cHAPIT`!E - III

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cHAPIT'!E- III
L' Impact de la France et Sa Culture sur Les Oeuvres de
M. Mukundan
La colonisation et la dbcolonisation ont exerce une influence
profonde sur l'ecriture de Mukundan. Ne et eleve 4,
MahC
-- le
petit village au Kerala qui a etb sous la tutelle franqaise pendant
plusieurs annees --,l'amour pour sa ville natale se manifeste souvent
dans ses oeuvres. Pendant sa jeunesse, il a Pte tCmoin de greves et de
manifestations A
Mahe.
Dans
ses oeuvres celPbres comme
Mayyazhipuzhayude Theerangalil et
Deivathinte Vikrithikal ,
Mukundan depeint avec nostalgie les evenements a Mahe pendant et
aprPs la colonisation franqaise.
Afin de comprendre l'impact de la colonisation sur les oeuvres
de M.Mukundan, il faut uniquement considerer l'influence franqaise
sur 1' ecriture de Mukundan. Sans doute, on perqoit l'influence de
deux Ccrivains celebres franqais, Jean-Paul Sartre et Albert Camus.
Mukundan a ete obsede par l'idee de l'existentialisme chez
Sartre et le theme de l'absurdite dans l'oeuvre de Camus. Il serait
pertinent de jeter un coup d'oeil sur les ecrits de ces deux ecrivains
reconnus et leurs doctrines cekbres afin de faire une comparaison
entre les personnages dans les romans de ces ecrivains et de
Mukundan.
La philosophie de l'existentalisme dominait la
pensee de
Mukundan et a sans doute colore sa vision. L'influence de cette
philosophie est particulierement frappante dans les romans comrne
Ee Logam Adhiloru Manushyan, Prabhatharn Muthal Pradosharn
Vare, et Haridwaril Manikal Miczhangunnu ou l'on met en relief
l'angoisse existentielle dans la vie des personnages principaux
c o m e Appu, Prakashan ou Ramesan. On peut definir la doctrine de
l'existentialisme ainsi : l'existentialisme met I'accent sur l'existence
opposee
l'essence, qui serait illusoire, problematique, ou du moins
aboutissement
et
non
point
de
depart
de
la
speculation
philosophique. Selon la formule de Sartre, "L'existence precede
l'essence".
La
definition de I'existentialisme
est la
doctrine
philosophique d'apres laquelle I'homme q u i vit d'abord d'une
existence
quasi
metaphysique, se cree et choisit lui-meme son
identit6 en agissant. Jean-Paul Sartre a capture ses lecteurs avec des
formules frappantes.
I1 a illustre sa philosophie par ses romans, son theltre, et ses
essais. Selon Sartre, "L'existence de l'homme exclut l'existence de
Dieu". I1 pensait que l'homme est le seul responsable de sa vie et que
Dieu n'a rien a avoir avec cela. Chaque h o m e decide son propre
avenir. D'aprPs Sartre, l'homme est l'avenir de l'homme, l'homme est
ce qu'il se fait. L'homme est donc responsable. I1 est condamne a Ptre
libre. Mukundan croyait fortement dans cette philosophie et la
plupart de ses personnages sont engages dans une situation donnee
et ne sont pas disponibles. 11s sont obliges de choisir eux-m&mes le
chernin a suivre, et de former ainsi leur destinee. Les personnages
comrne Dinesan dans Mayyazhipuzhayude Theerangalil et Appu
dans Ee Logam Adhiloru Manushyan sont engages par leur action
rkelle. Leurs actes et seulement leurs actes les distinguent des autres.
In& dans la piece, Huis Clos, a affirme qu"'on meurt toujours trop
t8t -- ou trop tard. Et cependant, la vie se termine la : le trait est tire, il
faut faire la s o m e . Tu n'es rien d'autre que la vie."44 Le paradoxe,
44. J.P.Sartre, Huis Clos, Gallimard, Paris, 1947, p.89.
c'est que, l'angoisse nous attend A nouveau au moment de
l'engagement. Donc, les gens sont perplexes. 11s se demandent:
"Comment sortir d'un tel dilemme ?". 11s ne savent pas sur quoi
fonder leur choix ou comment agir dans quelques situations
douloureuses de la vie. Tous les problemes que I'homme subit dans
ce monde I1am&nea prendre conscience de son existence dans ce
monde. Cette prise de conscience s'appelle "reflet ". La mort est une
sorte
de
soulagement
pour
quelques
personnages
comme
Balakrishnan dans Nritham ", Ramesan dans Haridwaril Manikal
Muzhangunnu et Dinesan de Mayyazhipuzhayude Theerangalil, dans
les romans de Mukundan. Ces personnages cherchent un endroit
desert pour se suicider. On se rappelle Les Mouches de Sartre oh
Electre dit a Oreste : "Voleur! Je n'avais presque rien A moi, qu'un
peu de calme et quelques r$ves.Tu m'as tout pris, tu as vole une
pauvresse. Tu etais mon frere, tu devais me proteger: mais tu m'as
plongee dans le sang, toutes les mouches sont apres moi, les voraces,
et mon coeur est une ruche horrible." 46
-
-
45. Nr~tham= La Danse
46. J.P. Sartre, Les Mouches, Gallimard, Paris, 1947, p.238.
M. Mukundan a affirm6 que son emploi A l'Ambassade de France
l'a aide A approfondir ses vues et colorer sa vision sur la litterahre et
les arts. I1 a eu I'occasion d'&&e toujours en contact avec la litterature
francaise. Cornme employe a l'Ambassade de France B Delhi, on peut
mOme dire que Mukundan a bien profite de sa longue association
avec les Francais. Dans la plupart de ses romans, Mukundan s'inspire
du theme de l'existentialisme de Sartre. On constate la preponderance
de ce theme dans le roman celebre de Mukundan, Delhi. Le roman
Delhi a beaucoup de ressemblance avec la Nauste de Sartre. Dans
son roman, Mukundan depeint avec genie l'angoisse de l'existence, la
nausee, la solitude, la liberte, et bien s ~de,l'existentialisme sartrien.
