1 Débat d’orientations budgétaires 2017 de la CTM du 23/11/2016 Intervention de Michel Branchi, Président de la Commission des finances, de la programmation budgétaire et fiscalité Malgré la baisse des ressources, une politique volontariste face à la crise martiniquaise Introduction : La collectivité territoriale de Martinique a inscrit à sa plénière des 23 et 24 novembre le débat d’orientations budgétaires pour l’année 2017. Il s’agit pour la Collectivité de faire connaître ses orientations générales pour le prochain exercice et aussi les suivants. Ce n’est pas un pré-budget mais le document proposé informe quand même sur les choix envisagés pour l’année à venir. Le budget viendra probablement vers la mi-décembre 2016. Cependant la commission des financesréunie le 15 novembre 2016 a relevé avec satisfaction que le document de 107 pages présenté est d’une grande richesse et surtout il a été considérablement approfondi par rapport à celui des orientations budgétaires 2016 présenté le 25 avril 2016. 1) 2016, une année de transition et des efforts considérables Il rappelle d’abord que l’année 2016, première année d’existence de la CTM, a été « une année de transition » marquée par la mise en place et le démarrage de la Collectivité et cela au prix d’efforts considérables et dans un contexte exceptionnel de tensions créées par ceux qui ont été écartés par le suffrage universel le 15 décembre 2015. 2 Les comptes administratifs 2015 des deux anciennes collectivités ont été votés en mars 2016 avec un lourd déficit et un fort endettement (Dette globale : 578,8 M€ + emprunts TCSP garantis de 98,5 M€= 677,3 M€ ; Annuité de la dette (remboursement) : 58,6 M€), quoiqu’on en dise en Haut-lieu pour sauver le soldat Letchimy et le premier budget primitif a été voté le 26 mai. Nous relevons que le président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, n’apporte aucun élément probant sur le prétendu excédent du compte administratif 2015 de l’ex-Conseil régional élaboré par la Chambre régionale des comptes. Il soutient que le déficit découvert par la nouvelle mandature viendrait, je cite, de la « médiocre qualité du suivi des engagements pluriannuels de la collectivité au sein de l’ex conseil régional (…) ainsi que d’erreurs et d’omissions de rattachements de recettes et de dépenses à l’exercice ». Qui gérait l’ex-Conseil régional en 2015 ? En outre la Cour des comptesl justifie, contre toute légalité et contre la doctrine budgétaire, la requalification du solde déficitaire de 9,2 M€ du compte au 31 décembre 2015 en recette d’emprunt de 10,7 millions d’euros faisant apparaître ainsi un excédent là où il est constaté un déficit… De toutes façons, sous la présidence de Didier Migaud la Cour des comptes est sortie de son rôle de contrôle financier pour devenir un prescripteur de politiques à orientations ultra-libérales en matière de retraites, d’assurance maladie, de rémunérations de la fonction publique et de prétendue « surrémunérations » des fonctionnaires d’outre-mer, etc. En tous cas, la Collectivité s’est mise résolument au travail en garantissant le fonctionnement du service public et en s’efforçant d’ouvrir de nouvelles perspectives face à la crise que vit notre Martinique dans tous les domaines. En dépit de quelques signes de reprise et des actions de redressement engagées en 2016, ce débat intervient dans un contexte économique et social toujours très dégradé et une activité ralentie : 3 - Taux de chômage élevé (19,8 %) malgré la baisse du nombre de demandeurs d’emploi en raison de l’émigration massive des jeunes et du plan formation Hollande; 51120 demandeurs d'emplois de catégories A, B, C étaient recensés au 30 juillet 2016; - Déclin continu de la population encore attesté par les comptes économiques de 2015 ; - Poursuite du vieillissement accéléré ; - La croissance martiniquaise n’a été que de + 0,4 % en 2015 au moment où la nouvelle majorité est arrivée aux responsabilités. Les clignotants n’étaient pas au vert comme affirmé mensongèrement mais au rouge. Au 3ème trimestre 2016 cependant l’Iedom décèle un petit frémissement avec une hausse de l’indice du climat des affaires (opinion des chefs d’entreprises). Cette situation de marasme contribue à augmenter la population des publics vulnérables et fragiles et donc la demande d’aides sociales de toutes natures et freine la progression de la croissance économique et de l’emploi. 2) Baisse des recettes inédite en 2017 Dans le même temps, la Collectivité territoriale de Martinique devra faire face en 2017 à une baisse conséquente et inédite de ses recettes du fait de la politique d’austérité appliquée par l’Etat (« pacte de confiance et de responsabilité ») à l’instigation de l’Union européenne. Une politique de restrictions budgétaires approuvée et votée par les parlementaires se plaçant dans la majorité gouvernementale actuelle. En France, l’investissement public local a diminué en 2014 et 2015. Les concours de l’Etat ont diminué pour l’ensemble des collectivités 4 locales : moins 17,1 % pour les régions et moins 7,9 % pour les départements en 2015. L’endettement de ces collectivités a fortement augmenté en 2014 et 2015.Or l’évolution financière de la Collectivité territoriale de Martinique dépend largement des trajectoires financières es Régions et des Départements. En Martinique, en 2017 la CTM