Alcool - PISTES

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Santé, réduction des risques et usages de drogues N o 45 Trimestriel / 2 €
Édito / 24
Microstructures
médicales
Plan addictions
: état des lieux / 12
Où est le social ? / 2
Prévention du
“Le volet médico-social du plan
“est une coquille vide” / 3
Alain Morel
Fumée
VHC
: questions de logiques / 14
RENCONTRES NATIONALES DE LA RDR
Les associations
de tabac,
se mobilisent / 16
fumée
risques
morbides / 6
de cannabis et
Egus
une
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namiqu
nouvelle dy
Alcool
/ 18
Des
1
“caramelos
de coca”
pour la prise en charge des cocaïnomanes ? / 20
Des États généraux bien confidentiels / 9
Multimédia
/ 22
Publications
/ 23
Brèves...
/ 23
2
Plan addictions
Où est le social ?
SANTÉ PUBLIQUE
Le plan présenté le 15 novembre par Xavier Bertrand, ministre de la santé, prévoit d’améliorer la prise en
charge et la prévention de toutes les addictions, celles liées aux produits (tabac, alcool, drogues illicites,
médicaments) mais aussi aux comportements comme le jeu. Swaps a interrogé Alain Morel, l’un des
experts chargés de sa conception, afin de déchiffrer son contenu.
Renforcer et coordonner les dispositifs existants et développer les ressources à toutes les étapes de la prise en
charge (prévention, dépistage, soins et accompagnement
médico-social) : adopté à la mi-novembre en conseil des
ministres, le plan 2007-2011 de “prise en charge et de
prévention des addictions” se veut une réponse globale à
un enjeu de santé publique majeur. Selon Xavier
Bertrand, 77 millions d’euros y seront consacrés chaque
année, soit un budget sur cinq ans de 385 millions.
Comme l’a précisé le ministre de la santé en conclusion
de son intervention, “ce plan participe de la politique de
réduction des risques pour les usagers de drogue que le
gouvernement mène depuis 2002, avec trois objectifs :
limiter le nombre de nouveaux usagers, les traiter et les
aider à renoncer à l’usage de drogue et enfin réduire les
conséquences graves liées à cet usage ”.
“Toutes les addictions sont à prendre en compte ”, qu’il
s’agisse des produits (tabac, alcool, drogues illicites,
médicaments) ou de comportements comme le jeu, a souligné M. Bertrand lors de l’installation de la Commission
nationale addictions.
Composée de professionnels de santé, et de représentants des institutions et des associations, cette commission, qui aura la charge d’évaluer la mise en œuvre des
mesures du plan et leur efficacité, s’est réunie pour la
première fois le 15 novembre, dans la foulée du conseil
des ministres. Elle doit rendre un premier rapport “avec
des propositions opérationnelles” d’ici trois mois.
Les six priorités du plan
Le plan 2007-2011 pour la prise en charge et la prévention des addictions définit six priorités et prévoit pour chacune d’entre elles
une série de mesures, dont voici les principales :
Mieux prendre en charge les addictions dans les établissements de santé.
Le plan prévoit la mise en place de consultations spécialisées et d’équipes de liaison en addictologie dans les hôpitaux dotés
d’un service d’urgence ; un service d’hospitalisation en addictologie pour 500 000 habitants ; un pôle d’addictologie dans chaque CHU ;
la création d’un tarif de séjour adapté aux procédures de sevrage complexe.
Mieux prendre en charge les addictions dans les centres médico-sociaux destinés aux personnes dépendantes.
L’objectif est de rapprocher les dispositifs spécialisés en créant des Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie
et de renforcer les structures existantes.
Articuler davantage l’offre de soins en ville avec les secteurs hospitalier et médico-social.
Un des objectifs est de mieux impliquer la médecine de ville dans la prise en charge des addictions.
Développer la prévention.
Le plan prévoit le développement en médecine de ville de la prévention de l’usage à risque de l’alcool ; le développement des actions
de prévention à destination des femmes enceintes ; le lancement d’une campagne d’information grand public ; la mise en place
d’un numéro de téléphone unique dédié aux addictions (0820 03 33 33) ; le renforcement du rôle des associations.
Renforcer la formation des professionnels.
Une filière d’enseignement en addictologie sera mise en place dans le cursus des études médicales et l’enseignement en addictologie
sera développé pour les professions paramédicales et les travailleurs sociaux.
Renforcer et coordonner davantage la recherche en addictologie.
Le plan inscrit l’addictologie comme priorité dans les programmes de recherche clinique ; introduit l’addictologie au sein du plan
de recherche sur le système nerveux central actuellement en préparation ; prévoit une évaluation de l’impact sur la santé des addictions
sans substances, comme le jeu.
priorité 1
priorité 2
priorité 3
priorité 4
priorité 5
priorité 6
3
ENTRETIEN
“Le volet médico-social du plan
“est une coquille vide”
Alain Morel
Swaps : Vous êtes un des cinq experts 1 sollicités par le
ministre de la santé pour rédiger un rapport sur lequel il
s’est basé pour établir le “plan addictions”. Que vous
inspire le résultat ?
Alain Morel : Nous sommes bien obligés de constater que
ce plan est très déséquilibré, avec une grande priorité
vers l’hôpital. Nous assistons à ce que nous cherchions à
éviter, c’est-à-dire une surmédicalisation du domaine.
Pour moi, le volet médico-social du plan n’est qu’une
coquille vide.
Comment expliquer cet état de fait ?
Il faut se rappeler qu’à l’origine de ce plan il y a la
deuxième phase du plan cancer annoncé en avril par le
Président de la République. Celui-ci partait du constat
que si on veut diminuer le nombre de cancers, il faut s’intéresser aux addictions. Et il s’agissait de la reconnaissance de l’addiction comme une maladie, et plus seulement comme un problème “de lois et de règlements”,
selon les propres termes de Jacques Chirac. Mais il
n’était fait référence qu’aux hôpitaux.
Nous avions accueilli avec une cer“Nous avons beaucoup taine satisfaction cette annonce
insisté pour que ce plan tout en faisant remarquer que le
ne se résume pas à un seul renforcement des ressources
plan de renforcement hospitalières ne permettrait pas de
des hôpitaux” diminuer l’impact des addictions
sur les cancers. En effet, ce n’est
pas en soignant ces addictions dans leurs complications
durant la phase de dépendance lourde qu’on sera le plus
efficace, mais bien plus en se tournant vers la prévention
primaire et secondaire…
Donc nous avons beaucoup insisté pour que ce plan ne se
résume pas à un plan de renforcement des hôpitaux. La
DGS et le cabinet du ministre de la santé nous ont donné
des assurances et nous avons fait une cinquantaine de
propositions qui, pour un certain nombre, concernent
trois pôles : les hôpitaux, le médico-social et le
1 Jean-Pierre Lépine, Alain Morel,
François Paille, Michel Reynaud, Alain Rigaud pôle “ville”. Pour les hôpitaux, les propositions
2 La notion de Csapa était déjà évoquée couvraient trois niveaux de réponses (voir
dans la loi de 2002 encadré proposition 1).
Quelles étaient vos propositions sur le plan médico-social ?
Sur le volet médico-social, nos propositions tiennent en
trois axes : le premier consiste à renforcer le maillage des
futurs Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). Il s’agit d’un statut d’établissement unique dans lequel se retrouveront les CCAA et
les CSST. Ça ne veut pas dire qu’ils vont tous faire la
même chose, mais ils auront le même statut et des missions identiques pour une bonne part. Nous avons proposé
un Csapa pour 100 000 habitants. Au-delà du chiffre, il
s’agissait d’offrir un minimum de services par territoire.
La mise en place des Csapa est donc acquise ?
C’est pour 2007 ; le décret est en cours de finalisation.
Mais il faut rappeler que ça aurait déjà dû être fait il y a
quatre ans 2.
Quels étaient les deux autres axes ?
Deuxième axe, très important à nos yeux, le développement de l’intervention précoce. Il s’agit des premières
interventions à réaliser, en particulier auprès des jeunes
consommateurs, et plus globalement auprès des
consommateurs récents. Cette intervention précoce
repose sur la combinaison d’actions à la fois de professionnels du soin mais surtout de professionnels inscrits
dans la communauté au plus près des populations
concernées. Dans les établissements scolaires par
exemple, les infirmières scolaires, les médecins scolaires
et les assistantes sociales sont en capacité de repérer,
d’écouter et éventuellement d’orienter vers de premières
interventions, qu’il s’agisse de consultations comme
celles pour le cannabis ou de permanences qui ne sont
pas forcément sous forme de consultation.
Bref il s’agit de rapprocher les services des populations
qui en ont besoin et de rendre suffisamment compétentes
les ressources communautaires pour pouvoir mener à
bien ces premières interventions. Nous sommes en France
extrêmement faibles sur cette question capitale de l’intervention précoce. Nous n’avons aucun service à part les
consultations cannabis, aucun développement rationnel,
pensé, organisé d’une telle stratégie.
1
4
Or c’est bien à ces moments-là, notamment à l’adolescence, lorsque les consommations commencent, que l’on
peut agir pour aider ces usagers jeunes à être plus responsables, plus maîtres de la
“Nous sommes en France situation et de leurs usages. Et ce
extrêmement faibles ne sont évidement pas les hôpisur la question capitale taux qui vont faire ça. Nous avons
de l’intervention précoce” donc proposé que des moyens
nouveaux soient attribués à ce
type d’intervention sous forme de personnels formés
s’ajoutant aux équipes des Csapa pour impulser, jouer un
rôle de pivot dans la constitution de cette intervention
précoce, de cette combinaison un peu complexe entre différents types d’acteurs.
Les discussions ont été longues, mais on nous avait
laissé beaucoup d’espoir.
Troisième axe ?
C’est celui de l’hébergement thérapeutique que nous
avons souhaité très clairement, dès le début, ouvrir audelà de la seule question des communautés thérapeutiques. Pour être plus clair, il s’agit de soins résidentiels,
de soins dans un cadre qui est celui d’un hébergement
collectif. Et à ce titre-là aussi,
“La DGS – et en particulier nous sommes en France extrêmeau bureau des pratiques ment en retard. Il existe en tout et
addictives – n’a soutenu pour tout 400 à 450 places dans
aucun des besoins que le dispositif toxicomanie et autour
nous avons fait remonter” de 800 dans celui de l’alcoologie… En Espagne par exemple, on
compte 6 000 places pour une quarantaine de millions
d’habitants. Par rapport à nos 1 200 ou 1 300 places,
c’est sept fois plus.
Quand on regarde le plan, on n’y trouve que la création de
trois nouvelles communautés thérapeutiques, ce qui était
prévu depuis des années… Sur l’hébergement thérapeutique autre que ces communautés thérapeutiques, il n’y a
rien. Sur le plan crack, rien sinon la pérennisation du
centre d’Ego, mais celle-ci est prévue depuis un an et il
ne s’agit que de l’entériner.
Sur l’axe de l’intervention précoce, qui était fondamental
à nos yeux, rien. Pire, nous nous trouvons devant une
vraie supercherie : il y a dans le plan une somme de
3,8 millions d’euros sur cet axe qui nous a fait croire un
moment que nous étions suivis, or il s’agit en fait d’un
transfert de lignes : ce sont les 3,8 millions d’euros
consacrés aux consultations cannabis, lesquelles existent déjà depuis deux ans, qui ont été mis dans le plan
sous cette forme. Donc rien, les équipes sur le terrain
n’auront pas l’ombre d’un moyen nouveau.
Comment expliquer ce blocage ?
Sur le fond, c’est inexplicable. Sur le processus, je comprends maintenant ce qui s’est passé. La responsabilité
en revient à la DGS, et en particulier au bureau des pratiques addictives. Il n’a soutenu aucun des besoins que
nous avons fait remonter. Sur l’hébergement thérapeutique, nous avons su qu’il a tenu devant le cabinet du
ministre un discours mettant en doute l’intérêt de cet
outil. Il ne nous en avait pourtant rien dit. Donc non seulement il ne nous a pas suivis, mais il nous a même
contredits. Sur l’intervention précoce c’est la même
chose. Et quand une administration centrale qui détient
un tel pouvoir se met dans une posture aussi négative
vis-à-vis du terrain, des acteurs, des besoins, le résultat
est catastrophique.
Vous ne vous attendiez pas à un tel blocage ?
On avait pas mal travaillé ces dernières années. La Mildt
était partie dans des directions qui répondaient surtout à
des commandes politiques, mais au moins il y avait des
objectifs. Sur le développement des consultations cannabis, par exemple, on a réussi à travailler ensemble. Il en
est sorti des choses intéressantes, avec des réponses pas
uniquement tournées vers l’abstinence mais vers l’accompagnement et la gestion des consommations, ce qui
est assez nouveau.