On s'aperqoit de la responsablite de choix que les personnages
exercent eux-mOmes. Le theme de la pousuite de soi est cher ?I
Mukundan comme
roman, Delhi,
a
Sartre. Le personnage d'Aravindan dans le
est toujours
a la poursuite de son identite. I1
s'aperqoit que tout est trop. La vanite de la nature humaine jaillit
parfois quand Aravindan fait face aux restrictions imposees sur lui
par la societe. La ressemblance avec La Nausie de Sartre se manifeste
dans cette situation.
L'existence de Sartre repose sur un postulat qui dit que
"L'existence de l'homme exclut l'existence de Dieu. L'homme est
l'avenir de l'homme. L'homme est ce qu'il se fait." On peut bien
constater
cet
aspect
de
l'humanisme
dans
les
romans
de
M.Mukundan. I1 souligne nettement le fait que l'homme ne peut
exister qu'etant sans cesse hors-de lui-mCme. Donc, il est necessaire
qu'il se cree lui-mCme. Prakashan dans Kootam Theffi Meyyunnavar
n'accorde aucune importance aux opinions des autres. I1 est devenu
un "hippie", portant des cheveux longs, la revolte se manifeste ainsi.
Bien des personnages dans les romans de Mukundan sont condamnes
A Ctre libres. Donc, ils s'efforcent de s'engager dans une situation
donnee. C'est Sartre qui declare: "Un homme s'engage : dans sa vie
se dessine sa figure et en dehors de cette figure il n'y a rien."
4'
La
decouverte de soi et la poursuite de moi sont des thPmes chers A
Mukundan. I1 y a sans doute une inter-dependance entre le moi et le
monde. L'existeritialisme croft dans la decouverte de soi. Le moi
apparait souvent c o m e deux Ptres : etre pour autrui et Ctre pour soi.
47. J.P.Sartre, LrExistentialisme Est Un Humanisme, Les editions
Nagel, Paris, 1970, p.80.
Les personnages de Mukundan c o m e Aravindan dans Delhi,
ou Radha dans Radha, Radha Matram sont souvent perplexes et
confus, questionnant leur existence. On se rappelle le degofit eprouve
par le jeune hornme, Roquentin, qui ecrit son journal dans La Nausde
de Sartre. Les etres lui apparaissent grotesques. Les objets, les
paysages prennent un aspect effrayant. Au fil des journees, il note ses
reflexions ameres dans son journal. Dans les moments de crise, il
Cprouve une nausCe, une phobie violente A l'egard des objets, des
h o m e s et de lui-mCme parce que "toute existence lui apparalt vaine
et superflue."48 Le personnage Kunzhanandan dans le roman,
Mayyazhi Puzhayude Theerangalil, de Mukundan est las de son
existence et exprime le meme sentiment de degofit.
Certainement, Mukundan a ete influence par l'originalite de
Sartre et la vigueur de sa pensee. 11 semble que l'dcrivain ait c o m u la
nausee personnellement. Peut-Ctre a-t-il kprouve ce sentiment dans
sa vie personnelie, etant un enfant malade, confine aux quatre murs
de sa chambre. Maints personnages dans ses romans sont des Ctres
affliges de la douleur de l'existence. La solitude occupe un r6le
48. J.P. Sartre, La Nausde, Gallimard, Paris, 1938, p.81
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majeur dans les romans de Mukundan.
I1
y
a
plusieurs
persomages qui se trouvent isoles, seuls dans la foule. Par exemple,
Gaston, dans Mayyazhi Puzhayude Theerangalil, s'est isole dans une
forteresse de silence autour de lui.
A travers ces persomages,
Mukundan nous rend claire l'idee que la prise de consience de
l'absurde n'est qu'une Ctape. L'homme qui decouvre le non-sens de
la vie est libre de choisir ses actes sans la contrainte d'une religon ou
d'une morale rassurante. Ses actes I'engagent et dessinent sa propre
destinee.
Quelques personnages, c o m e Prakashan dans Kootam Thetti
Meyyunnavar, sont engloutis dans la solitude. Au niveau conjugal,
au niveau domestique, Prakashan est tres malheureux, et l'ecrivain
dessine ses fantasmes, ses angoisses, ses deceptions dans la vie.
Accable de douleur, il se revoit, il sc remet en examen. C'est a nous
de dCduire leur resemblance avec les personnages dans les romans
de Sartre. La Naltsie de Sartre dCpeint le personnage de Roquentin
qui est le portrait d'un hornrne moderne. I1 vit en solitaire B Bonville.
Depuis quelques temps, il eprouve d'etranges malaises. Les objets
prement soudain une presence inquietante, une forme anormale, un
jour d'hiver, au jardin public, "entre les grands troncs noirs, entre les
mains noires et noueuses qui se tendent vers le ciel", la nauske le
reprend : "Un arbre gratte la terre sous mes pieds d'un ongle noir. Je
voudrais tant me laisser aller, m'oublier, dormir, mais je ne peux pas.
