesquels Jean Peyrelevade ou Michel Camdessus, veulent imposer. Ces derniers l’emportent en finissant par convaincre Jacques Delors, ministre de l’économie et surtout le Président Mitterrand. Les Trente Glorieuses marquent donc non seulement l’apogée de la haute fonction publique mais aussi la fusion entre le pouvoir administratif et le pouvoir politique par l’intérêt de plus en plus marqué des commis de l’État pour les fonctions parlementaires et ministérielles. On peut dire que l’État s’institutionnalise au nom de la compétence, de la rationalité, de la modernité au détriment de parlementaires accusés d’être les représentants de pouvoirs locaux ou d’intérêts particuliers. Or c’est justement cette tendance à la domination de cette technostructure qui participe d’une critique majeure de l’État par la société française. B L’État problème 1. Une crise de la représentativité ? Cette mainmise de la haute fonction publique sur la République est l’un des grands griefs retenus contre l’État. Il est souvent reproché à la haute administration, et donc aux ministres et élus qui en sont issus, de se comporter en une caste d’hommes et de femmes d’un niveau exceptionnel, 14 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne d’une élite sûre d’elle-même, plongée dans l’abstraction, dominatrice, qui n’écoute guère, mais qui connaît mal les problèmes. Cette critique s’accompagne de celle du faible renouvellement des élites. En effet, depuis sa création, l’ENA n’a cessé de voir chuter les effectifs d’élèves issus du monde des ouvriers ou des agriculteurs. Il en est de même pour les polytechniciens, dont les élèves issus du monde du travail représentent 50 % des effectifs contre moins de 20 % au tournant du XXI° siècle. Le maintien du monopole de Sciences Po, établissement de droit privé, comme point de passage obligé vers l’ENA, ancre la dimension élitaire2de la haute fonction publique. Dès 1968, Jean-Pierre Chevènement sous le pseudonyme de Mandrin rédige un pamphlet dénonçant une école tout juste bonne à former les « intendants du néocapitalisme ». Le Club Jean Moulin fondé par S. Hessel, F. Bloch-Lainé, Cl. Alphandéry et J. Delors, véritable boîte à idées de la gauche non communiste se demande « s’il est raisonnable que quelques grands concours organisés pour de très jeunes gens […] déterminent de façon exclusive et définitive ceux qui présideront aux destins de l’État leur vie durant ». Issue des élites, la haute fonction publique est aussi en lien constant avec le monde des affaires notamment par le système du pantouflage* dans le secteur privé. Outre cette tendance à la fusion des pouvoirs politiques, administratifs et économiques, la faible représentation des minorités visibles, la surreprésentation masculine, le cumul des fonctions – notamment des mandats électoraux et des fonctions ministérielles – sont aujourd’hui de plus en plus mal ressenties par les citoyens. L’analyse doit cependant être nuancée. La haute fonction publique est le plus souvent compétente, consciente de sa mission, ouverte à la modernité. Jusque dans les années 1970, l’enseignement diffusé à l’ENA faisait la part belle à la pensée keynésienne voire à la critique marxiste de l’économie de marché. La proximité avec le monde des affaires n’est pas son apanage. Certains politiques – comme le Président Sarkozy ou le Président Mitterrand – qui n’en sont pas issus, ne cachent pas leurs liens avec de grands capitaines d’industrie. Il a toujours existé des industriels parmi les élus comme les Dassault père, fils et petit-fils, qui n’avaient pas de lien direct avec le service de l’État (même s’ils en sont les fournisseurs). Enfin, sous la V°, on compte presque autant de Premiers ministres issus de la haute administration que de Premiers ministres étant passés par d’autres cursus parfois bien plus modestes, comme Pierre Mauroy, Professeur d’enseignement technique, ou l’ancien cheminot Pierre Bérégovoy. 2. U ne tradition anti-étatique parfois ancienne renouvelée à l’aune de la modernité Même si la relative emprise de l’État sur la vie sociale a été acceptée et est encore défendue par la majorité des Français, celui-ci a toujours été la cible d’une tendance à la « rébellion française » contre les agents 2. Propre à une élite. Séquence 7 – HG00 15 © Cned - Académie en ligne de l’État et la pression fiscale, remontant souvent à l’Ancien régime : révolte locale contre les fermiers généraux levant l’impôt au nom du roi, les faux-sauniers (Mandrin) en guerre contre les gabelous. Au XIX° siècle, les villages chassent les « rats de cave » chargés de percevoir les droits sur les vins. Des traditions ou des idéologies antiétatiques très structurées précèdent la Révolution française. Ainsi lors des Guerres de religion s’est développée dans les milieux ultra-catholiques de la Ligue une théorie justifiant le tyrannicide contre un roi impie ou protestant. Au XVII° et XVIII° siècle, les révoltés de la Fronde, puis des penseurs du politique comme Fénelon ou Boulainvilliers stigmatisent la monarchie administrative et les théories absolutistes au nom d’un État idéal fondé sur des corporations*, les juges des Parlements ou encore les grands féodaux au détriment de l’État central. On retrouve en partie cet héritage dans certains aspects du Régime de Vichy mais aussi après la Deuxième Guerre mondiale dans la critique qu’apportent certains tenants de la décentralisation qui ont pu être proches de l’idéologie pétainiste. C’est le cas du géographe Jean-François Gravier qui, dans son ouvrage Paris et le désert français, s’attaque, outre à la macrocéphalie parisienne, à la centralisation multiséculaire du pouvoir à Paris. Au travers de celle-ci, c’est l’État – souvent qualifié à tort de « jacobin » — qu’on accuse indirectement, d’uniformiser la France, de refuser la différenciation-notamment les identités locales, de mépriser les corps intermédiaires, de se complaire dans l’égalitarisme, de verserpar la laïcité – dans l’athéisme – , bref de diluer l’essence d’une France éternelle et immuable. La crise poujadiste (1953-1957) est en partie héritière de cette tradition. En juillet 1953, Pierre Poujade, un libraire papetier de SaintCéré (Lot), conseiller municipal RPF, proche de l’extrême-droite durant sa jeunesse mais vétéran de la France Libre, fonde un comité de résistance des commerçants contre les contrôles fiscaux des agents du Trésor. Le succès local de son initiative l’amène à créer l’Union de défense des commerçants et artisans. Le mouvement marqué par des actions contre les agences du Trésor public, par les meetings dans lesquels Poujade use de ses talents d’orateur pour servir un discours antifiscal, « anti-gros », antiparlementaire, hostile à l’État, séduit jusqu’à 200000 adhérents. L’UDCA rassemble les couches moyennes traditionnelles fâchées avec la modernité : artisans, commerçants, boutiquiers, agriculteurs, viticulteurs du midi, bouilleurs de cru dont Mendès-France menace les privilèges. Le poujadisme est donc surtout celle d’une résistance sociale à la modernisation, d’une « mobilisation des exclus et rejetés de la croissance » (J.P. Rioux) qui veulent défendre la structure traditionnelle de l’économie française. Il cristallise les frustrations de ceux qui sont pris entre l’État providence, la grande entreprise industrielle et un mouvement ouvrier à son apogée. La rhétorique « anti », l’exaltation de la vraie France, celle du « ballon de rouge » contre l’invasion du Coca-Cola, la défense de l’Algérie française et les relents antisémites des discours de Poujade vont notamment séduire des éléments d’extrême-droite. Malgré l’écroulement 16 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne du mouvement en 1958, son fonds de commerce va être entretenu par des mouvements syndicaux de commerçants anti-fiscaux des années 1970 comme le CID-UNATI ou dans les programmes du Front National, parti d’extrême-droite fondé par l’ancien député poujadiste Jean-Marie Le Pen. À l’autre bord de l’échiquier politique, la tradition révolutionnaire, d’inspiration anarchiste ou bolchevique, marque aussi leur défiance face à l’État, y compris dans sa dimension sociale. Au nom du refus intégral du capitalisme, de l’internationalisme, les mouvements d’extrême-gauche comme l’UCI (généralement nommé Lutte ouvrière) ou les anarchistes du CNT rejettent tout compromis avec l’« État bourgeois », aussi social soit-il. Le plus souvent exprimée de manière pacifique, cette idéologie a pu rencontrer la violence dans les années 1970-1980, au travers du mouvement terroriste « Action directe » à l’origine de 80 attentats ou assassinats sur le territoire. 3. L’État en question La Guerre d’Algérie (voir ce chapitre), les violences couvertes ou initiées par la République à l’encontre des partisans de l’indépendance européens ou algériens ont dès les années 1950 amené un certain nombre d’observateurs, journalistes, intellectuels à s’interroger sur la place de la violence dans l’exercice de l’État, aussi démocratique soit-il. L’écroulement du mythe résistancialiste dans les années 1970, suite aux travaux de Robert Paxton sur l’État français entre 1940 et 1944, aux enquêtes menées par les journalistes de l’Express et du Canard Enchaîné sur les fonctionnaires de Vichy (Papon, Bousquet, Darquier de Pellepoix) ont renforcé ses interrogations sur la genèse de ces crimes contre l’humanité. Maurice Papon ancien fonctionnaire de la préfecture de Bordeaux, complice de la déportation de plusieurs dizaines de Juifs girondins, a ainsi poursuivi sa carrière comme Préfet de Police de la Seine sous le Général de Gaulle puis comme ministre du Budget de Valery Giscard d’Estaing. Complice de la violence génocidaire nazie, acteur de l’antisémitisme d’État du Régime de Vichy, Papon poursuit sa carrière au service de l’État dans le cadre de la République et de la démocratie. Ni antisémite, ni particulièrement raciste, Maurice Papon sert l’État, sans aucun questionnement, ni éthique, ni sur la nature de cet État, et se rend alors complice de crimes commis en son nom. C’est en 1995, lors des commémorations de la Rafle du Vel d’Hiv (juillet 1942) que Jacques Chirac reconnaît la responsabilité et la complicité de l’État dans le génocide des Juifs de France durant l’Occupation : « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. » Séquence 7 – HG00 17 © Cned - Académie en ligne Cette parole a d’autant plus de poids qu’elle est tenue par celui que les institutions placent comme garant de l’unité de la nation, le Président de la République. C’est en partie à cause de cette position institutionnelle que les hommes qui s’étaient succédés à la tête de l’État ont longtemps refusé de reconnaître la responsabilité de l’État dans les actes du Régime de Vichy. Or la V° République et l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ont placé le Président de la République en véritable monarque républicain. Aucun chef d’État démocratique au monde ne possède les pouvoirs du Président français (pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale (art 12), pouvoirs spéciaux pour 6 mois (art 16), « domaine réservé » de la diplomatie, des forces armées, nomination aux emplois publics). Si la pratique de la cohabitation initiée en 1986 par François Mitterrand a montré la plasticité des institutions, elle n’a pas remis en cause la prééminence du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif : le gouvernement préserve l’essentiel de l’initiative des lois, le système majoritaire des élections législatives assure une majorité stable et soumise au gouvernement. La réforme du quinquennat en 2000, renforce encore cette tendance en faisant coïncider les échéances présidentielle et législative. De même la séparation et l’équilibre des pouvoirs ne sont en rien garantis par un équivalent au système de check and balance américain (élections législatives à mi-mandat, cour suprême nommée à vie…). Enfin la relative faiblesse des contre-pouvoirs (presse écrite et audiovisuelle, tissus associatifs…), la complexité des procédures de saisine des cours de justice compétentes, ne permettent pas toujours d’exercer un contrôle efficace face aux égarements des politiques. Chaque mandat a ainsi montré des atteintes aux principes républicains au plus haut niveau de l’État : affaire Ben Barka, affaire Chalandon, affaire des « Avions renifleurs », affaire « des écoutes téléphoniques » de l’Elysée, affaire Elf, affaire du financement occulte du RPR, affaire Clearstream et des attentats de Karachi. Malgré quelques réformes sous le mandat de Nicolas Sarkozy (nomination d’un membre de l’opposition à la tête de la Cour des Comptes, quinquennat non renouvelable…), le questionnement légitime des citoyens face à la probité des serviteurs de l’État — voire à leur compétence face aux destructions sociales des crises économiques — tend à se transformer en une défiance face au fonctionnement démocratique et à la classe politique dans son ensemble. Cette défiance se concrétise dans une hausse sensible de l’abstention lors des élections, voire de l’ancrage d’un vote d’extrême droite depuis plus de vingt ans dans un contexte intellectuel qui fait de l’État un frein à la réforme et à la prospérité. 4. La révolution libérale Les vingt-cinq dernières années ont vu les commentateurs et les tenants de la modernité passer de la célébration à la réprobation de l’État. 18 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Dès les années 1970, les questions sur l’État-Providence se multiplient. La question se pose de son financement et de son efficacité dans une société qui vieillit et qui voit le chômage se développer. La question d’une philosophie de la solidarité qui y préside dans une société de plus en plus individualiste (que l’État-Providence a permis par l’accès d’une majorité à la société de consommation). L’autre question récurrente est celle de l’adaptation des entreprises publiques face à l’abaissement du protectionnisme industriel et commercial. Les échecs des politiques de relance économique et sociale face à la crise des gouvernements Chirac (1974-1976) puis Mauroy (19811983) favorisent la diffusion des idées néolibérales. Les États-Unis et le Royaume-Uni du milieu des années 1970 voient émerger avec les figures de l’économiste Milton Friedman, du théoricien George Gilder ou encore du philosophe et économiste autrichien Friedrich Hayek, des programmes politiques balayant l’État-Providence. La conservatrice Margaret Thatcher au Royaume-Uni et le républicain Ronald Reagan aux ÉtatsUnis remettent ainsi en cause les programmes d’assistance aux plus démunis, dérégulent l’économie et privatisent une grande partie des secteurs publics. Fondée sur l’idée que l’« État est le problème », que la pauvreté est d’abord un « état d’esprit », que l’assistance détruit le potentiel de ceux qui en bénéficient, qu’elle doit s’appliquer – comme la charité paternaliste du XIX° siècle — selon des critères de moralité, cette idéologie gagne une partie du monde politique français. L’État est désormais perçu comme un frein, une rigidité, un anachronisme. Ses serviteurs apparaissent comme des privilégiés protégés de la concurrence et donc de l’émulation et de l’efficacité. Il doit se désengager pour laisser s’appliquer la « loi naturelle de l’économie » fondée sur le libre-échange, la libre concurrence, la loi de l’offre et de la demande. Il doit cesser de faire peser le poids de l’impôt sur les entrepreneurs, faire preuve de rigueur budgétaire et limiter son rôle à celui de garant de l’ordre social et politique. Cette révolution libérale a bien sûr séduit une partie de la droite française. Le gouvernement Chirac (1986) se lance dans une vaste campagne de privatisation des entreprises publiques, tandis que celui d’Edouard Balladur (1993) applique une politique d’austérité. La gauche française s’est en grande partie adaptée à cette révolution idéologique. C’est la loi Bérégovoy (PS) de 1986 qui entame le processus de déréglementation financière en France. La libéralisation des marchés financiers est finalisée entre 1988 et 1990 sous le gouvernement Rocard (PS). C’est le gouvernement socialiste de cohabitation (1997 – 2002) qui poursuit la privatisation de nombreuses entreprises dont l’État restait actionnaire, tandis que son chef Lionel Jospin, prononce devant des militants syndicaux de l’entreprise Michelin inquiets face à une vague de licenciements que « l’État ne peut pas tout. » Doiton désormais conclure que les politiques ont renoncé à tout clivage face à l’exercice de l’État ? Séquence 7 – HG00 19 © Cned - Académie en ligne C L’État dépassé ? 1. É tat de droite, État de gauche : un clivage encore pertinent ? L’attachement à un État interventionniste et régulateur n’est pas strictement inscrit dans le patrimoine génétique des gauches. Longtemps attaché au marxisme, héritières des échecs des tentatives de République sociale de 1848, de la Commune (1871) et du bolchevisme, les gauches socialiste et communiste françaises perpétuent, au moins dans le discours. Jusqu’au Front Populaire (1936), l’idée est que rien n’est à attendre de l’État bourgeois, en envisageant sa destruction. Dans les faits, s’appuyant sur les positions de Jean Jaurès qui inspirent le réformisme de la SFIO et l’évolution tactique du Parti communiste à partir des années 1930 (abandon de la doctrine « classe contre classe » bolchevique face à la poussée fascistes en Europe), ces mouvements finissent par percevoir l’État comme modérateur des inégalités de classe par la redistribution et le service public et un moyen pour parvenir progressivement à la « société idéale » sans classe. Un certain nombre d’héritages contribuent à enraciner dans la mémoire des gauches l’idée que le changement de la société passe par le contrôle de l’État : le souvenir de l’An II et du jacobinisme, les mesures sociales de la Deuxième République, les libertés obtenues sous la III° République (lois scolaires, droit syndical, liberté d’association, laïcité) puis l’expérience du Front Populaire (accords de Matignon, congés payés, 40 heures de travail hebdomadaires), l’idée de la supériorité absolue de la souveraineté du peuple dans le cadre des constitutions de 1870 et 1946, le programme du CNR plus récemment les 39 puis 35 heures de travail hebdomadaires en 1981 et 1998. Inversement l’État de droite ne se définit pas uniquement dans une perspective libérale. Les droites françaises hésitent en permanence entre deux points de vue opposés : d’une part la défense de l’étatisme et d’autre part la revendication du libéralisme. Les dernières années montrent à quel point l’État est l’« endroit symbolique où se rencontre la contradiction des droites au pouvoir ». Les mandats de J. Chirac et de N.Sarkozy montrent que l’État est à la fois ce qu’il faut (ô combien pour ces deux hommes) conquérir, contrôler, protéger, réaffirmer mais aussi réformer, réduire, privatiser… Si l’on classe le gaullisme historique – romantique ? – et ses partisans (Nicolas Dupont-Aignan, Dominique de Villepin) parmi les droites (ce qui est un enjeu de débat entre historiens et ce que refusait de Gaulle au nom du rassemblement), celui-ci apparaît clairement comme étatiste*. 