Or c’est bien à ces moments-là, notamment à l’adoles-
cence, lorsque les consommations commencent, que l’on
peut agir pour aider ces usagers jeunes à être plus res-
ponsables, plus maîtres de la
situation et de leurs usages. Et ce
ne sont évidement pas les hôpi-
taux qui vont faire ça. Nous avons
donc proposé que des moyens
nouveaux soient attribués à ce
type d’intervention sous forme de personnels formés
s’ajoutant aux équipes des Csapa pour impulser, jouer un
rôle de pivot dans la constitution de cette intervention
précoce, de cette combinaison un peu complexe entre dif-
férents types d’acteurs.
Les discussions ont été longues, mais on nous avait
laissé beaucoup d’espoir.
Troisième axe?
C’est celui de l’hébergement thérapeutique que nous
avons souhaité très clairement, dès le début, ouvrir au-
delà de la seule question des communautés thérapeu-
tiques. Pour être plus clair, il s’agit de soins résidentiels,
de soins dans un cadre qui est celui d’un hébergement
collectif. Et à ce titre-là aussi,
nous sommes en France extrême-
ment en retard. Il existe en tout et
pour tout 400 à 450 places dans
le dispositif toxicomanie et autour
de 800 dans celui de l’alcoolo-
gie… En Espagne par exemple, on
compte 6000 places pour une quarantaine de millions
d’habitants. Par rapport à nos 1200 ou 1 300 places,
c’est sept fois plus.
Quand on regarde le plan, on n’y trouve que la création de
trois nouvelles communautés thérapeutiques, ce qui était
prévu depuis des années… Sur l’hébergement thérapeu-
tique autre que ces communautés thérapeutiques, il n’y a
rien. Sur le plan crack, rien sinon la pérennisation du
centre d’Ego, mais celle-ci est prévue depuis un an et il
ne s’agit que de l’entériner.
Sur l’axe de l’intervention précoce, qui était fondamental
à nos yeux, rien. Pire, nous nous trouvons devant une
vraie supercherie: il y a dans le plan une somme de
3,8 millions d’euros sur cet axe qui nous a fait croire un
moment que nous étions suivis, or il s’agit en fait d’un
transfert de lignes: ce sont les 3,8 millions d’euros
consacrés aux consultations cannabis, lesquelles exis-
tent déjà depuis deux ans, qui ont été mis dans le plan
sous cette forme. Donc rien, les équipes sur le terrain
n’auront pas l’ombre d’un moyen nouveau.
Comment expliquer ce blocage?
Sur le fond, c’est inexplicable. Sur le processus, je com-
prends maintenant ce qui s’est passé. La responsabilité
en revient à la DGS, et en particulier au bureau des pra-
tiques addictives. Il n’a soutenu aucun des besoins que
nous avons fait remonter. Sur l’hébergement thérapeu-
tique, nous avons su qu’il a tenu devant le cabinet du
ministre un discours mettant en doute l’intérêt de cet
outil. Il ne nous en avait pourtant rien dit. Donc non seu-
lement il ne nous a pas suivis, mais il nous a même
contredits. Sur l’intervention précoce c’est la même
chose. Et quand une administration centrale qui détient
un tel pouvoir se met dans une posture aussi négative
vis-à-vis du terrain, des acteurs, des besoins, le résultat
est catastrophique.
Vous ne vous attendiez pas à un tel blocage?
On avait pas mal travaillé ces dernières années. La Mildt
était partie dans des directions qui répondaient surtout à
des commandes politiques, mais au moins il y avait des
objectifs. Sur le développement des consultations canna-
bis, par exemple, on a réussi à travailler ensemble. Il en
est sorti des choses intéressantes, avec des réponses pas
uniquement tournées vers l’abstinence mais vers l’ac-
compagnement et la gestion des consommations, ce qui
est assez nouveau.
Sur le plan des communautés thérapeutiques on était
très mal parti. C’était typiquement le genre de mesure
censée répondre à une commande politique qui était,
pour résumer,
“donnez-nous de l’abstinence parce qu’il y
a trop de substitution en France”
. En travaillant active-
ment avec des personnes au sein de la Mildt et même à
cette époque-là avec la DGS, nous avons pu infléchir le
projet. Le positionnement de ces communautés thérapeu-
tiques en tant qu’alternative à la substitution a été aban-
donné. C’est une autre voie qui a été retenue, avec ou
sans substitution.
On avait donc avancé sur un certain nombre de dossiers.
Mais la Mildt est aujourd’hui en grande difficulté, elle n’a
plus la main sur les dossiers, et la DGS a pris les choses
en mains d’une façon extrêmement négative.
Il faut maintenant espérer un déblocage au niveau politique.
La commission de suivi peut-elle faire évoluer le plan?
Nous avons bataillé pour l’avoir depuis la Conférence de
consensus sur les traitements de substitution. J’avais
demandé à l’époque que nous ayons un comité de suivi
des conclusions pour conserver la dynamique qui s’était
instituée. C’est mis en route aujourd’hui, deux ans et
demi plus tard, mais c’est devenu une énorme machine
puisque, entre titulaires et suppléants, elle doit compter
4
“La DGS – et en particulier
au bureau des pratiques
addictives – n’a soutenu
aucun des besoins que
nous avons fait remonter”
“Nous sommes en France
extrêmement faibles
sur la question capitale
de l’intervention précoce”