Philippe Sergeant Gérard de Nerval, la mort d’Andros Illustrations de Nathalie Anton et Yves Laffont Les Essais Éditions de la Différence Gérard de Nerval.p65 5 03/05/06, 09:20 I FANTÔME DE NERVAL, POÈTE DU KAÏROS Meret Oppenheim par Nathalie Anton. Gérard de Nerval.p65 7 26/04/06, 17:18 Gérard de Nerval.p65 8 26/04/06, 17:18 Allez manger des huîtres sur le port. Vous verrez de belles filles qui ont de longues boucles d’oreilles. Gérard de Nerval Gérard de Nerval.p65 9 26/04/06, 17:18 Gérard de Nerval.p65 10 26/04/06, 17:18 ADMIRER, DEVINER, SURPRENDRE Cette première partie aurait pu s’intituler « La mort d’Andros » – cela m’effraie un peu – et surtout je ne le sais que maintenant, une fois l’essai achevé, au moment où, utilisant un procédé cher à Nerval, cette dernière phrase que j’écris, que je détourne comme un incipit, « est encor la première ». Nerval a repoussé les limites de « l’image mortelle du véritable amour1 » aussi loin, aussi longtemps que possible. Que signifie cette image mortelle ? Qu’y a-t-il de mortel dans cette représentation ? Que représentons-nous qui soit mortel ? Est1. Gérard de Nerval, Voyage en Orient, Flammarion, p. 123 : « Et moi qui vais descendre dans cette île sacrée que Francesco a décrite sans l’avoir vue, ne suis-je pas toujours, hélas ! le fils d’un siècle déshérité d’illusions, qui a besoin de toucher pour croire, et de rêver le passé… sur ses débris ? Il ne m’a pas suffi de mettre au tombeau mes amours de chair et de cendre, pour bien m’assurer que c’est nous, vivants, qui marchons dans un monde de fantômes. Polyphile, plus sage, a connu la vraie Cythère pour ne l’avoir point visitée, et le véritable amour pour en avoir repoussé l’image mortelle. » Et aussi note 64, p. 398 : « Hypnerotomachia Poliphili, c’està-dire “combat d’amour en rêve”, œuvre d’un dominicain vénitien, Francesco Colonna. […] Nerval pensait écrire un drame sur la passion de F. Colonna, pour être joué par Jenny Colon. » – Note de l’auteur : rappelons que Cythère est une île de la mer Égée où Aphrodite avait un temple magnifique. Watteau nous a laissé son chef-d’œuvre au Louvre : Embarquement pour Cythère. Gérard de Nerval.p65 11 26/04/06, 17:18 FANTÔME DE NERVAL, POÈTE DU KAÏROS 12 ce pour conjurer cette image que le poète s’est tant préoccupé des mythes et doctrines préadamites ? Car cette dernière question implique au moins les considérations suivantes qui serviront de fil conducteur à notre réflexion : y aurait-il une antériorité à Adam – et pour tout dire, à Andros – qui sortirait du cadre de l’image mortelle, des représentations de notre finitude ? Non pas un défi lancé à Dieu – ce défi existe pourtant dans l’œuvre nervalienne – mais l’ultime possibilité, quoique mortelle, d’un véritable amour sans Dieu ? « Quelque supranaturalisme neutre » – cette expression se découvrira par la suite – qui ne serait pas à l’image de Dieu ? Nous verrons que ce supranaturalisme et cette neutralité culminent dans la figure énigmatique, majeure, centrale de la Pandora qui éclaire ou assombrit l’œuvre de Nerval d’une étrange lumière. À qui Nerval pose-t-il ces demandes, ces adresses ? À quel ami, non de la sagesse, mais de la démesure ? À quelles amies ? À quelles confidentes, à défaut, justement, d’ami de la sagesse ? Une réflexion laconique, tirée de l’étude du poète sur Restif de la Bretonne, résume l’enjeu : « En amour, nous nous connaissons parce que nous nous aimons. En amitié, nous nous aimons parce que nous nous connaissons. » Dans ce double mouvement, la question de la connaissance qui convie au bonheur se déplace dans un léger tremblé : on ne connaît pas dans un même geste, dans une même posture, en amour, en amitié. En amour, en amitié, l’épistémé se dédouble. Elle est depuis toujours l’affaire des doubles qui nous hantent. On a retenu surtout dans l’œuvre nervalienne sa dimension mystique et mythique. Et pourtant, à l’instar de Descartes dont il retourne, avant Rimbaud, les lourds principes du cogito pesant de la belle couleur rouge vermillon du cinabre, Nerval s’est avancé mas- Gérard de