20 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne L’État fort, creuset de la souveraineté nationale, est à la fois la condition indispensable à la grandeur, l’indépendance de la France et le moyen d’assurer prospérité et progrès social et de préserver autorité et unité. L’État doit être stable, représentant le rassemblement des Français autour du chef de l’État. Pour les libéraux, l’État doit être minoré afin de préserver les libertés et notamment les libertés d’entreprendre, de travailler, de posséder. L’État est source de pesanteur et de contraintes par sa fiscalité, sa bureaucratie, le statut de ses serviteurs qui nuit à ses performances. L’État doit être plus efficace, plus économique, se limiter à ses fonctions régaliennes (justice, police, armée). Cette famille idéologique, pourtant présente dès la Révolution française et la monarchie de Juillet, a toujours été minoritaire au sein des droites françaises. Longtemps représentées par des hommes issus des rangs de l’extrême-droite ralliés aux majorités conservatrices (G. Longuet, A. Madelin), la droite libérale est toujours apparue – à tort – comme une greffe exogène issue du modèle anglo-saxon. Les droites françaises lorsqu’elles sont au pouvoir, sont en fait à la recherche d’une voie entre le tout État et le sans-État. Les expériences libérales de J. Chirac en 1986 et la rhétorique de rupture avec l’État de Nicolas Sarkozy se sont concrétisées par la privatisation de nombreuses entreprises pour le premier et par la politique de RGPP (révision générale des politiques publiques) visant notamment à baisser les effectifs de la fonction publique pour le second. Cependant ces volontés libérales n’ont pas résisté à l’épreuve des faits lors du Krach boursier de 1987 et lors de la crise financière de 2008. L’un comme l’autre n’ont alors pas hésité à faire intervenir l’État et les investisseurs institutionnels (entreprises à participation publique, Caisse des Dépôts…) dans le champ économique pour soutenir les marchés ou le secteur bancaire. « Au cours de notre histoire, droite et gauche ne se définissent pas par des contenus de programme mais par des constantes de positionnement dans des affrontements variables de programmes ». René Rémond, rénovateur de l’histoire politique en France, montre ainsi qu’un même thème a pu être défendu par des courants politiques opposés pour des objectifs différents. Autrement dit que ce sont les cultures politiques qui priment plus que les moyens de les exprimer. Cela s’applique à la place de l’État dans les discours de droite comme de gauche. Certains historiens vont encore plus loin faisant de l’opposition droite/gauche sur la question de l’État une simple question de rhétorique face à la longue durée de l’État depuis le Moyen-Âge. Jaurès estime que Bonaparte a subi une double défaite : défaite militaire et politique avec la chute de son régime autoritaire et bourgeois incarné par ses institutions. Pourtant, deux siècles plus tard, on doit constater la santé des institutions napoléoniennes : administration préfectorale, banque de France, Cour des comptes, conseil d’État. À aucun moment, la gauche au pouvoir (1936, Libération, 1981, 1997) n’a pas modifié en profondeur l’appareil d’État. À la Libération, le rétablissement de l’État dans un pays désintégré, prime au point de permettre un accord entre communistes et de Gaulle en Séquence 7 – HG00 21 © Cned - Académie en ligne vue du rétablissement de l’État avec la dissolution des milices patriotiques communistes, l’installation de commissaire de la République dans les régions, l’encadrement de l’épuration, l’établissement des Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS). L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 ne s’accompagne pas d’une « révolution administrative ». Même si l’on voit apparaître quelques militants politiques ou syndicaux émerger. Si on assiste aussi à une série de nominations dans les entreprises publiques d’hommes proches du nouveau pouvoir, les organes de direction de la fonction publique restent aux mains d’hommes issus des mêmes viviers. La droite au pouvoir, au moins jusqu’à 2007, n’a pas de remis en cause les règles implicites qui régissent la marche de l’appareil d’État qui font de plusieurs administrations centrales l’affaire de certains grands corps de l’État, de l’ENA en particulier. Elle n’a pas remis en cause directement le statut des fonctionnaires* fondé sur la distinction du grade et sur le paritarisme. Le premier principe garantit la sécurité de l’emploi du fonctionnaire, le protégeant, en principe, de toute pression politique et préservant le service de l’État du népotisme. Le second principe permet une cogestion des carrières (mutation, avancement) dans la fonction publique entre les syndicats et l’État soulageant de fait le premier d’un coût énorme dans la gestion du personnel. Aujourd’hui, le clivage à propos de la fonction publique se cristallise sur le droit de grève des fonctionnaires, leur mode de rémunération et d’avancement, le poids des effectifs… Alors que le cadre de l’Union Européenne devient la référence pour la majorité du cadre législatif, que la mondialisation remet en cause la pouvoir des États, et tandis que gauche et droite ont accepté les processus de déconcentration et de décentralisation de l’administration, la référence reste le modèle bonapartiste d’un État pyramidal. C’est cette rigidité qui amène certains à se demander si l’échelle de l’État n’est pas une échelle dépassée. 2. L’État : une échelle de décision dépassée ? ➠ Décentralisation et déconcentration : une concurrence infranationale à l’État Depuis 1982, la France connaît deux processus parfois distincts, souvent simultanés : la décentralisation et la déconcentration. Selon le législateur, « la décentralisation vise à donner aux collectivités locales des compétences propres, distinctes de celles de l’État, à faire élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire. La décentralisation rapproche le processus de décision des citoyens, favorisant l’émergence d’une démocratie de proximité. La déconcentration est une notion bien distincte ; elle vise à améliorer l’efficacité de l’action de l’État en transférant certaines attributions de l’échelon administratif central aux fonctionnaires locaux, c’est-à-dire aux préfets, aux directeurs départementaux des services de l’État ou à leurs subordonnés. » 22 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne La décentralisation est sans doute la réforme la plus profonde que la France ait connu depuis l’après-guerre, dans le sens où ses effets ont été irréversibles et que, si elle a été initiée par la gauche en 1982, elle a été poursuivie et approfondie depuis 30 ans malgré les alternances politiques gauche/droite. Il faut dire que la décentralisation, répondant à la promesse de gauche de promouvoir l’égalité entre les territoires, d’élargir la démocratie à tous les échelons de la nation au détriment des représentants de l’État (les préfets), a d’abord profité, dans un premier temps, à des notables, majoritairement de droite, héritier d’une tradition politique hostile à une centralisation par trop jacobine et révolutionnaire. Cette réforme rompt en effet avec la tradition française de centralisation entamée sous l’Ancien Régime et consolidée par la Révolution et surtout par l’épisode napoléonien. L’acte I de la décentralisation promulgué par la loi de mars de 1982, est l’œuvre de Gaston Deferre, ministre de l’intérieur, et de Pierre Mauroy, Premier ministre. Maires à l’échelle des communes, présidents des conseils généraux à l’échelle des départements, présidents des conseils régionaux, reçoivent l’intégralité du pouvoir exécutif détenu jusque-là par les préfets. Le pouvoir de contrôle de ces derniers ne peut s’exercer qu’a posteriori, même si les préfets conservent la mainmise sur la police et l’ordre public. Les collectivités locales se voient désormais confier des tâches jusque-là réservées à l’État : action sociale et gestion des collèges pour les départements, formation professionnelle, construction des lycées, aménagement du territoire pour les régions. Des Chambres régionales des comptes, composées de magistrats, veillent à la régularité des dépenses des collectivités territoriales. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République consacre le principe de décentralisation. Dans les faits les régions et les départements se voient dotés de nouvelles prérogatives, notamment la gestion des personnels non enseignants dans les établissements scolaires, celle de nouvelles prestations comme celle sur la dépendance. Parallèlement, l’État adopte le principe de déconcentration (lois de 1992) des organes de décision de l’État central vers leurs relais aux échelles régionales et départementales. Cette déconcentration s’accompagne de mesures souvent symboliques visant à déménager des administrations ou des institutions prestigieuses de Paris vers les capitales régionales : déménagement de l’ENA à Strasbourg (1991), de l’Ecole Normale supérieure de Fontenay St Cloud à Lyon, plus récemment de l’INSEE à Metz. ➠U ne concurrence supranationale à l’État : la construction européenne Si le rôle de l’État central tend à s’effacer au profit de collectivités d’échelle plus grande, celui-ci est aussi remis en cause, en même temps que l’État-nation par la réussite et l’approfondissement de la construction européenne. Débutée dès les années 1950, sous la tutelle bienveillante des États-Unis, la construction européenne aboutit avec le Traité de Rome à un « marché institutionnel » (J. Rueff), le « Marché Commun », Séquence 7 – HG00 23 © Cned - Académie en ligne organisant le libre-échange de marchandises mais sans concurrence sauvage, accélérant la coopération entre ses membres, posant implicitement les bases de l’intégration politique. La volonté gaullienne d’en finir avec l’empire colonial peut s’expliquer aussi par sa volonté de promouvoir la construction européenne. Il s’agit pour lui de construire « une cathédrale » fondée sur la réconciliation franco-allemande, sur des « piliers », la Communauté européenne, afin d’y « placer des arceaux et le toit, c’est-à-dire la coopération politique » (de Gaulle au chancelier Erhard, 1965). Le traité de l’Elysée signé avec la RFA en 1963, s’inscrit dans cette philosophie. Extrêmement ambitieux, il prévoit une multiplicité d’accords de coopération dans l’enseignement et la diplomatie. Cependant pour de Gaulle, l’Europe unie ne peut être que confédérale. Il rejette toute forme de construction supranationale. Les institutions communautaires sont des instruments techniques qui ne peuvent avoir d’« autorité et d’efficacité politique ». Elle est un moyen pour la France de maintenir son rang de puissance, son indépendance et ce d’autant plus que la RFA n’a ratifié le Traité de 1963 qu’en réaffirmant son attachement à l’Alliance atlantique dominée par les États-Unis. La fin des années 1960 est marquée par une série de tensions dans l’Europe communautaire due à la position gaullienne. Le conflit sur les droits de douane censés financer la Politique agricole commune (PAC) s’explique par le refus de transférer une part de la souveraineté nationale (la Nation ou ses représentants sont censés consentir l’impôt) aux institutions européennes. Le veto à la candidature britannique s’explique en grande partie par la volonté de s’émanciper de la tutelle américaine alors que la France quitte le commandement intégré de l’OTAN : le Royaume-Uni étant perçu comme le « cheval de Troie américain » dans la Communauté. Malgré un bilan considérable, la personne même du Général de Gaulle, sa position inflexible sur la place de l’État et la souveraineté nationale finissent par être un obstacle à l’approfondissement de la construction européenne. L’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981) puis de François Mitterrand (1981-1995), européens convaincus, vont contribuer, au-delà de profondes difficultés (PAC, position britannique, élargissement…) à relancer le processus européen. Les accords de Schengen (1985-1990), l’acte unique de 1986, le Traité de Maastricht (1992) sont des étapes définitives dans le transfert de pouvoirs à un niveau supranational. Libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, création d’une monnaie (effective au 1er janvier 2002), d’une banque centrale européenne, harmonisation technique et législative, création d’une citoyenneté européenne qui donne le droit de vote en France à des non-nationaux privent la France de sa juridiction dans des secteurs essentiels de sa souveraineté. Le renforcement des pouvoirs de la Commission européenne, du Parlement de Strasbourg et du Conseil de l’Europe et l’élargissement de l’Union à 27, la possibilité de sanction en cas de non-respect des règlements de l’Union, ont encore davantage empiété sur le rôle dévolu à la République une et indivisible. 24 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Questions Complétez le tableau suivant à l’aide de vos recherches et de vos connaissances. Compétence de Compétences exclusives Compétences partagées de l’Union Européenne UE/Etats coordination UE/Etats Réponses Compétences exclusives de l’Union Européenne Compétences partagées UE/Etats Compétence de coordination UE/ Etats la protection et l’amélioration de la santé humaine ; l’union douanière ; le marché intérieur ; l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ; la politique sociale, pour les aspects définis dans le présent traité ; l’industrie ; la cohésion économique, sociale et territoriale ; le tourisme ; la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie l’agriculture et la pêche, à est l’euro ; l’exclusion de la conservation la conservation des ressources des ressources biologiques de biologiques de la mer dans le la mer ; cadre de la politique commune l’environnement ; de la pêche ; la protection des consommala politique commerciale com- teurs ; mune les transports ; la culture ; l’éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport ; la protection civile ; la coopération administrative. les réseaux transeuropéens ; l’énergie ; l’espace de liberté, de sécurité et de justice ; les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, pour les aspects définis dans le présent traité. Aujourd’hui, même si aucune étude statistique n’a été menée, 50 à 60 % de la législation nationale apparaît d’origine communautaire (chiffre commission du Sénat 2002). Quant aux aides aux régions en difficulté comme le Nord ou les espaces enclavés (Massif central), ou aux grands projets d’infrastructures (TGV), ils sont financés par l’Union Européenne à hauteur d’au moins 30 %. Séquence 7 – HG00 25 © Cned - Académie en ligne ➠ La mondialisation contre l’État ? Dans le contexte du triomphe néolibéral et de la chute de l’Europe soviétisée, le discours sur la fin de l’État et du cadre national a eu un fort écho dans le monde médiatique et intellectuel. Le processus de mondialisation fondé sur l’explosion des échanges de marchandises, la révolution numérique, la division internationale du travail, la diffusion du libre-échange et l’élargissement du modèle capitaliste et libéral à une échelle mondiale semble pour certains penseurs avoir engendré un effacement de l’État. La France doit en effet faire face à de nouveaux acteurs qui remettent en cause l’interventionnisme en terme économique. L’affirmation des firmes transnationales (FTN) qui peuvent jouer sur les législations qui leur sont les plus favorables a limité la capacité de l’État à orienter la politique industrielle. L’effacement des frontières favorise aussi les processus de délocalisation et le dumping social qui atteignent les restes de l’État-Providence en amenuisant ses ressources fiscales et en levant les contraintes des entreprises en terme de droits du travail. La libre circulation des flux de capitaux et la déréglementation des marchés financiers ont changé les règles du jeu économique en faisant de ces marchés les acteurs majeurs du financement des entreprises et des États. Ainsi le transfert du marché des bons du Trésor français du Trésor public aux banques (1983-1985) et l’interdiction faite aux Etats de se financer auprès des Banques centrales (Traité de Maastricht) ont rendu la dette publique française captive d’intérêts (banque, entreprises) privés voire étrangers (56 % de la dette française sont ainsi détenus par des non-résidents). Ainsi contesté « par le haut », l’État est aussi contesté par le bas, notamment par l’affirmation d’Organisations non gouvernementales. Dès 1984, l’affaire du Rainbow Warrior, navire de l’organisation Greenpeace en partance vers les sites d’essais nucléaires français en Polynésie, coulé en Nouvelle-Zélande par les services de renseignements français, entraîne une réprobation internationale au point de faire démissionner le ministre de la Défense (Ch. Hernu) et de déstabiliser le gouvernement. Plus récemment, la reprise des mêmes essais nucléaires en 1995 entraîne un tel tollé, qu’elle contraint le président Chirac à y renoncer et démanteler le site d’expérimentation de Mururoa. Comme les autres États, la France doit aussi faire face à l’émergence d’une « société civile » virtuelle via internet. Les attaques récentes contre le site d’Hadopi (organe de régulation d’Internet mis en place par le Ministère de la Culture) et surtout le mépris affiché par certains sites face aux menaces du Conseil constitutionnel en cas de révélation, avant 20 heures, d’estimations des résultats à l’élection présidentielle de 2012 montrent que la mondialisation a engendré « a leak of power » (une perte de pouvoir) pour l’État français. Les effets de la mondialisation sur l’État sont d’autant plus mal ressentis en France que cet État est souvent perçu comme recours, protection, qu’il participe pleinement de l’identité nationale (voir A, 1). La peur d’une dilution de l’État dans la mondialisation s’accompagne de la montée d’angoisses qui recouvrent parfois la réalité : peur d’une prolétarisation face à l’effacement d’un modèle social exceptionnel, recul de la démocratie-et 26 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne des choix politiques qui en sont issus – face aux pressions du marché, appauvrissement de la langue par l’invasion d’un anglais « globish ». Ces angoisses peuvent néanmoins déboucher sur des fantasmes caractéristiques d’une culture politique conservatrice voire réactionnaire, celle du décadentisme (peur de la décadence) : perte d’une identité française supposée immuable au profit du multiculturalisme, fantasme de voir la France envahie par des flots non contrôlés de populations étrangères inassimilables, perte des repères culturels au profit du mainstream (culture globale ou culture de marché : séries, musique pop…)… Ces angoisses « début de siècle » n’en expriment pas moins un « réel désir d’État » en France. C’est peut-être là que réside l’exception française qui voit dans l’État-nation, la principale solution à presque tous les problèmes. 3. L’État contre-attaque En France, comme dans les autres États-nations structurés, l’État reste un acteur majeur, y compris dans le contexte de mondialisation ou d’affirmation d’entités supranationales comme l’Union Européenne. L’État reste un acteur clé au plan économique comme au plan politique. Le modèle national de capitalisme français même déstabilisé reste une réalité. La relative cohésion sociale liée à des inégalités sociales modérées, la qualité des services publics, notamment de transport, le niveau de formation de la main-d’œuvre, le faible coût de l’énergie assuré par des entreprises à forte participation étatique (EDF, AREVA), l’obtention d’avantages fiscaux sont des avantages comparatifs que les FTN prennent en compte dans leur localisation. En 1997, la décision de Toyota de s’installer à Valenciennes au détriment de son implantation au Royaume-Uni est notamment motivée par ces aménités3, sans compter le choix français de s’inscrire dans la zone Euro et l’espace Schengen. La France demeure encore aujourd’hui, et malgré la crise, entre le deuxième et le troisième rang pour les investissements directs à l’étranger. L’État reste en France un régulateur de conjoncture. Le poids des effectifs de la fonction publique dans l’emploi (20 % des emplois en 2008) permet le maintien d’un tapis de consommateurs à même de maintenir la croissance. Les commandes d’un secteur public, au poids souvent décrié, offrent aux entreprises françaises mais aussi européennes des débouchés non négligeables. De même chaque voyage officiel s’accompagne d’une série de négociations et de contrats favorables aux entreprises françaises. Dans le contexte de ralentissement économique, l’État est souvent appelé à utiliser les leviers qu’il possède : investisseurs institutionnels, capacités d’emprunts, fiscalité… La lutte contre le chômage, la gestion des plans de licenciements ont de fait été menés de manière bien plus vigoureuse par l’État que par un secteur privé qui en est généralement à l’origine. Face à la crise financière de 2008, les banques françaises ont pu se refinancer grâce au crédit de 25 MM € accordé par le gouvernement. 