Je suffoque."
--
cette fois, il comprend le sens de son angoisse.
"L'existence me penehe de partout par les yeux, par le nez, par la
bouche." 49
Mukundan a introduit la nausee sartrienne
personnages
cornme
Ramesan,
de
travers les
Haridwaril
Manika2
Muthangunnu, Aravindan de Delhi, Kunzhanandan de Mayyarhi
Puzhayude
Theerangalil,
et
Prakashan
de
Kootam
Thetti
Meyyunnavar. 11s sont obsedds par la mort. 11s prennent conscience
du desarroi de la vie et aiment mieux mourir que vivre une existence
penible et sans valeur. Ainsi, Aravindan, dans Delhi, dit qu'il est prCt
a accueillir la mort.
Quant a Gaston de Mayyazhi Puzhayude Theerangalil, il
s'est isole enhe les quahe murs de sa chambre et ne sort jamais. I1
est devenu las de ce monde penible. Il s'est plonge dans une obscurite
49. J.P.Sarhe, La Nauske, op. cit., p.179.
profonde.
Dans Ee Logam Adhiloru Manishyan, Mukundan illustre avec
vigeur sa philosoplue de liberte inspiree par J.P.Sartre. La libertC
caracterise I'existence humaine et lui permet de creer son destin.
Sartre lui- meme remarque d a m La Nausde : "Je sentais que le
succes de I'entreprise etait dans mes mains."
50
La liberte exercee par
les personnages dans les romans de Mukundan est etroitement liee
avec la responsabilite de choix. Dans Kootam Thetti Meuyunnavar,
Mukundan analyse les sentiments de Prakashan afin de mieux
connaitre la nature humaine. I1 essaie de revendiquer sa liberte et sa
persomalite
quand
il explique
sa conduite
et justifie
son
comportement. Cela souligne le fait que l'homme est toujours A la
poursuite de sa IibertP. L'auteur traite aussi le theme de delaissement
et de la douleur de la vie, I'angoisse dans I'existence. Les personnages
sont toujours soucieux d'un be1 avenir et cette pensee les hante
toujours. Sartre dit: "L'homme est delaisse par le fait qu'il ne trouve
ni en lui ni hors de lui une possibilite de s'accrocher."
51
50. J.P.Sartre, La Nausee, op. cit., p. 92.
51. J.P. Sartre, L'Etre et Le Ndant, Gallimard, Paris, 1943, p.84.
67
Les personnages dans les romans de Mukundan s'acheminent
dans la mCme voie que les existentialistes. Ces personnages
dkouvrent le principe de 1' Ctre et le neant de Sartre: "L'homme est
I'Ctre par lequel le neant apparait en d'autres termes. L'homme est
lui-meme 1' Ctre et le n6ant."s2 Quand Aravindan dans le roman,
Delhi, de Mukundan arrive a Delhi, il erre ici et la, et enfin, il
decouvre cet etre au dedans de [email protected] dit qu'il est
Sartre, s'imagine parfois qu'il est Marx. En effet, on peut conclure que
le personnage dlAravindan d a m Delhi incarne Sarke lui-mCme.
La dkouverte de soi est, en effet, le veritable desir de la liberte
sartrienne. Les romans de Mukundan sont sans doute revelateurs de
ce theme. L'idee centrale de la plupart des romans est la condition de
l'homrne, le but de son existence mCme dans le monde actuel. "Ma
pensee, c'est moi: voila pourquoi je ne peux pas m1arr0ter. J'existe
parceque je pense .... et je ne peux pas m'empecher de penser. En ce
moment mCme - c'est affreux
- si j'existe, c'est parceque j'ai horreur
d'exister. c'est moi, c'est moi qui me tire du neant auquel j'aspire"
52. J.P.Sartre, L'Etre e t Le NPa~rt,op. cit., p. 84.
53. J.P. Sartre, La NausCe, op. cit., p. 38.
53
I1 y aussi une autre face de l'existentialisme. 11s se rqouissent
quand meme de leur existence. La seule pensee qu'ils existent les font
sauter de joie. On remarque que Kunzhanandan dans Mayyazhi
Puzhayude
Theerangalil, Ramesan
dans Haridwaril
Manikal
Muzhangunnu aiment la vie. Cette joie se manifeste parfois dans l e u
allure et dans leur marche lorsqu'ils circulent dans les rues. La gaietk,
la sensualite et l'amour pour la nature est l'autre face de la vie. La
decouverte de soi leur d o m e beaucoup de joie. Ainsi, comme dans
les romans de Sartre, on voit que les personnages dans les romans de
Mukundan sont en quCte de leur Ctre.
Sartre avait apporte une innovation considerable dans le
domaine du roman avec La NausCe. Jean-Paul Sartre a connu la
nausee persomellement. Il a eprouve ce sentiment d'horreur devant
le fourrnillement de la contingence. Sartre renouvelle I son tour,dans
Les Mouches oh Oreste dit I
i is the : "Que
m'importe Jupiter ? la
justice est une affaire d'hornmes, et je n'ai pas besoin d'un Dieu pour
me l'enseigner."w Bien des persomages dans les romans de
Mukundan. comme Ramesan dans Haridwaril Manikal
-
-
54. J.P.Sartre, Les Mouches, op. cit., p. 203.
69
Muzhangunnu, Aravindan dans Delhi, Prakashan dans Kootam
Thetti Meyyunnavar, ne sont pas conforrnistes. 11s ne s'intPgrent pas
aux normes de la societe. Au contraire, ils eprouvent un degoiit, une
nausee envers tout autour d'eux. Parfois, c'est effrayant meme d'@tre
complexe comrne eux.