Sur le plan des communautés thérapeutiques on était
très mal parti. C’était typiquement le genre de mesure
censée répondre à une commande politique qui était,
pour résumer, “donnez-nous de l’abstinence parce qu’il y
a trop de substitution en France”. En travaillant activement avec des personnes au sein de la Mildt et même à
cette époque-là avec la DGS, nous avons pu infléchir le
projet. Le positionnement de ces communautés thérapeutiques en tant qu’alternative à la substitution a été abandonné. C’est une autre voie qui a été retenue, avec ou
sans substitution.
On avait donc avancé sur un certain nombre de dossiers.
Mais la Mildt est aujourd’hui en grande difficulté, elle n’a
plus la main sur les dossiers, et la DGS a pris les choses
en mains d’une façon extrêmement négative.
Il faut maintenant espérer un déblocage au niveau politique.
La commission de suivi peut-elle faire évoluer le plan ?
Nous avons bataillé pour l’avoir depuis la Conférence de
consensus sur les traitements de substitution. J’avais
demandé à l’époque que nous ayons un comité de suivi
des conclusions pour conserver la dynamique qui s’était
instituée. C’est mis en route aujourd’hui, deux ans et
demi plus tard, mais c’est devenu une énorme machine
puisque, entre titulaires et suppléants, elle doit compter
5
entre 80 et 100 personnes, avec des sous-commissions
dont on ne connaît pas encore les thèmes. C’est le type
même d’organisme qui peut très bien produire un semblant de concertation.
C’est une vision totalement déformée, qui ne permet pas
d’intervenir en particulier par rapport au moment clé où
s’amorcent progressivement des problèmes de consommation puis une éventuelle dépendance.
Quels sont les risques de la surmédicalisation que vous
évoquiez tout à l’heure ?
Minimiser, pour ne pas dire plus, la dimension non strictement médicale de la question, c’est rendre un très
mauvais service à l’ensemble de la politique publique en
matière d’addiction, un très mauvais service aux
acteurs, qui vont se retrouver de plus en plus en tension
avec l’hôpital.
Et puis c’est substituer une illusion dans l’opinion
publique à une autre.
L’illusion c’était jusqu’à présent que la loi allait permettre d’empêcher ou de réguler des consommations. La
réalité montre que ce n’est pas vrai. Aujourd’hui s’y substitue l’illusion que le médical va
“La commission de suivi est résoudre cette question de l’adle type même d’organisme diction. Mais c’est une idiotie :
qui peut très bien produire nous sommes tous des consomun semblant de concertation” mateurs de substances… et nous
savons bien que le plus souvent
ce n’est pas une maladie ! Nous savons bien aussi que la
dépendance n’est pas qu’un problème biologique. Bien
sûr il y a une composante biologique et médicale, mais ce
n’est qu’une composante. Vouloir surmédicaliser la question de la dépendance est une erreur. C’est retirer des
capacités d’intervention des personnes qui ont des problèmes dans leur consommation, les priver d’une responsabilité et d’une capacité d’intervention.
D’autres aspects du plan vous ont-ils déçu ?
Nous avions il y a quelques années un numéro commun,
le Datis, un accueil téléphonique pour l’ensemble des
problèmes d’addiction. La Mildt et le nouveau gouvernement avaient décidé il y a peu de le décomposer en
Drogue info service, Cannabis écoute, Alcool écoute… Et
là, ce n’était pas dans nos propositions, mais le ministre
a estimé qu’il fallait remettre en place un numéro unique.
Tout cela coûte de l’argent (1 million d’euros), et ça
épuise ceux qui travaillent dans ce genre de services.
Plus grave, la mesure 13 préconise la “mise en place des
médecins relais”. Il s’agit là de la connexion avec la loi de
prévention de la délinquance qui est en train d’être votée
par le Parlement. Des personnes formées, il y en a pourtant déjà dans beaucoup de départements. Ça s’appelle
les services d’injonction thérapeutique, ça existe depuis
longtemps. Là, on sort du chapeau des médecins – pourquoi des médecins et pas des psychologues ? – qui vont
être mandatés par la justice non seulement pour orienter
mais en plus pour contrôler la réalisation du programme
thérapeutique. C’est repartir là encore dans une nouvelle
illusion, celle de croire qu’on peut obliger les gens à se
soigner même s’ils n’y sont pas décidés. On pensait en
avoir fini avec ce genre de lunes.
Ceci non plus n’avait jamais été évoqué dans aucune discussion. Nous avons découvert ça en lisant le plan.
Pour autant, cette dimension médicale existe bel et bien…
On a en effet trop refusé cette dimension dans le passé.
C’est important d’être au fait des avancées de la neurobiologie et des médicaments sur ces questions. Mais ne
passons pas d’un extrême à l’autre. Il faut pouvoir intégrer ces éléments-là dans une vision vraiment globale,
c’est à dire à la fois psycholo“Plusieurs problèmes gique, sociale et biologique, mais
importants n’ont pas été aussi en termes de risques et de
résolus. Par exemple plaisir recherché. Nos comportela question des affections ments ne sont pas animés unilongue durée” quement par le goût du risque…
Et si on ne part pas de ces réalités
non pas biologiques mais humaines, des réalités de vie
tout court, si on ne part pas de là, on a une vision complètement inversée. On ne voit plus le problème qu’à travers
le prisme de pathologies qui existent mais qui sont minoritaires par rapport à l’ensemble des consommateurs.
Des sujets sont-ils “passés à la trappe” ?
Plusieurs problèmes importants n’ont en effet pas été
résolus. Par exemple la question des affections longue
durée (ALD). Ce que nous souhaitions, c’est que l’addiction lourde soit considérée comme une ALD. Prenons un
héroïnomane sous traitement de substitution, on sait très
bien qu’il en a pour longtemps avec son traitement et il
paraît donc logique que cela rentre dans le cadre de l’ALD
et donc des remboursements à 100 %.
On nous a dit que l’assurance maladie serait difficile à
convaincre et qu’il fallait passer d’abord par la Haute
autorité de santé pour obtenir un avis. C’est le type même
de problèmes pour lesquels nous avons besoin de
réponses rapides et qui sont remis aux calendes
grecques.
Je ne crois pas être trop sévère, mais je suis très déçu.
PROPOS RECUEILLIS PAR NESTOR HERVÉ
6
Fumée
de tabac,
fumée
risques
morbides
de cannabis et
SANTÉ
Les fumées du tabac et du cannabis sont des produits polluants agissant de façon directe pour provoquer
des maladies chez les fumeurs et ceux qui subissent la fumée, mais aussi de façon indirecte en favorisant
en particulier les infections. Éviter la fumée du tabac, c’est aussi diminuer le risque d’infection, ainsi que
le risque péri-opératoire.
Toute substance organique – qu’il s’agisse du tabac, du
bois, du cannabis, du charbon ou du pétrole – libère en
brûlant des produits et des gaz toxiques : monoxyde de
carbone, goudrons, fumées noires et près de 4 000 composés, dont de nombreux toxiques qui agissent sur l’organisme 1.
Certains toxiques, comme le monoxyde de carbone (CO),
sont d’autant plus présents que la combustion est
incomplète. Ainsi il y a matière à contravention au
contrôle antipollution dès lors qu’une voiture libère à
l’échappement plus de 3,5 % de CO par rapport au CO2.
La fumée de cigarette industrielle ne franchirait pas ce
contrôle car elle provoque une pollution de l’organisme
d’environ 1 partie par million (ppm) de CO par cigarette
fumée, ainsi un fumeur d’un paquet par jour aura un taux
de pollution d’environ 20 ppm au dessus de la pollution
de base (qui est voisine de 3 ppm) soit 23 ppm alors que
l’air des quartiers les plus pollués des villes a en général
une concentration de CO de 4 ou 5 ppm. Selon la loi française, au dessus de 8,5 ppm il y a alerte à la pollution au
CO.
Les cigarettes roulées à la main et le cannabis mélangé
au tabac ou fumé sous forme de feuilles pures libèrent
encore davantage de CO, car la combustion est moins
bonne dans une cigarette roulée. La façon de fumer la
plus polluante en CO est d’utiliser la chicha (narguilé).
En effet, la quantité globale de fumée inhalée après 45
1 Surgeon general CDC/DHHS minutes de chicha est en moyenne 100 fois
“The health consequences of involuntary supérieure à la quantité inhalée avec une cigaexposure to tobacco smoke”
A report of the surgeon general department rette, ce qui conduit à des intoxications à
of health and human services 2006 l’oxyde de carbone qui peuvent dépasser par2 Institut national de la consommation fois les 80 ppm.
Effets toxiques du monoxyde
de carbone
Cette pollution de l’air au CO est également importante
dans les pièces ou séjournent les fumeurs et constitue un
élément important de ce que l’on appelle le tabagisme
passif. Si dans une pièce où ne sont fumées qu’une ou
deux cigarettes, la concentration de CO reste parfois en
dessous du niveau d’alerte à la pollution dans l’air des
villes, dans les bars et boîtes de nuit, la pollution est souvent considérable. Ainsi une étude réalisée par l’INC 2 et
60 millions de consommateurs dans les dix principales
boîtes de nuit de Paris relève un seul taux inférieur au
niveau d’alerte à la pollution ; dans certaines boîtes de
nuit en revanche, le taux de pollution y est quinze fois
supérieur. À ces taux, l’OMS recommande l’évacuation du
local dans les 15 minutes afin de préserver la santé !
Le monoxyde de carbone se fixe sur l’hémoglobine du
sang à la place de l’oxygène, diminuant ainsi le transport
de l’oxygène, il se fixe également sur la myoglobine des
muscles périphériques et du myocarde. Il existe un lien
direct entre le risque de mort subite ou d’infarctus du
myocarde et le degré de l’exposition au CO aussi bien
chez le fumeur que chez le non fumeur soumis au tabagisme passif.
L’effet toxique du CO est important également chez le
fœtus porté par une mère fumeuse ou simplement exposé
à la fumée du tabac. Le fœtus, qui reçoit déjà normalement un sang appauvri en oxygène, voit le transport
d’oxygène encore diminuer du fait de la présence du CO.
Ces faits expliquent que l’exposition à la fumée du tabac
(ou du cannabis) soit la première cause d’hypotrophie
fœtale dans les pays où ne règne pas la dénutrition. Les
7
effets toxiques sont particulièrement importants durant
les deuxième et troisième trimestres de la grossesse,
alors qu’un arrêt lors du premier trimestre permet de
réduire considérablement le risque pour l’enfant à naître.
L’importance de la température
de combustion
La fumée du cannabis et des différentes formes de tabac
– cigarettes industrielles, cigarettes roulées, cigares,
cigarillos, chicha (narguilé), beedies… – partagent les
mêmes substances cancérogènes. La concentration des
différents cancérogènes dépend plus de l’activation du
foyer par l’inspiration et de la température de combustion
que du produit brûlé. Ainsi la quantité de benzopyrène qui
s’échappe dans le courant principal d’une cigarette que
le fumeur fume selon la norme ISO 3308 utilisée pour réaliser les tests sur les produits du tabac commercialisés
en France est 10 fois moindre que celle qui s’échappe du
courant latéral d’une cigarette que l’on laisse se consumer lentement dans un cendrier sans la fumer.
Le tabac à rouler et le cannabis mélangés sous forme de
résine ou de feuilles de tabac ou fumé en feuilles sans
tabac libèrent environ 6 fois plus de goudrons qu’une cigarette industrielle. Les données sur la chicha sont encore
insuffisantes, mais on a vérifié que l’eau de bullage n’arrêtait pas les goudrons, et comme le volume de fumée inhalée
est considérable, il est attendu que les concentrations en
goudron soient très élevées. Ainsi les fumeurs et les personnes qui vivent ou travaillent au contact de fumeurs sont
exposés à des produits cancérogènes dont le benzopyrène.
La fumée du tabac contient des microparti3 Trosini-Desert V, Germaud P, Dautzenberg B
cules de carbone et de très nombreux produits
“Tabagisme et risque d’infection bactérienne”
Rev Mal Respir, 2004, 21, 539-47 toxiques qui vont exercer leurs effets sur les
voies respiratoires, y créant une inflammation et une prolifération cellulaire propice au développement de
tumeurs, puis certains de ces produits vont passer dans
le sang pour finalement exercer leurs effets sur tous les
organes.
Le risque d’infection et le risque opératoire sont deux de
ces effets particulièrement importants chez les malades
chroniques et les malades immunodéprimés. Moins
connus que les effets cancérogènes, cardio-vasculaires
ou respiratoires du tabac, ils méritent d’être soulignés.