3. Avantages apportés sur un espace déterminant la localisation d’une activité ou d’une institution. Séquence 7 – HG00 27 © Cned - Académie en ligne L’État reste, en France, le garant de l’indépendance nationale. Au plan stratégique, la dissuasion nucléaire ne semble pas remise en cause. Lors de la crise irakienne de 2003, l’opposition française à la volonté américaine de déclencher un conflit a été affirmée par Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, devant l’ONU, par un discours aux accents gaulliens qui a rencontré le quasi unanimisme de la classe politique comme de l’opinion publique. Preuve de cet attachement à un État « indépendant », le choix de Nicolas Sarkozy de rentrer, à nouveau, dans le commandement unifié de l’OTAN, son alignement sur la stratégie américaine en Afghanistan, les coupes budgétaires subies par le Quai d’Orsay, ont inquiété les milieux diplomatiques mais aussi des politiques de bords opposés. Le groupe Marly a ainsi exprimé publiquement, mais anonymement, son regret de voir disparaître « la voix originale de la France dans le monde. » Qu’il s’agisse de la décentralisation, de l’intégration européenne voire de la mondialisation, aucun de ces trois mouvements n’auraient existé sans les choix de l’État. L’accélération définitive de la construction européenne au cours des années 1980, est d’abord le fait du rapprochement franco-allemand scellé par F. Mitterrand et H. Kohl et de la nomination, sous pression des deux chefs d’État, et celle de J. Delors à la Commission européenne. Le principe de subsidiarité permet toujours à la France de limiter l’influence des décisions des instances européennes sur sa législation La libéralisation des échanges à l’échelle mondiale reste le produit de négociations, souvent tendues, entre États au sein de l’Organisation mondiale du commerce : la France a ainsi pu maintenir, dans les années 1990, son exception culturelle en prenant la tête de 31 pays qui en défendait le principe. La décentralisation, quant à elle, a été engagée suite à une alternance politique et c’est l’État qui en détermine la philosophie. En 1963, l’aménagement du territoire est confié la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) sur le principe d’égalité entre les espaces constituant la France. Entre 2005 et 2009, la DATAR se change en Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) : désormais au principe d’égalité, l’État substitue le principe de mise en compétition de territoires, acceptant la concurrence de régions inégalement dotées en richesses, populations et activités. Enfin, l’émergence de véritable féodalité de notables locaux (Georges Frêche dans la région Languedoc-Roussillon…) dans le cadre de la décentralisation relativisent la réputation d’inefficacité d’incompétence voire de corruption de l’État central. D’autant plus qu’il est inscrit dans l’esprit des Français comme le garant multiséculaire de l’intérêt général. La crise financière, économique et sociale, qui s’est déclenchée en 2008, a engendré un certain retournement intellectuel et politique. À l’économiste Alain Minc, qui dans les medias, quelques jours avant la tempête boursière de l’été, vantait les capacités naturelles d’autorégulation du capitalisme, ont succédé les tenants d’une intervention de l’État. Des penseurs du protectionnisme comme Emmanuel Todd, d’économistes 28 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne keynésiens ou néo-marxistes comme Jacques Généreux, sont devenus à nouveau audibles. L’action interventionniste du Président Sarkozy, le plus libéral depuis 1958, face à la crise financière puis face à la crise de la dette, s’est appuyée sur un discours « protecteur ». La campagne électorale de 2012 voit ainsi l’État redevenir fréquentable, avec des candidats qui évoquent la renationalisation de secteurs clés. Doit-on alors penser que la France et les Français sont décidément d’incorrigibles originaux dans le monde démocratique, qu’ils ne peuvent se départir de leur « tendance traditionnelle à faire de l’État la machine à gérer et, si possible, guérir tous les mots de la société ? » (S. Hoffman) La « révolution française » du rapport à l’État s’exprime peut-être davantage dans les projets des candidats en matière de monétisation et de refinancement de la dette et des budgets, de défense et de diplomatie, d’environnement… qui sont désormais majoritairement pensées à l’échelle d’un « super État européen » essentiel pour l’avenir de l’Europe et donc de la France. En guise de conclusion, l’actualité politique de la France en 2012… On ne peut certes pas encore mesurer l’impact de l’alternance politique née de l’élection de François Hollande le 6 mai 2012 (premier président socialiste depuis François Mitterrand entre 1981 et 1995), suivie de la victoire législative de la gauche, sur la modification du rapport de la France à l’État. On peut néanmoins se risquer à ébaucher deux tendances. a) La référence à l’État, a été un leitmotiv dans le discours de l’ensemble des candidats à la magistrature suprême. Le Front National, à l’extrême droite, voit dans un État-Nation fort au plan régalien et replié sur luimême, l’unique solution face aux inquiétudes nées de la mondialisation et de l’intégration européenne, face aux destructions sociales de la crise économique, à l’affaiblissement des services publics, à l’augmentation de la petite ou de la moyenne délinquance : retour au franc, fermeture des frontières, discours sécuritaire (rétablissement de la peine de mort)… Le président sortant, Nicolas Sarkozy qualifié pour le second tour, a choisi de se rapprocher, au moins dans le discours, de ce programme en stigmatisant les choix de la Commission européenne, faisant la promotion d’une politique répressive au plan de l’immigration – souvent assimilée caricaturalement à l’insécurité – voire d’une vision réactionnaire de la nation. À gauche, le candidat Hollande, veut mettre fin à la RGPP (Révision générale des politiques publiques) et à la politique du non-remplacement systématique d’un fonctionnaire sur deux, reprendre le recrutement dans la police, la justice et l’enseignement. Au nom de la « justice », mais aussi face à l’endettement massif de l’État, le programme du candidat socialiste envisage une réforme de la fiscalité (retour de l’ISF, renforcement de la pression fiscale sur les très hauts revenus). Face à la crise économique, la mise en place d’une banque dirigée par l’État doit être réalisée pour suppléer à la contraction du crédit et relancer l’investissement industriel, notamment des PME. Le nouveau président semble vouloir redonner à l’État un rôle de médiateur en faisant la promotion du dialogue entre partenaires sociaux Séquence 7 – HG00 29 © Cned - Académie en ligne ou usagers des services publics et fonctionnaires, au travers de rencontres comme la Conférence sociale du mois de juillet 2012. b) Le discours inaugural de François Hollande lors de cette dernière semble donner la ligne suivie par le Président et le gouvernement au plan institutionnel. Tout en rappelant les lignes directrices de sa politique, il a laissé à son premier ministre Jean-Marc Ayrault et certains de ses ministres la primauté des annonces ou des interventions dans leurs différents domaines d’action. Si l’on ajoute que le parti présidentiel (Parti socialiste) et ses alliés maîtrisent l’ensemble des échelles des décisions (le Parlement, la quasi-totalité des régions, la majorité des départements et des grandes villes), on peut se demander si l’on n’est pas revenu en 2012 à une pratique plus proche de la logique gaullienne des institutions de la Ve République. Bref « une présidence normale », dans laquelle le Président préside et le gouvernement gouverne. Le Premier ministre se pose en chef de la majorité mais aussi en responsable — et fusible potentiel – de la politique menée par le gouvernement. Reste cependant à savoir si ces institutions bien plus plastiques qu’on ne l’a cru, ayant résisté à la démission de son fondateur, aux alternances politiques régulières depuis trente ans, et à trois cohabitations, pourront prendre le tournant de la modernité politique : intégration européenne, régénération du corps politique (parité, ouverture aux minorités visibles, fin du cumul des mandats) et surtout, reconquête de citoyens de plus en plus fâchés envers l’action des politiques. 30 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Glossaire Centralisation caractère d’un régime ou d’une politique où toutes les décisions sont prises par un gouvernement central. Collectivité territoriale (ou locale) division administrative au-dessous de l’État (infra-étatique), dotée par cet État central de compétences. En France, les collectivités territoriales sont les communes, les départements, les régions, les collectivités d’outre-mer ; leur rôle a été défini principalement par les lois de 1982, 2003 et 2010. Elles ont une assemblée élue, un budget. Corporation association d’artisans ou de marchands selon leur spécialité, dont l’union avait pour but d’organiser la profession, par la réglementation de la fabrication, de la vente… Nées au XVI° siècle, les corporations sont supprimées par la Révolution Française (Loi Le Chapelier 1791), et rétablies un temps sous le Régime de Vichy. Décentralisation transfert de pouvoirs de l’État vers les collectivités territoriales. En France, elle commence avec les Lois Defferre (1982) et se poursuit avec les lois de 2003 et 2010. Démocratie sociale démocratie (régime politique fondé sur la souveraineté populaire et les principales libertés) où les droits sociaux (droit au logement, au travail, à la santé, à l’éducation…) sont garantis. Économie dirigée/ dirigisme système où l’État organise et contrôle l’économie de manière systématique (monnaie, salaires, investissements…), de manière autoritaire dans les dictatures, et concertée dans les démocraties. La planification et la nationalisation sont deux des outils du dirigisme. Économie mixte économie où coexistent entreprises publiques et privées c’est-à-dire qui combine économie dirigée et économie de marché. État de droit État dans lequel les activités des individus et des collectivités sont bornés par la loi, et donc où l’arbitraire n’existe pas. État-gendarme forme d’État où l’intervention de celui-ci se limite à la défense du territoire et au maintien de l’ordre social et politique. ÉtatProvidence État qui intervient pour corriger les inégalités sociales, par exemple par le système redistributif (voir cette notion). Notion née au XIX° siècle, mais dont le principe s’incarne dans les années 1930 aux États-Unis (Welfare State) et surtout après 1945 en Europe Occidentale. Les Keyné- Séquence 7 – HG00 31 © Cned - Académie en ligne siens (voir ce mot) considèrent l’État-Providence comme un système efficace, dans la mesure où l’augmentation des revenus des plus pauvres est un facteur stimulant la consommation et donc la croissance et le désendettement de l’État. 32 Étatiste théorie selon laquelle l’État doit intervenir systématiquement (voir ÉtatProvidence). Fonctionnaire personne travaillant pour les services publics d’un État qui la rémunère et en définit les statuts. À noter qu’un fonctionnaire peut aussi être employé à un niveau infra-national par les collectivités territoriales, ou supra-national, par exemple par l’Union Européenne. Jacobinisme expression définissant l’attitude politique marquée par une volonté centralisatrice, censée se référer aux Jacobins de la Révolution Française. Elle ne recouvre cependant que de manière caricaturale la réalité historique de ce mouvement (les Jacobins sont par essence méfiants visà-vis d’un État centralisateur assimilé à la monarchie absolue et à l’Ancien Régime). Keynésien/ keynésianisme du nom de l’économiste anglais John Meynard Keynes, cette théorie est fondée sur l’idée que la demande des consommateurs explique le niveau de la production et de l’emploi. Par conséquent, elle cherche à stimuler la consommation pour stimuler l’économie et suppose une politique d’intervention de l’État. Nation (au sens « français », issu des Lumières et de la Révolution Française) : ensemble des citoyens qui vivent en commun, de par leur propre consentement et de par la conscience de leur unité de langue, de culture…. Nationalisation processus par lequel la nation devient propriétaire d’une entreprise, sa gestion étant assurée par l’État. L’entreprise a une autonomie financière et est soumise aux lois de la concurrence. La nationalisation s’oppose à la privatisation, où l’on remet au secteur privé une entreprise nationalisée. Pantouflage fait pour tout fonctionnaire formé dans les grandes écoles, comme Polytechnique ou l’ENA, de travailler pour une entreprise privée. Certains reviennent ensuite au service de l’État (néo-pantouflage). Parlementarisme volonté d’élargir les pouvoirs du Parlement face au pouvoir exécutif. Plus généralement, le parlementarisme ou régime parlementaire, est un régime politique où le Parlement prime sur les autres institutions, par exemple, en ayant la possibilité de renverser le gouvernement. Planisme théorie née dans les années 30 selon laquelle la planification peut modifier la société. Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Politisation processus par lequel la politique devient l’affaire du plus grand nombre. Les tournants majeurs dans la politisation en France sont les révolutions de 1789 et de 1848, le suffrage universel et l’affirmation de la république à la fin du XIX°. Planification organisation de projets économiques en fonction de plans dotés d’une durée et d’objectifs à atteindre, ayant pour but de rationaliser le fonctionnement économique d’un pays. Privatisation voir nationalisation. Protectionnisme protection d’un marché intérieur d’un pays de la concurrence étrangère, par des mesures tarifaires, des restrictions quantitatives, une quantité maximum importée. Il s’oppose au Libre-Echange. Subsidiarité principe visant à assurer une prise de décision la plus proche possible du citoyen en vérifiant que l’action à entreprendre au niveau européen est justifiée par rapport aux possibilités qu’offre l’échelon national, régional ou local. Ce principe a été conçu pour rapprocher les lieux décisionnels des citoyens et éviter l’éloignement des lieux de pouvoir. Le flou de la définition laisse aux États un large pouvoir de décisions par rapport aux directives européennes. Supranationalité caractère d’une décision ou d’une autorité émanant d’une organisation fédérale ou confédérale et s’exerçant sur les gouvernements nationaux. Système redistributif la répartition des revenus aboutissant à d’importantes inégalités, l’État intervient pour redistribuer les richesses par le biais des impôts, dont l’impôt sur le revenu qui est progressif (c’est-à-dire qu’il augmente avec les revenus). L’État fournit de nombreux services et biens gratuits, verse des subventions aux entreprises, fournit des aides aux ménages et verse des prestations sociales. Le système redistributif s’incarne dans l’ÉtatProvidence (voir ce mot). Séquence 7 – HG00 33 © Cned - Académie en ligne 2 L’échelle continentale Le projet d’une Europe politique depuis le Congrès de la Haye (1948) Nota les noms suivis d’un astérisque sont cités dans la biographie en fin de chapitre. Introduction Dans le chapitre précédent, vous avez étudié un État-nation : la France. Au XIX° siècle, beaucoup d’États naissent en Europe et nombreux sont ceux qui pensent que l’État-nation est le cadre idéal de gouvernement. Or, pendant la Première puis la Seconde Guerre mondiale, les États européens s’affrontent. Après 1945, pour cesser les divisions, l’Europe s’engage dans la construction d’une organisation politique, dépassant le cadre de l’État-nation. Aujourd’hui, l’Union Européenne compte 27 États. Elle constitue l’association régionale la plus intégrée. Pourtant, alors que sur le plan économique, elle a connu des avancées importantes, sur le plan politique, elle demeure encore un projet. La même interrogation traverse toute l’histoire de la construction européenne : les États peuvent-ils s’entendre pour, à l’échelle continentale, proposer une forme de gouvernement qui dépasse le cadre de l’État-nation ? Le chapitre qui suit sera consacré au projet de l’Europe politique, de ses origines à ses enjeux actuels. Problématique Quelles sont, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les motivations des acteurs de la construction européenne ? Quelles sont les différentes conceptions de l’Europe politique ? Comment concilier intérêts nationaux et intérêt européen ? 34 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Plan du chapitre : traitement de la problématique A- Origines et premiers pas de la construction européenne (1948-1957) 1- Pourquoi construire une Europe unie ? Notions clés Intégration Institutions supranationales Fédéralisme Repères Cerner le sens général d’un document Confronter des points de vue différents 2- Le rôle des acteurs 3- Les premiers pas de l’intégration – Le plan Schuman et la CECA – Le rejet de la CED B- Avancées et freins de la construction politique de l’Europe depuis 1957 Souverainisme Europessimisme Atlantisme 1- Le choix de l’intégration économique et de l’élargissement Différentes conceptions de l’Eu2- rope : Europe des États ou Europe supranationale ? 3- Les institutions européennes 4- Quel bilan aujourd’hui ? A Origines et premiers pas de la construction européenne (19481957) 1. Pourquoi construire une Europe unie ? L’idée d’une Europe unie n’est pas nouvelle. La division de l’Europe, les guerres dévastatrices ont alimenté de nombreux projets. L’idée européenne est affirmée à la fin des années 1920 et au début des années 1930 par quelques personnalités. La crise économique et la montée des fascismes brisent cet élan. À l’issue de la seconde guerre mondiale, le climat est favorable à la renaissance de l’idée européenne. Les débats sur l’avenir de l’Europe libérée du nazisme reprennent. Dès septembre 1946, Winston Churchill*, ex-premier ministre britannique, évoque la création des ÉtatsUnis d’Europe. Le document suivant va vous permettre de comprendre dans quel contexte particulier l’Europe voit le jour. Séquence 7 – HG00 35 © Cned - Académie en ligne Document 2 Robert Schuman justifie la création d’une Europe unie (avril 1951) « Notre objectif est de réintégrer l’Allemagne dans le circuit productif et économique des pays démocratiques. Les Français, dans leur grande majorité, sont persuadés qu’il ne faut pas recommencer l’erreur commise au lendemain de la Première Guerre mondiale, c’est-à-dire nous obstiner à chercher une garantie contre la revanche ou contre l’hégémonie allemande dans l’isolement de l’Allemagne, qu’on tiendrait enserrée dans un système de restrictions et de prohibitions. […] Dans un autre ordre d’idées, les nécessités de la défense des pays libres d’Europe nous amènent à une conclusion identique. Ces pays se trouvent placés devant un même danger : l’expansionnisme communiste. La présence russe au cœur de l’Europe et plus spécialement au cœur de l’Allemagne, l’emprise brutale que le régime soviétique exerce sur les populations et sur les économies des pays de l’Est ainsi que de la zone orientale d’occupation, les menaces que font peser sur tout l’Occident l’agitation du Kominform4 et les prétentions russes, tout cela pose les mêmes problèmes dans tous les pays situés à l’ouest de la Baltique et de l’Elbe. Il faut à ces pays une politique harmonisée. […] » Robert Schuman, Secrétaire d’État aux affaires étrangères Questions Quels sont les deux arguments avancés par Robert Schuman pour justifier la création d’une Europe unie ? Réponses Le premier argument avancé par Robert Schuman c’est qu’il est indispensable de réconcilier la France et l’Allemagne. L’Europe sort d’une guerre dévastatrice. La condition première du maintien de la paix est la réconciliation franco-allemande. Le deuxième argument est celui de la lutte contre l’expansionnisme communiste. Nous sommes en 1951, le monde est entré dans la guerre froide et à l’est du rideau de fer, les démocraties populaires se sont alignées sur le modèle soviétique (voir le chapitre du programme de première sur la guerre froide). L’anti-communisme est bien présent à l’ouest. Robert Schuman plaide pour le rapprochement des États de l’Ouest de l’Europe pour contrer l’influence communiste et ancrer l’Europe de l’Ouest dans le camp des démocraties libérales. Après 1945, construire l’Europe apparaît comme une nécessité pour : E Empêcher le retour de la guerre et assurer la paix sur le continent. Pour cela, la réconciliation franco-allemande est indispensable. E Lutter contre le communisme. En ce début de guerre froide, l’anti-communisme est bien présent à l’ouest de l’Europe. Les États-Unis sont persuadés qu’une Europe occidentale unie est le meilleur rempart 4. le Kominform, créé en 1947 au début de la guerre froide, est l’organe de liaison et d’information des partis communistes européens. 36 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne contre le communisme. D’ailleurs, les premières organisations rapprochant des États européens se font sous l’influence américaine : en 1948 est créée l’OECE, l’organisation européenne de coopération économique, dont le but est au départ de répartir l’aide du plan Marshall. En 1949, c’est la création de l’OTAN (organisation du Traité de l’Atlantique Nord), qui soude militairement le bloc occidental. Favoriser le développement et la prospérité économique. Le rapprochement des États européens apparaît comme un moyen d’assurer la reconstruction d’un continent en ruine et de favoriser la croissance économique. Isolé, chaque État, dévasté et affaibli est incapable de retrouver son rang et de concurrencer la puissance économique des États-Unis. 2. Le rôle des acteurs Quelques hommes (les « pères de l’Europe ») vont jouer un rôle clé dans les débuts de la construction européenne : parmi eux, les français Jean Monnet* et Robert Schuman*, l’italien Alcide de Gasperi, l’allemand Konrad Adenauer*, le belge Paul Henry Spaak. Un certain nombre de valeurs communes les rapprochent : l’attachement à la démocratie libérale (libertés individuelles, souveraineté nationale, multipartisme….) et à l’État Providence : s’ils défendent l’économie capitaliste fondée sur la propriété privée, ils veulent que l’État intervienne dans l’économie, pour corriger les inégalités et accroître la production. Ils se détachent donc du modèle soviétique en laissant une large place à l’initiative privée mais aussi du modèle américain en donnant à l’État un rôle important. Le Congrès de la Haye en 1948 Le nouvel élan pour un projet européen aboutit à la réunion d’un Congrès en mai 1948, à la Haye aux Pays-Bas. Il réunit près de 800 participants, tous Européens convaincus : hommes d’États, philosophes, intellectuels…. , venus de 24 pays. De nombreuses idées y sont annoncées et discutées. La difficulté de s’entendre sur un projet politique commun émerge car différentes conceptions d’une Europe politique se font déjà sentir (vous travaillerez dans la deuxième partie du cours sur ces différentes conceptions). Le Congrès se termine sur un message aux Européens lu par Denis de Rougemont*. Il déclare notamment : « Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier […] la plus grande formation politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur et la misère n’auront été mises en échec par un plus formidable adversaire ». Suite à ce Congrès, un Conseil de l’Europe siégeant à Strasbourg voit le jour en mai 1949. Limité au départ à 10 pays, ce Conseil sans réel Séquence 7 – HG00 37 © Cned - Académie en ligne pouvoir se donne pour mission de défendre les libertés et la démocratie. Il est à l’origine de la Convention européenne des droits de l’homme adoptée en 1950. Les années d’après-guerre voient donc un nouvel élan de l’idée européenne, portée par quelques dirigeants convaincus. Dès le début, les différences de conception s’affirment. Les premiers rapprochements sont des organismes de coopération qui pour certains sont sous l’influence des États-Unis. Au début des années 1950, le projet européen prend une nouvelle dimension avec le plan Schuman. 