Jean-Paul Sartre a ecrit plusieurs romans et pieces, mais Huis
Clos
reste sans nu1 doute son chef- d'oeuvre. Huis Clos nous
presente l'enfer sartrien, l'enfer en ce monde qui consiste, selon
l'auteur, "a vivre sous le regard d'autrui." Le terme, "Les Autres",
nous montre la souffrance de vivre selon la perception des autres
dans ce monde. Sinon, les autres nous critiquent, nous agacent. Nous
sornrnes sous le constant regard des autres. Selon lui, le regard des
autres nous penetre et nous vole notre propre intimite. De ce fait, on
n'a pas assez de liberte a cause de ce constant regard des autres. D'ou
pour Sartre - "l'Enfer, c'est les A ~ t r e s . "La~ ~punition dans cet enfer
sans flarnrnes, ni soufre, c'est uniquement le regard d'autrui. Ines, le
personnage celPbre dans Huis Clos, a besoin de la souffrance des
autres pour subsister. L'enfer sartrien, l'enfer en ce monde consiste
55. J.P. Sartre, Huis Clos, op. cit., p.92.
selon l'auteur a vivre sous le regard d'autrui. M.Mukundan a ete
profondement inspire par ce theme, "L'Enfer, c'est les autres." I1 a
habilement
utilise ce theme dans la plupart de ses romans : dam
Om Dalit Yuvathiyude Kadana Katha 7 I'intrigue s'organise autour
de ce theme.
C'est I'intrigue centrale autour de laquelle l'auteur tisse son
histoire comme l'araignee tisse sa toile. Chacun des personnages
resoud la crise dans leur vie par les mensonges et en jouant le r8le.
Parfois, la revolte ou la frustration se manifeste dans leurs actions. 11s
vivent soit dans le passe, soit dans le present. Les lecteurs
s'aperqoivent subitement de l'existence malheureuse chez les
individus. Dans la piece, Huis Clos, qui a obtenu un grand succes,
Sartre illustre un principe essentiel de sa morale. Un homme est jug6
par ses actes et ne saurait en eluder la responsabilite au nom de ses
intentions. Sartre centre l'importance de l'hornrne autour de son
56. Oru Dnllt Ylrzlatlli!/u& Knhrm Kntlm= L'histoire vecue d'une jeune
fille Dalit.
action. Selon Sartre, l ' h o m e se fait, se definit, s ' a u t o ~ r e epar ses
actes. Dasan, dans Mayyazhi Puzhayude Thewangalil, a pris la
decision d'agir
contre les protagonistes de l'injustice malgr6
l'opposition de ses parents. La conversation dans le roman est assez
frappante.
Au fur et A mesure que le roman progresse, on constate que
Dasan devient plus en plus confiant ; il comprend qu'il doit accepter
la responsabilite pour ses actes. Ce qui amplifie la signifiance du
roman est que I'histoire se derouie autour des evenements de la
decolonisation.
Mukundan a ete profondement influence non seulement par
J.P.Sartre, mais egalernent par Albert Camus. I1 serait pertinent pour
nous de faire une etude des oeuvres de Camus afin de decouvrir
quelles idees ont influence Mukundan et comment. Bien qu'on
aperqoive une ressemblance entre la philosophie de Sartre et celle de
Camus, Albert Camus se distingue par sa doctrine personnelle : la
philosophie de I'Absurde. Cette theorie se manifeste dans ses oeuvres
celebres comme Le Mythe de Sisyphe, un essai sur L'Absurde, La
Peste, et ses pi&ces comme Caligula et Le Malentendu. Sans doute,
son chef-d'oeuvre le plus connu est ~ ' g t r a n g e r .On constate la
signification des termes comme "Absurde", "r6volter' et "liberty
dans ses oeuvres. Le quotidien routinier de la vie ennuie et perturbe
la plupart de ses personnages : se lever, prendre le train, toujours I la
meme heure, le bureau, la rentree A la maison, le meme repas, se
coucher B la meme heure. La vie coule son cours monotone et banal.
La routine continue jusqu'au jour ou soudain, on se demande:
"Pourquoi vivre comme <a ? ". Le pourquoi s' elPve et agace. Les
jours qui se filent les uns apres les autres sans eclat n'ont plus de
sens. C'est ainsi qu'on prend conscience de l'absurdite, du non-sens
de la vie. On reconnait le caractere derisoire de cette vie inutile.
L'absence de toute raison de vivre mene quelques-uns au suicide. La
vie, vaut-elle d'etre vecue? Pour la plupart des homrnes, vivre se
ramene a faire les gestes que l'habitude cornmande. Le sentiment de
l'absurde peut surgir de la naus6e qu'on eprouve B l'egard de tout
autour de soi. Le caractPre machinal de l'existence sans but est
insupportable. Cette decouverte peut naitre du sentiment de
l'etrangete de la nature, de l'hostilite primitive du monde auquel on
se sent tout I coup &anger. Par exemple, Meursault dit a I'avocat
dans la prison : "Sans doute j'aimais bien maman, mais cela ne
voulait rien dire. Tous les ekes sains avaient plus ou moins souhaite
la mort de ceux qu'ils aiment."
