Deux méthodes d`évaluation des pratiques en psychiatrie :

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Deux méthodes d’évaluation
des pratiques en psychiatrie :
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Les groupes d’analyse de pratiques entre psychiatres
Les staffs-EPP des équipes hospitalières de psychiatrie
Marc-Edmond Bétremieux*
doi : 10.1684/ipe.2007.0188
Les psychiatres et les soignants en psychiatrie ont inscrit dans leurs formations initiales ainsi que
dans leur pratique quotidienne la nécessité d’une analyse constante de leur travail clinique sous
forme collective. Les équipes de psychiatrie publique ont développé différentes pratiques de soins
s’appuyant sur le concept de secteur de psychiatrie. Ce modèle intègre autour du patient et de sa
famille différents niveaux d’intervention, étapes, lieux et temps de soins. Nos équipes accompagnent
ces patients par des modalités très diverses comme les prises en charge intensives en hospitalisation, le
recours à des outils alternatifs ou le suivi en consultations ambulatoires. L’espace du soin se construit
sur les questions de la continuité des soins et du travail psychothérapeutique institutionnel.
Ce travail institutionnel de groupe est formalisé dans nos
services selon l’histoire sous diverses formes : réunions de
service, groupes de supervision ou d’intervision, synthèses,
staffs, cartels… Ces différents modèles permettent une
véritable analyse institutionnelle s’appuyant sur un approfondissement des contenus et des processus développés dans
ces réunions. Les réflexions sont complétées d’analyses des
situations complexes, de problèmes cliniques particuliers,
des recherches bibliographiques… Ces différents niveaux
de recherche permettent à chacun de se situer dans une
élaboration de son rapport aux savoirs.
Les médecins sont tenus, depuis la loi du 13 août 2004,
à une obligation d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) qui a été précisée par le décret n° 2005-346
du 14 avril 2005.
D’après la Haute autorité de santé (HAS), « l’évaluation
des pratiques d’un médecin ou de tout autre professionnel
de santé est l’analyse que celui-ci (avec ou sans ses pairs)
peut faire de son activité clinique. Cette analyse se fait
évidemment par rapport aux recommandations professionnelles disponibles existantes. De cette comparaison doit
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L’Information psychiatrique 2007 ; 83 : 341-7
résulter une amélioration des pratiques, au bénéfice du
service rendu au patient ».
Différentes méthodes existent permettant la mise en
place d’une démarche d’évaluation et la poursuite du
développement d’une démarche qualité. Ces programmes
amènent également à une validation dans un deuxième
temps de l’obligation légale selon des procédures individuelles ou collectives ou encore dans le cadre de la certification des établissements de santé.
Parmi ces formes d’organisation d’EPP, deux apparaissent
pouvoir s’appuyer dans leur forme et leur contenu sur les
modèles de travail d’analyse déjà institués par certaines
réunions dans nos services, ce sont les groupes d’analyse
de pratiques entre pairs et les staffs-EPP des équipes hospitalières. Ces méthodes ont fait l’objet d’un travail de synthèse
que l’on retrouvera sur le site de la HAS, et une adaptation
à la pratique en psychiatrie a été proposée en séminaire
d’EPP de l’Association pour les congrès et la formation
continue des psychiatres (ACFCP) au congrès de la Société
de l’Information Psychiatrique à Marseille en octobre 2006
par Nicole Garret-Gloanec et Marc Bétrémieux.
* Chef de Service, CHG, 62110 Hénin-Beaumont
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Les groupes d’analyse de pratiques entre
psychiatres
L’analyse de la pratique en groupe est un mode extrêmement répandu de reprise du travail clinique entre psychiatres. Les équipes ont développé dans le cadre institutionnel
de leur pratique de secteur de psychiatrie diverses formes
de réunion de présentation de situations.
Cette approche permet à chaque professionnel de situer son
intervention clinique dans les différentes dimensions que
sont l’analyse séméiologique, l’élaboration de la démarche
diagnostique et la construction d’un projet de soins.
Le recours institué au groupe oblige chaque praticien à
confronter sa pratique individuelle à un cadre théorique
scientifique partagé, à interroger son savoir mais, surtout,
lui permet de mettre à l’épreuve son rapport aux patients et
à la maladie, dimensions centrales d’une pratique de clinicien en psychiatrie.
