Gilles Gros Le clou de girofle en médecine bucco-dentaire Préface du Docteur Xavier Riaud Le clou de girofle en médecine bucco-dentaire Médecine à travers les siècles Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud L’objectif de cette collection est de constituer « une histoire grand public » de la médecine ainsi que de ses acteurs plus ou moins connus, de l’Antiquité à nos jours. Si elle se veut un hommage à ceux qui ont contribué au progrès de l’humanité, elle ne néglige pas pour autant les zones d’ombre ou les dérives de la science médicale. C’est en ce sens que – conformément à ce que devrait être l’enseignement de l’histoire –, elle ambitionne une « vision globale » et non partielle ou partiale comme cela est trop souvent le cas. Dernières parutions Gilbert GUIRAUD, André Breton médecin malgré lui, 2012. Xavier RIAUD, Napoléon 1er et ses médecins, 2012. Henri LAMENDIN, Thomas W. Evans (1823-1897), le dentiste de Napoléon III, 2012. Xavier RIAUD, Les Dentistes américains dans la guerre de Sécession (1861-1865), 2012. Michel A. GERMAIN, L’épopée des gants chirurgicaux, 2012. Henri LAMENDIN, Carl von Linné, médecin précurseur de la pharmacie moderne (1707-1778), 2012. Xavier RIAUD, Chroniques odontologiques des rois de France et de la dynastie napoléonienne, 2011. Frédéric DUBRANA, Les boiteux. Mythes, génétique et chirurgie, 2011. Florie DURANTEAU, Les dents de l’Homme. De la préhistoire à l’ère moderne, 2011. Patrick POGNANT, La répression sexuelle par les psychiatres. 1850-1930. Corps coupables, 2011. Patrick POGNANT, Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing. 1886-1924. Une œuvre majeure dans l’histoire de la sexualité, 2011. André FABRE, Haschisch, chanvre et cannabis : l’éternel retour, 2011. Gilles Gros Le clou de girofle en médecine bucco-dentaire Préface du Docteur Xavier Riaud Du même auteur Contribution à une œuvre collective : Santé, Société, Humanité - Manuel de sciences humaines En médecine - PACES, sous la direction de Gilles Freyer, Collection « Sciences humaines en médecine », Ellipses (éd.), 2e édition, Paris, 2012. © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-00068-8 EAN : 9782343000688 A mes parents, A tout ceux qui me sont chers. « La connaissance peut relativement s’émanciper dans une vie humaine, mais ne saurait s’émanciper de la vie : on connaît pour vivre, puis, dès que la connaissance s’émancipe, on vit pour connaître. »1 Edgar Morin La méthode (tome 3) La connaissance de la connaissance « La médecine est philosophique et la philosophie est thérapeutique. Penser, panser… En pensant, l’homme se soigne » 2. Gilbert Hottois 1 Morin E., La méthode (tome 3) – La connaissance de la connaissance, Seuil (éd.), Paris, 1986, p. 204. 2 Hottois G., Essais de philosophie bioéthique et biopolitique, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1999, p. 9. Préface Le clou de girofle est un produit usité en art dentaire depuis l’Antiquité. J’ai eu le privilège d’en appliquer du pur dans la bouche de mes patients au cours d’une collaboration, pour les soulager de leurs maux. C’est donc une substance que je connais bien. D’ailleurs, son odeur caractéristique ne manque pas de faire réagir les gens : « Ah ! Cela sent le dentiste… » Aussi, lorsque le Dr Gilles Gros m’a proposé son manuscrit, aije été aussitôt interpellé. L’histoire de la médecine est généralement un monde figé et sclérosé, qu’on pourrait même qualifier de science « vieillotte », indiscutablement désargentée, donc non prioritaire, où des mêmes thèmes sont souvent abordés sans grande originalité. Ainsi, les études des protocoles chirurgicaux, des techniques opératoires ou de la pharmacopée médicale y sont-elles très récurrentes. Les grands médecins sont souvent racontés ou d’illustres inconnus ont la chance de voir, pour un temps, leur aura oubliée briller au firmament de la médecine, alors que, de leur vivant, ils n’ont jamais bouleversé le cours des événements, et encore moins celui de la médecine avec un grand M. L’anthropologie et la médecine légale sont aussi des sujets très fréquemment