Université Bordeaux 1 Mathématiques Algèbre 4 – Licence 3 Année 2013–2014 FEUILLE D’EXERCICES no 9 Extensions de corps, constructibilité à la règle et au compas Exercice 1 – [Théorème de Wantzel] On identifie C et R2 . Si a, b ∈ C, a 6= b, et si r ∈ R, r > 0, on note (a, b) la droite passant par a et b et C(a, r) le cercle de centre a et de rayon r. On considère un ensemble S ⊂ Q contenant 0 et 1. On dit que z est élémentairement constructible à partir de S si z peut être obtenu de l’une des façons suivantes : • z est l’intersection de deux droites (a, b), (c, d) où a, b, c, d ∈ S ; • z est l’intersection d’une droite (a, b) et d’un cercle C(e, r) où r = |c − d| et où a, b, e, c, d ∈ S ; • z est l’intersection de deux cercles C(e, r), C(e0 , r0 ) où r = |a − b|, r0 = |a0 − b0 | et où e, e0 , a, b, a0 , b0 ∈ S. On dit que z est constructible à partir de S, s’il existe n > 1 et z1 , z2 , . . . , zn = z ∈ C tels que z1 soit élémentairement constructible à partir de S et tels que pour tout 2 6 i 6 n, zi soit élémentairement constructible à partir de S ∪ {z1 , . . . , zi−1 }. Enfin, on dit que z est constructible s’il est constructible à partir de {0, 1}. On note C l’ensemble des complexes constructibles. 1) Montrer que si z ∈ C, alors : z ∈ C ⇐⇒ Re(z) et Im(z) ∈ C. 2) Montrer que Z[i] ⊂ C et que Q(i) ⊂ C. 3) Montrer que si a, b ∈ C, alors a + b et a − b ∈ C. 4) On suppose a, b ∈ R. Montrer à l’aide du théorème de Thalès que ab ∈ C et que si b 6= 0, a/b ∈ C. 5) Prouver que ce résultat subsiste si a, b ∈ C et que C est un corps. √ 6) On suppose a ∈ R+ ∩ C. Montrer que a ∈ C. 7) En déduire que les racines carrées d’un complexe constructible sont constructibles. 8) Soit z ∈ C. Il existe donc z1 , z2 , . . . , zn = z tels que z1 soit élémentairement constructible à partir de {0, 1} et tels que pour tout 2 6 j 6 n, zj soit élémentairement constructible à partir de {0, 1, . . . , zj−1 }. On pose K0 = Q(i), et pour j > 1, Kj = Kj−1 (Re(zj ), Im(zj )). Montrer que pour tout 0 6 j 6 n − 1, on a [Kj+1 : Kj ] = 1 ou 2. On pourra à cet effet observer que si a, b ∈ Kj et r = |c − d| avec c, d ∈ Kj , les coefficients des équations de (a, b) et C(a, r) sont aussi dans Kj . 9) En déduire que si z ∈ C, (1) Q(z)/Q est une extension finie de degré une puissance de 2 ; (2) il existe k > 0 et une suite d’extensions quadratiques L1 /L0 ,. . . Lk /Lk−1 où L0 = Q et z ∈ Lk . 10) Réciproquement, supposons la condition (2) vérifiée par z. Montrer qu’alors z ∈ C. On pourra montrer par récurrence que Lj ⊂ C pour tout j. On a ainsi établi le théorème de Wantzel (1837). Théorème. Un nombre complexe z est constructible si et seulement s’il existe des sous-corps de C, L0 = Q, L1 , . . . , Lk (k > 0) tels que pour tout 0 6 j 6 k − 1, Lj+1 /Lj soit une extension quadratique et tels que z ∈ Lk . 11) Trisection de l’angle. 12) Duplication du cube. 13) Quadrature du cercle. Exercice 2 – [Théorème de Gauss-Wantzel] On note ζn une racine n-ième primitive de l’unité, par exemple ζn = e2iπ/n . 1) Montrer que pour tout k > 0, ζ2k est constructible. 2) Soient m, n > 1 deux entiers premiers entre eux. Montrer que ζmn est constructible si et seulement si ζm et ζn le sont. 3) Soit p un premier impair. Montrer que pour tout k > 2, ζpk n’est pas constructible. 4) Soit p un premier impair tel que ζp soit constructible. Montrer que p est un m nombre premier de Fermat, i.e. de la forme p = 22 + 1 (m > 0). 5) Le but de cette question est de montrer que si p est un premier de Fermat ζp est constructible. Soit donc p un premier de Fermat. a) Soit n > 0 un entier premier avec p. Montrer qu’il existe un unique automorphisme du corps Q(ζp ) noté sn vérifiant sn (ζp ) = ζpn et que sn ne dépend que de la classe de n modulo p. b) Montrer que {x ∈ Q(ζp ); sn (x) = x} est un sous-corps de Q(ζp ). c) Soit k > 0 un entier dont la classe modulo p engendre (Z/pZ)× . Pour tout entier naturel m on note tm l’automorphisme sk2m et on pose Lm = {x ∈ Q(ζp ); tm (x) = x} qui est un sous-corps de Q(ζp ) par ce qui précède. À l’aide d’une base de Q(ζp ) sur Q adaptée, montrer que L0 = Q. d) Montrer que pour tout m, tm+1 = tm ◦ tm et que Lm+1 est une extension de degré au plus 2 de Lm . e) En déduire que ζp est constructible. 6) Déduire des questions précédentes le théorème de Gauss-Wantzel : Théorème. Les polygones réguliers à n côtés sont constructibles à la règle et au compas si et seulement si n = 2k p1 p2 · · · pm où k > 0, m > 0 et où les pi sont des nombres premiers de Fermat distincts.