La HAS a formalisé une démarche d’amélioration de la
qualité, à partir de l’expérience développée à l’initiative de
plusieurs associations de médecins : les groupes d’analyse
de pratique entre pairs.
Le groupe d’analyse de pratique entre
pairs peer review
Ce modèle a été élaboré par les associations de médecins
généralistes ayant une pratique essentiellement ambulatoire et en particulier par la Société française de médecine
générale (SFMG) dont l’expérience acquise par plusieurs
années de pratique fait référence : « Les groupes de pairs
sont nés de la volonté de structurer une étude de la
pratique de la médecine générale en groupes de travail ».
Ces médecins généralistes ont soutenu l’idée primordiale
de valoriser leur pratique effective et quotidienne. Ils ont
souhaité l’analyser au travers de modalités de travail en
groupe afin de permettre l’expression et le débat. Ce travail
d’élaboration est complété par une confrontation aux
données de la science.
Historique
Le terme de « groupes de pairs », utilisé par la SFMG a été
inspiré par R. Grol et son équipe néerlandaise de Nimègue
dont l’article Peers review in general practice, édité en
1985 dans la revue Family Practice, s’intéresse aux motivations des médecins généralistes à participer à des audits
cliniques.
En France, dès 1987, la SFMG impulse les premiers
groupes comme méthode d’étude critique de la pratique
et de la formation d’une personnalité professionnelle. La
SFMG fait le dépôt légal du terme « groupe de pairs® » en
1994. La méthodologie du groupe de pairs® a été validée en
2003 lors du 2e symposium à Annecy. D’autres modalités
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d’organisation de groupes ont été développées telles que
les groupes d’échange des pratiques de MG Form ou les
groupes qualité de l’URML Bretagne.
Cette méthode de formation et d’évaluation a été reconnue
par la HAS en 2006 comme un des moyens collectifs de
répondre à l’obligation d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) en ambulatoire et qui en a fait une fiche
technique disponible sur son site.
Définitions
Le critère premier de cette méthodologie concerne la
nécessité d’égalité de statuts des différents participants au
groupe : les pairs sont des personnes égales en situation
sociale et semblables quant à la fonction. Tous les professionnels occupant le même rang dans l’organisation du
groupe, l’absence de hiérarchie permet de faciliter la libre
parole de chacun.
Un groupe de pratique entre pairs doit être constitué de praticiens d’une même spécialité. Il fonctionne en s’appuyant
sur des modalités de travail interactives. D. Davis et al.
ont montré que seules les formations médicales continues
qui utilisent des méthodes interactives ont une certaine
efficacité.
Objectifs
Les auteurs M. Arnould et C. Cohendet de la SFMG,
dans un débat publié dans la Revue du Praticien, rappellent que les groupes d’analyse de pratiques entre pairs ont
comme finalité l’acquisition de nouveaux savoir-faire.
Cela se fait à travers divers objectifs comme celui de favoriser les échanges entre médecins ou encore d’analyser et
de critiquer la pratique telle qu’elle est, la confronter aux
données de la science.
L’ACFCP (Association pour les congrès et la formation continue des psychiatres) regroupe les instances
professionnelles du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et les instances scientifiques de la Société
de l’information psychiatrique (SIP). Cette association a
pour un de ses objets l’évaluation des pratiques professionnelles telles que prévues par le code de la Santé. Le
comité pédagogique développe son activité d’évaluation
dans quatre registres : des actions ponctuelles pendant
les journées nationales, des programmes continus à la
demande de groupes de professionnels, un accompagnement d’établissements ou structures et l’élaboration de
référentiels sur des thèmes non traités par la HAS et sur
lesquels la SIP et le SPH sont en mesure d’apporter une
expertise.
L’ACFCP a été agréée le 29 novembre 2006 par la Haute
Autorité en Santé pour l’évaluation des pratiques professionnelles des médecins salariés et hospitaliers.
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Méthodologie : le groupe
Les psychiatres, praticiens d’un même exercice, doivent
constituer un groupe homogène, volontairement restreint
de six à dix praticiens afin de permettre l’expression
de chacun.