va subir une baisse de ses recettes : - baisse notable des recettes d’investissement : transition entre l’ancien et le nouveau Programme Opérationnel européen, notification tardive des programmes européens 2014-2020, programmes achevés non renouvelés en 2017 ; - baisse sérieuse des recettes non fiscales de fonctionnement : recul de la dotation générale de fonctionnement(DGF), principal concours financier de l’Etat, de l’ordre de 10 millions d’euros et d’autres ressources d’environ 30 millions d’euros correspondant à des projets et opérations non reconductibles. - Par ailleurs les recettes fiscales de fonctionnement seront en augmentation modérée, voire stagnantes du fait de la faiblesse de l’activité. Seuls les droits de mutation à titre onéreux (DTMO) et les taxes sur les carburants (OM, OMR et TSC) dépendent de décisions de la CTM. Il est proposé de ne pas majorer la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Le manque à gagner de la part de l’Etat sur les aides individuelles de solidarité (AIS) pour 2016 est de près de 53 millions d’euros sur un montant total d’aides de allouées d’environ 273 millions d’euros. Or au 30 juillet 2016 la Martinique comptait 39 500 personnes bénéficiaires du RSA (+ 8,5 % depuis 2011). Cela résulte de l’augmentation du chômage. La CTM devra impérativement prendre en compte cette situation pour équilibrer son budget en maitrisant ses dépenses de 5 fonctionnement et en envisageant de majorer sa fiscalité (droits de mutation, octroi de mer, taxe sur les carburants, etc). Le recours à l’emprunt est aussi prévu tout en continuant à s’efforcer de restructurer la dette comme cela a déjà été opéré en 2016 sur 97,8 M€ d’emprunts. Plusieurs des orientations identifiées en 2016 pour redonner à la CTM des marges de manœuvre devront être poursuivies et renforcées en 2017 : ce sont une optimisation de la stratégie d'achat, l'amélioration des modes d'intervention, la valorisation du patrimoine, l'optimisation financière, la montée en efficience de l'organisation. Dans le même temps, la CTM doit préparer l’avenir en menant une politique volontariste et déterminée de développement économique pour créer des emplois, pour stimuler les investissements, pour soutenir la jeunesse et les publics vulnérables, offrir des perspectives pour créer les conditions d’une inversion des tendances démographiques particulièrement négatives et dangereuses. Cette volonté s’est traduite en 2016 par la recherche de meilleures politiques publiques dans les différents secteurs, en concertation avec les acteurs du territoire. C’est la philosophie qui a présidé à l’organisation des Assises du sport, de la Conférence des acteurs économiques, de la Conférence avec l’AFD pour un nouveau modèle de développement économique, de la Grande Conférence du Tourisme, de la conférence de l’emploi, ou du lancement du schéma de l’autonomie, etc. C’est aussi cette démarche de concertation qui s’applique à l’élaboration en cours du Schéma territorial de développement économique et d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), déjà mentionné dans le cadre des orientations budgétaires de 2016. 6 3) Cinq orientations stratégiques Les orientations stratégiques de la CTM pour 2017 au service des populations sont les grands axes retenus pour 2016 enrichis : III- Gagner en performance pour réussir le pari du développement et de l'emploi Améliorer la compétitivité pour soutenir le développement économique. Nous y reviendrons. Ill. Favoriser le développement humain et notamment l'épanouissement de la jeunesse : Education, Enseignement supérieur, politique culturelle, politique sportive à partir des orientations dégagées des Assises du sport martiniquais, formation professionnelle et apprentissage. En 2017, notons que la CTM lancera la création de l'Ecole Martiniquaise de l'Enseignement des Arts (EMEA) : musique, danse, théâtre. Equipement structurant, cette école sera plus spécifiquement destinée à l'enseignement supérieur et à la professionnalisation. IV. Amorcer un changement de paradigme dans l'action sociale : la solidarité, la cohésion sociale et familiale, la prévention sanitaire doivent être liés au développement économique du pays. Le poids des dépenses sociales, loin de se réduire, demeure conséquent et impacte lourdement la capacité d'agir de la collectivité qui doit faire face à des mutations profondes .Il faut les rappeler : • le vieillissement de la population (en 2030, un martiniquais sur 4 sera âgé de plus de 60 ans), • la baisse de la natalité, 7 • un chômage endémique qui touche particulièrement les jeunes et les femmes. 51120 demandeurs d'emplois de catégories A, B, C étaient recensés au 30 juillet 2016; • 39 500 bénéficiaires du RSA à cette même date, soit une croissance de 8,50% depuis 2011 ; • une demande de logement forte, plus de 14 000 demandes non satisfaites selon l'observatoire de l'habitat, • une précarisation ancrée : 18% de la population bénéficie des minimas sociaux contre 6% au niveau de l'ensemble français. • la montée des dérives sociales. Les priorités d'action pour prévenir et réduire la fracture sociale et sanitaire peuvent se décliner en trois objectifs principaux: 1) créer un environnement favorable à l'inclusion des plus démunis en renforçant nos actions sur le plan éducatif et économique; 2) créer les conditions pour un développement harmonieux de l'enfance, de la jeunesse, hors de toute déviance, violences, marginalité, toxicomanie ... ; 3) renforcer le développement social et l'accompagnement des familles des personnes souffrant de handicap, de nos ainés, notamment les plus fragiles; Nous relevons qu’il est annoncé qu’un audit sera mené au cours de l'année 2017. Son objectif principal consistera à évaluer les performances de notre organisation actuelle, et surtout à élaborer, avec nos services, l'organisation, les procédures et le management de nature à aider la Collectivité, dans le respect des droits des agents, à mieux assurer ses missions à l'égard de la population. 