Nerval.p65 12 26/04/06, 17:18 ADMIRER, DEVINER, SURPRENDRE 13 qué. La mystique et le mythe ne sont que les ruines de sa pensée. Nous essaierons de l’indiquer. S’il est, par excellence, l’homme de la mélancolie, tel que le pseudo-Aristote en avait esquissé le prototype quatre siècles avant notre ère, il est surtout celui qui a cherché par les moyens les plus charmants, les plus légers et parfois les plus inquiétants – n’entre pas dans l’œuvre de Nerval qui veut – à repousser les effets de cette mélancolie, à la démythifier par une tournure et une formule qui font date : « l’épanchement du songe dans la vie réelle ». Précisons déjà ; nous développerons ensuite : Nerval est un supranaturaliste. Il rompt avec la métaphysique. Il est à l’aube de la pataphysique. Comme feuilletoniste, il est le penseur de la journée. C’est le journalier de la pensée dont chaque acte est la minute indécise, c’est-à-dire le procès verbal imprononçable qui orchestre l’oscillation de la vie. Ma journée a commencé comme un chant d’Homère ! C’était vraiment l’Aurore aux doigts de rose qui m’ouvrait les portes de l’orient. Et ne parlons plus des aurores de nos pays, la déesse ne va pas si loin. […] Le ciel d’orient, la mer d’Ionie se donnent chaque matin le saint baiser d’amour ; mais la terre est morte, morte sous la main de l’homme, et les dieux se sont envolés2. « La terre est morte. » Voici la nouvelle qu’il faut conjurer. Comment de nouveau aimer la terre, à défaut des dieux ? Les femmes sauront tandis que les dieux n’en sauront rien. « Se retourner vers ce dont on procède pour le contempler » : ainsi s’annonce le pas nervalien par 2. Ibid., p. 119. Gérard de Nerval.p65 13 26/04/06, 17:18 FANTÔME DE NERVAL, POÈTE DU KAÏROS 14 excellence, « si bien qu’à la limite nous sommes nousmêmes des contemplations3 ». Tant qu’on ignore ce dont on procède – le sait-on jamais ? – la tentation est grande de tracer une limite idéale entre deux postures au moins. Celle qui fait revenir le passé sur le mode de la réminiscence. Tout le platonisme est là. Mais alors les contemplations ne sont plus que des souvenirs qui semblent la copie d’un modèle enfoui dans notre imaginaire. Celle qui se tourne vers un devenir gros de ce qui n’en finit pas d’arriver. Le temps de l’aiôn des stoïciens. Mais alors, ces contemplations, que l’on pourrait appeler télescopiques, advenues qu’elles sont par attraction d’un telos, nous entraînent dans l’examen des formes virtuelles vers lesquelles notre vie s’attarde et erre. Dans un cas comme dans l’autre, on perd la proie pour l’ombre. Si rien n’est vraiment révélateur dans la copie, rien n’est vraiment révélé dans le cliché qu’on va tirer du virtuel. La limite idéale, Bergson en avait l’intuition, consisterait à laisser libre cours à l’élévation d’un jet d’eau qui, parvenu au point extrême de son ascension, se scinderait en deux gerbes et retomberait de part et d’autre de son axe. Dans l’évanouissement symétrique de ces deux poussières d’eau, on verrait seulement le passé et l’avenir qui se dédoublent simultanément et le présent qui surgit, que je contracte dans ce dédoublement. Le présent déplie ce qui est double. Par ce seul surgissement, la contemplation de ce dont on procède prendrait sens puisqu’il ne s’agirait absolument plus de se confronter douloureusement à ce que je ne suis plus ou à ce qu’il faudrait que je sois. Dépouillé de l’angoisse ontologique, ce que je contracte, c’est-à-dire ce dont je procède, me convient. 