Risques infectieux liés
à l’inhalation de fumée
Les preuves se sont accumulées pour démontrer que la
fumée du tabac est un facteur de risque majeur de survenue d’infection bactérienne 3. Le tabagisme actif, en l’absence de toute bronchopneumopathie chronique obstructive, est responsable chez l’adulte d’une augmentation
significative du risque relatif (RR) de pneumonie en général (RR=2,97; IC95% 1,52-5,81), de pneumonie à pneumocoque (RR=2,50; IC95% 1,50-5,10) et de légionellose
(RR=3,75; IC95% 2,17-6,17). L’excès de risque de tuberculose est aussi élevé (RR=2,60; IC95% 2,20-3,20).
Le tabagisme passif est responsable d’une augmentation
du risque d’infections saisonnières du jeune enfant
(RR = 1,7 ; IC95 % 1,55-1,91) et d’otites récidivantes
(RR = 1,48 ; IC95 % 1,08-2,04). Chez l’adulte, le tabagisme passif est aussi responsable d’un excès de pneumonies (RR = 2,5 ; IC95 % 1,2-5,1).
Bien qu’imparfaitement connus, des mécanismes plausibles expliquent ce risque : augmentation de l’adhésion
bactérienne, diminution de clairance, modification de la
réponse immunitaire.
1
Le tabac sous toutes ses formes aussi à risque pour le cœur
Fumer peut tripler le risque de crise cardiaque et l’exposition au tabac sous toutes ses formes (cigarettes, pipes, cigares, beedies, chicha, tabac à mâcher, tabagisme passif) est mauvaise pour le cœur, selon une étude publiée récemment dans le Lancet 1. Les fumeurs
ont un risque d’infarctus du myocarde multiplié par trois par rapport aux personnes n’ayant jamais fumé, ce surcroît de risque diminuant après l’arrêt du tabac, selon l’étude “Interheart” portant sur plus de 27 000 personnes de 52 pays.
Le risque d’infarctus dépend du nombre de cigarettes fumées quotidiennement : il augmente de 63 % pour les personnes fumant actuellement moins de dix cigarettes par jour, il est multiplié par 2,6 pour celles consommant de 10 à 19 cigarettes quotidiennes, et par 4,6
pour 20 cigarettes et plus.
L’exposition à la fumée des autres (tabagisme passif) accroît le risque de crise cardiaque à la fois chez les fumeurs et les non-fumeurs :
il augmente de 62 % pour les personnes exposées au tabagisme passif plus de 21 heures par semaine.
1 “Tobacco use and risk of myocardial Fumer des “beedies”, les petites cigarettes indiennes contenant du tabac roulé dans une feuille de tendu, un
infarction in 52 countries in the INTERHEART arbre de la famille de l’eucalyptus, entraîne une augmentation du risque d’infarctus similaire à celui des cigastudy : a case-control study”
Koon K. Teo et al. rettes courantes. Consommer du tabac à mâcher ou utiliser le narguilé (chicha) double le risque d’infarctus.
The Lancet, 2006, 368, 647-658
“Toutes les formes d’usage ou d’exposition au tabac sont nocives”, résume le Pr Koon Teo. – AFP
8
L’exposition à la fumée du tabac double globalement le
risque d’infection. Ces pathologies entraînent des coûts
élevés de santé. Les épisodes infectieux doivent être
autant d’occasions d’interroger les fumeurs sur leur
tabagisme et de les conduire vers l’arrêt. Le risque est
bien démontré pour la fumée du tabac, mais du fait des
mécanismes physiopathologiques impliqués, il est hautement probable que ces effets soient communs à tous
les produits fumés, qu’il s’agisse de tabac pur, de tabac
mélangé à de la mélasse comme dans le narguilé, à du
bétel comme dans les bidis, à de la résine de cannabis
comme dans les joints ou à des feuilles de cannabis. Il
existe en outre des risques infectieux spécifiques avec le
narguilé, dont l’embout circule de bouche en bouche.
Bénéfice de l’arrêt du tabac
en péri-opératoire
Huit millions de fumeurs sont opérés en France chaque
année. Or le risque du tabagisme 4 reste trop méconnu
des professionnels de santé et des patients, alors que les
bénéfices d’une bonne information et d’une aide à l’arrêt
sont importants, comme l’a souligné une récente conférence d’experts :
Le tabagisme est responsable d’un doublement du risque
d’être transféré en unité de réanimation (RR de 2,02 à
2,86 selon les études), d’un doublement ou d’un triplement du risque infectieux (RR de 2 à 3,5 selon
4 Dureuil B, Dautzenberg B, Masquelet AC
les études), d’un triplement du risque d’acci“Tabagisme péri-opératoire”
Presse Med, 2006, 35, 1009-15 dent coronaire.
L’ensemble des complications du site opératoire s’élèvent
à 31 % chez les fumeurs comparés à 5 % chez les non
fumeurs dans une première étude, à 48 % vs 15 % pour la
deuxième et à 39 % vs 25 % pour la troisième, en fonction
du type de chirurgie.
Les effets délétères sont particulièrement importants au
niveau du site opératoire, où l’on note une multiplication
des différents risques dans toutes les études.
Deux jours d’hospitalisation
en plus
Le tabagisme augmente de deux jours la durée moyenne
du séjour hospitalier en chirurgie, dans les trois études
disponibles. Même s’il est plausible de penser que ces
augmentations de durées de séjour et des taux de complications opératoires augmentent les coûts hospitaliers,
aucune analyse médico-économique n’a été conduite à ce
jour pour le confirmer.
L’arrêt du tabagisme 6-8 semaines avant l’intervention
permet de réduire la durée moyenne de séjour en chirurgie
(de 2 ou 3 jours) et le risque de passage en unité de
réanimation après l’intervention. L’arrêt du tabac plus de
6-8 semaines avant l’intervention et dans la période
postopératoire jusqu’à la cicatrisation est associé à une
disparition de l’excès de risque lié au tabagisme, qui est
ramené à celui du non-fumeur dans les études disponibles. Les bénéfices d’un arrêt plus proche de l’intervention ou d’une simple réduction du tabagisme existent
mais sont moins bien documentés.
BERTRAND DAUTZENBERG,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
MARIE-DOMINIQUE DAUTZENBERG
hôpital Necker-Enfants malades
Des mesures pour ceux qui veulent arrêter de fumer
Remboursement partiel des substituts nicotiniques, augmentation du nombre de consultations en tabacologie, renforcement des fonds alloués aux associations : le ministre de la santé a annoncé la mise en place de mesures d’aide à l’arrêt du
tabac jeudi 16 novembre, jour de la publication au Journal Officiel du décret d’interdiction de fumer dans les lieux publics
à dater du 1er février 2007.
“Un bon de 50 euros (renouvelable une fois par an) sera remis à toute personne en faisant le demande auprès des caisses
d’assurance-maladie”, a affirmé Xavier Bertrand. Ce bon, qui devra obligatoirement être validé par un médecin, ne couvrira toutefois qu’une partie de la somme nécessaire au premier mois de substitution. “Nous travaillons actuellement avec
les mutuelles pour compléter cette prise en charge”, a indiqué Xavier Bertrand. En attendant, et pour accompagner ce
sevrage, le ministre s’est engagé à ce que le nombre de consultations en tabacologie soit multiplié par deux, leur nombre
passant de 500 à 1 000.
Les modalités d’application du décret précisent qu’à compter du 1er février, il sera interdit de fumer dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public ou qui constituent des lieux de travail, dans l’ensemble des transports en commun
et dans toute l’enceinte des établissements scolaires. Les bureaux individuels sont également concernés par cette interdiction. Pour les débits de boissons, tout comme pour les hôtels, les restaurants, les débits de tabac, les casinos, les
cercles de jeux et les discothèques, l’interdiction entrera en vigueur le 1er janvier 2008.
9
ACTUALITÉ
Alcool
Des États généraux bien confidentiels
Conçus pour permettre une prise de parole des acteurs et un engagement citoyen, les États généraux régionaux de
l’alcool n’ont pu, faute de soutien politique et de médiatisation, dépasser l’exposé de difficultés et de besoins
diagnostiqués de longue date. Le rendez-vous national du 5 décembre (lire p.11) a-t-il réussi à inverser la tendance?
À la demande du Parlement, le gouvernement a réfléchi
au cours de l’année 2006 sur l’opportunité d’organiser
des états généraux de la lutte contre l’alcoolisme. Experts
et acteurs des secteurs impliqués (producteurs, consommateurs, distributeurs, malades…) ont été entendus par
un comité de pilotage qui a étudié les aspects économiques, sociaux, culturels, sanitaires et sociétaux de la
consommation d’alcool en France.
Le rapport du comité de pilotage
Le rapport issu de ces travaux indique que la consommation d’alcool diminue régulièrement en France depuis 40
ans, passant de 26,1 litres d’alcool pur par habitant de 15
ans et plus par an en 1961 à 13,2 litres en 2003. Les modes
de consommation évoluent : diminution de la consommation de vin de table et augmentation de la consommation
d’alcools forts. Cependant, la consommation moyenne d’alcool par habitant reste élevée et la France se situe au
sixième rang mondial. Ainsi, seuls 5% des Français déclarent n’avoir jamais bu, 28 % consomment régulièrement,
17 % tous les jours et 13 % des hommes et 4 % des
femmes âgés de 12 à 75 ans peuvent être considérés
comme consommateurs à risque de dépendance.
L’alcool constitue la deuxième cause de mortalité évitable
en France, et le nombre de décès attribuables à l’alcool
est estimé à 45 000. Cancers, troubles mentaux et neurologiques, accidents cardiovasculaires, affections digestives et respiratoires sont attribuables à la consommation
d’alcool. À cela s’ajoutent les accidents de la circulation,
les accidents du travail, les violences et les handicaps
mentaux non génétiques de l’enfant suite à la consommation d’alcool de la mère au cours de sa grossesse.
Si les Français sont bien informés des risques liés à une
consommation excessive d’alcool, les représentations
positives liées au produit restent dominantes. La consommation d’alcool est encore largement associée à des
moments de convivialité et de fête en famille ou entre
amis, de plaisir avec des alcools de luxe. L’alcool fait partie intégrante de la culture culinaire et festive. Il accompagne tout événement social et familial. Dès lors, ce n’est
pas la consommation habituelle qui est remise en cause,
seules sont dénoncées les conséquences d’une consommation excessive. De ce fait, on peut penser que l’alcool,
dans la plupart de ces formes, est perçu comme un produit de consommation banal et non comme un produit
psychotrope.
Un chiffre d’affaires
de 13 milliards d’euros
Par ailleurs, l’alcool est une composante incontournable
du paysage économique français. Près de 420 000 personnes travaillent directement pour le secteur des boissons alcoolisées. En 2003, le nombre de débits de boisson s’élevait à environ 540 000 établissements. Le
marché total des boissons alcoolisées représente un
chiffre d’affaire de 13 milliards d’euros, soit près de 9 %
des dépenses des ménages dans le poste alimentation.
Depuis quelques années, le concept de conduites addictives tend à valoriser une approche unifiée des conduites
de consommation de substances psychoactives. Cette
approche globale des drogues et des dépendances s’est
fondée sur un consensus médico-scientifique qui ne tient
pas compte du statut légal des produits et s’intéresse
aux comportements addictifs et à leurs conséquences. Le
1
10
dispositif de prévention et d’accès aux soins a commencé
à se structurer en s’appuyant sur une compétence et des
outils d’intervention qui intègrent la diversité des usages
et des prises de risques.
Cependant, concernant la consommation excessive d’alcool, il existe une importante asymétrie des moyens entre,
d’une part des stratégies d’acteurs de santé insuffisantes, de faibles relais médiatiques et, d’autre part, des
intérêts économiques puissants. Les chiffres sont éloquents : 54 millions d’euros ont été engagés en 2001 pour
les soins et la prévention de la consommation excessive
d’alcool ; 17,3 milliards d’euros constituaient le chiffre
d’affaire hors taxes de la production de boissons alcoolisées cette même année.
La pauvreté des stratégies sanitaires dans le domaine
amène à la situation suivante : des médecins généralistes
peu impliqués par manque de formation et de temps, par
difficultés d’orientation liées à une insuffisance de services et de modes de prises en charge spécialisés ; des
spécialistes débordés et insuffisamment soutenus tant
financièrement que par la recherche médicale ou sociale
qui est anecdotique ; des associations spécialisées démobilisées et peu organisées dont l’expression publique et la
visibilité sont particulièrement limitées ; des malades
stigmatisés opposés aux gens “normaux”.
Des états généraux ? où ça ?
