CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
BERNARD-MARIE KOLTÈS
L’expression éphémère de l’éternité
CONFÉRENCE PAR ROMAIN BOUVET
Bernard-Marie Koltès en 1986, photo Marc Enguérand
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-231
BERNARD-MARIE KOLTÈS, L’EXPRESSION ÉPHÉMÈRE DE L’ÉTERNITÉ
conférence de Romain Bouvet donnée le 13/11/2009
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Bernard-Marie Koltès fut une de ses étoiles filantes littéraires laissant dans son sillage la
trace éternelle d'une présence au monde et d'une œuvre considérable. Disparu il y a tout
juste vingt ans, son théâtre est de plus en plus joué et ses écrits sans cesse objet d'études
multiples. Si Koltès est aujourd'hui reconnu, c'est parce qu'il nous parle de notre temps avec
acuité et nous aide à le ressentir avec universalité.
Son écriture est un langage qui nous conduit aux portes des rapports de force, du désir, des
émotions violentes. Son théâtre est charnel, brut, faisant surgir des images et des sons se
devine l'essence de l'existence. Tour à tour subversif, politique, poétique, comique et
tragique, Koltès ne cherche pas à définir ni à comprendre mais à explorer et à exprimer. Il
avait compris que le théâtre ne sert pas uniquement à montrer, à penser, à ressentir ou à
divertir mais qu'il était une forme par laquelle l'intimité des expériences pouvait s'exprimer et
dialoguer.
Les titres de ses pièces portent l'empreinte toute entière du théâtre. Que ce soit La nuit juste
avant les forêts, Le retour au désert, Dans la solitude des champs de coton, Quai Ouest, ou
encore Roberto Zucco, des lieux et des temps se devinent, des états s'esquissent et des
personnages apparaissent. Dans son théâtre, tout un rapport au réel se lit, invitant à tisser un
va-et-vient entre les histoires qu'il nous raconte et le monde que nous vivons. Les rencontres
s'effectuent sur des territoires troubles, les souffrances se côtoient pour aboutir au
dialogue.
Saisit autant d'une urgence à capter la réalité d'aujourd'hui que d'un refus devant tout
discours qui lui assignerait un sens univoque, l'œuvre de Koltès met en scène des enjeux
affectifs, politiques et métaphysiques qui coexistent et s'intriquent pour exprimer l'être face au
monde et son intimité.
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BERNARD-MARIE KOLTÈS, L’EXPRESSION ÉPHÉMÈRE DE L’ÉTERNITÉ
Pour ma part, j'ai seulement envie de raconter bien, un jour, avec les mots les plus
simples, la chose la plus importante que je connaisse et qui soit racontable, un désir,
une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits, n'importe quoi qui soit un bout de
notre monde et qui appartienne à tous.
Bernard-Marie Koltès (1948 - 1989)
I KOLTÈS, « LE JEUNE HOMME ET LA MORT » (A. Ubersfeld)
1 - Naissance d'une sensibilité
2 - Écrire : « fabriquer du langage »
3 - « Comme un ange au milieu de ce bordel » (R. Zucco)
==> Un lien obscur et intime se dessine entre B.M Koltès et son œuvre
II UNE ŒUVRE DE L'EXPLORATION ET DE L'EXPRESSION
1 - Les premières œuvres
2 - L' « œuvre » de Koltès
3 - Un théâtre reconnu
==> L'œuvre de B.M Koltès s'inscrit dans l'univers sensible de notre monde, à partir de
lieu, d'état et de temps
III « RACONTER UN BOUT DE NOTRE MONDE ET QUI APPARTIENNE À
TOUS » (B. M Koltès)
1 - Violence, folie et solitude : les marques d'un univers
2 - L'échange, l'exclusion et la société : un théâtre subversif
3 - Histoire, géopolitique : un théâtre de la stratégie
==> B.M Koltès invente un langage qui explore de multiples thématiques
ORA ET LABORA
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PLAN DÉTAILLÉ
I KOLTÈS, « LE JEUNE HOMME ET LA MORT » (A. Ubersfeld)
1 - Naissance d'une sensibilité
9 avril 1948 : Naissance à Metz
1964 : Rencontre déterminante avec le professeur Jean Mambrino (lecture de Rimbaud,
de Claudel et des auteurs russes, goût pour le cinéma)
1968 : Premier séjour à New-York.