3. Les premiers pas de l’intégration européenne a) Le plan Schuman et la création de la CECA (1951) Document 3 La naissance de la CECA Pour aller plus loin… Dans votre moteur de recherches en mode vidéo, écrivez : Ina traité CECA histoire d’un traité. Étudiez ce document. Il est essentiel pour comprendre la base de la construction européenne jusqu’à aujourd’hui. C’est un montage de documents d’actualité qui présente les premières années de la CECA. Vous y entendrez notamment un extrait du discours de Jean Monnet reproduit ci-dessous. La création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1951 marque le véritable point de départ de la construction européenne. Le projet conçu par Jean Monnet (commissaire au Plan) est présenté le 9 mai 1950 par le ministre des Affaires Etrangères français, Robert Schuman : voici quelques lignes de cette Déclaration : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. Dans ce but, le gouvernement français […] propose de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe. La mise en commun des productions de charbon et d’acier assurera immédiatement l’établissement de bases communes 38 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne de développement économique, première étape de la fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes ». Il s’agit donc de mettre en commun les productions de deux matières premières hautement symboliques : le charbon et l’acier. Six États signent le traité instituant la CECA : la France, la RFA, le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie. Le plan Schuman est refusé par le Royaume-Uni. La production est placée sous une Haute Autorité commune présidée par Jean Monnet. L’analyse du document qui suit doit vous permettre de comprendre en quoi la création de la CECA marque le point de départ de la construction politique de l’Europe. Document 4 Déclaration de Jean Monnet lors de la séance d’installation de la haute Autorité du charbon et de l’acier (CECA), Luxembourg, 10 août 1952. « Six Parlements ont décidé, après mûre délibération et à des majorités massives, de créer la première Communauté européenne qui fusionne une partie des souverainetés nationales et les soumet à l’intérêt commun. Dans les limites de la compétence qui lui est conférée par le traité, la Haute Autorité a reçu des six États le mandat de prendre en toute indépendance des décisions qui deviennent immédiatement exécutoires dans l’ensemble de leur territoire. Elle est en relation directe avec toutes les entreprises. Elle obtient des ressources financières, non de contributions des États, mais de prélèvements directement établis sur les productions dont elle a la charge. Elle est responsable, non devant les États mais devant une Assemblée européenne. L’Assemblée a été élue par les parlements nationaux […]. Les membres de l’Assemblée ne sont liés par aucun mandat national ; ils votent librement et par tête et non par nation. Chacun d’eux ne représente pas son pays, mais la Communauté entière. L’Assemblée contrôle notre action. Elle a le pouvoir de nous retirer sa confiance. Elle est la première Assemblée européenne dotée de pouvoirs souverains […]. Toutes ces institutions pourront être modifiées et améliorées à l’expérience. Ce qui ne sera pas remis en question, c’est qu’elles sont des institutions supranationales et, disons le mot, fédérales. » Questions 1P ourquoi peut-on dire que la Haute Autorité est indépendante des États ? 2R elevez la phrase qui définit le mieux ce que Monnet appelle « des institutions supranationales, et, disons le mot fédérales » 3E n conclusion, dites en quoi la CECA marque une étape décisive dans la construction de l’Europe politique. Séquence 7 – HG00 39 © Cned - Académie en ligne Réponses 1 La Haute Autorité a reçu « le mandat de prendre en toute indépen- dance des décisions qui deviennent immédiatement exécutoires dans l’ensemble de leur territoire ». C’est l’organe exécutif de la CECA. Elle dispose d’un budget propre. Elle n’est pas responsable devant les États mais devant une Assemblée élue par les Parlements nationaux. Chaque membre « ne représente pas son pays mais la Communauté entière ». 2L a CECA est une « Communauté européenne qui fusionne une partie des souverainetés nationales et les soumet à l’intérêt commun ». 3A vec la CECA débute un processus d’intégration et pas seulement de coopération entre États. Les États renoncent à une partie de leur souveraineté nationale au profit d’une institution commune. L’Europe franchit donc un pas décisif au niveau politique. Document 5 La signature du traité de Paris instituant la CECA. Page de titre d’une brochure allemande de 1951 à l’occasion de la signature du Traité de Paris instituant la CECA le 18 avril 1951. On reconnaît le Français Robert Schuman et l’Allemand Konrad Adenauer. Les titres sont révélateurs des interrogations de l’opinion publique face à ce traité, cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Que se cache t-il là-derrière ? » (Was steckt dahinter ?) « Questions et réponses à propos du PlanSchuman » (Fragen und antworten zum Schuman-Plan). © akg–images b) Le rejet de la CED Avec la CECA, les conceptions fédéralistes bien présentes au Congrès de la Haye triomphent. Mais elles vont vite être mises en échec avec le rejet de la Communauté européenne de défense (CED). En 1950, face à la menace soviétique et dans un contexte de durcissement de la guerre froide, le président américain Truman propose de réarmer l’Allemagne. Le gouvernement français refuse mais suggère de créer sur le modèle de la CECA une armée commune européenne de 100 000 hommes comprenant des allemands. Cette armée serait placée sous un commandement supranational dépendant de l’OTAN. 40 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Les six membres de la CECA signent en 1952 le traité instituant la CED (Communauté européenne de défense). Ce traité suscite de violents débats en France et le Parlement rejette le projet en août 1954. C’est une défaite pour les partisans de l’Europe fédérale. Le rejet de ce projet montre bien qu’une partie de la classe politique et de l’opinion publique est très attachée à la souveraineté de la France surtout dans le domaine de la défense. L’abandon de la CED aura des conséquences à long terme. Elle gèle pendant plus de 40 ans une politique européenne commune de défense. Cette question est toujours d’actualité : l’Europe est-elle en mesure d’assurer elle-même sa défense ? Dans les années 1950, la construction européenne semble piétiner. Le climat n’est pas favorable à l’abandon des souverainetés nationales sur le plan militaire comme politique. Les Européens convaincus comme Jean Monnet pensent alors que la seule façon de faire avancer l’Europe est la voie de l’intégration économique. La priorité devient alors la construction d’un Marché Commun, les préoccupations économiques vont désormais l’emporter sur les préoccupations politiques. B Avancées et freins de la construction politique de l’Europe depuis 1957 1. L e choix de l’intégration économique et de l’élargissement En 1957, la signature des traités de Rome relance la construction européenne. Deux traités sont signés. L’un met en place une Communauté économique européenne (CEE), l’autre une Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom), qui elle, ne verra pas le jour. La création d’un Marché commun est l’objectif principal. Il s’agit d’opérer le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres et de créer une vaste zone de libre-échange. Le traité signé par les Six est ouvert à d’autres pays. L’intégration économique va se poursuivre pendant les décennies suivantes non sans débats. Mais progressivement, les barrières douanières tombent et sur le plan économique, l’Europe devient une réalité. Parallèlement, le choix de l’élargissement est fait (voir chronologie). La chute du communisme et l’ouverture du rideau de fer posent la ques- Séquence 7 – HG00 41 © Cned - Académie en ligne tion des limites orientales de l’Europe. Celle-ci fait le choix d’intégrer les anciens États communistes d’Europe de l’Est. L’Union européenne compte aujourd’hui 27 États et cet élargissement a suscité et suscite encore de nombreuses questions quand à l’adaptation des institutions. La chronologie qui suit récapitule les grandes étapes de l’approfondissement économique et de l’élargissement. Pour aller plus loin… Activité : Sur le site touteleurope.fr, vous trouverez une chronologie interactive que vous pouvez consulter pour approfondir le sujet (sur la page d’accueil du site, cliquez sur « histoire ») Document 6 25 mars 1957 Chronologie des principales étapes de l’intégration économique et de l’élargissement de l’UE Signature des traités de Rome (CEE et Euratom) 1962 Instauration de la Politique agricole commune (PAC) 1968 Réalisation de l’Union douanière entre les Six (un tarif douanier commun) 1973 Adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume Uni (Europe des Neuf) 1979 Instauration du système monétaire européen 1981 Adhésion de la Grèce (Europe des Dix) 1986 Adhésion de l’Espagne et du Portugal (Europe des 12) 1986 Adoption de l’Acte unique européen 1990 Réunification allemande suite à la chute du mur de Berlin 1992 Signature du traité de Maastricht qui prévoit notamment la création d’une monnaie commune. La CEE devient l’Union européenne. 1995 Adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède (Europe des Quinze) Janvier 2002 L’Euro devient la monnaie commune de douze pays de l’Union européenne Mai 2004 Adhésion de 10 nouveaux pays (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Malte et Chypre) (Europe des 25) 2005 Français et Néerlandais rejettent par référendum le projet de traité Constitutionnel 2007 Adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie (Europe des 27*) *Pour mémoire, la Croatie deviendra le 28° membre de l’Union européenne en juillet 2013. 42 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Pour aller plus loin… Vous pouvez consulter les cartes des différentes étapes de l’élargissement sur le site touteleurope.fr Document 7 Une volonté de tourner définitivement la page du passé Le chancelier Helmut Kohl et le président François Mitterrand se tiennent la main devant l’ossuaire de Douaumont près de Verdun le 22 septembre 1984. Cette photo symbolise la réconciliation franco allemande entamée après la Seconde Guerre mondiale. © dpa/akg–images Document 8 Le tête à tête de deux dirigeants européens Le président François Mitterrand (à g.) et le nouveau (depuis le 1er octobre) chancelier fédéral d’Allemagne Helmut Kohl à Bonn le 21 octobre 1982. Le rôle des hommes a été déterminant tout au long de l’histoire de l’Europe. Ces photos illustrent le rôle du couple franco-allemand comme moteur de la construction européenne. Dans les années 1960, le dialogue franco-allemand s’intensifie avec de Gaulle et le chancelier allemand Adenauer. © Ullstein bild/akg–images Les couples Helmut Schmidt et Valery Giscard d’Estaing dans les années 1970, Helmut Kohl et François Mitterrand (documents 7 et 8) dans les années 1980 se sont illustrés par leurs convergences de vues sur les questions européennes et ont donc été les moteurs de la construction. Après le couple Angela Merkel et Nicolas Sarkozy qui s’est imposé dans la gestion de la crise de la dette grecque et la question de l’avenir de la Séquence 7 – HG00 43 © Cned - Académie en ligne zone euro, c’est au tour d’un nouveau couple entre François Hollande et Angela Merkel que se jouera le scénario d’une relance économique de la zone euro. 2. Différentes conceptions politiques de l’Europe Vous allez analyser successivement 3 documents qui présentent des points de vue différents sur l’organisation politique de l’Europe. Voici quelques repères pour bien comprendre les documents : E Le premier document (document 9), de 1965, présente la position de Guy Mollet, socialiste français, qui pesa comme chef du gouvernement français sur la signature des traités de Rome en 1957. E Le deuxième document (document 10) est un discours de Margaret Thatcher* en 1988. Les Britanniques, tournés vers le Commonwealth, refusent au départ le processus communautaire. Ils rejettent notamment la CECA, puis la CEE. Dans les années 1960, leur attitude change, et, craignant l’isolement, ils demandent à entrer dans la CEE. Par deux fois, le Général de Gaulle oppose son veto à l’entrée de la Grande Bretagne qu’il juge trop atlantiste c’est-à-dire trop proche des États-Unis. En 1973, finalement, le Royaume-Uni entre dans l’Europe. Margaret Thatcher arrive au pouvoir en 1979. Le climat est alors à l’« europessimisme », la construction européenne piétine. M. Thatcher conteste le montant de la participation de son pays au budget communautaire. E Le troisième document (document 11) est un discours prononcé en 2000 par Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires Etrangères de 1998 à 2005. Il donne ici son opinion sur la finalité de la construction européenne. Document 9 Extrait de Guy Mollet La construction européenne vue par un socialiste français, avril 1965 «… Europe des patries ou Europe fédérée ? ce n’est pas là une vaine querelle de vocabulaire. De même que les institutions sont nécessaires dans nos pays libres pour canaliser les efforts des citoyens et des groupes politiques et pour les faire concourir à l’intérêt général […], de même, des institutions indépendantes et dotées de pouvoirs suffisants sont nécessaires dans la Communauté européenne pour dégager une position commune des gouvernements, arbitrer parfois entre eux, dire aux peuples et aux dirigeants quel est l’intérêt de la Communauté et les faire tous concourir à la réalisation des tâches d’ensemble. J’espère que demain, nous reprendrons cette marche vers une Europe unie, peu à peu intégrée avec, au-dessus des décisions nationales, des décisions supranationales. […] Nous sommes donc pour une Europe fédérée. ». Question 44 Quelle forme d’organisation politique Guy Mollet défend-il ? Quels sont ses arguments ? Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Réponse Guy Mollet est partisan de plus d’intégration. Il appelle à la constitution d’une Europe fédérale c’est-à-dire une Europe dotée d’institutions « supranationales », « indépendantes et dotées de pouvoirs suffisants ». Elles sont pour lui indispensables pour « dégager une position commune des gouvernements », pour défendre l’intérêt général. Il demande donc un renforcement des institutions européennes dans la lignée de Jean Monnet et de Robert Schuman. Document 10 Extraits du discours de Margaret Thatcher, premier ministre britannique à Bruges, le 20 septembre 1988 […] Ma première idée-force est celle-ci : une coopération volontaire et active entre Etats souverains indépendants est le meilleur moyen de construire une Communauté européenne réussie. Il serait hautement préjudiciable de tenter de supprimer la nationalité et de concentrer le pouvoir au centre d’un conglomérat européen ; en outre cela compromettrait les objectifs que nous poursuivons. L’Europe sera plus forte si elle compte précisément en son sein la France en tant que France, l’Espagne en tant qu’Espagne, la Grande-Bretagne en tant que Grande-Bretagne, chacune avec ses coutumes, traditions et particularités. Ce serait de la folie que d’essayer de les faire entrer dans une sorte de portrait-robot européen. […] Je suis la première à dire que les pays d’Europe devraient parler d’une seule voix sur de nombreuses grandes questions. Je voudrais nous voir coopérer plus étroitement dans les domaines où nous pouvons faire mieux ensemble que seuls. L’Europe est alors plus forte, qu’il s’agisse de commerce, de défense ou de nos relations avec le reste du monde. Mais coopérer plus étroitement n’exige pas que le pouvoir soit centralisé à Bruxelles, ni que les décisions soient prises par une bureaucratie en place par voie de nomination. […] Nous voulons assurément voir une Europe plus unie, avec une plus grande détermination. Mais il faut que ce nouvel état de choses se fasse en préservant les différentes traditions, les pouvoirs parlementaires et les sentiments de fierté nationale, car tel a été au cours des siècles le nerf de l’Europe. […] Ma dernière idée-force porte sur la question la plus fondamentale, le rôle des pays européens en matière de défense. L’Europe doit continuer de maintenir une défense sûre par l’intermédiaire de l’OTAN. Il ne peut être question de relâcher son effort, même si cela implique des décisions difficiles et un coût élevé. […]. Nous devons faire notre possible pour maintenir l’engagement des États-Unis envers la défense de l’Europe. Cela signifie reconnaître la charge que représente pour eux le rôle mondial qu’ils assument […]. Questions À quelle conception de l’Europe Margaret Thatcher est-elle hostile ? 1Q uel type d’organisation politique propose-t-elle ? 2Q u’affirme-t-elle dans le dernier paragraphe ? En quoi cela peut-il blo- quer l’approfondissement de l’Europe ? Séquence 7 – HG00 45 © Cned - Académie en ligne Réponses 1 Margaret Thatcher s’oppose ici clairement à toute idée d’Europe fédé- rale et d’institutions supranationales : « Il serait hautement préjudiciable de tenter de supprimer la nationalité et de concentrer le pouvoir au centre d’un conglomérat européen ». Pour elle, il n’est pas question que les États renoncent à la moindre parcelle de leur souveraineté. 2E lle défend l’idée d’une « coopération entre États souverains et indé- pendants ». Il faut préserver « les différentes traditions, les pouvoirs parlementaires et les sentiments de fierté nationale ». Ce discours exprime bien la permanence des idées développées par les différents gouvernements britanniques. La Grande Bretagne, au nom de la préservation de sa souveraineté souhaite que la Communauté européenne se contente d’être un espace de libre échange. 3M argaret Thatcher affirme sa volonté de voir la défense européenne placée sous protection américaine dans le cadre de l’OTAN. Elle ne peut concevoir une politique européenne de défense indépendante de celle des États-Unis. Elle défend donc une Europe atlantiste c’està-dire alignée militairement et diplomatiquement sur la politique extérieure américaine. C’est l’une des raisons pour laquelle le général De Gaulle s’était opposé par deux fois à l’entrée de la Grande Bretagne dans la Communauté européenne. Cette position empêche la véritable création d’une Europe de la défense, indépendante des États-Unis et représentant une force diplomatique et militaire sur la scène internationale. Document 11 Extraits du discours de Joschka Fischer à Berlin, le 12 mai 2000 « *Quo vadis Europa ? Telle est donc la question que nous pose une fois de plus l’histoire de notre continent. Et là, pour des raisons bien différentes, il ne peut y avoir pour les Européens qu’une seule réponse s’ils songent à leur bien et à celui de leurs enfants : l’Europe doit aller de l’avant jusqu’à parfaire son intégration […]. La tâche qui nous attend n’est pas simple, et nous devrons user de toutes nos forces pour parvenir dans les dix prochaines années à mener à bien, en grande partie l’élargissement de l’UE à l’Est et au Sud-Est qui aboutira de facto à doubler le nombre des pays membres de l’Union européenne. Et, pour gérer ce défi historique et intégrer les nouveaux États membres, sans pour autant remettre essentiellement en cause la capacité d’action de l’Union européenne, il nous faudra parallèlement apporter la dernière pierre à l’édifice de l’intégration européenne, à savoir, l’intégration politique […]. Nous nous trouvons actuellement confrontés en Europe à une tâche d’une difficulté énorme qui consiste à mener de front deux grands projets : Un élargissement aussi rapide que possible. Cette question pose de difficiles problèmes d’adaptation aux pays candidats tout comme à l’Union […] La capacité d’action européenne. Les institutions de l’UE ont été créées pour six États membres. Elles ont bien du mal à fonctionner à 15 […]. On risque donc qu’un élargissement à 27 ou 30 États membres dépasse la capacité d’absorption de l’UE avec ses vieilles institutions et ses vieux mécanismes, et engendre des crises graves. 