Au regard de ces constats, la tenue d’états généraux semblait être une aubaine pour une prise de parole des acteurs
et un engagement citoyen comparable à ceux de la lutte
contre le sida ou le tabac ; à une mobilisation des partenaires sociaux, associatifs et professionnels sanitaires ;
voire à l’ouverture d’un dialogue entre acteurs économiques et consommateurs. Six thèmes de réflexion et
d’échange ont été proposés: alcool et modes de vie; alcool,
travail, emploi ; alcool et situations à risque ; alcool et
publics sensibles; alcool et inégalités; alcool et violence.
Malheureusement, l’information a été fort peu relayée par
les médias (télé, radio, journaux) et la tenue de 26 forums
régionaux, en octobre et novembre, suivis d’une restitution le 5 décembre, n’a pas fait grand bruit.
Dans chaque région, la direction régionale des affaires
sanitaires et sociales avait été missionnée pour organiser
une réunion ouverte au public. À cette fin, un comité de pilotage était chargé de choisir les thèmes du débat, et un
panel de citoyens représentatif de la population française
devait, au cours de la réunion, interroger les experts, puis se
forger une opinion et émettre un avis citoyen. Parallèlement,
des forums en ligne sur les différents thèmes permettaient
aux internautes de s’exprimer sur ces thèmes.
Le soir du forum régional d’Île-de-France venu, un auditoire de 300-350 personnes faisait face à 6 experts et 5
citoyens-jury pour débattre sur 2 thèmes : la place de l’alcool dans nos parcours de vie : jeunes, femmes, publics
en difficultés et la place de l’alcool au travail.
Le rôle du généraliste et de la médecine du travail fut
rappelé, ses difficultés mises en évidence. Les définitions
du buveur chronique (2 verres d’alcool par jour pour les
femmes et 3 pour les hommes), du buveur à risque
(consommation supérieure à celle du buveur chronique)
données. La qualité de “malade” de la personne alcoolodépendante réaffirmée, les méfaits et dommages générés
par cette toxicomanie décrits rapidement.
L’image négative
des personnes abstinentes
La salle s’est rapidement exprimée sur l’absence de publicité de ces états généraux, sur la difficulté de lutter au
sein de l’entreprise contre l’alcool (risque majeur de perte
d’emploi, difficultés de retour à l’emploi d’une personne
abstinente, médecine du travail peu présente au sein des
petites structures salariales, tentations diverses : alcool
dans les restaurants d’entreprise, pots internes).
Une intervention a retenu l’attention, celle d’un ancien
alcoolique qui refusait d’être qualifié de “malade” et
s’inscrivait en faux sur la qualité de maladie chronique
de l’alcoolisme. Il estimait avoir changé de mode de vie,
être aujourd’hui abstinent et regrettait cette image négative des personnes abstinentes, même si au quotidien il
existe une importante vulnérabilité.
Concernant la consommation d’alcool chez les jeunes, la
commercialisation des “premix” (mélanges prêts à être
consommés, peu onéreux), le financement des soirées
étudiantes et la mise à disposition gracieuse d’alcool ont
été dénoncés, la poly-consommation co-stimulante dans
un but de “défonce” décrite.
L’alcoolisme féminin a fait l’objet d’un très bel et véridique exposé : les femmes alcooliques sont beaucoup
plus défavorisées que les hommes. Moins nombreuses,
elles boivent pour des raisons différentes de celles des
hommes (très souvent pour compenser un manque affectif, la solitude), de façons différentes des leurs (en
cachette le plus souvent), et cela a des conséquences
sanitaires et sociales différentes : la société rit d’un
homme alcoolisé et diabolise la femme alcoolique.
Le consensus et les mesures réglementaires concernant
l’alcool et la femme enceinte ont été soulignés telle une
victoire. Enfin, le thème précarité/exclusion et alcool a été
évoqué, les besoins de prise en charge et de soutien thérapeutique et social décrits.
11
Des carences connues
depuis des années
En regard à ces interventions, la salle a vivement réagi,
indiquant que les besoins en lits d’alcoologie, en place de
post-cure et de soins ambulatoires, en personnels…
étaient très insuffisants, que ces déficits et carences
étaient sus et connus des pouvoirs publics depuis des
années sans que cela entraîne la moindre amélioration ou
mise à disposition des crédits. Seule une réelle volonté politique avec mise en place de moyens financiers et humains
permettrait de lutter réellement contre l’alcoolisme.
Pendant deux heures, un public composé de spécialistes,
de personnes touchées par l’alcool a écouté pour la nième
fois l’exposé des difficultés auxquelles ils sont confrontés
au quotidien. Sans se lasser, mais peut-être avec un peu
plus de colère ils ont fait état à nouveau de leurs besoins,
de leurs demandes, sans grand espoir d’être entendus
(pourquoi aujourd’hui plus qu’hier ?).
Le citoyen lambda dans tout cela ? Il était absent par
manque d’information, de publicité, de porte-parole, de
réelle volonté politique… et d’ailleurs, est-il intéressé ?
MICHÈLE MOUTTE
Et maintenant ?
Interdiction des “prémix” (mélange d’une boisson alcoolisée et d’une boisson non alcoolisée), installation de
fontaines à eau dans les boîtes de nuit, vente des boissons non alcoolisées moins cher que les boissons alcoolisées dans les discothèques, interdiction de la vente d’alcool autour des stades, suppression de la bouteille
de champagne sur les podiums de Formule 1, menus avec boissons non alcoolisées dans les restaurants, ou
encore instauration d’une “journée sans alcool” sur le modèle de la journée sans tabac : les propositions de
jurys citoyens réunis pour les États généraux de l’alcool seront-elles suivies d’effet ?
Former les médecins du travail
Lors de la clôture des États généraux nationaux, le 5 décembre, le ministre de la santé Xavier Bertrand a en
tout cas jugé “nécessaire” de faire appliquer “de manière stricte” l’interdiction pour les alcooliers de sponsoriser les soirées étudiantes et de faire respecter l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs.
Le ministre s’est prononcé pour un renforcement du repérage précoce des consommations à risque et a notamment souhaité que des “formations spécifiques sur l’alcool” soient proposées aux médecins du travail.
Il a aussi vivement réagi à l’annonce de la présentation, le lendemain, d’un rapport parlementaire préconisant
de “mettre en place des programmes d’éducation pour la santé informant des effets bénéfiques du vin dans le
cadre d’une consommation appropriée”. “Je préfèrerais que l’on s’intéresse à l’apprentissage de bons réflexes
et des effets néfastes d’une consommation excessive de vin sur la santé”, a commenté le ministre dans son
discours de clôture.
“Pas assez” d’information ?
La dernière journée des États généraux de l’alcool a aussi vu la présentation d’une enquête menée par
l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) selon laquelle seul un Français sur 4
connaît le seuil de consommation d’alcool à risque pour les hommes (3 verres d’alcool par jour), et un sur 3
celui des femmes (2 verres par jour).
Près de la moitié des Français interrogés surestiment ces seuils, ou déclarent ne pas les connaître. De même,
les équivalences entre les différents alcools sont mal connues : 56 % pensent qu’un verre de whisky (2,5 cl)
contient plus d’alcool qu’un demi de bière (25 cl), et seulement 29 % savent que chacun de ces deux verres
contient la même dose d’alcool pur, soit 10 g.
Les campagnes d’information et de prévention sont jugées utiles par 83 % des Français, 29 % estimant
qu’elles vont à l’encontre de leur liberté d’agir. Plus d’un Français sur deux (58 %) pense que les pouvoirs
publics n’en font “pas assez” dans ce domaine…
12
Microstructures
médicales
: état des lieux
COMPTE RENDU
Les microstructures médicales 1 ont bientôt six ans d’existence. Vendredi 13 octobre, une Journée a été
organisée au ministère de la santé afin de faire connaître et de présenter les résultats de cette nouvelle
pratique médicale. L’accent fut mis sur le dépistage et le suivi des hépatites B et C chez les personnes
présentant un syndrome addictif. Deux des participants en font ici un compte rendu.
Pascal Mélian Cheinin, de la Direction générale de la
santé, a d’abord présenté le cadre juridique des microstructures médicales. Le président de la Mildt, Didier
Jayle, a rappelé le soutien de la Mildt à cette innovation.
Marie Jauffret-Roustide a donné les résultats nationaux
de l’étude Coquelicot et Jean-Michel Costes, pour l’OFDT,
a fourni les dernières données épidémiologiques portant
sur les pratiques addictives et leur récente évolution.
Le Dr François Brun a eu la tâche de présenter le concept
de microstructure. Il a rappelé les modalités de fonctionnement du dispositif : réunir au sein même du cabinet
médical un(e) psychologue et un(e) assistante sociale
chacun travaillant sur rendez-vous ou plage horaire. Les
orientations s’effectuent directement à partir du médecin
traitant. L’équipe se réunit une fois par mois en temps de
synthèse, un pharmacien ou un hépatologue pouvant se
joindre à la microstructure.
Une approche ciblée, souple
et polyvalente
1 Coordination nationale des réseaux
de microstructures médicales
21 bd de Nancy, 67000 Strasbourg
Tél. : 03 88 22 05 49 (permanence de 9 h à 12 h)
[email protected]
2 présidée par Danièle Bader-Ledit, y ont
participé Bernard Filoche, Étienne Matter,
Éric Hispard, Didier Touzeau, Jean-Louis Imbs,
Claire Rolland-Jacquemin, Pascale Hannon
et Joëlle Meyer.
3 présidée par Renaud Clarté, y intervinrent
Nicolas Prisse, France Lert, Alain Morel,
Éric Schwartzentruber, Xavier Thirion,
Pierre Poloméni, Mitra Krause,
Mireille Dupont et Yves Granbesançon.
4 Pour être mis en contact avec le réseau
le plus proche, on peut contacter
la coordination nationale des réseaux
de microstructures médicales (cf note 1).
Cette pratique innovante répond non seulement
à un besoin de santé mais aussi une pensée
sur la médecine fondée sur l’approche ciblée,
souple et polyvalente du patient, celui-ci bénéficiant d’un accès simplifié aux entretiens psychologiques et au travail social, dans le cadre
non stigmatisant du cabinet médical. La
réunion des différentes compétences professionnelles permet en retour d’améliorer la compréhension des situations vécues par le
patient, tout en autorisant un travail prolongé,
axé sur l’histoire de chacun.
Le Dr Alexandre Feltz a fourni les résultats obtenus dans sa microstructure depuis ses débuts,
soit il y a déjà six ans. À retenir, la quasi inversion du rapport buprénorphine HD/méthadone en faveur de cette dernière et une baisse de la séroprévalence de l’hépatite C
en 2006 chez les patients suivis dans sa microstructure.
Philippe Riehl a indiqué la profonde évolution de sa pratique de pharmacien depuis qu’il intervenait en microstructure. Il y retrouvait la vocation première de la pharmacie dans le geste de la délivrance du médicament qui,
par bien des aspects, revêtait autant d’importance que la
molécule dans l’impact thérapeutique qui en était
attendu.
Une “pratique transversale”
des soins
Fanny Étienne, de RMS Provence, a souligné la spécificité
du rôle du travailleur social en introduisant un des mots
clés de la journée : avec la microstructure, nous avons
affaire à une “pratique transversale” des soins. Arnaud
Zeman, du futur réseau Loire-Atlantique, a parlé du psychologue comme de quelqu’un d’engagé dans une
équipe, loin du repli habituel auréolé de mystère et de
silence dans lequel on le voit se cantonner trop souvent. Il
a montré combien, dans une structure de proximité, une
écoute attentive pouvait contribuer à lever le marquage
des patients présentant une addiction.
Dans la troisième partie de la matinée, le Pr Michel
Doffoël a présenté les résultats d’une enquête épidémiologique portant sur la période janvier 2004/janvier 2005,
et menée conjointement par le Pôle régional de référence
hépatites C du CHU de Strasbourg et le réseau RMS
Alsace, qui met en évidence l’importance de l’implication
du médecin de microstructure dans le dépistage et l’instauration des traitements antiviraux.
L’après-midi se sont tenues deux tables rondes. La pre-
13
mière 2 portait sur le soin en microstructure, et abordait
les questions actuelles des addictions, de la substitution
et des coinfections hépatites/VIH. L’accent fut mis sur les
stratégies thérapeutiques : la faisabilité de la microstructure et son apport réel, l’importance de l’écoute
accordée à une personne marginalisée, la convergence
possible des dispositifs alcool avec les RMS, l’impact des
soins sur la qualité réelle de vie des usagers, l’impact du
savoir-faire médical dans le bon usage d’un traitement.