considérés. Si l’on cherche des circonstances atténuantes, il faut bien admettre, au sein d’une société comme celle d’histoire de la médecine, que ce sont toujours les mêmes acteurs qui s’expriment. Ailleurs, nombreux sont les nonmédecins qui s’attardent sur l’histoire de la médecine en étant dénués de compétences médicales, tombant malheureusement très vite dans des lieux communs. Aujourd’hui, j’ai la chance et l’honneur de préfacer un ouvrage dont le sujet pourrait sembler des plus banals, qui pourrait constituer un énième livre de phytothérapie bucco-dentaire, mais qui est pourtant marqué au fer rouge d’une originalité à 11 nulle autre pareille rendant cet opus palpitant. En effet, son auteur, diplômé en philosophie, passionné d’épistémologie, s’est appliqué à démontrer, dans un manuscrit ambitieux, non seulement l’importance du clou de girofle dans la pratique dentaire courante depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, mais aussi sa portée et sa dimension éthique, morale, et philosophique à travers les âges au service de notre profession de santé, sans omettre bien évidemment son action prépondérante dans la lutte contre la douleur. Très bien écrit, son argumentation est parfaitement étayée et tente de suivre les rouages d’une intrigue policière aux nœuds complexes que Gilles Gros dénoue les uns après les autres avec un brio certain. Il nous emmène de plus dans un périple initiatique à la rencontre du giroflier et du clou de girofle, remède dentaire contre la douleur antédiluvien. Il le fait avec une pertinence indéniable, agrémentée d’une réflexion riche, foisonnante et d’une grande valeur. Pour finir, je ne peux que saluer et féliciter l’auteur, et lui dire toute ma fierté d’avoir préfacé cet opus tout d’abord, mais aussi de le voir rejoindre les auteurs de la collection « Médecine à travers les siècles » que je dirige depuis 2006, et qui vient de franchir le cap des 35 livres publiés. Docteur Xavier Riaud Docteur en chirurgie dentaire Docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques Lauréat de l’Académie nationale de chirurgie dentaire Membre associé national de l’Académie nationale de chirurgie dentaire Membre libre de l’Académie nationale de chirurgie 12 Avant-propos En inscrivant ci-dessus, en exergue, cette citation de Gilbert Hottois, nous avons voulu rendre un hommage à l’un de nos maîtres et nous n’avons nullement eu l’intention de déformer sa pensée ou de la transgresser, d’autant plus que nous adhérons pleinement au message qu’il nous délivre ici. Néanmoins, étant donné l’objet de nos réflexions, nous ne retiendrons de cette citation que l’affirmation selon laquelle "la médecine est philosophique" et nos réflexions épistémologiques prouveront entre autres que la médecine dentaire est elle aussi "philosophique". Par contre, nous nous permettrons de détacher de leur contexte les mots "penser" et "panser" en détournant leur association de la destination idéelle recherchée par Gilbert Hottois. La pertinence de cette association nous a semblé si parfaitement appropriée pour résumer d’une part, une partie non négligeable de l’activité thérapeutique des chirurgiens-dentistes et, d’autre part, nos réflexions épistémologiques autour du clou de girofle, que nous n’avons pas pu nous empêcher de prendre cette liberté. En effet, panser est une activité fréquente en art dentaire et nous montrerons à quel point cette activité thérapeutique a été féconde pour le développement de la pensée dentaire. Nous soulignerons combien l’évolution et la compréhension des modes d’action des remèdes inclus dans les pansements, les progrès enregistrés en thérapeutique dentaire tout au long de l’histoire de l’art dentaire, doivent en retour à l’émancipation de la pensée dentaire. D’ailleurs, l’unité originelle de l’étymologie indo-européenne des deux mots, médecine et méditation3, indiquée par Gilbert Hottois, est là pour nous le rappeler. Nous avons pris le parti de choisir, parmi 3 Hottois G., Essais de philosophie bioéthique et biopolitique, op. cit., 1999, p. 9. 