seules peuvent aujourd’hui assumer cette mission d’accueil, parce qu’elles possèdent les
structures nécessaires, mais aussi et cet ouvrage collectif le montre avec force et intelligence,
parce qu’elles sont détentrices d’un riche et important savoir-faire du travail
d’accompagnement éducatif au quotidien, élaboré et développé au fil des années
d’expérience. S’inscrivant dans la filiation et la transmission de la psychothérapie
institutionnelle, les auteurs de ce travail que j’ai coordonné nous en rappellent les fondements
et la nécessité éthique au vu des conséquences des mutations gestionnaires et managériales à
l’œuvre dans le lien social contemporain. Cet ouvrage, s’il ne fait pas l’impasse de la critique,
ne s’en contente pas et nous présente avec force une proposition finement ciselée, un regard
réflexif clinique et formateur sur ce qui fait la valeur de l’action socio-éducative, détaillant et
développant les fondamentaux qui la constituent et sur lesquels il s’agit de ne pas lâcher, de
tenir position comme on dit sur le champ d’action. (Selon Contini qui en fait la recension dans
VST). Les praticiens réunis pour l’écriture de ces chroniques nous proposent ainsi une vision
globale de la prise en charge éducative. Les difficultés actuelles du métier d’éducateur, de
cadre intermédiaire ou dirigeant, de psychologue sont patentes et pourraient s’avérer
déprimantes, nous mettant devant nos impuissances à lutter contre l’inexorable rouleau
compresseur du penser que sont les directives sclérosantes et la perte du sens de nos
pratiques…
A l’instar de JF Gomez qui a rédigé une post face constructive, il convient au contraire de
dénoncer « le poison du pessimisme », face auquel nous pouvons agir en menant, à l’instar de
Jacqueline de Romilly, des « projets du présent », un présent « rempli d’une stupeur
heureuse ». Ce livre tente de donner quelques pistes, quelques perspectives, quelques données
qui fondent une nécessaire résistance face à l’envahissement de la protocolisation qui
empêche de penser et du management hégémonique qui tue la clinique.
Il reste possible de trouver quelques repères, des outils et des possibilités de création de
solutions pour une pratique médico-sociale qui exige des professionnels de maintenir et de
mettre au travail en permanence la rencontre de l’autre, en tant que rencontre authentique qui
porte attention et offre un visage à des sujets en souffrance : attention aux corps qu’ils
habitent, prenant soin, pour ce faire, d’élaborer un cadre soutenant, contenant et incitant,
ouvrant véritablement sur la construction de lieux qui ne se contentent pas d’être des
établissements gestionnaires de populations problématiques mais bien au contraire des
institutions qui comme le rappelle Pierre Legendre permettent à proprement parler, d’instituer
la vie. La fonction éducative se déploie dès lors sur les deux versants « Moebiens » du
singulier et du collectif, (anneau de Moebius) instituer l’institution pour que celle-ci rendre
opérante la fonction humanisante de l’éducation possible, à savoir la prise en compte de
chaque sujet dans sa singularité pour qu’il ait accès à un place vivable et juste dans le
collectif. Ce travail de funambule, parfois vertigineux, ne peut se faire qu’en combattant le
« ça va de soi » qui éviterait aux professionnels et aux institutions de se questionner en tant
qu’ils sont des agents et des lieux de transmission qui portent cette fonction à même leur
corps. Répondre aux exigences de cette tâche c’est questionner et donner place à des aspects
et dimensions qui restent souvent dans l’ombre de la réflexion ou qui s’en épargnent le
travail : l’exclusion, la violence inhérente à toute forme d’institution dont il s’agit de