46 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne […] L’élargissement rendra indispensable une réforme fondamentale des institutions européennes. […] Comment parvenir à 30 à concilier des intérêts différents, à adopter des décisions et encore à agir ? […] Une réponse toute simple : le passage de la Confédération, de l’Union, à l’entière parlementarisation dans une Fédération européenne que demandait déjà Robert Schuman il y a 50 ans. Et cela ne veut pas dire moins qu’un parlement européen et un gouvernement, européen lui aussi, qui exercent effectivement le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif au sein de la Fédération. […] Mais ce serait commettre une erreur de construction irréparable que de tenter de parachever l’intégration politique à l’encontre des institutions et des traditions nationales existantes et non en cherchant à les associer au processus. […] Parachever l’intégration européenne n’est concevable que si le processus s’effectue sur la base d’un partage de souveraineté entre l’Europe et l’État-Nation. […] Une réglementation précise de la répartition des compétences entre la Fédération et les Etats-nations dans le cadre d’un traité constitutionnel devrait laisser à la Fédération les domaines de souveraineté essentiels et uniquement les questions demandant à être réglées impérativement au niveau européen, tandis que le reste demeurerait de la compétence des États-nations […]. L’Union européenne se trouvera confrontée à un moment ou à un autre dans les dix années à venir à un choix […] : ou bien la majorité des États membres tente le saut dans « la pleine intégration » et se met d’accord sur un traité constitutionnel européen portant création d’une Fédération européenne, ou bien, dans le cas contraire, un petit groupe d’États membres constituera une avant-garde, c’est-à-dire un « centre de gravité » comprenant plusieurs États prêts et capables, en Européens convaincus, de progresser sur la voie de l’intégration politique. […] La formation d’un centre de gravité pourrait constituer une étape intermédiaire sur la voie du parachèvement de l’intégration politique […] » *Quo Vadis Europa : expression latine, Où vas-tu Europe ? Questions 1Q uels sont les défis auxquels l’Europe est confrontée au moment ou Joschka Fischer prononce ce discours ? 2P aragraphes 3 et 5 : Quel projet politique propose t-il ? Avec quelles institutions et quelles compétences ? 3L ’auteur envisage t-il la suppression des États-nations ? Justifiez. Réponses 1 En 2000, suite à la chute du rideau de fer 10 ans plus tôt, les négocia- tions d’adhésion avec les États d’Europe centrale et orientale sont en cours et l’Union Européenne qui comporte alors 15 membres se prépare à en accueillir de nouveaux (« un élargissement qui aboutira à doubler le nombre des pays membres »). Le premier défi est donc de réussir cet élargissement. L’élargissement pose le problème de l’adaptation des institutions qui ont déjà « bien du mal à fonctionner à 15 ». Séquence 7 – HG00 47 © Cned - Académie en ligne 2 Il propose une « Fédération européenne » avec un Parlement qui dis- poserait du pouvoir législatif et un gouvernement qui disposerait du pouvoir exécutif. Ces institutions seraient de véritables institutions supranationales au-dessus des États. Cette Fédération peut-être envisagée de 2 manières (dernier paragraphe) : soit la majorité des États européens l’intègrent, soit un petit groupe d’États-membres constituera une « avant-garde », un « centre de gravité » pour montrer la voie aux États encore réticents. 3N on, l’auteur n’envisage pas la suppression des Étatsnations. Il propose un « partage de souveraineté » entre l’Europe et les États. « Les domaines de souveraineté essentiels » relèveraient de la Fédération « tandis que le reste demeurerait de la compétence des Étatsnations ». Ce modèle se rapproche du fédéralisme allemand. Ce type de documents (par exemple le discours de Margaret Thatcher et celui de Joschka Fisher) pourraient vous être proposé au bac dans le cadre de la seconde partie de l’épreuve (Analyse de documents) avec ce type de consigne : Confrontez le point de vue des deux auteurs sur l’organisation politique de l’Europe (type de gouvernement, rôle des États). Depuis le Congrès de la Haye en 1948, la question de la nature politique de l’Europe ressurgit à chaque nouvelle étape. Dès sa naissance, l’Union européenne n’a jamais pu trancher entre deux destins politiques. ➟P our une Europe des États : Des personnalités comme Margaret Thatcher en Grande-Bretagne ou le général de Gaulle en France incarnent bien cette conception d’une Europe des États. Pour eux, les États-nations ont chacun une histoire, une langue, une culture…. L’Europe doit s’articuler autour des États dans le respect de l’identité propre de chaque pays. C’est la conception souverainiste qui s’oppose donc à la conception fédérale, supranationale défendue au début de la construction par les pères fondateurs. Elle met en avant non l’intégration mais la coopération entre États souverains. Cette position souverainiste est farouchement défendue dans les années 1960 par le général de Gaulle en France. En septembre 1960, il affirme : « Il est tout à fait naturel que les États de l’Europe aient à leur disposition des organismes spécialisés pour les problèmes qui leurs sont communs, pour préparer ou au besoin pour suivre leurs décisions, mais ces décisions leur appartiennent. Elles ne peuvent appartenir qu’à eux » (conférence de presse du 5 sept 1960). Cette attitude du général de Gaulle est à l’origine d’une grave crise dans les années 1960. Il s’oppose à la règle du vote à la majorité, que les partisans de plus d’intégration veulent faire appliquer au Conseil des ministres. Il exige que pour toute décision importante, le vote à l’unanimité soit conservé afin qu’un Etat ne puisse se voir imposer une déci- 48 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne sion qu’il n’approuve pas. Pendant 6 mois, du 30 juin 1965 au 29 janvier 1966, la France refuse de participer aux travaux de la Communauté. Cette « politique de la chaise vide » met en péril l’avenir de la CEE. De Gaulle obtient gain de cause et le compromis de Luxembourg de janvier 1966 précise que le vote à l’unanimité reste la règle sur les points essentiels. Le risque est de voir le blocage du processus communautaire, un seul État, imposant son veto pouvant empêcher la mise en œuvre d’une décision. La CEE ne compte alors que 6 Etats. La question du vote va ressurgir à chaque étape de l’élargissement. ➟P our une Europe fédérale, supranationale Les pères de l’Europe défendaient cet idéal d’intégration et d’institutions supranationales comme Jean Monnet. En 1951, Robert Schuman écrivait au moment de la mise en place des institutions de la CECA : « Désormais, les traités devront créer non seulement des obligations, mais des institutions, c’est-à-dire des organismes supranationaux dotés d’une autorité propre et indépendante. De tels organismes ne seront pas des comités de ministres, ou des comités composés de délégués des gouvernements associés. Au sein de ces organismes, ne s’affronteront pas des intérêts nationaux qu’il s’agirait d’arbitrer ou de concilier ; ces organismes sont au service d’une communauté supranationale ayant des objectifs et des intérêts distincts de ceux de chacune des nations associées. Les intérêts particuliers de ces nations se fusionnent dans l’intérêt commun, comme ceux des citoyens se confondent avec l’intérêt national ». Les débats entre « souverainistes » et « fédéralistes » traversent toute l’histoire de la construction de l’Europe. Le discours de J. Fischer donna lieu à de vives réactions comme en témoigne cette caricature de Plantu parue dans le Monde du 21 juin 2000. Document 12 Caricature de Plantu, le Monde, 21 juin 2000 © Plantu Commentaire de la caricature de Plantu Le ministre de l’Intérieur français, Jean Pierre Chevènement (Souverainator) réagit vivement aux propos du ministre allemand. Pour lui, l’Étatnation est le meilleur moyen de résister à la concurrence qu’impose la mondialisation. Il défend donc une conception « souverainiste » contrai- Séquence 7 – HG00 49 © Cned - Académie en ligne rement au ministre allemand pour qui les Européens doivent s’unir (conception « fédéraliste »). Ce combat paraît dérisoire quand l’empereur du monde (Oncle Sam) réclame la mort des deux protagonistes, lesquels ne voient pas le monstre de la mondialisation qui va les dévorer. Les institutions européennes tentent de faire le compromis entre ces deux visions de l’Europe. 3. Les institutions de l’Union européenne Les institutions européennes tentent de faire la synthèse entre ces deux visions de l’Europe. Leur organisation, l’attribution de leurs compétences ont fait l’objet de nombreux débats souvent vifs que l’on peut résumer en quelques questions : Quelle doit être la part du supranational et de l’intergouvernemental ? Qui est habilité à prendre des décisions au nom de la Communauté ? Un organe supranational ou un conseil des ministres de chaque État ? Si c’est le conseil des ministres doit-il se prononcer à l’unanimité ou à une majorité qualifiée ? Deux repères chronologiques importants : 1974 : Création du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernements appelés « sommets européens ». 1979 : Premières élections du Parlement européen au suffrage universel. La française Simone Veil, première présidente.. Pour aller plus loin… Tapez europa dans un moteur de recherche ou allez sur le site www. europa.eu/index_fr.htm. Une fois sur la page d’accueil du site, allez dans la rubrique « A propos de l’UE » puis « institutions et organes ». Questions À partir de la présentation des institutions de l’UE sur le site europa.eu, complétez ce tableau . Composition/mode de nomination ou d’élection Le Parlement européen La Commission Le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des ministres) Le Conseil européen 50 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Compétences, pouvoirs Repérez celles qui fonctionnent sur un principe supranational et celle qui fonctionnent sur le principe intergouvernemental. Réponses 1 Composition/mode de nomination ou d’élection/siège Le Parlement européen La Commission Compétences, pouvoirs 736 députés élus au suffrage universel tous les 5 ans. Il partage le pouvoir législatif avec le Conseil des ministres Le nombre de députés européens de chaque pays est fonction de l’importance de sa population. Il contrôle les autres institutions (ex : il vérifie que les travaux de la Commission sont conformes à la démocratie) 27 commissaires, un par État membre, désigné pour 5 ans. Elle représente et défend les intérêts de l’UE dans son ensemble. Il examine et adopte le budget de l’UE avec le Conseil. Elle présente des propositions législatives. Elle veille à la bonne application des politiques et exécute le budget de l’UE. Le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des ministres) Il réunit les ministres des gouvernements de chaque pays membre de l’UE. Lors des réunions du Conseil, les pays de l’UE délèguent le ministre chargé de la politique faisant l’objet des débats. C’est l’organe de décision : il adopte la législation de l’UE en accord avec le Parlement. Le Conseil européen Il réunit les chefs d’Etat et de gouvernements. Il se réunit au moins une fois par semestre (en général 4 fois par an) : ce sont les « sommets européens ». Il établit les priorités, définit les orientations générales. Le Conseil de l’UE prend généralement ses décisions à la majorité qualifiée. Il n’a pas le pouvoir d’adopter la législation. Ne pas confondre le Conseil européen et le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des ministres). Le traité de Lisbonne prévoit que lors des votes, le mode de scrutin à la « majorité qualifiée » s’applique. La majorité qualifiée est atteinte si une majorité des 27 États membres donne son approbation (dans certains cas une majorité des deux tiers) et si un minimum de 255 voix sur 345 est exprimé. Le nombre de voix par pays dépend de l’importance de sa population. Il existe également une Cour de justice siégeant à Luxembourg et la Banque Centrale Européenne (BCE) siégeant à Francfort. Séquence 7 – HG00 51 © Cned - Académie en ligne Le Parlement européen et la Commission sont des institutions supranationales. Les Commissaires comme les députés ne doivent pas représenter les intérêts de leur Etat mais ceux de l’Union. Les décisions sont prises par le Conseil de l’Union européenne donc par une assemblée intergouvernementale. Cependant, face au défi de l’élargissement, le vote à la majorité qualifiée a été étendu et simplifié. Le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009, étend le champ d’application de la majorité qualifiée (immigration et asile, énergie, espace…). Mais, les affaires étrangères, la défense, la fiscalité ou encore la sécurité sociale restent soumis au vote à l’unanimité. 4. Quel bilan aujourd’hui ? Aujourd’hui l’Europe fonctionne à plusieurs vitesses. Au début du XXIème siècle, les défenseurs de la souveraineté des Etats l’ont emporté sur les partisans de l’intégration supranationale. Depuis le traité de Rome, on privilégie le rôle des États négociant et coopérant afin de répondre plus efficacement à des défis et des besoins communs. La politique communautaire est devenue très intégrationniste dans de nombreux domaines comme l’agriculture, le commerce, la monnaie, l’environnement, mais les États conservent leurs prérogatives en ce qui concerne les affaires étrangères, la fiscalité ou encore la sécurité sociale. Aujourd’hui, dans le cadre d’une Union européenne élargie, les pays voulant poursuivre l’intégration (surtout sur le plan économique) peuvent aller de l’avant sans que leurs partenaires puissent s’y opposer. De la même manière, tous les pays n’adoptent pas au même rythme le processus communautaire. C’est ainsi que la zone euro englobe en 2011 17 des 27 États membres. La Grande-Bretagne ou le Danemark ont, par exemple, refusé d’y participer. L’UE souffre aujourd’hui d’un déficit social. Cette préoccupation n’est pas nouvelle. L’Europe est avant tout une construction économique et le modèle de l’État Providence défendu par les pères de l’Europe est aujourd’hui mis à mal. Un des défis de l’avenir est d’assurer la place de l’Union dans le monde. L’Europe est pacifiée, c’est là une vraie réussite de la construction européenne. Mais elle est faible, voire inexistante dans les relations internationales car elle n’a pas de politique commune. La division des États européens face à l’engagement en Irak au côté des Américains en 2003 a bien montré que l’Europe était pour l’instant incapable de parler d’une seule voie sur la scène internationale. Suite au traité de Lisbonne, l’UE a nommé un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il a pour premier objectif de rendre plus cohérente l’action de l’Union européenne sur la scène internationale. C’est la britannique Catherine Ashton qui a été nommée à ce poste en novembre 2009. Créer une armée commune, mettre en œuvre une politique étrangère commune restent des défis importants pour faire de l’Europe un acteur majeur des relations internationales. 52 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Conclusion L’objectif fondamental de la construction européenne, éviter une nouvelle guerre, a été atteint. Naguère ennemies, la France et l’Allemagne, réconciliées, sont aujourd’hui les piliers de l’Europe. Plus de 60 ans après sa création, l’Europe politique demeure un projet. Elle s’est élargie, s’est approfondie dans de nombreux domaines mais des débats persistent quant à sa nature. L’Union européenne est unique. Elle n’est pas une fédération à l’image des États-Unis d’Amérique car ses États membres restent des nations souveraines et indépendantes. Elle n’est pas non plus une organisation strictement intergouvernementale car ses États membres exercent une partie de leur souveraineté en commun dans le but d’acquérir sur la scène mondiale une puissance et une influence qu’aucun d’entre eux ne saurait posséder seul. Aujourd’hui, les États gardent leur structure et continuent de servir de référence et de cadre de vie à leurs habitants. En 2011, l’Europe est confrontée à une grave crise financière qui a donné lieu à des débats importants sur l’avenir de la zone euro et celui de la construction européenne dans son ensemble. On a vu s’affirmer à nouveau le couple franco-allemand au détriment des institutions européennes qui se sont montrées bien impuissantes et absentes lors de la gestion de cette crise. En 2012, le nouveau couple franco-allemand (Angela Merkel et François Hollande) doit à nouveau tenter d’apporter une réponse à la question de la gouvernance. La crise actuelle, dite de l’Euro, où les uns après les autres les États, même les plus riches de l’Union européenne risquent de subir la dégradation de la note de leurs finances publiques par les agences de notation (comme la perte par la France de sa note AAA en janvier 2012) repose le problème du devenir de la construction européenne. Les peuples européens sont plongés dans une période d’euroscepticisme quand les politiques ont tendance à rendre « Bruxelles » responsable des dysfonctionnements actuels. Dans un tel climat de défiance entre partenaires, l’Europe doit apporter de nouvelles réponses aux questions jamais résolues depuis sa naissance : E L es buts poursuivis : doit-elle continuer à s’élargir et a-t-elle vocation à se confondre réellement avec le continent européen, voire au-delà des limites historiques incertaines ? Ou doit-elle investir dans une meilleure communication de ses institutions et dans un meilleur fonctionnement démocratique ? E L’avenir institutionnel : à l’heure où des États membres risquent ou menacent de faire sécession, quel est le devenir de l’organisation politique de l’Union ? Une superstructure coiffant les États qui acceptent de partager une part de leur souveraineté ? Ou une Europe à géométrie variable en fonction des intérêts de chacun avec un noyau dur d’États plus puissants et une périphérie plus pauvre, laissée seule face à ses créanciers. E Le projet démocratique à présenter aux électeurs européens reste toujours le même depuis 60 ans : une Europe du libre-échange répondant aux vœux britanniques ou une Europe qui s’engage un peu plus vers le fédéralisme ? Séquence 7 – HG00 53 © Cned - Académie en ligne G lossaire 54 Intégration Processus par lequel des pays se rattachent à un ensemble plus développé ou plus puissant et s’alignent sur lui. L’intégration va donc bien au-delà de la simple coopération entre États. Institutions supranationales Institutions placées au-dessus des institutions nationales, et dont les décisions s’imposent à chaque État membre. Dans une organisation supranationale, les décisions ne sont pas prises par la réunion des chefs d’États ou de leurs représentants, mais par des institutions propre à cette organisation (ex : la CECA). Fédéralisme mode d’organisation dans laquelle chaque État dispose d’une certaine autonomie et délègue certains de ses pouvoirs à un organisme central, dit fédéral. Les États renoncent donc à une large part de leur souveraineté. Souverainisme mouvement ou doctrine politique qui défend la souveraineté des nations en Europe. Les souverainistes militent pour une « Europe des États » ou « Europe des Nations » respectant et préservant l’autonomie politique des Etats. Ils s’opposent aux partisans du fédéralisme européen. Europessimisme pessimisme vis-à-vis de la construction politique de l’Europe et de son avenir. Atlantisme politique qui prône un alignement sur les grandes lignes de la politique internationale des États-Unis. L’adhésion à l’OTAN est une des expressions de l’atlantisme. Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Biographies Vous trouverez les biographies plus détaillées des grands acteurs de la construction européenne sur le site touteleurope.fr http://www.touteleurope.eu/fr/histoire/personnages.html Konrad Adenauer (1876-1967) : chancelier de la RFA de 1949 à 1963. Considéré comme l’un des pères de l’Europe, il est partisan de la réconciliation franco-allemande. Il collabore étroitement avec Jean Monnet et Robert Schuman, puis avec le Général De Gaulle avec lequel il signe en 1963, un traité d’amitié franco-allemand. Winston Churchill (1874-1965) : Homme politique britannique. En septembre 1946, il n’hésite pas à parler de futurs «États-Unis d’Europe». Il préside le Congrès de la Haye en mai 1848 et fait partie des membres de la première assemblée du Conseil de l’Europe en 1949. Il défend une Europe des Etats, s’opposant à toute notion de supranationalité. Jean Monnet (1888-1979) : considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Europe, il est «l’inspirateur» de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950. Il est le premier président de la CECA en 1952. Denis de Rougemont (1906 – 1985) : écrivain suisse, militant antifasciste avant-guerre, il prône une Europe fédérale sur le modèle américain. Robert Schuman (1886-1963) : ministre des Affaires étrangères de la France de 1948 à 1953. ll est considéré comme un père de l’Europe. Avec Jean Monnet, il initie la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) qu’il présente dans sa déclaration du 9 mai 1950. Margaret Thatcher (1925-) : premier ministre britannique de 1979 à 1990, elle mène une politique économique ultralibérale. Sur le plan européen, elle incarne par ses prises de position l’euroscepticisme des années 1980, défendant avec détermination les intérêts britanniques face à ses partenaires européens. Séquence 7 – HG00 55 © Cned - Académie en ligne w ebographie http://europa.eu/index_fr.htm Site web officiel de l’Union européenne. Ce site comporte les éléments suivants : Informations de base sur le fonctionnement de l’UE Dernières nouvelles et événements récents liés à l’UE Liens vers des informations concernant l’UE sur les sites web des institutions et agences de l’UE http://www.touteleurope.eu Toute l’Europe propose à la fois une information pédagogique sur le fonctionnement et les politiques de l’Union européenne et un décryptage de l’actualité européenne dans toutes ses dimensions — politique, économique, sociale, historique, culturelle http://www.cvce.eu/ Situé au Luxembourg, le CVCE est un centre de recherche et de documentation interdisciplinaire sur le processus de la construction européenne. Il se donne pour mission la création, le partage et la valorisation de la connaissance dans un environnement numérique innovant http://www.ina.fr/ Propose de nombreuses images d’archives sur le sujet. 