Ce groupe peut se créer à partir d’une configuration déjà
existante comme certaines réunions institutionnelles
que les praticiens décident de faire évoluer en reprenant
les critères de formalisation des « groupes d’analyse de
pratique entre pairs » tels que définis par l’HAS. D’autres
modalités de constitution de groupes peuvent également
être utilisées et s’appuyer sur différents statuts informels
ou encore associatifs.
Le groupe centre son analyse sur la pratique quotidienne et
ordinaire de chaque psychiatre qui compare sa pratique à
celle des autres sur des cas réels. L’absence de hiérarchisation dans la communication aboutit à ce que le groupe fasse
fonction d’une certaine façon de référentiel où il n’y a pas
d’individu en place d’expert.
La discussion entre les participants conduit à la mise en
évidence de divergences dans l’analyse, aboutissant à
consulter les recommandations existantes, les données de
la science et de la littérature. Chaque praticien et, à un autre
niveau, l’ensemble du groupe est amené à comparer sa
pratique, à observer les écarts, à les réduire ou à les justifier par rapport à un référentiel de pratique. L’évaluation de
la pratique ainsi organisée aboutit à un premier objectif de
formation continue interactive.
Le groupe d’analyse de pratique entre pairs constitue un
moyen d’évaluation collective et continue des pratiques
s’appuyant sur une démarche personnelle volontaire. Les
règles du groupe se doivent de respecter l’identité professionnelle, ainsi que les formes et les modalités habituelles
développées dans le quotidien de notre travail. Par ailleurs,
il se doit d’être un lieu d’auto-évaluation non sanctionnant
Méthodologie : les réunions
Pour fonctionner chaque groupe d’analyse de pratique entre
psychiatres se doit de respecter différentes règles et aura à
en justifier pour la démarche de validation de l’EPP.
L’ACFCP a organisé à Marseille en 2006 un séminaire EPP
consacré aux groupes d’analyse de pratiques entre psychiatres. Différents critères retenus par la HAS ont été validés
dans des fiches protocoles. Les réunions doivent être régulières et avoir une fréquence suffisante : le rythme d’une
par mois permet d’obtenir une démarche d’amélioration
continue. La présence des membres du groupe doit être
certifiée par la signature sur une liste d’émargement, chaque
médecin ayant à participer à au moins six de ces réunions
pour une validation de son EPP.
L’animation du groupe s’appuie sur la désignation d’un
modérateur et d’un secrétaire à chaque réunion. Le modérateur a comme responsabilité de faciliter la dynamique, de
répartir le temps de parole, d’aider chacun à se maintenir
dans les objectifs du groupe. Afin de garder la confidentialité des débats, il n’y a pas par principe d’observateur
extérieur. De façon volontaire et concertée, le groupe peut
faire appel à un animateur extérieur qui peut apporter dans
certains cas son expertise.
Un compte rendu de séance rédigé par le secrétaire
témoigne du contenu de la séance, il résume les problèmes
posés et les réponses apportées par le groupe, les références
et les prises de décisions consensuelles. Chaque membre du
groupe exerce tour à tour le rôle de secrétaire de séance.
Chaque réunion est organisée autour de trois temps distincts :
l’étude de cas, l’analyse du parcours et de la coordination
des soins, des thématiques spécifiques. L’ensemble de la
réunion dure entre deux et trois heures (encadré 1).
Processus d’analyse et d’amélioration de la pratique
Au cours de la réunion, les problèmes cliniques sont présentés
et analysés, les références sont consultées, chaque psychiatre argumente ; des pistes d’amélioration consensuelles
et référencées sont éventuellement définies et proposées.
L’appropriation par chacun de praticiens accompagne
l’effort d’amélioration de l’exercice quotidien de la
pratique et de la continuité des soins par réduction des
écarts observés et évaluation régulière de l’impact.
Les staffs-EPP des équipes hospitalières
de psychiatrie
De nombreuses équipes de psychiatrie en établissement de
santé ont développé des réunions de service appelées staffs
réunissant les différents soignants de manière pluriprofessionnelle, ce qui est d’un intérêt majeur pour la prise en
charge des patients de notre discipline. Le staff désigne
la réunion d’un service ou d’une unité de soins instituée
dans un but organisationnel ou pour évaluer et résoudre
des problèmes des prises en charge médicales. La plupart
de ces staffs hospitaliers affichent un objectif associé de
formation des participants.