13 les pansements dentaires, ceux dans lesquels le clou de girofle ou ses dérivés entrent dans leur composition, pour deux raisons. D’abord, parce que le clou de girofle et ses dérivés figurent parmi les composants de ces pansements les mieux placés dans la hiérarchie des remèdes dentaires. Ensuite, parce qu’ils se caractérisent non seulement par la diversité des sites sur lesquels ils sont appliqués (dents, parodonte, muqueuses), mais aussi par celles de leurs indications. Enfin, faut-il le rappeler, c’est aussi parce que, malgré la profonde transformation de la médecine dentaire depuis les temps hippocratiques, les dérivés du clou de girofle ont été et sont encore actuellement inscrits dans la pharmacopée dentaire, preuve s’il en est qu’ils ont été et sont encore appréciés. Ainsi, au cours de l’histoire de l’art dentaire, le clou de girofle et ses dérivés ont été utilisés pour calmer les dents cariées douloureuses, les douleurs associées à l’éruption des dents et au parodontopathies, et ce, sous différentes formes : masticatoires, pansements, bains de bouche, dentifrices, etc. Dès l’Antiquité, le clou de girofle était utilisé à des fins de thérapeutique dentaire. L’eugénol, produit extrait du clou de girofle, figurait déjà depuis des siècles dans la pharmacopée ancestrale des Indiens qui l’utilisaient pour traiter non seulement les douleurs parodontales, mais aussi comme antibiotique et antiinflammatoire.4 Les idées primitives et les antiques intuitions des praticiens de l’Antiquité sont donc à l’origine des premiers succès du clou de girofle. Ensuite, à partir du clou de girofle, et grâce au développement de la science, les chirurgiens-dentistes ont utilisé les dérivés du clou de girofle et ont ainsi progressé dans la thérapeutique dentaire et dans la connaissance. C’est ainsi qu’au XXe siècle seulement, les principes germicides présents dans le clou de girofle seront isolés par Briggs, un chirurgien américain, et les chirurgiens-dentistes utiliseront l’eugénol dans les ciments d’obturation endocanalaire des dents dépulpées afin que les microbes ne pullulent pas dans les 4 Guénette S. A., Propriétés anesthésiques et analgésiques de l’eugénol chez la grenouille (xenopus laevis), le poisson (oncorhyncus mykiss) et le rat (rattus norvegicus), Faculté de médecine vétérinaire – Département de biomédecine vétérinaire, Thèse pour le grade de Philosophae doctor en sciences vétérinaires, Montréal, 2008, p. 165. 14 canaux radiculaires. Les antiques images liées au clou de girofle ont donc réellement eu, par la suite, une fonction heuristique. Il nous a donc paru pertinent d’examiner dans quelle mesure des remèdes, comme le clou de girofle et ses dérivés, peuvent revendiquer d’avoir participé à ce que Georges Canguilhem définit comme "l’éviction de l’inauthentique par l’authentique.5" Comme le précise Jean-François Braunstein, en citant Georges Canguilhem, « il n’existe pas de découvertes scientifiques qui ne soient aussi chargées d’un contenu non scientifique, contrairement à ce que veulent croire "les esprits incapables de chercher dans l’histoire des sciences le sentiment de possibilités théoriques différentes de celles que l’enseignement des seuls derniers résultats du savoir leur a rendu familières"6 ».7 C’est d’ailleurs, rappelle Jean-François Braunstein ce qu’expriment Fleck et Canguilhem « […] à l’aide de deux notions tout à fait analogues, celles d’"Urideen", d’"idées primitives" chez Fleck et celle d’"antiques images" ou d’"antiques intuitions" chez Canguilhem. »8 L’indigence de la thérapeutique dentaire face aux grands fléaux auxquels les chirurgiens-dentistes ont toujours été confrontés, c’est-à-dire l’infection et la douleur, les ont longtemps incités à se résigner à considérer l’extraction dentaire comme un remède inévitable. Mais la pratique chirurgicale était peu sûre, bien douloureuse et les gens du peuple avaient souvent recours à des remèdes comme le clou de girofle pour apaiser un tant soit peu leurs douleurs dentaires. Fidèles au second principe d’Hippocrate "nouson phyxis ictroi" (Epidémies, V, 5) dont proviendra l’adage latin "Natura medicatrix", les chirurgiensdentistes se sont souvent contentés de chercher dans les ressorts cachés de la nature les ressources de la guérison. Ils avaient donc pour objectifs d’aller dans le sens de la Nature, de ne pas 5 Canguilhem G., Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2000, p. 33. 