La deuxième table ronde 3 avait pour thème la microstructure dans la société, ses actions sociales, son travail en réseaux. Les échanges prirent souvent une dimension plus technique : place de l’innovation dans les
pratiques de soin actuelles, examen de la redondance
possible des microstructures par rapport au dispositif
existant, études de leur impact dans le long terme sur les
pratiques addictives…
La nécessité d’un financement
clair et durable
En conclusion de la Journée, le Dr George-Henri Melenotte
a insisté sur le changement qui s’était produit ces der-
nières années dans la philosophie du soin : passage du
militantisme à une action plus sereine fondée sur la
recherche des impacts sanitaires des nouvelles pratiques. L’avenir des réseaux, en particulier quand ils
regroupent des microstructures, est dans la recherche qui
dynamise ses acteurs et conforte les financeurs. Prenant
note des hésitations actuelles dans le financement de
certains réseaux, il souligna la nécessité d’un financement clair et durable, misant sur le moyen et le long
terme et dont la répartition soit clairement définie par les
instances de tutelle.
Créer des réseaux de microstructures, comme l’a dit le
docteur Karine Royer, coordinatrice médicale de RMS
Provence, est aujourd’hui une possibilité concrète qui
permet aux acteurs de santé de décloisonner leurs pratiques, de l’enrichir pour le profit du patient et de mener
une expérience de santé originale 4. Les microstructures
semblent promises à un bel avenir. Elles permettront une
pratique de la médecine générale de proximité, polyvalente et soutenue, capable de s’adapter aux particularités
régionales, démographiques, ainsi qu’aux différentes
pathologies.
GEORGE-HENRI MELENOTTE et FRANÇOIS BRUN
Transversalité, mutualisation, recherche…
Quelques remarques sur les discussions de cette Journée.
La transversalité d’abord. La microstructure est une structure de soin de proximité qui dispense des soins polyvalents à une population au comportement à risque élevé. Les consommations varient rapidement, comme en témoignent les chiffres de l’InVS et de l’OFDT.
Les microstructures, en raison de leur recrutement pluriel, peuvent évoluer en s’adaptant rapidement à la demande de soin. Mais la pensée du financement étant cloisonnée par secteur et verticale dans le traitement des entités morbides, cette dernière pourrait évoluer vers
une approche d’emblée plurielle du soin.
L’implantation en “ville”. Les réseaux de microstructures médicales sont actuellement rattachés aux dispositifs des réseaux de
santé ; Les microstructures représentent plus particulièrement le « pôle ville » du réseau. Les microstructures ont une implantation géographique qui leur permet de fonctionner également dans des zones éloignées des établissements de santé tout en garantissant aux personnes qui s’y rendent la qualité des soins. Pour être plus précis, les microstructures médicales proposent un double maillage de réseau ;
dans son interne, la microstructure établit son propre réseau transversal (CSST, hôpital, structures d’aide sociale, pharmacies…), partagé avec d’autres microstructures ou non selon les proximités géographiques.
La coordination des réseaux de microstructures introduit une autre dimension de réseau, verticalisée, dont les tâches sont orientées
autour d’un travail de synthèse des expériences cliniques, thérapeutiques, partenariales, géographiques, avec ses rôles de formation, de
recherche clinique, et ses objectifs de santé publique.
À la triangulation de base de la microstructure (médecin généraliste, psychologue, travailleur social) correspond une triangulation de
base du réseau : microstructure, hôpital, CSST.
La mutualisation des moyens. Ne disposant pas de la même infrastructure administrative que les réseaux hospitaliers, les
réseaux de microstructures sont sollicités de la même manière, c’est-à-dire de façon lourde alors qu’elles nécessiteraient plus de légèreté dans leur gestion. Le risque est une bureaucratisation excessive qui, de plus, serait coûteuse. La mutualisation des moyens avec un
CSST, demain avec un Csapa, ou un réseau existant semble être la solution adoptée aujourd’hui par les réseaux.
Formation, soin, prévention, recherche. L’expérience montre qu’un réseau ne peut fonctionner que solidement accroché à sa
pratique clinique de prévention et de soin, ainsi qu’à la recherche. La pratique clinique suppose en premier le contact avec le patient. Ce
contact animera ensuite la tâche de coordination. Celle-ci, autrement, s’exposerait à ne demeurer qu’une chimère. La recherche est la
réponse aux questions des cliniciens. La clinique ne peut rester vivante que si elle se développe sur la base des résultats obtenus. Aller
dans les cabinets médicaux et permettre qu’une recherche y soit conduite, tel est le pari des réseaux de microstructures. Ceci suppose
un appel aux compétences spécialisées, notamment hospitalières, pour qu’elles viennent travailler sur le terrain. - G.-H.M. et F.B.
14
HÉPATITES
Prévention du
: questions de logiques
VHC
La question de la prévention contre le VHC est encore et toujours au cœur de l’actualité. En témoignent
l’enquête Coquelicot (lire Swaps no 44), mais aussi l’étude SOS Hépatites/Asud exposée lors des Journées de
la réduction des risques organisées par l’AFR à Bobigny, le film “17’10… Une injection à moindre risque” 1
ou encore la dernière rencontre du Crips Île-de-France, dont Swaps propose ici un résumé.
“Il est faux de dire que la RdR est en échec sur le VHC.
C’est parce qu’on n’a pas poussé la logique [de la RdR]
jusqu’au bout qu’on en est là !” Cette phrase lancée ça et
là lors des Journées de la réduction des risques (lire p. 16)
illustre l’importance de la question de la prévention du
VHC chez les usagers de drogue.
“Pousser la logique” ? La 65e rencontre du Crips, “Quelle
prévention du VHC auprès des usagers de drogue ?”, qui
s’est tenue à Paris le 17 octobre, a proposé plusieurs
pistes pour le faire. Par exemple la généralisation de
l’usage du Stérifilt ®, et particulièrement son intégration
aux Stéribox®, comme le plaide Elliot Imbert, d’Apothicom,
ou celle du Kit-Base® mis au point par l’association Ego
pour les fumeurs de crack.
Quid des salles d’injection ?
Autre voie, l’éducation à la santé au plus près des usagers, illustrée par l’impressionnant travail de l’association Fixpunkt à Berlin présenté par Heino Stöver, ou par la
consultation médico-psycho-sociale mise en place dans
un squat parisien en collaboration avec MDM, décrite par
Roberto Bianco-Levrin.
Dans un registre proche, le travail expérimental
d’“accompagnement à l’injection” en milieu festif, présenté par Pascal Perez, de Sida Paroles, et Benoît
Delavault, de la mission rave de MDM, ouvre, en
1 Lire page 17
touchant une population très jeune, une autre
2 L’étude « Hépatites virales chez les usagers
voie, pas très éloignée de celle des salles d’inde drogues » est disponible sur le site d’Asud
jection. Mises en place sous une forme ou une
3 L’étude a été effectuée avant l’élargissement
autre chez nos voisins, celles-ci restent pourdes méthodes alternatives à la biopsie
hépatique (Fibroscan , Fibrotest …). tant à l’état de projet en France, même si Alain
®
®
Lhostis, l’adjoint au maire de Paris chargé de la santé, a
affirmé lors des Journées de la réduction des risques que
“la ville de Paris est prête à [les] expérimenter”.
C’est aussi lors de ces Journées qu’a été présentée une
enquête menée par SOS Hépatites et Asud 2. Réalisée
auprès de plus de 500 usagers de drogues contaminés
par le VHC, elle apporte un éclairage précis sur les
connaissances et les soins en matière d’hépatites, pointant entre autres une peur répandue (60 %) des effets
secondaires du traitement, le faible nombre (44 %) de
personnes vaccinées contre le VHB, un mode de vie le
plus souvent stabilisé mais fragile, le fait que 34 % des
personnes n’ayant pas vu de médecin “ne se sentent pas
malades”, ou que 8 % ne veulent pas connaître l’état de
leur foie 3.
Gérald Sanchez, qui présentait l’étude en compagnie de
Michel Bonjour, a insisté sur la formation à l’accompagnement du traitement, avant de proposer un message
de prévention à la fois simple et efficace : “Si tu ne
prends pas soin de ton foie, ton prochain shoot d’héro’
sera moins bon !”
Dépister, et vite !
Mais revenons à la rencontre du Crips. Plusieurs intervenants y ont pointé la sous-estimation de la capacité des
usagers à se prendre en charge, l’intérêt d’une approche
multidisciplinaire, ou le nécessaire soutien de l’État aux
expériences novatrices exposées plus haut. Puis Pierre
Goisset s’est intéressé à la question du dépistage.
Il s’agit selon lui d’un bon moyen “d’ouvrir la discussion
sur le risque”, mais aussi “de la refermer en la court-
15
Choses vues au congrès de l’AASLD*
Dans la grand’messe annuelle de l’hépatologie, sise cette
fois-ci dans la cité estudiantine de Boston du 27 au
31 octobre, difficile de s’y retrouver parmi les 1 370 abstracts du congrès – d’autant plus que ceux-ci ne sont pas
indexés sur les thématiques.
Une visite exhaustive des posters atteste néanmoins de
la montée en puissance des communications scientifiques sur la prise en charge – notamment conjointe
(dépistage, substitution + traitement du VHC) – des usagers de drogue. En témoigne le travail présenté cette
année par une équipe pluridisciplinaire hollandaise
(“Dutch-C project”) et qui concerne les usagers de
drogue à Amsterdam. De décembre 2004 à septembre 2006, un programme de prise en charge de l’hépatite C a été proposé à 493 usagers de drogue : l’acceptation du test dépistage a concerné 78 % d’entre eux, ce
qui n’est pas si mal.
Une compliance de 98 %
Cette étude identifie au passage des facteurs d’acceptabilité du dépistage de l’hépatite C : le fait d’être sous
méthadone, d’être “non-homeless” ou de moins consommer d’alcool. Sur les 378 usagers testés, 224 (59 %)
étaient VHC positifs dont 25 % de coinfections VIH. Au
bout du compte, 18 usagers seulement ont accédé à un
traitement de l’hépatite C ; pour obtenir finalement 5
guérisons (réponse virologique soutenue). Il est à noter
que 89 % des personnes ayant accepté le traitement de
l’hépatite C étaient sous méthadone, avec une compliance importante pour ce type de traitement : 98 %.
La première conclusion de cette étude est que les usagers
de drogue actifs peuvent intégrer des programmes de
traitement de l’hépatite C dès lors qu’ils sont aussi pris
en charge sur le plan de la substitution, et ce dans une
approche multidisciplinaire.
Une équipe californienne (Ishida JH et al.) a étudié l’influence de la consommation du cannabis sur la sévérité
de l’hépatite C… Entre 2001 et 2004, 204 personnes
infectées par le VHC ont été évaluées. Une consommation
quotidienne de cannabis est associée à un risque élevé
de fibrose hépatique sévère (Odds Ratio 6,78 [1,8924,31]). Soit une augmentation du risque de fibrose
hépatique et donc de cirrhose par un facteur 7, indépendamment de l’augmentation du risque liée à la consommation d’alcool. Des données assez troublantes qui
nécessitent confirmation.
Une séance plénière
pour les injecteurs
À noter, et ce n’est pas coutume à l’AASLD, une session
orale en plénière, entièrement dédiée à la prise en charge
du VIH et du VHC chez les injecteurs de drogue. On retiendra l’expérience du CDC présentée par Diana Sylvestre
sur l’utilisation de la vidéo au sein des centres de prise
en charge des usagers de drogue pour les informer de
l’intérêt d’une sérologie de l’hépatite C et de sa prise en
charge, et d’une vaccination contre l’hépatite B. Sur une
cohorte de 400 usagers de drogue dépistés pour le VHC,
275 ont été éligibles pour un projet thérapeutique de l’hépatite C (dont 33 % de “Homeless” !).
Il existe une corrélation claire entre substitution et observance complète au traitement : plus de 90 % pour ceux
qui sont substitués, 60 % pour ceux qui consomment
encore de la drogue, et 10 % à la semaine 8 du traitement
pour ceux qui sont injecteurs d’héroïne.
En clair, cette AASLD a montré l’intérêt de la substitution
comme aide à la prise en charge des hépatites C chez les
usagers de drogue.
GILLES PIALOUX
* Association américaine pour l’étude des maladies du foie
circuitant”. C’est surtout un outil complexe, car au-delà
du VHC lui-même, il s’agit bien de dépister les risques
pris par l’usager de drogue, ses priorités, mais aussi les
propres insuffisances des soignants. Afin de promouvoir
le dépistage, l’argument selon lequel celui-ci permet de
protéger les autres doit être mis en avant, a aussi estimé
Pierre Goisset.
En matière de dépistage, la question de la mise à disposition d’un test rapide est aussi à l’ordre du jour.