3. François Zourabichvili, Deleuze, une philosophie de l’événement, PUF, p. 99. Gérard de Nerval.p65 14 26/04/06, 17:18 ADMIRER, DEVINER, SURPRENDRE 15 Ma convenance : cette vie, cette poussée d’une gerbe d’eau qui se scinde en deux par laquelle mon présent procède. Par laquelle ce dont on procède devient contemplation. Remontons plus haut ; Montaigne : « Je ne peins pas l’être, je peins le passage. » N’est-ce pas ce que Fr. Zourabichvili rappelle : « Ne plus être, mais procéder d’une préhension qui me constitue. » Nous contemplons quelque chose qui ressemble à nousmêmes, dans une différence absolue à nous-mêmes : Nous ne nous contemplons pas nous-mêmes, mais nous n’existons qu’en contemplant, c’est-à-dire en contractant les éléments dont nous procédons… et nous sommes tous Narcisse par le plaisir que nous éprouvons en contemplant (autosatisfactions), bien que nous contemplions tout autre chose que nous-mêmes… C’est toujours autre chose… qu’il faut d’abord contempler, pour se remplir d’une image de soi-même4. Est-ce le projet nervalien ? Se remplir d’une image de soi-même ? Et qui, cette fois, ne serait plus mortelle ? Bien que nous contemplions tout autre chose que nous-mêmes ? Nous entrons au cœur de la problématique. Ne nous y trompons pas : tout ce que nous venons de dire sur le présent appartient encore au dispositif de la métaphysique. Or, par la formule je suis l’autre, Nerval ne cherche nullement à confirmer une présence à soi-même. Il met, au contraire, au point une stratégie qui a pour nom ek-stasis : une sortie de soi-même. Autrement dit, une sortie de la présence à soi, du lieu même de la métaphysique s’il est vrai que celle-ci participe au jeu du voilement et du dévoilement de la présence de l’être. Stratégie poétique à partir de laquelle le poète prévoit – Nerval se fait prévoyant – de ne plus se laisser enfermer dans les caté4. Gilles Deleuze, Différence et répétition, PUF, p. 101, 102. Gérard de Nerval.p65 15 26/04/06, 17:18 FANTÔME DE NERVAL, POÈTE DU KAÏROS 16 gories métaphysiques de présence et d’absence. Nous ne disons pas qu’il y parviendra. Ces catégories qui, sur le plan de l’ontologie, tantôt le rendent présent à lui-même, dans des conditions souvent désolantes, sans rémission, tantôt dramatiquement absent, sont celleslà mêmes qui le font souffrir et le conduisent à la folie. Il faut donc, sinon les abolir, les neutraliser, contrer la perversité de leurs effets. Nous reviendrons sur ce point et aurons recours à Roland Barthes pour mettre en perspective le désir, chez Nerval, de neutralisation. Pour le moment, contentons-nous de souligner que nul, plus que lui, avec une persistante inquiétude et nécessité, n’a fait l’usage du discours indirect libre pour rendre compte de la polysémie des voix et des points de vue qui compliquent sa poétique. En contractant les éléments dont il procède, Nerval met en abîme tout recours au principe d’identité. À sa manière, c’est un phénoménologue. Mais il rend aussi indiscernable l’espérance en l’altérité. C’est souvent un feuilletoniste, un mondain, l’homme du divertissement selon Pascal, qui parle néanmoins à quelqu’un d’autre qui n’a pas de « moi », ce qui d’ailleurs est le propre, le proprement inouï de l’altérité. « Propre : proprius, qui appartient exclusivement à. » Mais justement, qu’est-ce qui appartient à l’altérité, en propre ? Un phénoménologue doublé d’un mondain, ce n’est pas là le moindre trouble. Un phénoménologue qui mettrait entre parenthèses son « moi ». Un mondain qui mettrait entre parenthèses son « autre ». Et vice-versa. Dans une procédure proprement inouïe d’une désappropriation qui serait celle, surtout, d’une désaliénation par la poésie. Le déshérité nous dépossède de toute identité, de toute topologie patronymique comme de toute altérité, de toute adresse. L’effet en est le suivant : quelque chose, dans la vie, nous Gérard de Nerval.p65 16 26/04/06, 17:18 ADMIRER, DEVINER, SURPRENDRE 17 double et nous prend de vitesse : Je suis l’autre. Ni moi ni quelconque. Personne, ce sera plus tard le nom – est-ce un nom ? – de Pessoa. Se remplir de l’image de soi-même, c’est d’abord se remplir de l’image de personne : ni absence ni présence. Je ne suis pas toutes les existences qui m’ont précédé ni toutes celles qui m’attendent. Mais j’ai la capacité de les doubler, d’être doublé par elles et de les capter ou capturer comme mes doubles. Par exemple, autour du poème « El Desdichado », une intensité parcourt et double la méditation du pseudo-Aristote sur la mélancolie. Nous développerons ce thème. C’est le temps du kaïros. Mais le temps du kaïros ne va pas sans son double ; celui de l’aiôn des stoïciens