CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LES ABOLITIONS DE
L’ESCLAVAGE EN FRANCE
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
La proclamation de l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises : un tableau allégorique peint
sur commande par François-Auguste Biard en 1848 (Musée de Versailles).
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-146
LES ABOLITIONS FRANÇAISES DE L’ESCLAVAGE
Histoire et spécificités des abolitions françaises, de 1789 à 1848
conférence d’Éric Lowen donnée le 03/12/2004
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Tout comme l’histoire de l’esclavage, l’histoire de l’abolition est pleine de préjugés simplicites
et d’images réductrices. Retour sur les conditions des abolitions de l’esclavage en France,
avec notamment le rôle essentiel des esclaves eux-mêmes.
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LES ABOLITIONS DE L’ESCLAVAGE EN FRANCE
Histoire et spécificité des abolitions françaises, de 1789 à 1848
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
I LA NAISSANCE DU MOUVEMENT ABOLITIONNISTE
1 - La “normalité” de l’esclavage
2 - Les frémissements du 17ème siècle
3 - Les Lumières s’engagent timidement, mais s’engagent
4 - La vague abolitionniste du 19ème
II LA PREMIÈRE ABOLITION : 1789 - 1802
1 - La première abolition commence avec la révolution de 1789
2 - La question esclavagiste, une sous-partie de la question coloniale
3 - Des avancées difficiles et lentes, souvent grâce aux agitations des colonies (dès août 1790)
4 - Le 28 septembre 1791 : la constituante abolit l’esclavage en France mais pas dans les colonies
5 - L’égalité politique des hommes de couleur libres : 28 mars 1792
6 - Sous la pression des esclaves, Sonthonax abolit l'esclavage à Saint-Domingue le 29 août 1793
7 - Le 4 février 1794 : décret du 16 pluviôse an II abolissant l'esclavage
8 - Dans les faits, des résultats mitigés sauf à Haïti
9 - 1802 : Bonaparte "rétablit l'ordre" colonial et l’esclavage
10 - Par les armes et le feu face à la résistance héroïque des anciens esclaves
11 - La résistance victorieuse d’Haïti : la liberté ou la France !
12 - La restauration monarchique garde l’esclavage rétabli par Napoléon
III LA DEUXIÈME ABOLITION, L’ABOLITION DÉFINITIVE : 1848
1 - Le début de la révolution industrielle et la concurrence du sucre betteravier
2 - La naissance d’une contestation internationale de l’esclavage (les mouvements anglais)
3 - L’interdiction de la traite en 1807 en Angleterre et par le Congrès de Vienne en 1815
4 - La première grande abolition : celle de l’Angleterre en 1833 par un mouvement autonome
5 - La crainte de la “contagion anglaise” de l’émancipation
6 - L’action de Victor Schœlcher et la création du mouvement abolitionniste français
7 - Le coût budgétaire de l’abolition fait hésiter les Chambres de la monarchie de Juillet
8 - La monarchie de juillet prend quelques mesures pour “humaniser” l’esclavage
9 - La révolution de 1848 fait naître un nouvel espoir
10 - Les brèves hésitations d’Arago, Ministre de la marine et des colonies, devant la plantocratie
11 - Le 4 mars 1848 : “Nulle terre française ne peut plus porter d'esclaves”
12 - Pendant que les esclaves des colonies arrachent par eux-mêmes leur liberté
IV ABOLITION OU ABOLITIONS ?
1 - L’abolition, le résultat de 4 abolitions
2 - Au 19ème siècle, une évolution sociale qui condamne l’esclavage à terme
3 - L’évolution des mentalités, fruit des Lumières
4 - La perte de crédit des arguments économiques des esclavagistes au 19ème siècle
5 - La montée d’un réel mouvement abolitionniste métropolitain
6 - Les résistances et rébellions croissantes des esclaves
7 - Les rivalités des grandes puissances européennes entre-elles, l’esclavage est un enjeux
V CONCLUSION
1 - La réduction à la seule abolition politique dans la “conscience historique officielle”
2 - Après l’abolition de l’esclavage officiel, le début de la lutte contre le second esclavage
ORA ET LABORA
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Document 1 : Un des pionniers de l’abolition de l’esclavage, Bartolomé de Las Casas.
Sa Majesté doit, par ordre divin, faire libérer tous les Indiens réduits en esclavage par les
Espagnols. Et les évêques doivent y veiller avec le plus grand soin et la plus grande
diligence. D'une manière sainte et sage, les religieux convinrent de ne pas donner
l'absolution à un Espagnol possesseur d'esclaves indiens tant qu'il ne les aurait
présentés au tribunal de la Real Audiencia, conformément aux lois nouvelles, encore qu'il
valût mieux faire les choses, s'ils en étaient absolument décidés, sans qu'on les conduisît
devant le tribunal, en raison des manœuvres auxquelles pouvait se prêter la procédure.