L’homologation de techniques telles que les salivettes et
les buvards est attendue. Malheureusement, en ce
domaine comme dans d’autres, pouvoirs publics et associations semblent parfois dans l’incapacité de trouver
une “logique” commune…
NESTOR HERVÉ
16
RENCONTRES NATIONALES DE LA RDR
Les associations
se mobilisent
Les premières Rencontres nationales de la réduction des risques liés à l’usage de drogues, organisées à
l’initiative de l’AFR, se sont tenues les 12 et 13 octobre à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Plus de 400 personnes
ont participé aux débats et ateliers qui ont conduit à l’élaboration de recommandations. Le signe d’un
effort tangible de mobilisation et de rassemblement des acteurs de la RdR.
Deux journées “de travail, d’échanges, de réflexion et
d’interpellations”, c’est ainsi que Béatrice Stambul, la
présidente de l’AFR, a présenté lors de leur ouverture les
premières Rencontres nationales de la réduction des
risques (RdR). Deux journées construites grâce à
l’“authentique alliance de toutes les associations de
RdR”, s’est félicitée Béatrice Stambul, qui a appelé à se
mobiliser face aux “réelles menaces” d’ordre politique
pesant sur certains acquis de la RdR. Deux journées qui
ont vu plus de 400 participants aux parcours et aux sensibilités multiples débattre et tenter d’élaborer des
recommandations communes.
Outre huit ateliers construits en trois temps (constat,
analyse-discussion, établissement de revendications et
de priorités s’appuyant sur les “points de jonction”), trois
forums (Europe, formation, médias), une table ronde sur
les salles de consommation et plusieurs plénières étaient
au menu de ces deux journées, coordonnées par JeanMarc Priez.
Une large coalition
AFR, Anit, Aides, MDM, Asud, SOS DI, FFA, Anpref, Safe,
Crips-Cirdd, élus locaux, CG93 et mairie de
1 AFR : Agence française pour la réduction
1
des risques Paris : la liste des structures unies pour orgaAnit : Association nationale des intervenants niser ces Journées apportait une réelle repréen toxicomanie
Aides : association de lutte contre le sida sentativité à l’événement. Cette diversité a en
MDM : Médecins du monde
Asud : Autosupport des usagers de drogues revanche rendu difficile l’élaboration d’une
SOS DI : SOS Drogue International synthèse. La liste des recommandations issues
FFA : Fédération française d’addictologie
Anpref : Association nationale de prévention des différents ateliers (disponible sur le site de
et de réduction des risques en milieu festif
Safe : Programme National d’aide l’AFR, www.a-f-r.org), alourdie par des arbià l’installation d’appareils distributeurs - trages complexes et dans laquelle avaient du
récupérateurs - échangeurs de matériel
d’injection stérile mal à se retrouver certains participants, en
Crips-Cirdd : Centre régional d’information
et de prévention du sida-Centre d’information témoigne.
et de ressources sur les drogues “Les débats ne sont pas tous clos, explique
et les dépendances
CG93 : Conseil général de Seine-Saint-Denis Valère Rogissart, vice-président de l’AFR, qui
présidait le comité de pilotage des rencontres, mais il
existe des points de jonction sur lesquels s’appuyer pour
aller plus loin.” Comme le dit Béatrice Stambul, “si nous
étions tous d’accord dès le début, ce serait suspect. C’est
un vrai “work in progress””.
“Il faut cultiver ensemble le goût de l’innovation”, estime
Christian Saout, président de Aides, et “le grand-père de
l’Anit et la vieille tante de Aides” peuvent y contribuer. Il
entend se placer dans la continuité de “Limiter la casse”,
mouvement “archi-fondateur”.
Le président de l’Anit Jean-Pierre Couteron souhaite pour
sa part “fonder des valeurs communes”, qui passent par
une “approche communautaire”. “Trop de décisions se
prennent dans des stratégies d’influence, estime-t-il. La
parole publique se fait rare, et ce silence laisse trop de
place aux idéologues.”
Et chacun de pointer ses priorités : la notion d’“accompagnement”, différente de la prise en charge, pour JeanPierre Couteron ; “l’énorme question” de la substitution
en prison pour Christian Saout ; la dépénalisation de
l’usage (“ce n’est pas un sujet tabou”) pour Valère
Rogissart.
L’absence des politiques
“On voulait inviter les politiques. On a dû y renoncer, car
il n’y avait pas assez de pluralité, a expliqué Valère
Rogissart. On espérait aussi le président de la Mildt. Il a
fait savoir qu’il ne souhaitait pas répondre à chaud aux
recommandations que nous allons faire.”
Responsables politiques et représentants de l’État ont en
effet brillé par leur absence – entraînant sans doute dans
leur sillage les journalistes de la presse grand public.
Plusieurs élus locaux étaient, eux, venus témoigner de
leur engagement dans la politique de réduction des
risques : représentant la Mairie de Paris, Alain Lhostis
17
tique”, estime Nicole Maestracci, avant de regretter une
certaine “difficulté à être mobile, à s’adapter à de nouveaux enjeux”. Pour finir, la présidente de la Fédération
nationale des associations d’accueil et de réinsertion
sociale (Fnars) estime que “si on prend la seule politique
contre la drogue sans l’intégrer au domaine social, ça n’a
pas de sens”.
“Extrêmement optimisant”
s’est déclaré en faveur de la dépénalisation du cannabis ; Laurent Elghozi (maire adjoint de Nanterre) a lancé
que “la RdR est bonne pour tout le monde et pour tout un
chacun” ; Ronan Kerrest, vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis, lequel accueillait les rencontres, a estimé que le concept de la RdR est “très intéressant politiquement : la prévention vaut mieux que la
répression”.
Nicole Maestracci, l’ex-présidente de la Mildt, a abordé
les questions de politique publique. Pour la présidente du
tribunal de grande instance de Melun, “aucune politique
publique ne peut se construire si on ne prend pas la peine
de convaincre au long cours”. “Il ne faut pas cesser de
répéter les choses justes, plaide-t-elle. Il faut sortir de sa
bulle, et mieux s’expliquer.” Un exemple : qui sait ce que
veut dire Caarud ?
“Les rapports entre experts et pouvoirs publics constituent une relation fusionnelle ou incestueuse probléma-
“Même si les menaces [contre la RdR] sont sérieuses, ces
deux jours ont été extrêmement optimisants.” En clôturant par ces mots les premières journées, Béatrice
Stambul a résumé deux des sentiments qui ont irrigué les
débats : inquiétude et espoir mêlés…
“Ça paraît évident que ces journées sont un succès”
lance Jean-Pierre Couteron, tout en rappelant que “ce ne
sont pas les journées de l’AFR” mais celles de toutes les
associations de RdR.
Reste justement à dépasser certaines différences de
points de vue, par exemple entre tenants de la “dépénalisation” ou de la “déjudiciarisation”, ou celles qui concernent le statut des médiateurs de santé, la place de la
lutte contre la précarité… afin de conserver l’élan pris au
cours de ces premières rencontres, et plus encore à le
porter vers les institutions, les responsables politiques,
les médias généralistes et le grand public. Sortir de sa
bulle, en quelque sorte…
NESTOR HERVÉ
En marge des débats, le Dr Patrick de la Selle, MG à Paris
puis à Montpellier, est venu témoigner de la procédure
disciplinaire menée à son encontre par l’Ordre des médecins pour “trafic de méthadone”. “Je ne suis pas le seul.
Dans certaines régions, la Cnam ou l’Ordre persécutent
les MG”, explique-t-il. Il risque une interdiction d’exercer.
Le détail de l’affaire ainsi qu’une pétition de soutien se
trouvent sur le site de l’AFR (www.a-f-r.org).
17’10… Une injection à moindre risque
Signalons la sortie d’un intéressant support pédagogique qui manquait dans le petit paysage français de la réduction
des risques. Ce DVD explique de manière pragmatique les éléments essentiels à connaître pour se prémunir contre les
contaminations VIH, VHC, VHB… dans le cadre des drogues injectées. En 17’10’’, les principales étapes de la préparation de l’injection sont présentées dans un contexte très réaliste. Tout est expliqué, détaillé, commenté. Chaque situation à risque est
pointée en fluo. Ce DVD pourra être utilisé lors de formations vers les professionnels (pharmaciens, éducateurs, travailleurs sociaux…).
Il rappellera aussi aux injecteurs qui le verront quelques évidences, malheureusement souvent méconnues, telles que la longue survie du
VHC en dehors du corps humain ou les risques de transmission manuportée. En bonus, le très réaliste “Going Over” (malheureusement
en anglais), qui restitue de façon impressionnante tout le contexte d’une overdose, ainsi qu’un mode d’emploi détaillé du Stérifilt®. Cette
production RB Prod, Cildt et Apothicom est disponible chez [email protected] et [email protected]. - J.K.
18
Egus
une
e
namiqu
nouvelle dy
COMPTE RENDU
Organisés à Bobigny le 11 octobre en préambule aux premières Journées nationales de la réduction des
risques, les troisièmes États généraux des usagers de drogues (Egus) ont donné la parole aux femmes
usagères. Mais aussi posé la question des rapports entre cannabis et réduction des risques, présenté les
Conseils de la vie sociale… Le tout pour quelque 200 participants. Compte rendu.
“Les drogué(e)s se mobilisent” : l’intitulé de ces Egus
troisièmes du nom a été confirmé par le nombre de participants (plus de 200), en nette augmentation par rapport
aux deux premières éditions, dans un “contexte politique
difficile”, dixit Fabrice Olivet, directeur d’Asud, en introduction de la journée, avant de donner la parole à Didier
Jayle. Le président de la Mildt a d’abord réaffirmé son
soutien à Asud. “Nous avons plus que jamais besoin de la
réduction des risques”, a déclaré le Dr Jayle, qui s’est félicité de la mise en place des Caarud 1, “un mouvement
extrêmement positif permettant des structures plus
solides et des garanties de financement”, qui “renforce
la RdR”.
Le président de la Mildt est aussi revenu sur les “sujets
qui fâchent”, et en premier lieu le projet avorté de classement de la buprénorphine au rayon des stupéfiants,
mesure selon lui “mal comprise”, tout en reconnaissant
un certain manque de concertation avec les associations.
Il s’est ensuite lancé dans un plaidoyer contre l’injection,
en soi “pas une bonne chose, même dans de bonnes
conditions d’asepsie”, “le capital veineux amoindri à long
terme n’étant pas restaurable”. Sur le testing, autre sujet
controversé, le président de la Mildt a précisé que le texte
de loi du référentiel RdR visait une méthode (le test de
Marquis), qui entraînerait une “fausse sécurité”, pas
contre le principe en tant que tel.
Exit les travaux d’Egus
Prenant la parole à son tour, le président d’Asud Éric
Schneider a annoncé qu’il renonçait cette
1 Caarud : Centre d’accueil
année à établir un nouveau bilan des 12 traet d’accompagnement à la réduction
des risques pour usagers de drogue vaux d’Egus initiés lors de la première édition
de ces journées, “de peur d’en faire une litanie de ce qui
aurait pu se produire dans un monde où les usagers de
drogues auraient été considérés comme des personnes à
part entière”.
Il a en revanche plaidé pour une version injectable du
Subutex®, s’est alarmé des limites du dispositif Caarud
et de ses effets pervers sur la solidarité associative, et a
interrogé à distance le ministre de la santé sur le blocage
institutionnel concernant la dépénalisation de l’usage
simple, pourtant reconnue comme “le préalable requis
non seulement à la bonne mise en œuvre de la RdR, mais
aussi à une entrée en soins satisfaisante”.
Répondant ensuite à Éric Labbé, d’Act up, qui demandait
des mesures permettant de lutter contre les risques liés à
l’injection – nouveaux produits et filtres, salles d’injection… – le président de la Mildt a argué que les salles
d’injection ou les formes injectables ne s’adressent pas
aux personnes non encore infectées par le VHC et ne sont
donc pas des réponses adéquates dans la lutte contre ces
contaminations. Il a évoqué l’arrivée prochaine de nouvelles molécules : méthadone en forme sèche ou mélange
buprénorphine + naloxone – “pas injectable” a murmuré
la salle. L’occasion de se rappeler que le dialogue ne permet pas toujours de lever les points de désaccord…
“Mesdames et Mesdames…”
“Les usagères de drogues sont-elles discriminées en tant
que femmes ?” : Le sujet était une première pour une
table ronde à Asud, et pour marquer l’“événement”, sept
femmes avaient été invitées à prendre la parole. Une
parole déterminée mais aussi empreinte de vitalité et
d’humour, à l’image de la première intervention, intro-
19
Cannabis
et réduction des risques
La RdR a-t-elle sa place dans les consultations cannabis
(CC) ? Selon une “micro-enquête” 1 présentée par Fabrice
Olivet lors des Egus, ce n’est pas tout à fait le cas. Mené
de manière “très empirique” avec des candidats “sincères” se présentant à ces CC avec un souhait de réduction – et non d’arrêt – de leur consommation de cannabis, ce “petit test qualitatif” montre l’étendue du
décalage entre cette demande et les réponses proposées
par les intervenants lesquels dans leur grande majorité
ne voient pas dans la diminution de la consommation un
objectif sanitaire, n’envisagent l’arrêt que sous un angle
“psy” et font preuve d’une forte ignorance sur les
consommations. Paradoxalement, malgré ce décalage, la
consultation a été vécue par les candidats comme une
expérience positive, et au moins un des services proposés
les a intéressés.