repensé par Deleuze. En accélérant encore la vitesse, la rose trémière nervalienne cristallise le double du schibboleth de Paul Celan, revisité par Derrida. Nous aurons à en parler. Ce ne sont pas des abstractions, ce n’est pas du concret, mais du supranaturalisme, des concrétions, des concassions. Nerval renvoie à des doubles, s’adresse à des doubles, à des multiplicités, comme à des solutions imaginaires, jamais à des identités isolées, monolithiques. Il se fait doubler par Rimbaud qu’il annonce dans ce processus intégral de désidentification et de désaltérité : l’arcane du « je est un autre ». Si nous reprenons ce qui n’est encore qu’une métaphore, celle de « l’image mortelle du véritable amour », et que nous l’ajointons à ces deux propositions performatives, alors : dans le jeu du « je suis l’autre », diastole, et dans celui qui le dédouble, du « je est un autre », systole, nous obtenons autre chose qu’une présence et qu’une absence à soi-même. Nous obtenons une superfluidité dira le pseudo-Aristote. Un supranaturalisme dira Nerval. Une éternité retrouvée, dira Rimbaud. Il n’y a plus d’image mortelle ni Gérard de Nerval.p65 17 26/04/06, 17:18 FANTÔME DE NERVAL, POÈTE DU KAÏROS 18 de soi ni de l’absence de soi, mais tout autre chose et « tout cela ensemble ». Cette autre formule de Nerval sera à méditer selon des raccourcis inquiets de ce type : Ici ? Maintenant ? Sans présence, sans absence ? Sans identité, sans altérité ? La compulsion freudienne du fort/da sera-t-elle rassurante ? La poésie comme folie, – déjà ? un peu ? toujours ? défrayée, sans chemin – en jouant son va-tout contre les forces a priori de l’identité et de l’altérité ? La poésie – comme « une logique des événements », écrira Nerval – jouée à la fois – « tout cela ensemble » – contre la folie compulsionnelle de l’identité et de l’altérité ? Ces haltes de l’amour véritable sont précipitées, anticipées. Il faudra revenir s’y reposer. Le double nervalien a la figure de l’hôte, de celui qui accueille et de celui qui est accueilli. En ce sens, il touche à la philia. Jean-Claude Milner rappelle que : Benveniste avait sur la famille de philos avancé des propositions précises […] Il désigne le comportement obligé d’un membre de la communauté à l’égard de son hôte étranger. Traiter comme un des siens celui qui n’en est pas, c’està-dire affirmer qu’il est membre du même corps social, précisément parce qu’il ne l’est pas, telle est la stricte relation d’hospitalité5. Et Nerval a toujours été hanté par cette hospitalité qu’inspire l’intuition philosophique la plus antique. Mais la loi d’hospitalité nervalienne est une étonnante éthopoièse (le mot nous vient de Jackie Pigeaud dans son introduction au « Problème XXX » du pseudoAristote) où la figure accueillie est la part féminine de la figure accueillante, son double : Sylvie, Aurélia, la 5. Jean-Claude Milner, Le Triple du plaisir, Verdier, p. 25. Gérard de Nerval.p65 18 26/04/06, 17:18 ADMIRER, DEVINER, SURPRENDRE 19 Pandora etc. sont les autres ou les devenirs féminins d’Andros. Andros n’a plus de filiation en propre. Il est le déshérité, le veuf, l’inconsolé. Il devient ce qu’il n’est plus : il n’est plus Andros. Andros n’a plus d’être. Fin de l’ontologie. Il n’y a d’ontologie que mâle. Il n’y a de devenir que féminin. Du coup le devenir est ce qu’il y a de plus étranger à l’ontologie. Nerval accueille ce devenir qu’épellent les prénoms de ses héroïnes qui le métamorphosent jusqu’à ce qu’il devienne étranger à lui-même, en tant qu’Andros. Nous le verrons avec la Pandora : « Ni homme, ni femme, ni androgyne etc. mais tout cela ensemble. » Dans la formule équivoque du « je suis l’autre », s’amorce la mort d’Andros et de son corollaire, l’ontologie. Rimbaud a-t-il vu ce coup de force ? Et vivons-nous aujourd’hui autre chose que cet « autrement qu’être » ricochant curieusement sur la philosophie de Levinas, mais ne s’en réclamant pas ? Non pas « être autrement » – état de l’homme du divertissement – : ce qui nous donne des airs autrement qu’homme, autrement que femme, et tout cela