56 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne 3 La gouvernance économique mondiale depuis 1944 Introduction le mot même de gouvernance, qui remonte au français médiéval. L’usage du mot s’était perdu et est revenu dans la langue française au travers d’un mot anglais (d’Amérique du Nord, c’est-à-dire des États-Unis) : governance. Ce terme a d’abord été utilisé dans le monde des entreprises, dans lequel il était utilisé pour désigner la recherche d’une gestion optimale. Il a ensuite été utilisé dans les instances visant à évaluer et améliorer les modes de gouvernement des États, et d’abord des États pauvres demandant des programmes d’aide au développement. Enfin la « global governance » désigne aujourd’hui la régulation universelle de problèmes qui se posent à l’échelle de l’humanité entière. Elle revient à désigner les tentatives de régulation de la mondialisation. En effet, le thème de « la gouvernance économique du monde depuis 1944 » place l’échelle mondiale comme cadre de l’étude. Il a donc pour toile de fond la mondialisation*, c’est-à-dire sur le phénomène historique reposant sur l’ouverture des économies nationales au développement des échanges de matières premières, de biens et de services, aux transactions internationales, à la mobilité des capitaux. Une chronologie de la gouvernance : quelques étapes du thème de la gouvernance ❑ XIIIe siècle Le terme gouvernance apparaît en français pour qualifier « l’art de gouverner les hommes ». ❑ 1638 Le duc de Sully expose le « Grand Dessein de Henri IV » visant à « conserver et augmenter la Chrétienté » grâce à un accord entre les grandes puissances. ❑ 1713 Le philosophe britannique Jeremy Bentham imagine A Plan for Universal and Perpetual Peace ❑ 1795 Le philosophe allemand Emmanuel Kant publie Vers la paix perpétuelle. ❑ XIXe siècle Création des premières organisations internationales : Commission centrale pour la navigation du Rhin en 1816, Union internationale du télégraphe en 1865, Union générale des postes en 1874. ❑ 1919 Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, création à Genève de la Société des Nations (SDN) qui a pour but la prévention des guerres au travers du principe de sécurité collective, la résolution des conflits par la négociation et l’amélioration de la qualité de la vie. EE Séquence 7 – HG00 57 © Cned - Académie en ligne ❑ 1944 Les accords de Bretton Woods posent les bases de l’organisation monétaire et financière internationale de l’après-guerre ; création de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI). ❑ 1945 Création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) lors de la conférence de San Francisco. ❑ 1947 Ouverture à Genève du premier cycle de négociations commerciales multilatérales dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) destiné à favoriser le libre-échange. ❑ Années 1970 Le terme de gouvernance se généralise en économie, notamment pour faire référence à l’exigence d’une plus grande transparence dans la gestion des entreprises (corporate governance). ❑ 1971 Le 1er Forum économique mondial de Davos (Suisse) réunit dirigeants d’entreprise, responsables politiques, intellectuels afin de débattre des grands problèmes du monde contemporain. ❑ 1975 1ere réunion du G6 (« groupe des Six »), un groupe de discussion et de partenariat économique des 6 premières puissances économiques mondiales (États-Unis, Japon, RFA, France, Royaume-Uni, Italie). ❑ 1976 le G6 devient G7 en s’élargissant au Canada. ❑ 1992 Le « Sommet planète Terre » organisée à Rio de Janeiro sous l’égide des Nations-Unies marque l’intensification des préoccupations internationales relatives à l’environnement. ❑ 1994 Accords de Marrakech : le GATT devient l’OMC à l’issue de son 8e cycle de négociations, l’Uruguay Round. ❑ 1999 Échec de la conférence ministérielle à Seattle : rôle croissant des mouvements altermondialistes. ❑ 2000 Sommet du millénaire des Nations-Unies : adoption de huit objectifs de développement à atteindre avant 2015. ❑ 2001 Le premier Forum Social Mondial (FSM) à Porto Alegre (Brésil) réunit des organisations citoyennes du monde entier. ❑ 2008 Le G20 se réunit pour la première fois au niveau des Chefs d’État ou de gouvernement. Ses pays membres représentent les 2/3 du commerce mondial et de la population mondiale et plus de 90 % du PIB mondial. 58 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne La mondialisation est un phénomène dont il est possible de retracer l’histoire. On peut distinguer trois phases : 1 Du XVe au début du XIXe siècle, l’ouverture de l’espace mondial est permise par les Grandes Découvertes et le développement économique très important en Europe. 2 Entre le début du XIXe siècle et 1918 : le phénomène d’industrialisa- tion s’accompagne de la domination économique de l’Europe sur le monde et de la formation de vastes empires coloniaux. L’Angleterre joue le rôle d’économie-monde avant d’être supplantée par les ÉtatsUnis. 3 Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : l’hégémonie économique des États-Unis a imposé un nouvel ordre économique mondial ; le système capitaliste se diffuse progressivement à l’échelle du monde. La libéralisation des échanges de toutes natures s’impose. Cette période est progressivement marquée par une instabilité croissante de l’économie mondiale. La mondialisation a donc créé une interdépendance croissante entre les États. Or, il n’existe aucun Ministre de l’Economie et des Finances du monde édictant des règles communes et des politiques universelles. La gouvernance naît donc de cette absence, et du manque de ces règles. Les États, les entreprises, les citoyens ont été confrontés à cette interdépendance croissante et à ces conséquences. La mondialisation a créé des enjeux mondiaux – et qui ne pouvaient être envisagés qu’à l’échelle mondiale : enjeux économiques mais aussi d’autre nature comme les questions climatiques et environnementales… Ce sont à ces enjeux que la gouvernance tente de répondre. Problématique Q uelle gouvernance économique mondiale a été mise en œuvre depuis 1944 ? Cette gouvernance mondiale est-elle parvenue à mettre en place un nouveau système de régulation internationale de l’économie mondiale ? Séquence 7 – HG00 59 © Cned - Académie en ligne Plan du chapitre : traitement de la problématique A- Les États-Unis imposent un nouvel ordre économique après la Seconde Guerre mondiale 1- Le nouvel ordre économique américain Notions clés Puissance hégémonique Libre-échange Système de Bretton Woods 2- Le système de Bretton Woods et la recherche de la stabilité économique mondiale Repères Étude d’une source historique : le communiqué final de la conférence de Bandung, 1955 3- La recomposition économique de l’Après-guerre B- Instabilité économique et mondialisation : le difficile apprentissage de l’interdépendance 1- La formation d’un système international de capitaux privés 2- Les tentatives inabouties de coordination internationale 3- Les crises de la dette des pays du Sud C- Progrès et limites de la gouvernance économique mondiale. 1- Vers un nouvel ordre économique mondial 2- La nouvelle gouvernance de l’économie et de la finance mondialisées Accords de Kingston Dévaluation Désordre monétaire Chocs pétroliers G6, 7 puis 8 Crise de la dette Comprendre un enchaînement d’événements : l’intervention du FMI au Ghana dans les années 1980 Consensus de Washington G 20 Crise des subprimes Réforme des institutions de Bretton Woods Biens publics mondiaux Analyser un tableau de chiffres Calculer un taux de variation annuelle 3- L es enjeux de la gouvernance économique mondiale A Les États-Unis imposent un nouvel ordre économique après la seconde Guerre mondiale 1. Le nouvel ordre économique américain a) Une puissance hégémonique Les États-Unis sortent victorieux de la Seconde Guerre mondiale – en Europe et en Asie. Ils en sortent aussi plus riches et plus puissants. Déjà première puissance économique du monde depuis la fin du XIX° siècle, ils accèdent au rang de première puissance internationale en assumant leur leadership. 60 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Les États-Unis sont le seul État, au sortir de la guerre, à être plus riches qu’ils n’y sont entrés. Leur territoire national a été épargné par les combats ; leur population civile a été épargnée par les bombardements qui ont détruit l’Europe et le Japon. À l’issue du conflit, leur revenu national a plus que doublé. Leur budget est équilibré. Surtout, leur puissance financière est considérable. Les États-Unis possèdent les 2/3 des réserves d’or mondiales. Le dollar est la seule monnaie des pays belligérants à conserver en 1945 la même valeur qu’avant la guerre. Aucune autre monnaie – notamment européenne – ne peut plus rivaliser avec le dollar, qui supplante définitivement la livre sterling comme monnaie internationale. Les États-Unis sont aussi en position de domination des échanges internationaux : les économies européennes sont ruinées et confrontées à la pénurie alimentaire et la destruction de leur tissu industriel. Au contraire, l’agriculture et l’industrie américaines ont des surplus de production à écouler. Enfin, les États-Unis contrôlent les grandes voies maritimes et aériennes majeures, alors même que la flotte aérienne et navale prend une importance majeure. ➟ les États-Unis sont donc une puissance hégémonique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. ➟ au contraire, l’Europe et le Japon sont ruinés par la guerre et vont dépendre des capitaux américains pour se reconstruire. ➟ l’ordre économique qui se met en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est donc un ordre qui reflète cette hégémonie des États-Unis. b) Une puissance convertie au libre-échange Les États-Unis ont longtemps été protectionnistes. De fait, ils se convertissent au libre-échange dans les années 1930. La crise qu’ils traversent alors est en effet marquée par l’existence d’une importante surproduction, notamment de produits agricoles. Dans les années 1930, la plupart des pays avaient mis en œuvre des politiques de protection de leur marché national. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la thèse selon laquelle ces politiques protectionnistes ont engendré des tensions qui ont conduit inéluctablement à la guerre domine aux États-Unis. Ils se transforment donc en chantres du libre-échange international. Cette attitude libre-échangiste est conforme aux intérêts des ÉtatsUnis. Ils réalisent à eux seuls en 1945 la moitié de la production mondiale. Ils veulent éviter une nouvelle crise de surproduction en assurant les débouchés suffisants à cet énorme niveau de production. Enfin, la guerre a ruiné tous leurs concurrents potentiels, les mettant en position de monopole temporaire dans de nombreux secteurs économiques. Séquence 7 – HG00 61 © Cned - Académie en ligne 2. Le système de Bretton Woods et la recherche de la stabilité économique mondiale Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale sont marqués par la mise en place d’institutions et d’instances internationales visant à garantir la stabilité économique et la prospérité mondiale. Cette reconstruction de l’ordre économique fut prise en charge par les États-Unis, avec le soutien de leurs alliés occidentaux. Elle s’explique par le traumatisme de la crise de 1929 aux États-Unis et vise donc à prévenir le retour de telles difficultés. a) Le système monétaire international de Bretton Woods Document 13 Conférence de Bretton Woods, 1944, photographie de groupe des représentants des 44 pays © Suddeutsche Zeitung/Rue des Archives La Conférence qui se tient aux États-Unis à Bretton Woods (dans le New Hampshire) réunit les délégués de 44 nations du 1er au 22 juillet 1944 – donc avant même la fin du conflit. Lors du discours inaugural à cette conférence, Henry Morgenthau, Secrétaire d’Etat au Trésor depuis 1934 déclare « Il faut éviter de recourir aux pratiques pernicieuses du passé telles que la course aux dévaluations, l’élévation des barrières douanières, les accords de troc, le contrôle des changes par lesquelles les gouvernements ont essayé vainement de maintenir l’activité économique à l’intérieur de leurs frontières. En définitive, ces procédés ont été des facteurs de dépression économique sinon de guerre ». La conférence a abouti à la création de deux institutions garantes de la stabilité économique internationale, le FMI et la BIRD. 62 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne ➟ Le FMI (Fonds monétaire interntional) A sa création, c’est l’institution chargée du maintien d’un système de taux de change fixes centrés sur le dollar américain et l’or mis en place par les accords de Bretton Woods. Ce système a donc pour but d’éviter les fluctuations excessives des monnaies. Il préconise le retour dans les meilleurs délais à la libre convertibilité de toutes les monnaies entre elles et avec le dollar, devise pivot du nouveau système, convertible en or. Il fonctionne comme une caisse de solidarité dont le capital est formé par les apports des pays signataires des accords de Bretton Woods sous forme d’une quote-part calculée d’après leur poids économique et commercial. Le quota versé par les pays est à ¼ formé d’or et aux ¾ formés de dollars. Le FMI reconnaît à chaque État-membre un « droit de tirage » initialement plafonné à 125 % de sa quote-part et destiné à lui permettre de surmonter des difficultés temporaires sans recourir à des manipulations monétaires. →C e nouveau système favorise donc les pays les plus riches, qui versent les quotes-parts les plus importantes au FMI, et en premier lieu les États-Unis. ➟L a BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement). Communément appelée Banque mondiale, est, avec le FMI, le second pilier des institutions financières internationales. Elle aussi a été créée en juillet 1944 lors de la conférence monétaire et financière de Bretton Woods. Son rôle est d’accorder des crédits à long terme pour favoriser dans l’immédiat la reconstruction des pays détruits par la guerre et, ensuite, le développement pays pauvres. Initialement composée de 44 pays membres, la Banque mondiale en compte désormais 185. LA BANQUE MONDIALE ou BIRD EN CHIFFRES • Nombre de pays membres : 187 pays [en 2010] • Directeur général : Robert Zoellick (depuis le 1er juillet 2007) • Nombre de salariés : 10 000 environ • Budget administratif : 1 230 millions € •P rêts : la BIRD a consenti des prêts d’un montant total de 11,5 milliards de dollars pour appuyer 96 projets dans 40 pays (exercice 2002). Un pays doit obligatoirement être membre du FMI pour adhérer à la Banque Mondiale. Enfin, le partage des pouvoirs est dévolu aux ÉtatsUnis et à l’Europe : traditionnellement, le directeur général du FMI est un Européen, et le président de la Banque mondiale, un Américain. b) Le GATT ou le retour au libre-échange Le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), soit l’Accord Général sur les Droits de Douane et le Commerce constitue l’autre versant de cette politique de libéralisation des relations économiques. Cet accord a Séquence 7 – HG00 63 © Cned - Académie en ligne pour but de définir des règles de commerce universelles et de promouvoir une baisse des droits de douane. Cet accord est signé le 30 octobre 1947 à Genève par 23 pays, qui représentent alors 80 % du commerce mondial. Le Congrès des États-Unis (à majorité républicaine à partir de 1947) est hostile à un engagement plus contraignant et refuse de ratifier la Charte de la Havane élaborée en mars 1948 sous l’égide de l’ONU. Cette charte incluait en effet un code commercial, un code des investissements, une stabilisation du cours des produits de base et la création de l’OIC, Organisation Internationale du Commerce. En regard, le GATT n’est qu’un simple accord. Il semble néanmoins couronner le rêve du défunt Président Roosevelt d’un nouvel ordre mondial assurant la paix grâce à trois piliers ; le FMI chargé de veiller à la stabilité des monnaies, l’ONU chargé de la sécurité collective et le GATT veillant au retour à la libéralisation des échanges. Le texte même de l’accord comporte 35 articles. Il repose sur une logique multilatérale fondée sur le respect de la réciprocité des avantages consentis. C’est le principe de la nation la plus favorisée : toute concession accordée à un partenaire doit bénéficier à toutes les parties contractantes. Les subventions nationales sont strictement encadrées. Les pays signataires s’engagent à ne pas augmenter les droits de douane existants et à participer à des « négociations commerciales multilatérales », aussi appelées « rounds » de négociations. Toutefois, le GATT tolère de nombreuses dérogations pour tenir compte des situations économiques particulières. Ainsi les produits agricoles ontils longtemps bénéficié de ce type de mesures dérogatoires. Le GATT définit avant tout un cadre propice à la négociation multilatérale. Par conséquent, le libre-échange ne devient réalité que dans les années 1960. c) L e rôle de l’ONU dans l’économie mondiale et ses limites Dès sa création en juin 1945, l’Organisation des Nations Unies intègre à ses missions les relations économiques comme facteur de paix, le maintien de la paix mondiale représentant sa mission essentielle. Ses fondateurs sont acquis au libéralisme et convaincus que la coopération économique entre pays est facteur de prospérité collective et de paix. C’est pourquoi le système de l’ONU comporte : – un Conseil Economique et Social qui a pour mission de promouvoir le développement économique et social. Ainsi que des institutions indépendantes : – le FMI et la BIRD sont des institutions indépendantes rattachées à l’ONU. Et des institutions spécialisées pour accompagner la mise en place de cet ordre économique international : – le CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement 64 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne – l’UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance – le HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés Ainsi que certaines de ses agences spécialisées, organisations autonomes qui travaillent avec l’ONU et collaborent entre elles, comme : – l’OIT : Organisation internationale du travail, antérieure à la naissance des Nations-Unies, son siège est à Genève. – la FAO : Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (siège à Rome). – le PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement (centré sur les pays du Sud), siège à New York. – le PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement basé à Nairobi (Kenya). – L’OMS : Organisation mondiale de la santé basée à Genève dont le rôle est devenu primordial avec l’émergence de nouvelles maladies hautement transmissibles à l’ensemble de l’humanité. Document 14 L’ONU et le nouvel ordre économique mondial CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL 18 membres en 1945 54 aujourd’hui élus par tiers pour 3 ans par l’Assemblée Générale ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 51 menbres en 1945 1 voix par pays Insitutions spécialisées à vocation économique et sociale : OIT Programmes et fonds : 192 membres aujourd’hui CNUCED croissance économique déséquilibré et contestée Insitutions indépendantes : FMI Les flèches signifient «rapportent directement» 3. L a recomposition économique de l’Aprèsguerre a) Une reconstruction rapide L’économie se relève de la Seconde Guerre mondiale plus rapidement que ne le laissait craindre la situation désastreuse de 1945. – les États-Unis réussissent la reconversion de leur économie de guerre – les pays d’Europe occidentale se reconstruisent rapidement, notamment grâce au financement américain du Plan Marshall. Séquence 7 – HG00 65 © Cned - Académie en ligne – les vaincus, Allemagne et Japon se reconstruisent également grâce au soutien des alliés occidentaux qui craignent l’expansion du communisme Cette reconstruction permet de poser les bases d’un système monétaire international stable. En 1949 la livre sterling, et une vingtaine de grandes monnaies à sa suite, dévaluent, ce qui met un terme à l’inflation héritée de la Seconde Guerre mondiale. Il faut néanmoins