57
L'avocat, un h o m e ordinaire, a kt6
vraiment choque et a paru Ctre tr&sagite. Nous devenons incapables
de comprendre ce monde, avec ces peuples irrationnels.
"Definition de l'absurde : en fait, ce n'est pas le monde qui est
absurde, mais la confrontation de son caractere irrationnel et de ce
desir eperdu de clarte dont l'appel resonne au plus profond de
l'homrne. Ainsi, l'absurde n'est ni dans I'homme, ni d a m le monde,
mais d a m leur presence commune. I1 nait de leur antinomie."ss On est
toujours A la recherche de l'identite. La plupart des h o m e s sont
esclaves des habitudes. Pour quelques-uns, ce sont ces habitudes qui
donnent une semblance de normalite A leur vie. Une fois qu'un
e v h e m e n t arrive A rupturer cette placidite, ils sont confus et ils ne
savent quoi faire. Quelquefois, ils embrassent la mort comme une
sorte de soulagement. 11s cherchent des endroits deserts pour
se
suicider. Ainsi. la quCte existentialiste de l'identite aboutit dans la
mort qui est la seule chose definitive de la vie. L'alcool et le tabac ou
57. Albert Camus, ~ ' k t r a n ~ eGallimard,
r,
Paris, 1957, p.102.
58. lbid. p.91.
la drogue abrPgent la vie de ceux qui en abusent comme Ramesan
dans Haridwaril Manikal Muzhangunnu,
et
Prakashan dans
Kootam Thetti Meyyunnavar. Comment sortir d'une telle situation?
Tout le monde se pose la question 11s cherchent une solution qui ne
gene pas leurs inter& ou leur bien-etre personnel.
Finalement, ils decident
de confronter leurs problemes
ouvertement. 11s decident de se revolter. 11s remettent le monde en
question. Quelquefois, la revolte se manifeste sous plusieurs formes.
Ils portent soudain des cheveux longs. 11s deviennent des bohemiens
et ne donnent aucune importance aux opinions des aubes. Le refus
manifeste un savoir absolu du non-sem de la vie. Tous les problemes
que ces hornrnes affrontent les amenent soit a la revolte, soit au
suicide. Prealablement, ils se montrent cornrne des hommes inquiets.
Mais toutes les reactions n'aboutissent pas de la mCme maniere. Dans
Nritham, Mukundan raconte I'histoire triste et a la fois dr6le d'un
danseur indien, transplant6 de son petit village au Kerala en Europe,
plus prkiskment en France. Ma1 vCtu, maladroit et laid, il presente
une image attristante, attendant son patron a l'aeroport a Paris, une
figure timide, une malle en fer I la main et souliers en caoutchouc
aux pieds. Malgre son apparence, personne ne s'occupe de lui. Tout
le monde ne s'occupe que de soi-mCrne. Le theme de conscience
malheureuse s'inscrit dans ce roman. Balakrishnan est en quCte de
son identite. Il trouve son identite quand il commence h danser.
Finalement, la mort arrive comrne un soulagement. Vivre dans un
univers absurde est penible pour ces personnages. La punition la plus
terrible est le travail inutile et sans espoir oh l'on ne reussit rien.
Dans Le Mythe de Sisyphe, Camus reconnait le heros absurde : "Au
moment ou Sisyphe redescend une fois de plus vers la plaine, il lui
prete la revoke, la liberte et la passion. En prenant conscience de la
vanite de ses efforts sans espoir, Sisyphe se rend superieur 1 ce qui
l'ecrase. S'emparant de son propre destin, il fonde sa grandeur dans
la lutte et tire de cet univers sans maitre le seul bonheur qui soit
accessible h i'homme."
Dans son roman le plus connu, ~ ' k t r a n ~ e r ,
Camus raconte l'histoire de Meursault, un rnodeste employe de
bureau qui vit machinalement sa vie quotidienne dans une sorte de
r".
torpeur, une etrange indifference. D'oh le titre " ~ ' ~ t r a n ~ e I1
accomplit tous les actes indifferemment. I1 note d'ordinaire qu'on
a est egal." "11 represente
peut faire l'un ou l'autre et que " ~ lui
59. Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, Paris, 1957, p.48.
I'hornrne avant la prise de conscience de l'absurde. I1 se comporte
comrne si la vie n'avait pas de sens."* I1 va ?I, l'enterrement de sa
mere, tout i3 fait indifferent. I1 n'a aucune reaction durant la veillee
funPbre. Sans doute, il eprouve de la douleur, mais il est incapable de
mensonge et il ne veut pas faire une exhibition de ses emotions. Les
lecteurs ne sont pas sars si Mersault est accablke de douleur ou non,
cornrne il ne fait aucun effort pour manifester sa douleur. Par
malheur, a son insu, il devient meurtrier d'un h o m e qu'il ne connait
meme pas. Defer6 a la justice, Meursault qui n'a pas conscience d'@tre
un crirninel, devient un objet de scandale pour le procureur, pour les
juges et m@mepour son avocat. I1 leur apparaft
comme etrange
leur univers, parce qu'il ignore les valeurs conventionnelles qui
donnent un sens Ileur propre vie. Plutbt que le meurtre, le procureur
lui reproche d'avoir paru insensible a I'enterrement de sa mPre, puis,
de s'Ctre baigne et d'Ctre alle au cinema le lendemain. Tous ces
incidents sans lien sont interpretes comme la preuve qu'il n'a rien
60. Albert Camus, L ' ~ t r a n ~ eop.
r , cit. p. 102.
d'hurnain et n'est accessible A
aucun
des principes moraux qui
sauvegardent le coeur des h o m e s . Le procureur s'est redresse
encore, s'est drap6 dans sa robe,
"
"Oui,"s'est-il ecrie avec force,
"j'accuse cet h o m e d'avoir enterre une mere avec un coeur de
~rirninal."~IDe la mkme maniere, Prakashan dans Kootam Thetti
Meyyunnavar devient un objet de scandale de la societe parce qu'il
porte des cheveux longs que tout le monde detestait B cette epoque.