8 En un mot, l'action sociale devra contribuer à une véritable refondation de la société martiniquaise. V. Augmenter l'attractivité du territoire : développement durable, l’énergie, aménagement du territoire et urbanisme, développement du numérique, prévention des risques majeurs. VI. Faire rayonner la Martinique dans le monde : approfondir nos liens avec la Caraïbe, préciser le cadre d’intervention avec les instances européennes, affirmer notre position à l’international. 4) Un soutien accru aux secteurs productifs pour amorcer le changement de modèle économique En particulier la Commission des Finances a relevé que le nouveau document d’orientations budgétaires 2017 met l’accent sur le soutien aux secteurs productifs : - - - Rénover les aides aux entreprises et mieux utiliser les satellites de la CTM (Martinique Initiative active et Martinique Développement) ; Ce rendez-vous de la croissance renforcée s'organisera pour la globalité des secteurs productifs (industrie, agriculture, tourisme, artisanat, pêche-aquaculture, numérique, énergies renouvelables, etc.) ; Faire de l’économie sociale et solidaire un nouveau moteur de l’activité en intervenant directement et indirectement ; Adopter de nouvelles orientations en agriculture et agrodéveloppement (foncier et irrigation, appui aux organismes de recherche, etc) pour améliorer la couverture des besoins alimentaires; Développer une politique intégrée autour de la Mer ; Une nouvelle ambition pour le tourisme par une mobilisation collective et en entraînant l’ensemble de l’économie. La Grande Conférence du Tourisme organisée par la CTM le 29 juin 9 - - 2016 a mis en évidence la mobilisation collective de l'ensemble des acteurs sur une ambition de nouvelle dynamique : le Tourisme reconnu comme priorité pour le développement de la Martinique. Avec plus de 250 participants, les travaux de la Grande Conférence du Tourisme préparés par 7 ateliers préfigurateurs, ont fait émerger 5 enjeux-dés : • la performance pour offrir des prestations de qualité qui séduisent et fidélisent, • l'accessibilité avec l'ouverture très large du ciel martiniquais à l'international, • l'attractivité avec une offre riche et multiple d'un tourisme pleinement authentique, durable et à forte identité, • la compétitivité pour faire face à la concurrence toujours plus large et plus aigüe et entraîner l’ensemble de l’économie, • la visibilité avec la mobilisation des outils de promotion pertinents et, en particulier, ceux du numérique. Nous voulons insister : Un tourisme qui prospère, c'est toute une économie qui se développe si les articulations sont bien construites entre ce tourisme et les autres secteurs. Toute la question de cette conférence s’est située là, à savoir dans l’intégration des filières de production et de services dans la dynamique des activités touristiques. Ce sont donc des emplois qui peuvent être aisément créés, y compris dans des métiers qui relèvent de la culture, des arts, des sports, des activités scientifiques, etc ... Alimenter la commande publique en modernisant les infrastructures routières: les opérations en cours (7) et les opérations nouvelles ( 15) sont énumérées au document ( p 34, 35, 36 et 37) ; de même sur les bâtiments gérés par la CTM (9 collèges, 6 lycées) : opérations à finaliser sur le bâti (7) et à 10 lancer (9). De plus une étude préalable sur la construction d’un viaduc pour la traversée de Fonds Lahaye est programmée - Mise en place de l’Autorité Organisatrice des Transports Unique : un élément majeur de l’année 2017. Martinique transport c’est un périmètre unique évalué à 144,3 millions d’euros pour 2017. . De même les études pour l’extension du TCSP seront menées en direction de Schoelcher, Trinité et Sainte-Luce. Etc. Conclusion : Avancer malgré tout Le débat d'orientations budgétaires pour l'exercice 2017 se tient certes dans un contexte marqué par une diminution des ressources financières accrue par rapport à l'exercice précédent. Cette situation découlant de la crise économique en France et en Europe et des politiques d’austérité adoptées à ces niveaux impose une rationalisation dans les choix qui seront opérés, une hiérarchisation des projets à mener et un aussi un effort collectif. Dans le même temps, la Martinique vit une situation sociale et économique préoccupante, dominée par un chômage structurel et une montée de la demande sociale. La Collectivité, par conséquent, ouvre des perspectives, afin à la fois d'amorcer une nouvelle dynamique de développement et de renforcer les politiques de solidarités. Les orientations budgétaires se veulent l'expression être du volontarisme de la Collectivité au service du pays. Michel Branchi