1970 : Emménage à Strasbourg et découvre Maria Casarès dans Médée mise en scène
par Jorge Lavelli. Il entre ensuite à l'Ecole du TNS, écrit et met en scène Les
Amertumes d'après Enfance de Gorki, et rencontre Hubert Gignoux.
1971 : Écriture et mise en scène de Procès ivre et de La Marche
1972 : Diffusion sur France Culture de L'Héritage avec Maria Casarès.
1973 : Passionné par les auteurs russes, il entreprend un voyage en URSS. Il lit Marx et
Lénine et milite pour le Parti Communiste de 1974 à 1978.
1975 : Il tente de se suicider et après s'être désintoxiqué de la drogue, il écrit en 1976 La
fuite à cheval très loin dans la ville
2 - Écrire : « fabriquer du langage »
1977 : Création du monologue La nuit juste avant les forêts au festival off d'Avignon et,
par Bruno Boëglin de Sallinger au Théâtre de l'Eldorado.
1978 : Écriture, lors d'un voyage en Amérique latine, de trois nouvelles reprises dans
Prologue. La même année, il se rend en Afrique qu'il décrira dans Combat de
nègre et de chiens.
1979 : Rencontre Patrice Chéreau, Copi, Guy Hocquenghem et le peintre Luis Caballero.
Après le Mali et la Côte d'Ivoire, il part pour le Guatemala. Il se passionne pour les
romans de Conrad, de Melville et Stevenson.
1981 : Le Petit-Odéon reprend La nuit juste avant les forêts tandis que la
Comédie-Française le sollicite : ce sera Quai Ouest.
1982 : Il retourne à New-York et apparaît dans L'homme blessé de Patrice Chéreau.
1983 : La création de Combat de nègre et de chiens au Théâtre des Amandiers
(Nanterre) marque le début de sa collaboration avec Patrice Chéreau.
3 - « Comme un ange au milieu de ce bordel » (R. Zucco)
1984 : La fuite à cheval très loin dans la ville (roman) est publié. Pour Patrice Chéreau, il
écrit le scénario d'un film, inspiré par John Travolta, qui n'a jamais été réalisé :
Nickel Stuff. Voyage au Sénégal et en Egypte.
1986 : Au Théâtre des Amandiers, Patrice Chéreau crée Quai Ouest. Au festival
d'Avignon, Tabataba est mis en espace par Hammou Graïa.
1987 : Patrice Chéreau met en scène Dans la solitude des champs de coton à Nanterre.
1988 : Il traduit Le conte d'hiver de William Shakespeare pour Luc Bondy et écrit Le
retour au désert aussitôt créé par Patrice Chéreau. Il achève Roberto Zucco qui
sera mis en scène après sa mort, en 1990.
1989 : Nouveau voyage en Amérique du Sud, qu'il doit écourter à cause de la maladie,
tout comme celui à Lisbonne avec Claire Denis.
15 avril 1989 : Bernard-Marie Koltès meurt du sida.
==> Un lien obscur et intime se dessine entre B.M Koltès et son œuvre
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II UNE ŒUVRE DE L'EXPLORATION ET DE L'EXPRESSION
1 - Les premières œuvres
Les amertumes (1970) : Une famille russe : le Vieux bat sa femme, la Vieille, qui
terrorise elle-même Varvara, leur fille enceinte. Les frères, Piotre et Mikaïl ont également
des rapports tendus avec leur père. Piotre finira par se suicider. Varvara accouche alors
que toute la famille est occupée à éteindre un incendie, et meurt en couches dans
l'indifférence générale. Le dernier tableau voit l'arrivée d'Alexis, spectateur-témoin muet,
confronté au couple des Vieux et à Varvara.
