empiriques se traduisent par la prolifération de la forme en réseau, la mise en place
d’organisations très fortes pour faire tenir les marchés ainsi que de relations marchandes au
sein des organisations. Au niveau analytique, pour montrer que la réalité sociale n’a rien de
naturel, qu’elle est construite, on s’attache à la déconstruire. Derrière la bureaucratie, sont mis
en place des ordres locaux ; derrière les marchés, des relations bilatérales, parfois triadiques,
mais rarement plus, ou des jeux d’interaction stabilisés.
(2) Pour décrire la différenciation interne du monde économique, il est possible de
s’appuyer sur de vieilles catégories classiques des sciences sociales : le marché,
l’organisation, la profession.
Là encore, cette hypothèse ne va pas de soi. Beaucoup de sociologues, en un geste classique,
refusent de faire du monde un espace social indifférencié et rejettent ces catégories parce
qu’elles épuiseraient leur sens dans des considérations de sens commun : ils leur substituent
un autre vocabulaire, celui du champ (cf. Bourdieu) ou du monde. Si malgré tout, on adopte
cette démarche, alors on voit ce que cette hypothèse comporte comme risque : ces catégories
classiques sont précisément celles qui ont été déconstruites. Donc, il ne s’agit pas de les
restaurer, mais de les travailler à nouveau frais en en précisant le sens. Mais de quelle
manière ?
(3) Pour Pierre François, on peut tenter de repenser ces catégories en les replaçant
dans un horizon de pensée morphologique, i.e. en se recentrant sur les acteurs qui
composent une forme, sur les relations entre les acteurs de cette forme, ainsi que
sur la stabilité (et le fondement de cette stabilité) de leurs relations. Avec cette
approche, comment comprendre ce qu’est le marché ? Pour Weber, il s’agit de
l’agencement de deux jeux d’interaction – l’échange et la concurrence. Pierre François
prend ici un pari méthodologique ; cette compréhension, que Weber travaille dans le texte
Essai sur quelques catégories de la sociologie compréhensive (1913) et dans le chapitre II
d’Economie et Société n’a pas eu de postérité explicite, mais il tente de remplir sa démarche
en rassemblant les travaux de sociologie sur les marchés de plusieurs manières : (1) En
travaillant sur les frontières du marché (échange marchand/non marchand ;
marché/organisation ; marché/politique). (2) En identifiant la manière dont les acteurs
interviennent sur un marché ; souvent est sous-jacent un postulat de rationalité. Or, les
travaux anciens (Weber) montrent que ces capacités à agir rationnellement ne vont pas de soi,
qu’elles ont une histoire. D’autres travaux remettent au goût du jour un vieux thème, celui de
la performativité. Il s’agit d’un programme de recherche à part entière que de comprendre les
multiples voies par lesquelles ce comportement est progressivement façonné. (3) Les marchés
ne sont pas des entités abstraites, ils s’appuient sur un ensemble de repères partagés, de
règles, de catégories de pensée collective, que Pierre François a proposé de saisir comme des
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