6 Canguilhem G., "La théorie cellulaire", in La connaissance de la vie, Librairie J. Vrin, Paris, 2003, p. 101. 7 Braunstein J.-F., Deux philosophies de la médecine : Canguilhem et Fleck, p. 69, in A. Fagot-Largeault, C. Debru & M. Morange (sous la direction de), Philosophie et médecine. En hommage à Georges Canguilhem, 240p. 8 Ibid. 15 la contraindre, de l’écouter, de la connaître et de la respecter. Ce vaste programme va très tôt être assigné au clou de girofle puis à son essence, l’eugénol, puisque ce dernier a été censé résoudre la dyscrasie en rétablissant l’équilibre des humeurs durant trois siècles environ. Par-delà l’eugénol, nous savons que c’est l’art dentaire lui-même qui est considéré comme « susceptible d’aider la nature à retrouver un équilibre harmonieux dont la maladie, la lésion et la souffrance expriment la rupture. »9 A partir de l’histoire de l’utilisation du clou de girofle et de ses dérivés (l’eugénol, l’eugénate), par les chirurgiens-dentistes, il est possible de suivre une partie des conquêtes épistémologiques de l’art dentaire et de constater le transfert d’avancées significatives d’autres domaines dont il a bénéficié. Si le clou de girofle se présente à nous d’abord comme un témoignage historique, c’est parce qu’il matérialise les échanges entre les continents, les fructueuses importations, ainsi que les apports de la botanique à la connaissance en art dentaire. L’eugénol et le clou de girofle dont celui-là est extrait nous instruisent aussi sur le passage qui se dessine de la nature à la culture, en art dentaire. Le clou de girofle et ses dérivés nous renseignent enfin sur le "pourquoi" et le "comment" nous savons en art dentaire. En outre, les recherches dentaires gravitant autour du clou de girofle et ses dérivés ont facilité l’amorce de réponses à toute une série de questions : qu’est-ce que la maladie carieuse ou en quoi consiste-t-elle ? Peut-on encore distinguer, selon le critère de gravité, les affections dentaires qui nous frappent ? Ou encore, autre problème en sens inverse, posé par Canguilhem : "qu’est-ce qui caractérise la santé ? "10 Il est évident que ce dernier problème peut concerner la pulpe dentaire et à un niveau plus fondamental la vitalité de la pulpe, autrement dit le lien qui unit la vitalité de la pulpe à la mort qui la pénètre. Au niveau pulpaire, l’eugénol, de façon indirecte, permettra aux chirurgiens-dentistes de se rendre compte que la vie tient finalement le rôle de boussole dans la 9 Hottois G., Essais de philosophie bioéthique et biopolitique, op. cit., 1999, p. 9. 10 Dagognet F., Georges Canguilhem – Philosophe de la vie, Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance (éd.), Le Plessis-Robinson, 1997, p. 19. 16 poursuite de leurs recherches épistémologiques sur l’organe dentaire. En outre, ce remède facilitera l’appréhension des prémices annonciatrices d’une désintégration de la matière et il démontrera sa participation active à la préservation de cette vie. Alors seulement, les chirurgiens-dentistes prendront conscience de la nécessité d’orienter leurs théories thérapeutiques sur "le vital, à la base de la liberté." Ce faisant, ils s’intéresseront aux agressions chimiques liées aux surdosages en eugénol dans leurs eugénates ou provoquées par les débordements de pâte d’eugénol dans le périapex dentaire au cours des traitements endocanalaires. L’observation de ces effets a entraîné des enchaînements rationnels qui ont été salutaires à toutes les disciplines dentaires puisque, soucieux du maintien de la vitalité pulpaire, les chirurgiens-dentistes se sont beaucoup préoccupés des agressions chimiques et au-delà des agressions thermiques, mécaniques, et microbiennes. Pourtant, Georges Canguilhem