Pour Jean-Pierre Couteron, président de l’Anit, les intervenants ne sont pas assez formés aux produits, et il leur est
difficile, de part leur situation souvent fragile, de se
mettre en porte-à-faux avec la commande officielle, qui
ne comporte pas la notion de réduction de la consommation. En revanche, il juge “grave” un certain manque de
curiosité de leur part.
Faisant le bilan de la mise en place des CC (280 existent
à ce jour), Marie-France Chedru, de la Mildt, estime positif le chiffre de 4 000 personnes reçues par mois tiré
d’une évaluation de l’OFDT 2 et plus préoccupant le fait
que la moitié des CC reçoivent “très très peu” de gens. Si
elle se félicite du taux d’abandon (30 %) plutôt faible,
elle reconnaît une extrême hétérogénéité des pratiques
cliniques (lire aussi p. 23).
Pierre Chapard (Keep Smiling) rapporte quant à lui des
résultats concordants avec ceux présentés par Fabrice
Olivet retrouvés lors d’une enquête du même type menée
à Lyon : bon accueil mais manque de formation “évident” sur le cannabis chez les intervenants. En résumé,
“des réponses à des questions non posées, aucune aux
questions posées”…
1 “Cannabis et réduction des risques :
le mariage impossible ?”, Asud
2 “Consultations cannabis : enquête
sur les personnes accueillies en 2005”
Ivana Obradovic
OFDT, septembre 2006
duite par un “Mesdames et Mesdames… (et messieurs)”
lancé par Françoise Mancy, du Tipi, qui a présenté un clip
faisant une promotion festive, décalée et très dansante
du préservatif féminin.
Marijo Taboada, psychiatre à Horizons, a ensuite plaidé
pour que les pouvoirs publics “s’intéressent autant aux
femmes qu’au cannabis”, et pour qu’on arrête, les rares
fois où ce sujet est abordé, de ne penser qu’aux mères…
Prenant la suite, Jacqui Schneider, d’Acces, à Marseille, a
raconté ses trois expériences d’“espaces femmes”, en
Grande-Bretagne d’abord, puis à la Boutique/Charonne,
expliquant les difficultés éprouvées pour faire accepter
l’existence de lieux non mixtes d’accueil des femmes, et
l’importance primordiale de ces lieux où “il n’y a pas ce
regard doublement discriminatoire”, regards “de pitié ou
de haine”, où on peut souffler un coup, se rappeler qu’on
a un corps… Fabienne Pourchon, pour Keep Smiling, et
Danièle Autier, pour Frisse, ont pour leur part présenté le
travail mené entre quatre associations lyonnaises pour
créer un flyer spécifique “femmes et RdR”, conçu comme
un véritable “support de parole”.
Anne Bauer, “ex-dealeuse”, a apporté son témoignage
personnel, évoquant entre autres la question des “arrangements” passés lorsqu’on a pas de fric et le “chantage”
du juge d’application des peines en cas de non baisse de
la consommation. Pour terminer, Catherine Charles a évoqué son histoire de “vétérante” de l’usage de drogues
avant d’annoncer la création d’une association, “Visavie”, dont le but est d’apporter le soutien “indispensable”
aux femmes sortant de prison.
Que penser des conseils
de la vie sociale ?
Le ton de la table ronde suivante, “les conseils de la vie
sociale (CVS), un espace de revendication possible”, a
été plus technique. François Hervé, vice-président de
l’Anit, est d’abord revenu sur le long cheminement de la
question de la place de l’usager dans les établissements
de santé, avant de préciser le fonctionnement de cette
nouvelle instance regroupant usagers, personnels, administration (et éventuellement des intervenants extérieurs), qui donne des avis consultatifs sur tout ce qui
concerne la vie de l’établissement.
Estelle Sarrazin, éducatrice à l’Espace du possible (Lille),
a ensuite présenté son expérience concrète des difficultés
rencontrées lors de la mise en place d’un CVS, et en premier lieu la méfiance des usagers, qui peuvent craindre
des représailles ou dénier une utilité au dispositif, lequel
ne permet pas de réponses ou de changements directs. Le
concept de CVS est aussi mal connu des professionnels,
et certains d’entre eux n’ont pas envie de s’impliquer.
1
20
Enfin, la question centrale est, pour Estelle Sarrazin, celle
de la “légitimité” des représentants des usagers dans
ces CVS.
Éric Schneider a alors exposé le point de vue d’Asud,
selon lequel “c’est l’intérêt des usagers de s’impliquer
dans cette structure”. “Les CVS impliquent une certaine
forme de partage du pouvoir au-delà du décisionnel”, et il
convient donc de convaincre usagers de drogues et intervenants de leur intérêt en allant contre “la réticence au
changement naturelle”. Pour le président d’Asud, la mise
en place d’élections pour désigner les représentants des
usagers au sein des CVS est “logique et nécessaire”,
d’autant plus qu’elle est l’occasion d’un travail sur la
citoyenneté en général.
Robert Campini, d’Intermède (Toulouse), a émis un avis
discordant, s’insurgeant contre le fait que les CVS étaient
une instance imposée, et estimant qu’il est “démagogique” de réduire les usagers à des consommateurs.
Pharmacies :
les blocages perdurent
La dernière table ronde de la journée, consacrée aux
“droits et devoirs réciproques patients/pharmaciens”, a
été ouverte par Me Tymoczko, avocat, qui s’est intéressé
au cadre légal face au problème des refus de délivrance
de produits de substitution. Il assimile cette situation à
un “refus de vente” interdit par la loi sauf en cas de
“ motif légitime”. La Cour de cassation ayant jugé dans le
cas de la pilule que les convictions personnelles ne pouvaient constituer un tel “motif légitime”, ceci devrait
pouvoir s’appliquer dans le cadre de la substitution. La
difficulté se situe surtout dans l’établissement de
constats de refus de vente, pour lequel une collecte de
témoignages s’avère délicate.
Alain Château, d’Asud, a brossé l’évolution de la situation sur Reims. S’il note un “léger mieux” – “on travaille
avec trois ou quatre pharmacies dans les deux sens” – il
rappelle qu’une meilleure répartition est nécessaire.
Marie Debus, elle-même pharmacienne, s’est basée sur
une enquête menée à Paris sur l’accès au Stéribox® pour
expliquer les blocages rencontrés chez les pharmaciens –
mauvaise expérience, ignorance, difficultés à aborder le
sujet, incompréhension de la démarche de RdR, méconnaissance du VHC… – expliquant une relation biaisée
dès le départ et donc conflictuelle.
Pionnière de la RdR chez les pharmaciens, poursuivie en
1996 pour délivrance de sulfates de morphine et “blanchie” par la Cour de cassation en… 2005, Marie-José
Augé-Caumont s’est dite “obligée” de “dénoncer” les
pharmaciens qui refusent de délivrer de la substitution.
Proposant de faire pression sur eux en utilisant le code de
déontologie de la profession, elle s’est alarmée de la
“spécialisation” forcée de quelque 1 200 “pharmaciens
poubelle”, spécialisation qui touche aussi les médecins
et risque de “tuer” la substitution.
Pierre Demester, longtemps pharmacien près de la Gare
du Nord, secteur parisien “chaud ”, s’est attaché à expliquer comment de bons rapports avec les usagers peuvent
s’établir “progressivement” avec la bonne volonté de
chacun. Il a demandé aux équipes soignantes d’aller vers
les pharmaciens pour leur faire connaître la RdR.
NESTOR HERVÉ
COCAÏNE
Des
“caramelos
de
coca”
pour la prise en charge des cocaïnomanes ?
S’inspirant de la consommation traditionnelle de feuilles de coca dans les pays andins et de la constatation
qu’une voie sublinguale évite par sa lenteur les risques de dépendance, le Dr Jorge Hurtado, conseiller scientifique du président bolivien, a élaboré des bonbons à la coca destinés à la prise en charge des cocaïnomanes.
Les feuilles de coca sont traditionnellement consommées
dans les Andes depuis plus de 4500 ans. Leur usage s’est
répandu avec les colons espagnols qui encouragèrent son
usage, pour augmenter le rendement du travail dans les
mines des nouvelles colonies. C’est seulement dans la
seconde partie du XIXe siècle que la coca fut popularisée en
21
Europe puis aux États-Unis, notamment par un pharmacien de Géorgie, John Pemberton, qui s’inspira d’un vin
français de coca (le vin Mariani) pour proposer ce qui
devint le fameux Coca-Cola 1.
Un complément alimentaire
En Bolivie, 10 000 à 15 000 hectares de cocaïers sont
légalement cultivés dans la région des Yungas. Les
feuilles de coca sont traditionnellement chiquées tout au
long de la journée à raison de 100 à 200 g par jour et par
personne. Elles constituent un complément alimentaire
non négligeable en raison de leur richesse en protéines,
en sels minéraux (calcium, phosphore) et en vitamines (A
et B2). Outre leur intérêt nutritif, elles possèdent des
effets stimulants. Leur usage permet ainsi une meilleure
résistance à l’effort, surtout en altitude. La consommation de feuilles de coca est ainsi très liée au travail. Ces
effets légèrement euphorisants s’apparentent à ceux
d’un excitant doux, un peu comparables à ceux du café.
Enfin, la coca favorise l’adaptation à l’altitude.
Les coqueros commencent à mâcher au moment du passage à l’âge adulte. Le nombre de consommateurs boliviens de coca est estimé aujourd’hui à 8 millions.
La coca a été inscrite par les Nations Unies sur la liste
des drogues en 1961. En 1971, l’OEA (Organisation des
États Américains) en interdit la culture, la consommation, la commercialisation et l’exportation, faisant de ce
fait l’amalgame entre coca et cocaïne.
Chez les usagers de cocaïne, on observe une certaine corrélation entre les modalités de consommation et les niveaux
d’usage. Il semble que plus l’assimilation des alcaloïdes
est lente, moins le centre du plaisir est stimulé et par
conséquent plus l’usager reste maître de sa consommation.
Ainsi, garder le contrôle serait moins difficile pour le sniffeur, très compromis pour l’injecteur et quasi impossible
lorsque la cocaïne est fumée sous forme de crack (ou freebase). En machant la coca, les Andins bénéficient d’une
assimilation lente, par la voie des muqueuses buccales. Le
surdosage est impossible et les consommateurs ne développent pas de dépendance. Ces observations ont conduit le
Dr Hurtado 2 à imaginer d’utiliser la feuille de coca dans la
prise en charge des cocaïnomanes.
Les usagers de cocaïne étant pour la plupart occidentaux,
ils n’ont pas l’habitude de garder une boule de feuilles en
bouche sans mastiquer. D’où l’idée de transformer la
feuille pour leur en faciliter l’usage. C’est ainsi que sont
nés les “caramelos de coca”, littéralement
1 La cocaïne a été retirée du Coca-Cola en 1906.
“bonbons à la coca”. Dosés à 12 mg environ de
2 Psychiatre à l’hôpital psychiatrique cocaïne, les bonbons permettent une libération
de La Paz, fondateur du musée de la coca lente des alcaloïdes. L’usager peut en prendre 6
www.cocamuseum.org et conseiller
du président Evo Morales. à 12 par jour.
Enjeux économiques
et incertitudes scientifiques
L’intérêt est loin d’être seulement sanitaire: la culture de la
coca fait vivre des centaines de cultivateurs, souvent
indiens, les cocaleros. Mais la Bolivie, pas plus qu’aucun
pays latino-américain, ne fait partie des 36 pays autorisés à
industrialiser la coca. Réussir à valoriser la coca relève donc
d’une stratégie économique importante face à la volonté
américaine d’éradiquer les plantations, et Jorge Hurtado est
justement le conseiller scientifique du président Morales sur
cette question de l’industrialisation de la coca. Evo Morales
défend le droit de cultiver librement la coca et critique la
politique impérialiste des États-Unis qui financent l’éradication de cette plante sacrée. Il propose aux États-Unis, premier consommateur mondial de cocaïne, de lutter ensemble,
sans ingérence intérieure, en faveur d’un “zéro cocaïne et
zéro trafic de drogue” et d’assumer leur responsabilité :
“Tant qu’il y aura un marché pour la cocaïne, des feuilles de
coca seront déviées vers ce marché.”