La Religion duns les romans de Mukundan
La religion joue un rBle primordial : dans le roman, Deivathinte
Vikrithikal, Madame Maggi va souvent a l'eglise. On a toujours
tendance a categoriser les f e m e s . Elles sont toujours depeintes
c o m e trPs religieuses. Le souci de moralit4 est manifeste en elles.
Quand la jeune fille d' Alphonse et Maggi devient enceinte, ils sont
perplexes et bouleverses de douleur. Finalement,
Yenormite de la
catasbophe cree la panique et Madame Maggi prend la decision
d'aller A Pondichery pour avorter le bebe. La femme est souvent la
plus dominante des deux, dans les romans de Mukundan. Dans ce
roman, c'est Madame Maggi qui prend les decisions impartantes
61. Albert Camus, ~ ' k t r a n ~ eop.
r , cit., p. 56.
dans la famille. On constate son cri de douleur qui est comrne une
explosion. On peut analyser cette explosion c o m e une lave, un
volcan qui s'est accumule pendant plusieurs amees. DecidCment, les
personnages se trouvent dans une cercle sans lurniere. 11s n'arrivent
pas li dissiper leur souffrance. L'homme et sa femme n'arrivent pas A
partager leur douleur. Les personnages dans les romans de
Mukundan, surtout les h o m e s , ne croient pas en Dieu, ou ils nient
I'existence de Dieu. Quant au heros de Camus, Meursault, le heros
de' Z'Etranger, il est agite de mille pensees dans la prison pendant les
dernieres heures de sa vie. Quand mCme, il ne se repentit pas et il
declare qu'il ne croit pas en Dieu et qu'il n'est pas sdr si Dieu existe.
"J'etais siir de moi, s b de tout, plus sdr que lui, sdr de ma vie et de
cette mort qui allait venir. Oui, je n'avais que cela. J'avais eu raison,
j'avais encore raison, j'avais toujours r a i s ~ n . " ~
C o m e Meursault, Ramesan, dans Haridwaril
Manikal
Muzhangunnu, savoure les plaisirs de la vie. Ramesan existe sans
aucun souci, passant sa vie dans une liaison amoureuse avec son
62. Albert Camus, ~'kt-ranger,op. cit., p. 183.
amante, errant ici et la. 11s eprouvent de delicieuses sensations
pendant plusieurs nuits de pCches. Mais soudain, un jour, sans
aucune raison, il devient las d'une telle existence et commence
se
questionner sur le but de son existence. La prise de conscience d'une
vie futile le perturbe. On trouve ici la similarit6 avec le roman de
Camus. A la fin du roman, ~ ' g t r a n g e de
r Camus, le heros se parle :
"J'avais vecu de telle facon et j'aurais pu vivre de telle autre. J'avais
fait ceci et je n'avais pas fait cela. Je n'avais pas fait telle chose alors
que j'avais fait cette autre. Et apres ? "e.
Mukundan fait souvent allusion a la solitude dans ses oeuvres.
Beaucoup de ses personnages sont affliges du coeur et ils sont
engloutis dans la solitude. 11s s'aperqoivent soudain un jour que
I'homme est seul, qu'il doit vivre seul et mourir seul. La prise de
conscience de cette verite les choque. Alors, le masque glisse et le
calme apparent disparait. 11s n'arrivent pas
a
partager cette
conscience malheureuse, Ctant des gens qui sont blesses
mort,
touchant le fond de desespoir. 11s embrassent la solitude, parfois, la
63. Albert Camus, ~ ' g t r a n ~ eop.
r , cit., p. 183.
mort. 11s sont tellement possedes par le besoin de se punir. Un
exemple
est
Monsieur
Gaston
de
Mayyazhi
Puzhayude
Theeranganlil. Persome dans le village ne le voit pendant plusieurs
mois. I1 s'est enferme dans une forteresse de silence. I1 n'a envie de
rencontrer personne. En effet, c'est un geste de desespoir : Caligula
est la piece de Camus qui met en
evidence la philosophie de
I'absurde. I1 pense que le monde n'a pas de sens et il trouve le monde
vrairnent insupportable. I1 hai't meme les dieux. I1 pense que les
dieux sont deraisomables, cruels et injustes. I1 prend conscience de
I'absurdite de la vie, rnais il met en relief le fait que seul l'hornme a
le pouvoir d'apporter des changements dans la vie. On peut
apercevoir cette idee egalement dans La Peste, roman de Camus, et
aussi dans L'homme Rivolti. Dans cette oeuvre, Camus nous invite a
rnediter sur la revolte qui dornine dans Le Mythe de Sisyphe,
accompagnant la prise de conscience de l'absurde et du neant des
valeurs dans un monde ou tout est permis. I1 n'est pas de punition
plus terrible que le travail inutile et sans espoir."M Sur ce point,
Carnus se separe des existentialistes. I1 y a une autre theorie qui
64. Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, op. cit., p. 41.