ensemble, autrement qu’androgyne, en tissant des nouveaux rapports de monstruosité entre la poésie et la philosophie, pour ce qui nous préoccupe ici ? Des rapports qui ne toucheraient ni à l’être ni à l’essence, mais à la rencontre de l’instable et du moment opportun ? Des rapports avec l’univers, avec le cosmos, avec le chaosmos. Un motif qui se dessine entre quelque chose qui cesse d’être (fin de l’ontologie) et quelque chose qui n’en finit pas d’advenir (Aurélia en est le leitmotiv, la Pandora, la figure). Nous reviendrons également souvent sur une ritournelle décisive qui marque l’œuvre nervalienne. Elle se fait entendre dans les Confidences de Nicolas, et éclaire la dynamique du projet poétique dans son ensemble : Gérard de Nerval.p65 19 26/04/06, 17:18 FANTÔME DE NERVAL, POÈTE DU KAÏROS 20 C’était la minute indécise entre le bien et le mal, marquée dans la vie de chaque homme, qui décide de toute sa destinée. Ah ! si l’on pouvait arrêter l’aiguille et la reporter en arrière ! mais on ne ferait que déranger l’horloge apparente, et l’heure éternelle marche toujours. Cette minute indécise qui s’apparente à cette heure éternelle se retrouve dans le poème « Artémis » : La treizième revient… C’est encor la première ; Et c’est toujours la seule, – ou c’est le seul moment. Fr. Zourabichvili a cette définition : La vérité est l’heure captée par une ritournelle… La vérité comme heure est habitude contemplative, signe, devenir. Développer le signe n’est pas du tout chercher un sens caché, puisque le sens se confond avec le dynamisme même du développement, mais parvenir à le répéter, à répéter le pur mouvement, à le contracter en un signe qu’il faut appeler ritournelle. […] Sous un autre aspect, la ritournelle est la marque d’un territoire […]6. Sous le mode de la ritournelle, les poèmes et les récits nervaliens ne dessinent pas seulement des territoires, mais explorent des forces, des puissances de déterritorialisation : tout ce qu’écrit dans d’admirables pages François Zourabichvili sur Gilles Deleuze invite à un mouvement rétroactif pour saisir l’effort nervalien dans ce qu’il inaugure et notamment cette incise : Expression d’une heure doit s’entendre ici au même sens que vérité du temps. Non pas le contenu de l’heure mais l’expression qui lui correspond, ou ce qui s’exprime à cette heure. 6. Fr. Zourabichvili, Deleuze, une philosophie de l’événement, p. 116. Gérard de Nerval.p65 20 26/04/06, 17:18 du même auteur aux éditions de la différence Alain Jouffroy, l’instant et les mots, essai, 1987. La Victoire de Tancrède, théâtre, 1989. Donald Sultan, appoggiatures, essai, 1989 (traduit et publié aux États-Unis en 1991, Ed. Jancovici). Kim, essai, 2008. Deleuze, Derrida – Du danger de penser, coll. « Les Essais », 2009. Nietzsche – De l’humour à l’éternel retour, coll. « Les Essais », 2010. chez d’autres éditeurs L’Ombre dans la fontaine, récit, illustration Hervé Télémaque, Christian Bourgois, 1979. Cent pages imaginaires d’un conte réel, Christian Bourgois, 1980. Erró ou le langage infini, essai, Christian Bourgois, 1980. Le Présent, récit, illustration Marcel Dhoye, Pierre Bordas & fils, 1981. Promenade ou une enfance de Sophocle, récit, illustration Joël Capella, J.-M. Ponty, Limoges, 1986. Chemins de la lenteur, récit, illustration Pierre Gaste, ACAPA, Angoulême, 1986. Dostoïevski, la vie vivante, essai, L’Harmattan, 1994. Passagers clandestins, essai, illustration Nathalie Anton, L’Harmattan, 2004. Désabri, suivi de Pulchinella, poèmes, dessins de Jeanne Gatard, Éditions Voix Richard Meier, 1995. Maurice Matieu, de l’insoumission, essai, Actes Sud, 1995. Pensées perdues, poèmes, dessins de Nathalie Anton, Provare, 1998. Idées clandestines, essai, illustration Nathalie Anton, Provare, 2000. Maurice Matieu, Sous X, avec Barbara Cassin, Actes Sud, 2003. Du principe espérance à l’éternel retour, essai, L’Harmattan, 2006. Sérieux s’abstenir, poèmes, collages de Philippe Amrouche, Émérance (à paraître). © SNELA La Différence, 30 rue Ramponeau, 75020 Paris, 2006. Gérard de Nerval.indd 4 02/11/2015 18:09:44