Bartolomé de Las Casas (1474 - 1566)
Tratado
Document 2 : En dehors de quelques rares exceptions, les idées générales - y compris celles venant des
élites intellectuelles, trouvent l’esclavage chose normale et juste. Ce fut aussi pendant 18 siècles la position
des églises chrétiennes.
De condamner cet état [l’esclavage], ce serait entrer dans les sentiments que M. Jurieu
[pasteur protestant abolitionniste] lui-même appelle outrés, c’est-à-dire dans les
sentiments de ceux qui trouvent toute guerre injuste : ce serait non seulement condamner
le droit des gens,la servitude est admise, comme il paraît par toutes les lois, mais ce
serait condamner le Saint-Esprit qui ordonne aux esclaves, par la bouche de Saint Paul,
de demeurer en leur état et n’oblige point les maîtres à les affranchir. Bossuet (1627 - 1704)
Document 3 : Au 18ème siècle commence à apparaître dans les écrits des philosophes des Lumières une
contestation de l’esclavage, puis une véritable dimension abolitionniste.
Si j'avais eu à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les Nègres esclaves, voici ce
que je dirais.
Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage
ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.
Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par les
esclaves.
Ceux dont il s'agit sont noirs des pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est
presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l'idée que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme,
surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.
Il est naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité, que les
peuples d'Asie, qui font des eunuques, privent toujours les Noirs du rapport qu'ils ont
avec nous d'une façon plus marquée.
On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les
meilleurs philosophes du monde, étaient d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient
mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.
Une preuve que les Nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un
collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande
conséquence.
Il est impossible que nous supposions que ces gens soient des hommes ; parce que, si
nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas
nous mêmes chrétiens.
De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on aux Africains.
Car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes
d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en
faveur de la miséricorde et de la pitié ? Montesquieu (1689 - 1755)
De l'esprit des lois, XV, 5, 1748
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Document 4 : À la critique esclavagiste s’adjoint aussi une critique du colonialisme des pays européens.
Tu n'es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir !
Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté ou mourir ? Celui dont tu
veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien, est ton frère. Vous êtes deux enfants de la
nature; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu; nous sommes-nous jetés
sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux
flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos
animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs; elles sont
plus sages et plus honnêtes que les tiennes, nous ne voulons point troquer ce que tu
appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et
bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas
su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi
manger, lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos
cabanes, qu'y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu'où tu voudras tout ce que tu
appelles commodités de la vie; mais permets à des êtres sensés de s'arrêter, lorsqu'ils
n'auraient à obtenir, de la continuité de leurs pénibles efforts, que des biens imaginaires.
Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du besoin, quand finirons-nous de
travailler ? Quand jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles
et journalières la moindre qu'il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au
repos. Va dans ta contrée t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras; laisse-nous reposer:
ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Regarde ces
hommes vois comme ils sont droits, sains et robustes. Regarde ces femmes vois comme
elles sont droites, saines, fraîches et belles. Denis Diderot (1713 - 1784)
Supplément au voyage de Bougainville
discours d’adieu qu’un vieux tahitien aurait adressé à Bougainville lors de son départ de Tahiti
Document 5 : Lors de la révolution française, un petit parti abolitionniste existe avec la Société des amis
des noirs fondée en 1788. Ce magnifique texte de Condorcet en atteste.
Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardé comme
mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les
mêmes vertus que les Blancs. Je ne parle ici que de ceux d'Europe ; car pour les Blanc
des colonies, je ne vous fais pas l'injure de les comparer à vous ; je sais combien de fois
votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher
un homme dans les îles de l'Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chaire
blanche qu'on le trouverait.
Votre suffrage ne procure point de places dans les colonies; votre protection ne fait point
obtenir de pensions ; vous n'avez pas de quoi soudoyer les avocats : il n'est donc pas
étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur
cause, que vous n'en avez trouvés qui se soient honorés en défendant la votre. Il y a
même des pays ceux qui voudraient écrire en votre faveur n'en auraient point la
liberté.
Tous ceux qui se sont enrichis dans les îles aux dépens de vos travaux et de vos
souffrances, ont, à leur retour, le droit de vous insulter dans des libelles calomnieux ;
mais il n'est point permis de leur répondre. Telle est l'idée que vos maîtres ont de la bonté
et de leurs droits ; telle est la conscience qu'ils ont de leur humanité à votre égard. Mais
cette injustice n'a pas été pour moi qu'une raison de plus pour prendre, dans un pays
libre, la défense de la liberté des hommes. Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet
ouvrage, et la douceur d'être béni par vous me sera toujours refusée. Mais j'aurai satisfait
mon cœur déchiré par le spectacle de vos maux, soulevé par l'insolence absurde des
sophismes de vos tyrans. Je n'emploierai point l'éloquence, mais la raison ; je parlerai,
non des intérêts du commerce, mais des lois de la justice.
Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n'avoir que des
idées chimériques : en effet, rien n'est plus commun que les maximes de l'humanité et la
justice; rien n'est plus chimérique que de proposer aux hommes d'y conformer leur
conduite. Condorcet (1743 - 1794)
Épître dédicatoire aux Nègres esclaves, mes amis
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