2 La recherche, dont nous souhaitons rendre compte, a consisté à suivre la trace des DEEE
en Midi-Pyrénées (Bahers, 2012). Le choix de la région est conduit par un souci de
faisabilité d’enquête et d’immersion dans la filière que ce travail présuppose. De plus,
l’échelle régionale offre déjà toute une palette de situations analysables et permet donc
de monter en généralité. Cette recherche renvoie à une réalité territorialisée de la filière
des DEEE, selon son efficience technico-économique, son efficience environnementale et
sa dimension sociale. Comment le système local de récupération-recyclage des DEEE
contribue-t-il au développement de l’écologie territoriale, en termes de bouclage de flux
de matières, de projet de territoire et de responsabilité sociale ? Il s’agit ainsi d’explorer
les dynamiques de la filière au travers de deux entrées principales. La première entrée
implique l’analyse du métabolisme territorial de la filière, c'est-à-dire l’analyse de la
circulation des flux au sein de la filière dans un cadre spatial, en matière de
consommation d’énergie et de matière, de transformation des déchets et de rejets. La
deuxième entrée s’attarde sur le positionnement du système d’acteurs qui pilotent ce
métabolisme territorial. La circulation des flux résulte d’un dispositif réglementaire, mais
aussi des choix des entreprises qui vont transformer ces flux, des préoccupations des
acteurs du territoire qui doivent organiser et aménager l’espace, et des structures de
l’économie sociale et solidaire très présentes dans les filières de récupération-recyclage.
Cette approche territorialisée de la circulation des flux et du système d’acteurs met en
lumière la rationalisation écologique des filières et la gestion durable des territoires.
1. La circulation des flux de la filière des DEEE en Midi-
Pyrénées
3 L’approche par le métabolisme territorial nous apparait comme l’entrée adéquate pour
répondre à la question de recherche, car il permet de rendre compte de la réalité
quantitative de la filière (c’est-à-dire la circulation des déchets) qui servira à l’analyse du
positionnement du système d’acteurs. Favorisées par l’émergence d’un regard croisé
entre économie et écologie, et mobilisées dans le champ de l’écologie industrielle et
territoriale, les études de métabolisme territorial se caractérisent par des bilans complets
des flux de matières et d’énergie, dans le but de mieux comprendre les relations entre
société et environnement. Robert Ayres et Allen Kneese, considérés comme les pionniers
des études de métabolisme, ont ainsi réalisé un bilan de matières des États-Unis de 1963 à
1965 (Kneese et al, 1970). Ils proposaient d’introduire dans la théorie économique, des
analyses de flux de matières permettant d’identifier les externalités des activités
économiques3. Plus récemment, Suren Erkman définit cette démarche de la manière
suivante : « L’approche du métabolisme industriel cherche à refléter quantitativement et
qualitativement la dimension proprement physique des activités économiques, à savoir les flux et
les stocks de matière (et pas seulement d’énergie) qui forment le substrat de toute activité
industrielle. La méthodologie du métabolisme industriel consiste donc à établir des bilans de masse,
à estimer les flux et les stocks de matière, à tracer leur itinéraire et leur dynamique complexe, mais
également à préciser leur état physique et chimique » (Erkman, 2004 : 68).
4 Dans le cas de la filière des DEEE en Midi-Pyrénées, cette approche consiste à analyser la
circulation de la matière et de l’énergie au travers des différentes étapes de la filière, de la
mise sur le marché jusqu’à la valorisation et l’élimination des différents matériaux issus
des DEEE. Cette recherche s’attache ainsi à comprendre le devenir de ces déchets
transformés par « plusieurs phases parfois complexes ou ardues afin de réussir [leur]
Métabolisme territorial et filières de récupération-recyclage : le cas des dé...
Développement durable et territoires, Vol. 5, n°1 | 2014
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