attendre 1957 pour que la convertibilité des monnaies européennes prévue à Bretton Woods et définie comme objectif souhaitable, soit rétablie. La reprise du commerce international est favorisée par la stabilisation du cours des monnaies, et par les premières négociations organisées sous l’égide du GATT. Dès 1951, les échanges mondiaux dépassent leur niveau de 1938 mais aussi celui de 1929, la meilleure année de l’entredeux-guerres en la matière. Cette reprise bénéficie fortement à l’Europe occidentale. Néanmoins, cette reconstruction a fonctionné pour les pays qui ont accepté le modèle et les intérêts économiques des États-Unis. Dans le monde coupé en deux par la guerre froide à partir de 1947, elle est donc loin de concerner l’ensemble du monde. Les pays d’Europe de l’Est ont été contraints par l’URSS de refuser l’aide du Plan Marshall. L’URSS avait, de surcroît, d’emblée refusé de participer au nouveau système monétaire international et d’adhérer au GATT. Avec la victoire de Mao en Chine en 1949, c’est presque le tiers de l’humanité qui vit dans un pays communiste et ne participe donc pas à ce nouvel ordre économique « mondial ». b) L es pays du Sud, oubliés du nouvel ordre économique mondial ? À partir des années 1960, les pays dits du « Tiers-monde » contestent de plus en plus l’ordre économique international imposé par les pays industrialisés. Les trois pôles dominants de ce monde industrialisé, qu’on appelle aussi Triade, sont les États-Unis, le Japon et l’Europe occidentale, dont les intérêts sont d’ailleurs loin d’être toujours convergents. Alors même que ces pays connaissent une phase de croissance soutenue, l’écart qui les sépare des pays du Tiers-Monde semble se creuser. Dans les trente années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les habitants des pays les plus riches ont vu leur revenu individuel augmenter en moyenne de 5843 dollars, alors que le revenu des habitants des pays pauvres n’augmentait sur la même période que de 81 dollars. Les pays du Tiers-monde ne représentent que 17 % des exportations mondiales en 1973, alors qu’ils pesaient 34 % en 1948. Les pays pauvres essaient alors de développer leurs revendications afin de définir un ordre économique moins inégalitaire. La conférence des peuples afro-asiatiques de Bandung organisée entre les 18 et 25 avril 1955 en Indonésie porte publiquement et collectivement ces revendications. Vingt-neuf nations, représentant la moitié de la population mondiale mais seulement 8 % du PIB mondial s’y réunissent 66 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Une des trois commissions de la conférence porte sur la coopération culturelle, les deux autres sur la politique et la coopération culturelle. La résolution finale est une déclaration anticolonialiste qui met au premier plan les revendications des pays du Tiers-Monde en matière de partage de la croissance économique mondiale. Document 15 Communiqué final de la conférence de Bandung, 24 avril 1955 États participant à la conférence organisée par les gouvernements de Birmanie, de Ceylan, d’Inde, d’Indonésie, du Pakistan qui s’est tenue à Bandung du 18 au 24 avril 1955 : Afghanistan, Arabie saoudite, Birmanie, Cambodge, Ceylan, Chine populaire, Ghana (qui s’appelle alors Gold Coast), Egypte, Ethiopie, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Japon, Jordanie, Laos, Liban, Libéria, Libye, Népal, Nord-Vietnam, Pakistan, Philippines, Soudan, Sud-Vietnam, Syrie, Thaïlande, Turquie, Yémen. 1. La Conférence afro-asiatique reconnaît la nécessité urgente d’encourager le développement économique de la zone afro-asiatiaque. Les pays participants ont exprimé le désir général d’une coopération économique sur la base des intérêts mutuels et du respect de la souveraineté nationale. Les propositions concernant la coopération économique entre les pays participants n’excluent pas le caractère désirable ou la nécessité d’une coopération avec les pays en dehors de la zone afro-asiatique, y compris les investissements de capitaux étrangers. Il a été reconnu que l’assistance reçue par certains des pays participants dans le cadre d’accords internationaux ou bilatéraux – assistance émanant d’États extérieurs à la zone afro-asiatiques – a représenté une contribution appréciable à la réalisation des programmes de développement des bénéficiaires. 2. Les pays participants décident de s’accorder une assistance technique, dans toute la mesure de possible, sous forme : d’experts, de projets pilotes, de matériel de démonstration, d’échanges de documentation, d’établissements d’instituts de recherche et de formation nationaux et – si possible régionaux – qui prodigueront leurs connaissances techniques et scientifiques en coopération avec les organismes internationaux existants. 3. La conférence afro-asiatique recommande – l’établissement sans retard d’un Fonds des Nations Unies pour le développement économique – l’allocation par la Banque internationale de reconstruction et de développement d’une plus grande partie de ses ressources aux pays afro-asiatiques – la fondation rapide d’une corporation internationale financière qui devrait inclure dans ses activités l’engagement de procéder à des investissements – d’encourager l’organisation de projets communs entre les pays afro-asiatiques, dans la mesure où cela correspondrait à leurs intérêts communs Séquence 7 – HG00 67 © Cned - Académie en ligne 4. La Conférence afro-asiatique reconnaît la nécessité vitale de stabiliser le commerce des marchandises dans la zone afro-asiatique. […] 5. La Conférence afro-asiatique préconise une action collective des pays participants pour stabiliser les prix internationaux et la demande des marchandises essentielles par le jeu de dispositions bilatérales et multilatérales. Dans la mesure où cela est possible et désirable, les pays participants devraient adopter une ligne de conduite unifiée à l’égard de ce problème à la Commission consultative permanente des Nations Unies pour le commerce international ainsi que dans les autres organisations internationales. Questions 1 Présentez le document, en rappelant le contexte historique de la déco- lonisation au milieu des années 1950 (ceci fait appel à vos connaissances acquises en classe de Première !) 2 Quelle place tiennent les pays représentés à la Conférence dans l’ordre économique international de cette période ? 3 Quelle est la situation politique de ces États ? 4 Quelles sont leurs revendications principales ? Réponses Le texte est un extrait de la résolution finale de la Conférence des peuples afro-asiatiques de Bandung (18-25 avril 1955). Cette conférence a été organisée en Indonésie, pays récemment libéré de la tutelle des Pays-Bas et regroupe des États récemment décolonisés, soucieux d’affirmer leur souveraineté et leur solidarité collective. Souvent étudié pour sa portée politique – affirmation de la souveraineté et de l’égalité des nations entre elles, refus de toute pression de la part des grandes puissances – l’extrait étudié révèle aussi la portée économique de cette conférence. Les vingt-neuf nations réunies représentent plus de la moitié de l’humanité, mais seulement 8 % du PIB mondial en 1955. Pour autant, en 1955, ce sont surtout les revendications politiques qui passent au premier plan de la conférence, les pays présents ayant pour ambition de définir une 3e voie entre l’Est et l’Ouest en pleine guerre froide : c’est ce qu’on a appelé le « non-alignement ». En effet, ces États sont de jeunes Nations, récemment libérées de la tutelle coloniale. C’est le cas de l’Indonésie, pays organisateur, mais aussi de l’Inde et du Pakistan, indépendants depuis 1947. On peut noter le cas particulier de la République populaire de Chine, communiste depuis 1949. La Chine tient en effet une place à part puisqu’elle n’a jamais été vraiment colonisée (même si son économie était dominée par les pays européens au XIX° siècle). Cette proximité avec les pays du Tiers-Monde est encore aujourd’hui un aspect important de la position de la Chine dans le monde. Le texte de la résolution finale fait le bilan du retard pris par ces pays dans la croissance économique : « nécessité urgente d’encourager le développement économique ». Pour autant, en matière économique, la 68 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne rupture complète des liens avec la métropole est souvent difficile, voire impossible : « une contribution appréciable à la réalisation de projets de développement ». Néanmoins, ces jeunes nations ont à cœur de faire entendre leur voix propre, ce qui passe par une organisation collective : « s’accorder une assistance technique » et l’utilisation des Nations Unies comme d’une tribune : « une ligne de conduite unifiée (..) ainsi que dans d’autres organisations internationales ». Dans la même lignée, l’OPEP (l’organisation des pays exportateurs de pétrole) est créée en 1960 et cherche à contrôler les profits d’un marché du pétrole en plein développement. En 1964, la première Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED, voir schéma de l’ONU) voit l’émergence d’un bloc du Sud avec le « Groupe des 77 » (qui regroupe 133 pays aujourd’hui) qui rassemble les pays du tiers-monde. Cette conférence offre un cadre aux discussions sur l’aide au tiers-monde. Il s’agit de favoriser l’expansion du commerce international dans une perspective de développement, perspective qui n’est pas du tout prise en compte par le GATT. B Instabilité économique et mondialisation : le difficile apprentissage de l’interdépendance 1. L a formation d’un système international des capitaux privés a) Les États-Unis modifient les règles du jeu Le système mis en place à Bretton Woods revenait à un système de financement public international. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la finance officielle joue donc un rôle prépondérant. Les flux de capitaux privés sont encore modestes : les investissements directs et les crédits commerciaux sont le plus souvent garantis par les États des pays exportateurs, les États-Unis en premier lieu. En effet, au lendemain du conflit, il n’existe pas de marché international des capitaux de taille suffisamment importante. Les possibilités de financement des pays en déficit se limitent en pratique aux possibilités de tirage sur le FMI et d’emprunt auprès de la Banque Mondiale. Dans ces conditions extrêmement restrictives, les déficits courants généralement devaient être contenus en dessous de 1 % du PIB, ce qui est très faible. [Cette situation était donc radicalement différente de celle d’aujourd’hui.] Séquence 7 – HG00 69 © Cned - Académie en ligne Pourtant, ce système allait progressivement être remis en cause. En effet, ce dispositif de financement allait progressivement subir la concurrence du marché des « eurodollars ». À partir de la seconde moitié des années 1960, de plus en plus de capitaux sortent du territoire des États-Unis, désireux de trouver une meilleure rentabilité à l’étranger, creusant de plus en plus le déficit de la balance des capitaux américains. Trois éléments peuvent expliquer ce déficit croissant : E Les investissements massifs des firmes des États-Unis à l’étranger, en Europe notamment E Le plafonnement des taux d’intérêt aux États-Unis encourage les emprunts étrangers sur ce marché (puisque les taux d’intérêt y sont faibles) E Le financement de la Guerre du Viêt-Nam. Les dollars se répandent donc dans le monde, notamment en Europe où on les appelle les « eurodollars ». Les opérations réalisées en dollars à l’étranger, par des filiales des banques américaines, ne sont pas contrôlées par la Banque centrale des États-Unis, la FED, qui ne peut contrôler des marchés étrangers à son territoire. Elles ne sont pas contrôlées non plus par les Banques centrales des pays dans lesquels elles se produisent, car elles se font en dollars. Elles échappent donc à tout contrôle étatique et sont très rentables, encourageant le développement de marchés de capitaux privés. b) La fin du système de Bretton Woods En 1971, les États-Unis sont confrontés à leur premier déficit commercial depuis le début du XX° siècle. Les dollars présents hors du sol américain représentent alors 5 fois la valeur des réserves d’or détenues par la Fed. Les États-Unis craignent de voir se déclencher une crise financière très importante. C’est pour tenter de la contrer que le président Richard Nixon annonce, le 15 août 1971, la suppression de la convertibilité du dollar en or. C’est une décision unilatérale des États-Unis : cela signifie qu’ils l’ont prise sans consulter leurs alliés et partenaires économiques. Cette décision est entérinée a posteriori par l’accord de Washington, signé le 18 décembre 1971 par les grandes puissances économiques. Cet accord aboutit à la dévaluation du dollar, à la réévaluation du Deutsche Mark et du Yen japonais (la RFA et le Japon sont alors les 2e et 3e économies mondiales). Les marges de fluctuation des monnaies autorisées à Bretton Woods sont élargies de 1 à 2,25 %. Cette réforme se révèle insuffisante du point de vue des États-Unis, dont l’économie donne alors de sérieux signes de faiblesse. Ils décident de dévaluer à nouveau le dollar le 13 février 1973, de 10 % cette fois. Mais cette décision unilatérale n’est cette fois pas suivie d’un accord : les pays européens décident de ne pas suivre cette dévaluation. Il s’ensuit un flottement généralisé des monnaies, hors des limites prévues. C’est la 70 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne fin du système de Bretton Woods, le FMI perdant de fait sa capacité de contrôle sur les fluctuations monétaires. Les accords de Kingston (capitale de la Jamaïque) signés en janvier 1976 officialisent la fin de ce système, et la disparition de l’or comme étalon monétaire : chaque monnaie peut désormais fluctuer, chaque État membre du FMI est libre de décider de sa politique monétaire. Désormais, la valeur des monnaies est décidée par les marchés. La période est marquée par d’importants désordres monétaires, avec notamment l’effondrement du cours du dollar. Les États prennent aussi conscience qu’il leur incombe désormais d’attirer les capitaux de plus en plus importants et libres de leurs localisations. Des tentatives inabouties de coordination internationale Confrontés à la crise, les États ne parviennent pas pour autant à envisager des réponses collectives. Néanmoins, les premières tentatives de coordination internationale après l’effondrement du système de Bretton Woods se font jour. 2. L e nouveau jeu mondial des années 1970 et 1980 Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays industrialisés subissent une décision prise par un autre groupe de pays : les pays exportateurs de pétrole. Le premier choc pétrolier a pour résultat la multiplication par quatre du prix du pétrole entre octobre 1973 et janvier 1974. Ainsi, une série de décisions prises en dehors des grands centres de pouvoir économique du monde développé perturbe l’ensemble de l’économie mondiale. Tous les pays industrialisés sont affectés par ce choc, et prennent conscience de leur dépendance énergétique. Le 2e choc pétrolier, en 1979, coïncide avec l’arrivée de gouvernements très libéraux aux États-Unis (élection du Président Républicain Ronald Reagan en 1980) et au Royaume-Uni (arrivée de Margaret Thatcher, Premier ministre conservateur) qui remettent en cause l’intervention de l’État dans l’économie. D’autres acteurs tentent de se faire entendre et revendiquent une place dans un ordre mondial défini sans eux : nouveaux pays industrialisés d’Asie (Hong Kong, Taïwan, Corée du Sud, Singapour), pays les moins avancés, pays émergents… mais aussi acteurs non-étatiques comme les Organisations non Gouvernementales (ONG). En 1971, est organisé pour la première fois le World Economic Forum de Davos qui associe États et milieux d’affaires. Pour les gouvernements, un nouveau type de gouvernance se profile : il faut trouver des compromis plutôt qu’imposer des décisions à l’intérieur de frontières bousculées par la mondialisation. b) Les premières tentatives de coordination des États Ces premières tentatives sont issues de l’initiative des pays industrialisés. En 1975 le G6 est créé : il réunit les États-Unis, le Japon, l’Alle- Séquence 7 – HG00 71 © Cned - Académie en ligne magne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie, c’est-à-dire les six pays démocratiques les plus industrialisés au monde. Le Canada, mécontent de ne pas avoir été invité, rejoint ce club dès juin 1976, le G6 devient donc le G7. Quatre membres du G7 appartenant aux communautés européennes (République fédérale d’Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni), la Commission européenne obtient d’être présente lors des différentes rencontres, sans obtenir de siège officiel. Le G7 est conçu comme un club de happy few (heureux élus) : les dirigeants des pays les plus riches se réunissent. En février 1987, les accords du Louvre tentent de définir une politique monétaire coordonnée, notamment entre les États-Unis d’une part et le Japon et l’Allemagne d’autre part. Ces sommets sont aussi l’occasion pour le pays hôte de déployer faste et apparat, dans des décors exceptionnels : Versailles en 1982, Williamsburg en 1983, Venise en 1987. 3. Les crises de la dette des pays du Sud a) La crise de la dette en Amérique latine Août 1982 : le Mexique déclare officiellement qu’il n’est plus en mesure de faire face à ses engagements, c’est-à-dire de rembourser ses créanciers. Prises de panique, les banques réagirent par l’arrêt brutal des financements vers l’ensemble des pays d’Amérique latine, propageant la crise à l’ensemble de la région. Cette crise des années 1980 donne au FMI un nouveau rôle : il pourvoit les financements dont les pays, incapables de faire face à leurs échéances ont besoin. Mais cette aide est conditionnée à la mise en œuvre de « politiques d’ajustement structurel » : libéralisation de l’économie, ouverture des frontières, privatisation de secteurs alors contrôlés par l’État. b) La dette des pays d’Afrique subsaharienne Cette stratégie est aussi appliquée dans les pays à faible revenus d’Afrique subsaharienne. Leur situation est pourtant très différente des pays d’Amérique latine. Ces derniers avaient emprunté auprès des banques américaines pour profiter des faibles taux d’intérêt. Quand ces taux sont repartis à la hausse, après le second choc pétrolier, ces pays se sont retrouvés avec des remboursements beaucoup plus élevés que prévus : on dit que le service de la dette a augmenté. Leur incapacité à rembourser menaçait donc directement le système bancaire américain. Mais les pays d’Afrique subsaharienne ont surtout emprunté de l’argent directement auprès des pays riches et de la Banque mondiale. Ces pays auraient donc pu renégocier – à la baisse – cette dette afin d’empêcher qu’elle n’asphyxie les pays concernés, puisqu’elle ne menaçait en rien le système bancaire international. 72 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Document 16 L’intervention du FMI dans un pays d’Afrique des années 1980 : l’exemple du Ghana Présentation du Ghana (capitale Accra) : Pays du Golfe de Guinée Deuxième producteur mondiale de cacao (60 % des exportations agricoles du pays) BURKINA FASO 1982 : baisse du cours des matières premières et agricole, baisse du cours du cacao W h it o l ta eV l ta burkina ofaso TOGO B l ack V CÔTE D’IVOIRE BÉNIN Lac Volta Possède aussi des ressources naturelles : or, manganèse, bauxite, diamants Mais son industrie est très peu développée. La situation politique du Ghana est considérée comme un modèle en Afrique. Le gouvernement de l’indépendance, favorable au non alignement et ouvert aux pays de l’Est bâtit une économie sur le modèle Accra socialiste. Il est renversé, des Golfe de Guinée régimes militaire et corrompus alternent. Plusieurs coups d’État menés par un officier putschiste, Jerry Rawlings, vont permettre de lutter contre la corruption endémique et transférer au secteur privé les entreprises d’État inefficaces. Le FMI et la Banque Mondiale vont prêter de l’argent au pays, à deux conditions, revoir entièrement le fonctionnement du Ghana par une administration pléthorique et privatiser le secteur du cacao et des mines. Rawlings accepte, sous la pression des bailleurs de fonds, le retour à la démocratie. Les Ghanéens vivent mieux que leurs voisins, dans un pays qui poursuit la voie de la démocratie, alors que le voisin ivoirien a sombré dans le chaos de la guerre civile. L’évolution économique du Ghana depuis trente ans : → Le Ghana, confronté à la baisse des cours du cacao, doit s’endetter → Obtient un prêt du FMI : 2,4 milliards de dollars sur 4 ans → Contrepartie exigée par le FMI : libéralisation des prix et des échanges commerciaux Séquence 7 – HG00 73 © Cned - Académie en ligne → Recettes tirées de l’exportation de cacao désormais utilisées pour rembourser le prêt au FMI → Retard de développement : peu d’écoles, d’hôpitaux… → Poursuite des privatisations avec la transition démocratique du début des années 1990 → La production cacaoyère ivoirienne est vendue au Ghana pendant les années de guerre civile → Aujourd’hui, le Ghana reste toujours un pays pauvre très endetté → Découverte récente de gisements de pétrole dans le Golfe de Guinée, secteur minier en expansion. Questions 1 Présentez la situation du Ghana au début des années 1980 ? 