réserve à la thérapeutique un statut inférieur ; il estime en effet qu’ « elle ne tient qu’un rôle restreint et ne sort pas des ornières de l’empirisme : tel remède, tout d’un coup, se met à guérir ; il a été trouvé par hasard ; frappé bientôt par la mode, le temps de sa prescription ne dure pas. Seuls quelques-uns subsistent. »11 Eh bien, le clou de girofle et l’eugénol font partie de ceux-ci ; ils trônent même parmi ceux qui sont restés durant des siècles auréolés de vertus et ce, même pendant les périodes moderne et contemporaine de l’art dentaire. Nous allons d’ailleurs nous évertuer à montrer que si la médecine dentaire a autant progressé dans la connaissance des mécanismes de la maladie et la mise au point des thérapies rationnelles, au cours de ces deux dernières périodes, le clou de girofle et ses dérivés (l’eugénol, l’eugénate, etc.), en tant que remèdes, n’y sont pas pour rien. Cependant, il faut bien reconnaître que cette thérapeutique, à base de clou de girofle, a un départ contingent et que c’est seulement par la suite que les sciences odontologiques 11 Dagognet F., Georges Canguilhem – Philosophe de la vie, op. cit., 1997, p. 182. 17 intègreront "l’apparemment fortuit".12 Henri Atlan a raison de préciser que, « […] le succès thérapeutique tout seul ne peut pas être la preuve de quoi que ce soit. »13 Justement, le pari de la médecine scientifique, « […] avec ses inconvénients mais aussi ses avantages, est que le savoir théorique sur lequel elle s’appuie est établi par ailleurs, en dehors de la thérapeutique, par les méthodes expérimentales de la biologie et de la physiopathologie, et non pas en sautant les étapes, par une efficacité thérapeutique directement observée sur des malades. »14 Comme l’écrit F. Dagognet, ceci oblige à « hyperrationaliser la pharmacodynamie et ne pas l’abandonner à l’empirisme. »15 Giroflier et clou de girofle (domaine public). 12 Dagognet F., Georges Canguilhem – Philosophe de la vie, op. cit., 1997, p. 184. 13 Atlan H., L’argument d’efficacité : médecine scientifique contre nostalgie scientifique-mystique, p. 93, in Khayat D., Vous avez dit santé ? Le bord de l’eau (éd.), Latresne, 2001, 120 p. 14 Ibid. 15 Dagognet F., Georges Canguilhem – Le philosophe de la vie, op.cit., 1997, p. 184. 18 Brève étude diachronique du "principe curatif" du clou de girofle par les Drs Gilles Gros et Xavier Riaud La première phase de l’histoire de la détermination du principe curatif des clous de girofle, bourgeons séchés d’un arbre tropical appelé giroflier ou Eugenia Caryophyllata, appartenant à la famille des Myrtacées, se situe pendant l’Antiquité. Ce sont d’abord les Chinois qui, dès le IIIe siècle avant J.-C., avaient remarqué quelques-uns des bienfaits du clou de girofle, en particulier son pouvoir biocide, puisqu’ils l’utilisaient pour aseptiser la nourriture. A la cour de la dynastie Han (206 avant J.-C. – 220 après J.-C.), les courtisans devaient se purifier l’haleine à l’aide de clous de girofle avant de rencontrer l’Empereur.16 Les clous de girofle sont importés à Alexandrie en 176 avant J.-C. et, dans la Grèce antique, Dioscoride les recommande pour leurs indications thérapeutiques. Curieusement, les propriétés médicinales du clou de girofle seront utilisées jusqu’au Moyen Âge pour la conservation des aliments et de la viande, en particulier. Les propriétés antiseptiques du clou de girofle sont donc ainsi déjà reconnues. Dès le XVe siècle, la culture du giroflier est entreprise sur l’archipel indonésien (les Moluques) et elle va être très réglementée afin de maintenir à un prix très élevé cette épice. Dans les années 1512-1513, les Portugais, après leur découverte de ces légendaires îles aux épices, vont en ramener le clou de girofle en même temps que les recettes réalisées à partir de lui, ce dont les thérapeutes européens vont bénéficier. Nicolas Monardes (vers 1493-1588) et Garcia da Orta (1501-1568) vont 16 Bozzola, Botanique et art dentaire à travers les âges, Université Henri Poincaré, UFR Odontologie, Thèse Doct. Chir. Dent., Nancy I, 2006, p. 100. 19