La marche (1971) : Jeux de miroir entre deux couples et deux visions de l'amour. Le
dialogue de l'Époux et l'Épouse, extrait du Chant des chants, un texte biblique connu
également sous le nom de Cantique des cantiques est plein de sérénité et de sagesse.
Le couple des fiancés, imaginé par Koltès, est le pendant sinistre et tragique du duo
biblique.
Procès ivre (1971) : La trajectoire de Rodion, assassin de la vieille Aliona, dans un
milieu marqué par l'alcoolisme et le désespoir. Rodion entretient avec sa sœur une
relation très forte et n'accepte pas qu'elle veuille se marier, au grand désespoir de leur
mère, la Raskolnikova. Le policier Porphyre arrête Rodion mais ne croit pas à ses aveux
du meurtre d'Aliona.
L'Héritage (1972) : À la mort de son père, Pahiquial hérite d'une grande maison remplie
de domestiques. Sa mère, Anne-Agathe, y vit, ainsi qu'Ariée, un ami, et une jeune
femme, Thérèse. Pahiquial, personnage qui préfigure Zucco et tous les écorchés vifs du
théâtre de Koltès, ne rêve que de son départ.
Des voix sourdes (1974) : « Quatre voix, isolées comme on le serait dans une
campagne coupée de tout événement. Elles parlent, se parlent, et se taisent. Il y a tout
ce qui pèse sur elles : pesanteur des choses, pesanteur de l'isolement, pesanteur de
leurs propres forces, quand elles n'ont pas de raison d'en user. Ce sont quatre voix,
coupées de tout moyen, à la recherche de ce qu'elles doivent dire pour être entendues et
pour avoir tout dit ». (Koltès)
Le Jour des morts dans l'histoire d'Hamlet (1974) : Hamlet, prince du Danemark, veut
venger la mort de son père, tué par son propre frère, Claudius. Ce dernier a ensuite
épousé la mère d'Hamlet, Gertrude. Koltès resserre ici l'action sur les 4 personnages
principaux de la pièce originale mais modifie légèrement les rapports de force.
Sallinger (1976) : Librement inspiré de la figure de l'écrivain J.D Salinger, auteur de
l'Attrape-Cœur, la pièce raconte la détresse d'une famille américaine après le suicide du
Rouquin, jeune homme qui revient hanter l'existence de ses proches.
2 - L' « œuvre » de Koltès
La nuit juste avant les forêts (1977) : Monologue, ou plus exactement soliloque,
adressé à un passant qui ne répond pas, la pièce met en scène un personnage
anonyme, dans la rue, sous la pluie. Il semble ne rien demander en particulier, passe
d'un sujet à un autre, dans une réflexion continue qui ne constitue qu'une seule et même
phrase. Exclusion, errance, solitude, besoin de l'autre, désir : toutes les grandes
thématiques de l'œuvre de Koltès prennent corps dans ce texte bouleversant.
Combat de nègre et de chiens (1979) : Cal, le contremaître, a tué dans un accès de
colère un de ses ouvriers noirs sur un chantier d'Afrique. Dépêché par le village, Alboury
vient demander à Horn, le chef de chantier, que l'on rende le corps à la famille. Mais le
corps est introuvable : Cal l'a plongé dans les égouts. Léone, petite bonne de Pigalle,
arrive sur le chantier pour épouser Horn, qu'elle a brièvement rencontré à Paris. Fascinée
par sa découverte de l'Afrique, elle tombe éperdument amoureuse d'Alboury. Cal, qui
veut se débarrasser d'Alboury, finira assassiné par les gardes, présences invisibles mais
dont les appels mystérieux rythment toute l'action de la pièce.
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