Au-delà de cet intérêt géostratégique, l’utilisation des
“caramelos de coca” soulève encore quelques questions.
Ils ont été expérimentés auprès d’une population de “pastaleros” (consommateurs de pasta, un dérivé de la
cocaïne) dans le contexte andin, avec des résultats
encourageants, permettant d’entrevoir d’éventuelles
pistes thérapeutiques. Une expérience de cohorte européenne avec délivrance de faibles doses de cocaïne à
libération prolongée serait-elle pertinente ? Les usagers à
problèmes recherchent essentiellement les sensations
intenses du “kif” de la pipe à crack ou du “kick” de la
seringue. On peut aussi se demander si l’utilisation du
terme même “bonbon” ne serait pas incitative en Europe,
où la cocaïne jouit déjà d’une image assez positive.
Le Dr Hurtado cherche des partenaires pour parfaire la
galénique de ses “caramelos”, mais gageons qu’il faudra
encore attendre quelques temps avant de voir les cocaïnomanes français sucer des bonbons à la coca.
SANDRA NAHON et BÉATRICE DELPECH
22
Dans la peau des
industriels du tabac…
MULTIMÉDIA
Faire réfléchir en s’amusant plutôt que convaincre : c’est le pari du site www.toxic-corp.fr, un espace
d’échange et d’information novateur sur les manipulations des industriels du tabac.
tion sur le site et la définition d’un personnage défini par
l’âge, la ville d’origine, le prénom ou nom d’utilisateur, le
statut de fumeur, non fumeur ou ancien fumeur, qui peut
être “looké” et “relooké” à souhait.
Cette étape permet d’accéder à une visite interactive et
ludique de l’entreprise virtuelle Toxic-Corp : le laboratoire,
le hall, le café, la production, le marketing et le bureau du
Pdg. La visite n’est pas linéaire, l’internaute peut passer
d’une pièce à l’autre librement, aller et venir entre les
espaces.
L’une des particularités du site est de permettre l’échange
direct (via les avatars) entre les personnes présentes dans
chacune des pièces ou de solliciter un échange privé avec
une personne.
Multimédia, interactif et ludique, le site s’appuie sur des
contenu vidéos, peu de texte, un jeu et un “spot promotionnel” élaboré par Toxic-corp, mais mise surtout sur la
réflexion, l’esprit critique, la prise de conscience et
l’échange entre les internautes. À visiter et faire
connaître aux jeunes et moins jeunes, aux fumeurs
comme aux non fumeurs…
CLOTILDE GENON
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Toxic-corp est un site de l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et de l’Alliance
contre le tabac, réunion nationale d’associations de lutte
contre le tabac. Lancé en 2006, il constitue un des éléments de la campagne de prévention du tabagisme en
direction des jeunes, insistant sur la manipulation
qu’opèrent les industriels du tabac pour conquérir une
clientèle de jeunes nouveaux fumeurs. Rappelons qu’en
2003, l’Inpes avait déjà insisté sur cet aspect en créant
un site www.jesuismanipule.com.
Ce site internet se base sur une fausse campagne de
conquête d’une nouvelle clientèle de fumeuses et fumeurs,
une parodie des agissements des industriels en direction
des jeunes. Les contenus proposés sont essentiellement
composés de documents des industriels du tabac rendus
publics à la suite de procès à la fin des années 1990 et
d’extraits du film-documentaire “Tabac, la conspiration”
de Nadia Collot (http://tabac-le-film.hautetfort.com).
Aucun message direct de prévention n’y est délivré, l’objectif étant d’amener à la réflexion, la prise de conscience et
la responsabilisation.
La forme du site est tout aussi décalée que son contenu.
L’accès à la navigation dans le site nécessite une inscrip-
쑗 2 ans = 15 €
Chèque à l’ordre de Pistes, à retourner Tour Maine-Montparnasse BP 54 75755 Paris cedex 15
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PUBLICATIONS / NOUVELLES PARUTIONS
Premier bilan des
“consultations cannabis”
Obradovic I
Tendances, no 50, sept. 2006, 6 p.
“Consultations cannabis” Enquête sur les personnes
accueillies en 2005
Obradovic I
OFDT, sept. 2006, 109 p.
Brèves...
En mars 2005, dans le cadre
du plan gouvernemental de
lutte contre les drogues illicites,
le tabac et l’alcool 2004-2008,
la Mildt et le ministère de la
santé ont créé des consultations
cannabis à l’intention des
jeunes consommateurs.
Elles s’ajoutent au dispositif
d’addictologie existant avec
pour objectif de proposer une
intervention adaptée aux jeunes
usagers, à leurs parents par/à
travers une évaluation de
la consommation, un diagnostic
éventuel d’usage nocif,
une prise en charge brève,
un accompagnement et une
orientation vers des structures
spécialisées si nécessaire.
L’OFDT (Observatoire français
des drogues et des toxicomanies),
qui a la charge du système
d’information et de suivi
de ce dispositif, publie un
bilan de la première année
de fonctionnement. Un recueil
mensuel de l’activité des
consultations cannabis
complète cet état des lieux.
Plus de 4 000 personnes
(consommateurs, parents…)
ont été accueillies chaque mois
dans les consultations cannabis
entre mars 2005 et février
2006. Le nombre moyen
de consommateurs de cannabis
vus par mois et par structure
est de 13 personnes.
Cependant, on observe de fortes
disparités entre les structures.
Une enquête un mois donné
a été effectuée dans le but
de déterminer le public qui
s’adresse à ces consultations et
ses caractéristiques, d’analyser
l’activité des consultations
et les réponses apportées afin
d’apprécier l’apport spécifique
de ces consultations dans le
dispositif de prise en charge.
Le n°50 de la revue Tendances
et un rapport détaillé font la
synthèse des résultats de cette
enquête. La publication décrit
le public concerné, les profils
de consommation, les motifs
et modalités de recours, le suivi
offert. Les résultats montrent
que les consultations cannabis
accueillent principalement
des consommateurs de moins
de 25 ans, que les niveaux
de consommations sont élevés
(45 % des consultants
déclarent un usage quotidien).
Les modes de prise en charge
(délais, types et durée du suivi,
taux d’abandon…) et les
pratiques professionnelles
(outils de repérage) sont
également analysés.
Usage et trafic des produits
stupéfiants en France en 2005
OCRTIS
Ministère de l’intérieur et de
l’aménagement du territoire,
oct. 2006, 123 p.
L’OCRTIS (Office central pour
la répression du trafic illicite
des stupéfiants) publie son
rapport annuel sur l’évolution
des interpellations et des
saisies effectuées par l’ensemble
des services de police, de
douane et de la gendarmerie
nationale. Reflet de l’activité
des services répressifs et de
l’évolution du trafic de stupéfiants
en France au niveau national
et international, les données
mettent en évidence une
hausse continue depuis plus
de vingt ans du nombre de faits
constatés. En 2005, on note une
hausse significative des saisies
de cocaïne et de khat ; une
baisse des saisies de cannabis
et de crack ; une baisse
des surdoses mortelles.
Le rapport récapitule le prix des
produits stupéfiants en France
et en Europe, l’évolution des
nombres de saisies et
d’interpellations pour usage,
trafic et usage-revente entre
2000 et 2005 par produit,
par région et par département,
l’évolution des surdoses
mortelles. Il fait ensuite, pour
chaque produit, une synthèse
des caractéristiques générales
observées.
CLAUDINE VALLAURI
L’élixir “anti-alcootest” à nouveau en vente
Security Feel Better, une boisson interdite pendant quelques mois parce qu’elle se vantait d’avoir le pouvoir de faire chuter trois
à six fois plus vite le taux d’alcool dans le sang, est à nouveau en vente en France. Dans sa nouvelle communication, Security Feel
Better indique être une boisson aux plantes “qui facilite la digestion des aliments et des boissons” sans faire référence à l’alcool.
Mais, dans un communiqué adressé à la presse, l’entreprise indique, comme objet de l’envoi, “pour les fêtes, testez la boisson
anti-gueule de bois”. La Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes avait annoncé fin février la suspension
de la commercialisation en France, pour un an, de cette boisson au motif qu’elle était “présentée comme étant susceptible
de diminuer le degré d’imprégnation alcoolique”. Mais le Conseil d’État a autorisé à nouveau sa commercialisation le 17 mai.
Les sanctions en matière de stupéfiants durcies
Les députés français ont donné leur aval, dans le cadre du projet de loi contre la délinquance, à l’accroissement des sanctions
en matière de stupéfiants, avec des peines pouvant aller jusqu’à dix ans de prison et 300 000 euros d’amende pour les infractions
à l’égard d’un mineur ou dans les écoles. Si l’usage de stupéfiants reste puni d’un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende,
les sanctions pourront être portées à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende lorsque l’usage est le fait, dans l’exercice
de ses fonctions, d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou d’un salarié d’une entreprise de transport. Les sanctions
s’accompagnent d’une peine complémentaire, sous forme d’un stage obligatoire “de sensibilisation aux dangers de l’usage
des produits de stupéfiants”.
L’Italie allège les poursuites pour possession de cannabis
La ministre italienne de la santé Livia Turco a approuvé courant novembre un décret faisant passer d’un demi-gramme à un gramme
la quantité de cannabis à partir de laquelle le détenteur de la drogue s’expose à des sanctions pénales. Cette décision a aussitôt
déclenché les critiques de la droite italienne, qui a accusé le gouvernement d’“ouvrir la porte à la consommation des drogues
dures”. Le décret revient sur la loi Fini-Giovanardi du précédent gouvernement qui prévoyait formellement l’arrestation, voire
l’incarcération pour possession d’un demi-gramme de cannabis. Avec ce décret, “des milliers de jeunes n’auront pas à franchir
les grilles des prisons ou à être victimes de poursuites pénales pour avoir fumé un joint”, a commenté Livia Turco.
...
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Directeur de la publication
Antonio Ugidos
Rédacteur en chef
Gilles Pialoux
Rédaction
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ISSN : 1277-7870
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SWAPS
Tour Maine-Montparnasse
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Édité par l’association Pistes
(Promotion de l’information
scientifique, thérapeutique,
épidémiologique sur le sida)
Avec la participation des
Centres régionaux
d’information et de prévention
du sida :
Île-de-France
Provence - Alpes - Côte d’Azur
Avec le soutien
du laboratoire
et de la Mission
Interministérielle de Lutte
contre la Drogue et la
Toxicomanie.
N° 45 / 4e trimestre 2006
Édito
Ce n’est pas un de ces débats binaires dont la pré-campagne présidentielle est
friande 1… De fait, et sans doute ceci expliquant cela, le plan 2007-2011 pour la “prise
en charge et la prévention des addictions”, adopté fin novembre en conseil de
ministres, n’a pour l’heure guère suscité de réactions.
Un plan marqué par son champ d’action XXL qui recouvre en grande partie les missions
de la Mildt puisqu’il y est question de tabac, d’alcool, de drogues illicites, de médicaments… et, dernière née, de l’addiction “type française-des-jeux”. Un plan marqué
aussi par une enveloppe budgétaire conséquente (385 millions d’euros sur 5 ans, selon
le ministre), issu d’un rapport d’experts copieux avec ses cinquante propositions et
pourvu d’une commission ad hoc de suivi – la “commission nationale addictions”.
Swaps s’est penché sur le dit rapport et sur les recommandations du plan ministériel
(lire page 2). En première lecture, les six priorités fleurent bon le consensus et l’attente
des échéances électorales de 2007 : “renforcer la formation des professionnels”, “développer la prévention”, etc.
L’un des cinq auteurs du rapport, Alain Morel, a bien voulu exprimer pour Swaps son
ressenti face au devenir de son travail d’expertise pour le ministère (pages 3 à 5). Selon
lui, nonobstant la mise en place des Csapa 2, “le volet médico-social du plan est une
coquille vide” et on assiste à une “surmédicalisation” de la prise en charge des addictions. Il est vrai que la prévalence du VIH d’avant la réduction des risques, l’importante
comorbidité liée à l’hépatite C et les traitements de substitution ont fortement médicalisé la prise en charge des usagers de drogue ; médicalisation qui, pour Alain Morel, ne
devrait être qu’une composante parmi d’autres de cette prise en charge.
Plus que la lecture des priorités du plan, l’interview d’Alain Morel permet d’ouvrir ce
débat. Avec, par exemple, la question de la prise en charge de l’addiction sur la liste
des affections à 100 % (ALD30), soulevée par les experts mais non prise en compte
dans le plan…
GILLES PIALOUX
1 Swaps
reviendra sur la campagne en questionnant
les candidats sur la question des drogues.
2 Centres de soins, d’accompagnement et de prévention
en addictologie.
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