postule I'inutilitk de la r6volte. A quoi bon se revolter
lorsque
la
vie mCme n'a pas de permanence ? Ceux qui sont timides comrne
Balakrishnan, le danseur, dans le roman, Nritharn, n'ont pas le
courage de se revolter. 11s s'assujettissent a toute cruaute sans aucune
reaction. D'apres Carnus, c'est la revolte qui nous distingue les uns
des autres. I1 y a parfois une foule qui ne reagit pas contre l'injustice,
ne se revolte pas. Mais la seule personne qui se revolte attire
I'attention de tous ; parfois, c'est cette revoke qui nous enseigne la
valeur de I'existence. Quelquefois, la revolte est pour la vie, et pas
contre la vie, Ra~pelonsl'aumonier qui demande a Meursault dans la
prison : " "N'avez-vous donc aucun espoir et vivez-vous avec la
pensee que vous allez mourir tout entier ?
"
- Oui, ai-je repondu."s
L'homrne peut bien profiter de cette revolte.
I1 prend conscience d u malheur et de l'injustice et cette prise de
conscience se manifeste dans ses actions. I1 essaie de diminuer la
souffrance des autres. Chacun peut faire ce qui est en son pouvoir. On
peut essayer de supplier Dieu si c'est possible. On se rappelle des
65. Albert Camus, ~ ' f h a n g e rop.
, cit., p. 183.
saints comme Mere Therese qui a rnis en evidence l'importance de la
paix dans ce monde. Elle a enseigne au monde l'importance de la
solidarite. Elle incarne la parole de l'amour. Blesses, dequs, trahis
parfois d a m leur coeur, ils gardent le sourire dont leurs proches
ont
toujours besoin. 11s continuent a aimer, a consoler, a soulager
les peines, mettant leurs talents au service des autres.
Dans le malheur, peu a peu, les uns et les autres luttent contre
la souffrance humaine. Le Pere Paneloux dans La Peste de Camus
pense que la maladie est un chltiment envoye par Dieu pour inviter
les homrnes a se convertir et a se repentir. Au contraire, Tarrou est
l'intellectuel qui observe la comedie humaine avec indifference. I1
eprouve les sentiments de l'homme revolte. I1 decide d'Ctre volontaire
pour combattre le fleau parce qu'il aspire a devenir un saint. Afin de
trouver la paix interieure, le Pere Paneloux dit dans La Peste de
Camus : "I1 fallait admettre le scandale parce qu'il fallait choisir de
ha'fr Dieu ou de lfaimer."& Camus a trPs nettement utilise le
symbolisme ici. La maladie qui detruit le corps est symbolique d u
mensonge de l'orgueil, la haine et la tyrannie des homrnes. D'ou la
66. Albert Camus, La Peste, ~ d i t i o n sBordas, Paris, 1947, p. 34.
question "&re un homrne , est-ce moins difficile que d'ctre un
saint?"67
Nous trouvons dans les oeuvres de Mukundan le theme de
l'absurde, de l'ennui et de la solitude qui .sont, en fait, les idees
maitresses
des oeuvres de Camus. Le roman, Akashathinte
Chuvattil68, de Mukundan incarne l'existentialisme camusien lie I la
philosophie de l'Absurde. Dans ce roman, il peint un personnage,
Dinesan, qui est indiff6rent B sa propre vie. I1 ne semble accorder
aucune importance aux diverses formes. I1 s'achemine d a m la m@me
voie que celui des Existentialistes dans les oeuvres de Sartre et
Camus. Dinesan decouvre le non-sens dans la vie. I1 prend
une
morale rassurante et il essaie de construire sa propre vie. Son maitre
a frappe Dinesan, mais il reste etranger cornme Meursault dans
~'gtranger.
I1 represente l'homme avant la prise de conscience de l'Absurde.
11 se comporte c o m e si la vie n'avait pas de sens. La poursuite du
moi est dominante d m la plupart des romans de Mukundan. Dans le
67. Albert Camus, La Peste, op. cit., p. 34.
68. Aknslwtinte CChuz~attil=Sous I'ombre du ciel.
Conte, Agnan 69, le personnage Valiyedathu Sankarankutty repete la
question, "Qui est Valiyedathu Sankarankutty
?'I
aux gens de la rue,
du cafe et B tout le monde. Personne ne lui donne une reponse
rassurante. Finalement, c'est sa mPre qui lui explique qui est
Valiyedathu Sankarankutty et il semble Ctre satisfait de cette
explication. Dans le roman, Radha, Radha Matram, Radha, la jeune
fille, a oublie qui elle est. Elle ne se rappelle meme pas son nom.
Personne ne la reconnait, m@meses parents. Radha est completement
bouleversee. L'attitude de ses parents la choque. Radha remet en
question l'identitc? d'un individu toujours en relation reconnue par les
auhes. Au premier apport, c'est une situation assez absurde, presque
kafkafenne ; mais Radha ne lutte pas avec la situation, on constate
que la plus grande angoisse est le renversement d'une situation
familiere dans la vie de quelqu'un. Cornme
Mukundan n'a pas
devoile la cle de ce paradoxe, il y a plusieurs interpretations de cette
histoire.