2 Pourquoi peut-on parler d’engrenage de l’endettement ? 3 Pourquoi le FMI présente-t-il le Ghana comme un élève modèle ? 4 Quelles peuvent être les conséquences, souhaitables ou non, de découverte des gisements de pétrole pour le Ghana ? Réponses 1 Le Ghana est un pays du Golfe de Guinée dont l’économie est en grande partie dépendante des exportations de matières premières et agricoles, notamment de cacao. Or, comme de nombreux pays africains, ce pays a été touché par la baisse des cours mondiaux des matières premières au début des années 1980. Un pays comme le Ghana est incapable d’influer sur ces cours, qui sont décidés par les marchés internationaux (les deux grandes bourses mondiales des produits agricoles sont Londres et Chicago). Par contre, une baisse de ces cours a des conséquences immédiates sur son économie puisqu’elle signifie une baisse très significative de ses revenus. Or, son économie est très peu diversifiée et les autres secteurs n’ont pas pu prendre le relais du cacao. 2 Dans ces conditions, l’endettement est devenu nécessaire pour faire face aux dépenses. Mais les remboursements des prêts octroyés par le FMI sont soumis à des conditions très contraignantes de libéralisation de l’économie. D’autre part, le FMI – et la Banque Mondiale – ont refusé jusqu’en 1996 d’accepter le principe de la renégociation des sommes qui leur étaient dues. Le pays qui s’endette doit donc en priorité rembourser cette dette, au détriment d’autres dépenses lui permettant d’élever son niveau de développement, comme des écoles ou des hôpitaux. 3 Le FMI a présenté le Ghana comme un élève modèle car il a connu un processus de démocratisation depuis le début des années 1990. Ce processus a renforcé la confiance du FMI et des autres créanciers du Ghana, et n’a pas interrompu la libéralisation de l’économie. 4 La découverte du gisement de pétrole dans le golfe de Guinée, dans les eaux territoriales du Ghana, est une bonne nouvelle pour ce pays. En effet, le pétrole peut servir de relais de croissance et procurer des 74 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne revenus substantiels à son économie. Par contre, ce n’est peut-être pas une très bonne nouvelle pour la jeune démocratie. Si on prend l’exemple du Nigéria, on constate que les revenus importants tirés du pétrole sont captés au profit du pouvoir autoritaire de ce pays et par les firmes pétrolières occidentales ou asiatiques qui les exploitent. Dans ces conditions, la richesse tirée du pétrole n’a pas amélioré le niveau de développement du Nigéria, consolide un pouvoir dictatorial et entraîne la guerre civile pour modifier par la force le partage actuel des richesses. Le risque est grand pour le Ghana. C Progrès et limites de la gouvernance économique mondiale 1. Vers un nouvel ordre économique mondial Deux aspects expliquent la configuration actuelle de l’économie mondiale, et le passage d’une économie-monde américaine à une économie multipolaire, qui vous a été présenté dans le premier chapitre de l’année de Première. La fin de la guerre froide : En effet, la réflexion sur la gouvernance mondiale était de peu d’actualité pendant cette période. Le système international est alors organisé en fonction de la coupure Ouest/Est et s’appuie sur les institutions héritées de la reconstruction du monde après la Seconde Guerre mondiale. La géographie de l’économie internationale organisée par ces institutions se limite de fait aux alliés des États-Unis. L’effondrement du communisme en Europe de l’Est (1989) puis de l’URSS (1991) met fin de fait à cette organisation bipolaire du monde. Les réflexions autour de la nécessité d’une meilleure gouvernance prennent alors plus d’importance. En effet, la prise de conscience se fait du manque de cette gouvernance à l’échelle mondiale, alors que l’intégration économique est de plus en plus avancée à l’échelle de la planète. La montée en puissance des pays émergents Cette montée en puissance remet en cause les conceptions du monde développées par les pays occidentaux et multiplie le nombre de pays désirant avoir voix au chapitre dans la gouvernance mondiale. Qui sont ces puissances dites émergentes, qu’on désigne maintenant comme le groupe des BRIC ? La Chine : Mao meurt en 1976, Deng Xiaoping lui succède. Il opte pour la modernisation de son pays et son ouverture – de plus en plus importante Séquence 7 – HG00 75 © Cned - Académie en ligne – aux investissements internationaux. Elle est admise à l’OMC en 1995. Peuplée de 1,3 milliards d’habitants, elle est devenue la 2e puissance économique mondiale (devant le Japon), le 1er émetteur de CO2 dans le monde (devant les États-Unis), le 2e pays consommateur d’énergie. L’Inde : a aussi décidé d’accroître son ouverture économique dans les années 1990. Sa croissance annuelle moyenne atteint 7,9 % entre 2002 et 20007 ; Elle s’est spécialisée dans l’informatique et les services. La Russie : Croissance annuelle moyenne de 6,9 % entre 2002 et 2007 ; sa richesse repose essentiellement sur l’exportation de ressources énergétiques, notamment du gaz. Le Brésil : la croissance annuelle moyenne de ce pays a atteint 3,7 % entre 2002 et 2007 ; c’est une puissance agricole de premier plan. Certains experts estiment qu’à l’horizon 2030-2040 le PIB total de ces pays pourrait dépasser celui des pays occidentaux. 2. L a nouvelle gouvernance de l’économie et de la finance mondialisées a) L es désordres financiers mondiaux : l’exemple de la crise asiatique de 1997 La première grande crise financière de l’Asie émergente a lieu en 1997. Tous les pays d’Asie sont frappés et la crise a des répercussions mondiales affectant le Brésil et la Russie. Calendrier de la crise asiatique en 1997 2 juillet : décrochage de la monnaie thaïlandaise, le baht 24 juillet : effondrement monétaire et boursier en Asie du SE (Thaïlande, Malaisie, Philippines) Août : décrochage de la monnaie indonésienne, la roupie 23 octobre : krach boursier HK 27-28 octobre : chute cours Bourses EU et Europe novembre/décembre : décrochage de la monnaie sud-coréenne, le won et krach boursier à Séoul décembre : rééchelonnement de la dette sud-coréenne par les banques occidentales et japonaises © Picture alliance / Photoshot / akg–images 76 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Document 17 South Korea Seoul Stock Exchange, décembre 1997 …et propagation mondiale en 1998 Avril : krach boursier à Moscou juillet : FMI décide principe prêt de 22,6 milliards à la Russie août : chute des Bourses de Sao Paulo (Perd 40 %) et Buenos Aires (pers 38 %) septembre : chute des Bourses mondiales. Document 18 Le mécanisme de la crise asiatique de 1997 Afflux des capitaux étrangers, crédit trop facile «Bulle» : augmentation déraisonnable des cours de la Bourse, les prix de l’immobolier s’envolent Éclatement de la bulle Fuite des capitaux Krach boursier et immobilier Crise bancaire Baisse du cours des monnaies Les pays asiatiques, la Chine au premier plan, ont retenu la leçon de cette crise : la priorité est désormais pour ces pays de se constituer des réserves financières aussi importantes que possible. La Chine accumule vis-à-vis des États-Unis des excédents commerciaux : cela signifie qu’elle exporte vers les États-Unis davantage qu’elle n’importe de biens et de services produits aux États-Unis. Elle investit ses excédents en achetant des bons du Trésor américain et devient donc le premier créancier des États-Unis. Les désordres financiers mondiaux : la crise des subprimes En 2007 éclate aux États-Unis la crise des subprimes, dont les mécanismes sont proches de ceux de la crise asiatique de 1997, mais dont les conséquences, dramatiques, sont de portée mondiale. On retrouve en effet la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier. Les banques ont accordé facilement des crédits aux ménages américains, qui pensaient faire une excellente affaire en achetant une maison dont le prix allait augmenter avec les années. Certains ménages se sont donc lourdement endettés alors même qu’ils n’étaient pas en mesure de rembourser les prêts contractés – ce que Séquence 7 – HG00 77 © Cned - Académie en ligne les banques n’ont pas toujours vérifié. Quand la « bulle » se dégonfle et que les prix de l’immobilier se mettent à baisser, ces ménages sont incapables de rembourser ce qu’ils doivent (l’hypothèque de leur prêt) et se retrouvent avec une maison qui ne vaut plus rien – mais toujours un prêt à rembourser. Or, ces prêts immobiliers ont été transformés en produits financiers : c’est ce qu’on appelle la « titrisation ». Ces titres sont vendus à d’autres banques au sein de montages complexes. Par conséquent, quand une banque d’affaires américaine, Lehman Brothers, a fait faillite au début de l’automne 2008, une crise boursière et bancaire mondiale s’est enclenchée. Cette crise a suscité une réponse immédiate des États, craignant de voir ressurgir l’équivalent de la récession qui a suivi le krach boursier de 1929. Les États-Unis, les États de l’Union Européenne et le Japon ont mis en place des plans de sauvetage des banques et de relance de l’économie. Dans le même temps, les pays émergents ont mieux résisté à la crise, ils sont moins insérés dans le système bancaire international. Mais ces désordres financiers ont imposé l’idée d’une nécessaire régulation mondiale de l’économie. 3. L es enjeux de la gouvernance économique mondiale a) Un nouveau forum mondial ? Le G20 Le 25 septembre 2009, le G 20 est officiellement réuni pour la première fois à Pittsburgh. L’idée d’un forum élargi aux pays émergents est en fait apparue en 1999, au lendemain de la crise asiatique. Mais il ne s’agit alors que d’une rencontre entre ministre des Finances et des gouverneurs des Banques centrales des pays concernés. Neuf ans plus tard, l’idée ressurgit, réunissant cette fois les chefs d’État et de gouvernement des vingt principales puissances de la planète (voir tableau récapitulatif). Pays membre du G20 (par ordre alphabétique) Allemagne Afrique du Sud Arabie Saoudite Argentine Australie Brésil Canada Chine Corée du Sud États-Unis France 78 Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne PIB en 1998 (milliards de dollars) 2187 134 146 299 PIB en 2008 3673 277 469 325 373 1013 844 1573 617 1499 1019 4327 360 929 8793 14441 1474 2867 Inde Indonésie Italie Japon Mexique Royaume-Uni Russie Turquie 411 1207 105 512 1219 2314 3857 4911 455 1088 1456 2680 271 1676 269 730 NB : l’UE est le 20e membre du G20 Question Quels pays font leur entrée dans le G20 par rapport au G8 (G7 + Russie) ? En quoi cette entrée est-elle significative ? Quelle est l’évolution du PIB des pays membres du G20 entre 1998 et 2008 en général ? Pour les pays émergents ? Pour le savoir, vous pouvez calculer le taux de croissance pour ces pays de la manière suivante : (PIB en 2008 – PIB en 1998)/PIB en 2008/10 (le nombre d’années entre 1998 et 2008) x 100 (pour obtenir un %). Les résultats obtenus donnent la mesure du rythme moyen de progression annuelle des différents pays. Réponses L’intégration des pays émergents n’est pas que symbolique : elle est significative des transformations récentes de l’économie mondiale. Elle traduit l’importance nouvelle des pays émergents dans l’économie globale et leur aspiration à participer à la prise des décisions concernant la régulation de cette économie. Le tableau montre que l’ensemble des pays membres du G20 ont connu une croissance de leur PIB entre 1998 et 2008. Par contre, cette évolution est plus ou moins spectaculaire. Elle est particulièrement spectaculaire en Chine et en Inde. Les États-Unis conservent une avance remarquable. On peut d’ailleurs remarquer que les croissances sont d’autant plus spectaculaires que les pays concernés partent de loin. Pays membre du PIB en 1998 G20 (par ordre (milliards de dollars) alphabétique) PIB en 2008 Croissance Croissance moyenne relative moyenne relative du PIB (sur 10 ans) annuelle du PIB Allemagne 2187 3673 67,9 6,8 Afrique du Sud 134 277 106,7 10,7 Arabie Saoudite 146 469 221,2 22,1 Argentine 299 325 8,7 0,9 Australie 373 1013 171,6 17,2 Brésil 844 1573 86,4 8,6 Canada 617 1499 142,9 14,3 Séquence 7 – HG00 79 © Cned - Académie en ligne Chine 1019 4327 324,6 32,5 Corée du Sud 360 929 158,1 15,8 États-Unis 8793 14441 64,2 6,4 France 1474 2867 94,5 9,5 Inde 411 1207 193,7 19,4 Indonésie 105 512 387,6 38,8 Italie 1219 2314 89,8 9,0 Japon 3857 4911 27,3 2,7 Mexique 455 1088 139,1 13,9 Royaume-Uni 1456 2680 84,1 8,4 Russie 271 1676 518,5 51,8 Turquie 269 730 171,4 17,1 Le G20 représente bien une avancée puisqu’il représente 90 % du PIB mondial et place les puissances émergentes sur un pied d’égalité avec les pays industrialisés anciens. Pour autant, comme le G7-G8, le G20 ne peut que faire des recommandations. Il n’a aucun pouvoir contraignant, au contraire du Conseil de Sécurité de l’ONU par exemple. b) Le rôle renouvelé des institutions de Bretton Woods Lors du sommet du G20 organisé les 11 et 12 novembre 2010 à Séoul, en Corée du Sud, des décisions importantes ont été prises concernant le fonctionnement du FMI. Afin de tenir compte du rôle accru des puissances émergentes dans l’économie mondiale, les droits de vote de ces pays ont été augmentés. La Chine détient désormais la 3e place, derrière les ÉtatsUnis et le Japon mais devant l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. L’Inde est 8e juste derrière l’Italie, la Russie 9e et le Brésil 10e. D’autre part le FMI, qui détient la 3e réserve d’or mondial derrière les ÉtatsUnis et l’Allemagne, a vu ses ressources augmenter afin de lui permettre de mieux répondre aux situations de crise économique et financière. Conclusion 80 Le monde actuel est encore largement l’héritier du projet politique et économique hérité de la Seconde Guerre mondiale. Les structures de gouvernance actuelle en sont issues, même si leur fonctionnement a pu être modifié. La recomposition de l’économie mondiale n’est pas achevée et l’ensemble de ses conséquences sans doute imprévisible. Pour le moment, aucun modèle de gouvernance mondial ne s’est imposé car il n’existe pas de réel espace public mondial. Pour autant, le nombre d’enjeux devant être considérés à l’échelle mondiale s’est multiplié, qu’il s’agisse des crises financières ou des enjeux environnementaux. La notion de biens publics mondiaux – ressources naturelles, air, eau… – montre l’acuité de ces enjeux, mais aussi la difficulté d’aboutir à des accords internationaux à ce sujet. Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne Glossaire Ajustement structurel Les programmes d’ajustement structurel regroupent les conditions posées par le FMI au rééchelonnement de la dette des pays en développement à partir des années 1980. Visant au rétablissement des balances commerciale et financière extérieures, ils préconisent une baisse des dépenses publiques, ainsi que des mesures structurelles du type privatisations, libre circulation des capitaux. Arriérés Dette due et non remboursée à une date précise. Les arriérés peuvent correspondre à des retards de paiement ou à une dette échue depuis longtemps. Banque mondiale Le Groupe de la Banque mondiale comprend la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), la Société financière internationale (SFI), l’Association internationale de développement (AID), le Centre international de règlement des différends, l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA). L’usage désigne souvent la BIRD et l’AID du nom de Banque mondiale. La Banque possède un capital apporté par les pays membres et emprunte sur les marchés internationaux de capitaux. Elle finance des projets sectoriels, publics ou privés, à destination des pays en développement et en transition. BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le développement). Institution spécialisée des Nations unies, elle a été créée en 1944 à l’issue de la Conférence de Bretton Woods pour accorder des aides sous forme de prêts, afin de faciliter la reconstruction et le développement des économies des Etats membres. L’activité de la Banque, orientée au lendemain de la seconde guerre mondiale vers la reconstruction des pays détruits, est aujourd’hui tournée vers les pays en développement. CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) Créée en 1964, elle vise à intégrer les pays en développement dans l’économie mondiale. La CNUCED est un forum intergouvernemental qui réalise des travaux de recherche et d’expertise et offre une assistance technique aux pays en développement, notamment aux pays les moins avancés. Dette Dette à court terme : inférieure ou égale à un an. Dette à long terme : supérieure à un an. Dette extérieure : dette publique + dette privée + dette multilatérale + dette à court terme. Dette multilatérale : contractée auprès des institutions internationales, notamment le FMI et la Banque mondiale. Séquence 7 – HG00 81 © Cned - Académie en ligne 82 Droits de tirage spéciaux Le FMI a créé en 1969 le droit de tirage spécial (DTS), à titre d’instrument de réserve international, pour compléter les réserves existantes des pays membres (avoirs officiels en or et en devises, et positions de réserve au FMI). Le DTS, qui sert d’unité de compte au FMI et à un certain nombre d’autres organismes internationaux, est aujourd’hui évalué sur la base d’un panier de grandes monnaies (dollar, euro, livre sterling et yen). FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) Institution spécialisée des Nations unies chargée du développement mondial des ressources agricoles afin d’élever le niveau de nutrition et les conditions de vie des populations rurales avec l’objectif ultime d’éradiquer la faim. FMI Institution spécialisée des Nations unies, fondée officiellement en 1945, après la ratification par 29 pays des statuts adoptés à la conférence de Bretton Woods en juillet 1944. Il a été créé en vue d’encourager la coopération monétaire internationale, de promouvoir la stabilité des changes, de mettre temporairement, moyennant des garanties adéquates, ses ressources générales à la disposition des États membres qui ont des difficultés de balance des paiements. Groupe des Sept (G7), Groupe des Huit (G8) Le G7 est un groupe informel rassemblant les sept principaux pays industrialisés (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Japon, Italie, RoyaumeUni) rejoints par la Russie en 1997. Initié en 1975 lors du sommet de Rambouillet, le G8 se réunit en sommet annuel des pays industrialisés et le G7 Finances réunit les ministres des finances et gouverneurs des banques centrales, sans la Russie. Groupe des Soixante-dixsept (G77) Fondé en 1964 dans le cadre de la première Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), par soixantedix-sept pays en développement, afin d’établir une position commune des pays en développement aux Nations unies, face aux pays industrialisés, il compte aujourd’hui 134 PED. Groupe des Vingt (G20) Forum de réflexion sur les finances mondiales, créé en 1999, qui regroupe le G7, l’Union européenne et douze pays émergents : Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie. Indicateur de développement humain (IDH) Indicateur élaboré par le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) et utilisé depuis 1990. Il combine trois éléments : – l’espérance de vie à la naissance, – le niveau d’instruction, mesuré par le taux d’alphabétisation des adultes (pour 2/3) et le taux brut de scolarisation tous niveaux confondus (pour 1/3), – le revenu, mesuré par le PIB réel par habitant. Séquence 7 – HG00 © Cned - Académie en ligne OMC Créée en 1995, l’OMC, qui succède au GATT, a quatre missions principales : arbitrer les conflits commerciaux entre Etats, contrôler les accords de libre-échange mis en place par l’Acte final de l’Uruguay Round, élargir les champs du libre-échange à de nouveaux domaines par l’ouverture de cycles de négociations et faire le bilan des politiques commerciales des États membres. Pays émergents Pays dont la croissance économique est sérieusement amorcée (croissance du PIB et des exportations de produits manufacturés, augmentation des flux internationaux de capitaux). Ils ont connu sur une période longue des taux de croissance très forts, ce qui leur a permis de combler une partie de leur retard. Quotes-parts Les quotes-parts génèrent l’essentiel des ressources financières du FMI. Chaque pays membre se voit attribuer une quote-part sur la base de son importance relative dans l’économie mondiale. La quote-part d’un pays membre détermine le montant maximum de ressources financières que le pays s’engage à fournir au FMI et le nombre de voix qui lui est attribué, et détermine le montant de l’aide financière qu’il peut obtenir du FMI. Système monétaire international Le SMI est un système de règles et de mécanismes institué par les États et les organisations internationales pour favoriser les échanges internationaux et assurer la coordination des politiques monétaires nationales. Celui qui est utilisé actuellement, est issu des accords de la Jamaïque (1976). Il a profondément modifié le système précédent organisé par les accords de Bretton Woods en 1944 n Séquence 7 – HG00 83 © Cned - Académie en ligne