II UNE ŒUVRE DE L'EXPLORATION ET DE L'EXPRESSION
1 - Les premières œuvres
Les amertumes (1970) : Une famille russe : le Vieux bat sa femme, la Vieille, qui
terrorise elle-même Varvara, leur fille enceinte. Les frères, Piotre et Mikaïl ont également
des rapports tendus avec leur père. Piotre finira par se suicider. Varvara accouche alors
que toute la famille est occupée à éteindre un incendie, et meurt en couches dans
l'indifférence générale. Le dernier tableau voit l'arrivée d'Alexis, spectateur-témoin muet,
confronté au couple des Vieux et à Varvara.
La marche (1971) : Jeux de miroir entre deux couples et deux visions de l'amour. Le
dialogue de l'Époux et l'Épouse, extrait du Chant des chants, un texte biblique connu
également sous le nom de Cantique des cantiques est plein de sérénité et de sagesse.
Le couple des fiancés, imaginé par Koltès, est le pendant sinistre et tragique du duo
biblique.
Procès ivre (1971) : La trajectoire de Rodion, assassin de la vieille Aliona, dans un
milieu marqué par l'alcoolisme et le désespoir. Rodion entretient avec sa sœur une
relation très forte et n'accepte pas qu'elle veuille se marier, au grand désespoir de leur
mère, la Raskolnikova. Le policier Porphyre arrête Rodion mais ne croit pas à ses aveux
du meurtre d'Aliona.
L'Héritage (1972) : À la mort de son père, Pahiquial hérite d'une grande maison remplie
de domestiques. Sa mère, Anne-Agathe, y vit, ainsi qu'Ariée, un ami, et une jeune
femme, Thérèse. Pahiquial, personnage qui préfigure Zucco et tous les écorchés vifs du
théâtre de Koltès, ne rêve que de son départ.
Des voix sourdes (1974) : « Quatre voix, isolées comme on le serait dans une
campagne coupée de tout événement. Elles parlent, se parlent, et se taisent. Il y a tout
ce qui pèse sur elles : pesanteur des choses, pesanteur de l'isolement, pesanteur de
leurs propres forces, quand elles n'ont pas de raison d'en user. Ce sont quatre voix,
coupées de tout moyen, à la recherche de ce qu'elles doivent dire pour être entendues et
pour avoir tout dit ». (Koltès)
Le Jour des morts dans l'histoire d'Hamlet (1974) : Hamlet, prince du Danemark, veut
venger la mort de son père, tué par son propre frère, Claudius. Ce dernier a ensuite
épousé la mère d'Hamlet, Gertrude. Koltès resserre ici l'action sur les 4 personnages
principaux de la pièce originale mais modifie légèrement les rapports de force.
Sallinger (1976) : Librement inspiré de la figure de l'écrivain J.D Salinger, auteur de
l'Attrape-Cœur, la pièce raconte la détresse d'une famille américaine après le suicide du
Rouquin, jeune homme qui revient hanter l'existence de ses proches.
2 - L' « œuvre » de Koltès
La nuit juste avant les forêts (1977) : Monologue, ou plus exactement soliloque,
adressé à un passant qui ne répond pas, la pièce met en scène un personnage
anonyme, dans la rue, sous la pluie. Il semble ne rien demander en particulier, passe
d'un sujet à un autre, dans une réflexion continue qui ne constitue qu'une seule et même
phrase. Exclusion, errance, solitude, besoin de l'autre, désir : toutes les grandes
thématiques de l'œuvre de Koltès prennent corps dans ce texte bouleversant.
Combat de nègre et de chiens (1979) : Cal, le contremaître, a tué dans un accès de
colère un de ses ouvriers noirs sur un chantier d'Afrique. Dépêché par le village, Alboury
vient demander à Horn, le chef de chantier, que l'on rende le corps à la famille. Mais le
corps est introuvable : Cal l'a plongé dans les égouts. Léone, petite bonne de Pigalle,
arrive sur le chantier pour épouser Horn, qu'elle a brièvement rencontré à Paris. Fascinée
par sa découverte de l'Afrique, elle tombe éperdument amoureuse d'Alboury. Cal, qui
veut se débarrasser d'Alboury, finira assassiné par les gardes, présences invisibles mais
dont les appels mystérieux rythment toute l'action de la pièce.
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-231 : “Bernard-Marie Koltès“ - 13/11/2009 - page 5