69. Agnan = L'ignorant.
L'ecrivain possede une capacite seductive, qui fait &later le
mysticisme et le fantasme. La decouverte de soi est en effet le
veritable desir de la liberte sartrienne. Dam le conte, Gnan
70,
de
Mukundan, il y a un personnage qui est en quCte de "soi ". I1 regarde
le mur et il lui demande, " Qui suis-je ? " Tous ces personnages sont
en quete de leur stre , de leur identite. La decouverte de soi les
remplit de bonheur. Dans le roman, Prabhatham Muthal Pradosham
Vare, le heros est tout a fait confus et perplexe. I1 demande la mOme
question que les autres protagonistes de Mukundan : "Quel est mon
nom ? Nanu Nair ?
"
I1 a vraiment perdu son identite dans la foule
anonyme. Mukundan exploite la vie machinale de I'homme sans but.
Ces personnages eprouvent
l'etrangete
du
monde
autour
d'eux, I'hostilite primitive auquel ils se sentent tout A coup etrangers.
Mukundan nous eclaircit que l'absurde n'est ni dans l'hornrne, ni
dans le monde, mais dans la presence commune. L'homrne absurde
vit sans espoir et cherche un moyen de s'echapper d'une telle vie.
Enfin,c'est la certitude de la mort qui leur revele le non-sens de la vie.
70. Gnnn = Moi.
7l.cf. M. Mukundan, Prabhatharn Muthal Pradosham Vare, D.C.
Books, Kottayam, 1992. p.75
11s ont deux choix : soit le suicide, soit la prise de conscience des
doctrines situant hors de ce monde, les raisons et les esperances qui
donneraient un sens A la vie. Dans les romans, Akashathinte
Chuvattil et Ee Logam Adhiloru Manushyan, il depeint le desespoir
et le souci des personnages. Le desespoir s'annonce des le debut de
ces romans. Les personnages apparaissent comrne etrangers B leur
univers parce qu'ils ignorent les valeurs conventionnelles qui
donnent un sens a leur propre vie, Us vivent d a m une illusion de
liberte, mais vraiment, ils sont esclaves des habitudes ou des prquges
qui donnent h leur vie une semblance de but. La dkouverte de
l'absurdite leur permet de tout voir d'un regard neuf. C'est la liberte
de choix qui caracterise l'existence humaine. C'est la liberte qui
permet l'homme de creer son destin. La liberte dans les romans,
Akashathinte Chuvattil et Ee Logam Adhiloru Manushyan, est
etroitement liee avec la responsabilite de choix. Sartre lui-meme
remarque dans L a Nauske : "Je sentais que le succPs de l'entreprise
etait dans rnes m a i n ~ . " ~Les
2 personnages de ces romans dkouvrent
le principe de 1'Ch-eet le neant de Sartre. Dans le roman, Delhi,
72. J.P.Sartre, La Nausk, op. cit., p. 92.
Aravindan qui arrive B Delhi, dkcouvre cet &re. Au cours de son
existence B Delhi, il devient le neant. Selon Sartre, "L'homme est luimeme 1'Ctre et le nCant."73
Mukundan a habilement utilise les philosophies de Sartre et de
Camus pour rehausser ces romans. Mukundan affirme que les
personnages dans ces romans ne sont pas lui-meme. I1 dit qu'il ne
veut pas se projeter d a m ses oeuvres. Quand meme, les lecteurs
sentent que les personnages sont les reflets de la personnalite de
Mukundan. Quoique l'auteur nie que les personnages dans ses
romans sont les calques de lui-meme. Prakashan dans Kootam Thetti
Meyyunnavar semble
@tre le portrait de Mukundan lui-meme.
Prakashan dans le roman
portait des cheveux longs. Mukundan
aussi avait des cheveux longs a I'epoque. Laisser pousser les cheveux
longs etait considere comme un acte de revolte. L'esprit de revolte se
manifeste dans ce roman. Prakashan agit conbe la societe qui
s'attache 21 des notions banales. L'esprit de revolte joue un rBle majeur
73. J.P. Sartre, L'Etre et Le Nearrt, op. cit., p. 84.
d a m les oeuvres de Mukundan. A travers le personnage d'Appu
dans Ee Logam Adhiloru Manushyan, Mukundan essaie de
comprendre l'univers dans toute sa perplexite et complexite. I1 trouve
que I'homme commence a Ctre heureux, dPs qu'il prend conscience de
I'absurdite de la vie et des qu'il accepte la responsabilite de ses actes.
Selon l'auteur, l'homme est seulernent une goutte d'eau dans ce vaste
monde. Il doit rnettre en valeur son existence a travers les actes qui le
distinguent des autres. I1 vit pendant plusieurs annees, comrne
l'esclave des habitudes quotidiennes. La decouverte de I'absurdite da
la vie un jour le presente soudain tout comrne un homme neuf. I1
constate alors la verite que l'homme est sa propre fin et qu'il est sa
seule fin. C'etait I'idee primordiale de Carnus. Sans doute, Mukundan
a ete fascine par la philosophie de l'existentialisme de Sartre et l'idee
de I'ahsurditk dans I'oeuvre de Camus. Passionne par les idees et les
philosophies franqaises, Mukundan transrnet ces idees dans des
personnages locaux qui s'attachent aux coutumes et aux traditions du
Kerala. La connaissance de la litterature frangaise de Mukundan lui a
permis d'enrichir la litterature rnalayalame grdce 21 ses k r i t s en
s'appuyant ou ernpruntant les idees franqaises. On peut conclure que
les romans de Mukundan sont
crees sous I'influence de la
philosophie occidentale. Mukundan a l'honneur d'Ptre le premier
ecrivain existentialiste dans les romans malayalams.
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