La HAS a souhaité valoriser ces modalités d’exercice
clinique qui portent en elles-mêmes un volet d’évaluation
et permettent aux équipes d’analyser les données de leurs
pratiques. Le principe retenu pour le staff-EPP des équipes
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La dynamique du groupe permet de renforcer l’identité
professionnelle, d’améliorer le travail en équipe et la coordination des soins.
Ces différents objectifs constituent la base d’une démarche
visant à améliorer la qualité des soins.
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Réunions des groupes d’analyse de pratique entre psychiatres
1re étape - Etude de cas
Chaque psychiatre présente le cas d’un patient choisi de
façon aléatoire parmi ceux qu’il a vus récemment : par
exemple sera retenu la troisième consultation du mardi
précédent la réunion du groupe d’analyse. Cette modalité
de tirage au sort permet de centrer la discussion clinique
sur ce qui représente la majorité des situations rencontrées dans la pratique. La présentation aléatoire favorise
une analyse et une évaluation d’un dossier ordinaire. A
ces dossiers choisis de manière aléatoire doivent être
associés, dans le cadre de la démarche de validation de
l’EPP, un ou plusieurs thèmes qui seront suivis et évalués
périodiquement.
Chaque médecin expose un cas clinique en utilisant
différents registres définis préalablement par le groupe
comme la description séméiologique, la dynamique de
la consultation, les antécédents et informations utiles, les
hypothèses diagnostiques, les éléments de la discussion
bénéfices/risques, l’élaboration des décisions prises à
partir de l’analyse de la consultation et des autres déterminants, etc.
Cette phase de présentation clinique va s’appuyer sur
l’utilisation d’un outil commun aux membres du groupe :
une grille de présentation. Les objectifs d’utilisation
de cette grille sont de faciliter la présentation du cas,
de permettre au praticien d’argumenter et de justifier
ces décisions avec plus de précision, de permettre au
groupe un travail collectif reposant sur un outil partagé,
d’évaluer sa pratique et de la confronter aux données de
la science, de documenter dans le cadre d’une procédure
de validation de l’EPP, d’ouvrir la possibilité de travaux
de recherche exploitant les données recueillies.
2e étape - Analyse de la continuité des soins
Ce temps du groupe se centre sur l’analyse globale et
par plan de l’organisation du projet de soins. Celui-ci
doit permettre de développer la notion de continuité
des soins avec le patient et les différents partenaires,
entourage familial, professionnels de santé, ou ceux de
son contexte social. Ce temps est tout particulièrement
sensible en psychiatrie où le projet de soins ne peut être
pensé que dans une dimension continue et plurifocale
telle que pensée par le concept de secteur.
La continuité relationnelle désigne la relation thérapeutique entre un patient et un ou plusieurs soignants. Elle
offre au patient une meilleure reconnaissance de ses trou-
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bles et du diagnostic, une meilleure observance et lui permet de mieux faire face à sa maladie. Cette dimension,
analysée en partie dans le premier temps de discussion,
va être formalisée dans ce deuxième temps à travers différents critères qui concernent la qualité des informations
délivrées, la qualité de l’organisation des soins, la recherche de relations continues entre patient et soignants ainsi
qu’entre les professionnels partenaires, la stabilité du personnel, etc.
La continuité va également s’appuyer sur le deuxième
plan qui concerne la continuité informationnelle, c’està-dire la disponibilité et l’utilisation de renseignements
sur les éléments antérieurs de l’histoire permettant
d’adapter le projet de soins : éléments issus du recueil
d’informations écrites, éléments du dossier du patient,
courriers entre les différents intervenants. Le transfert
d’information écrite lie les éléments du soin dans le
temps et constitue un prérequis pour la coordination des
soins. Le groupe analysera les courriers, l’organisation
du dossier patient, etc.
Un troisième axe concerne la continuité du plan
d’intervention, particulièrement importante en psychiatrie,
qui s’appuie sur la cohérence temporelle et fonctionnelle
entre les diverses actions de soins et les différents plans
d’interventions : soignant, social, économique, judiciaire,
éducatif, etc. Le groupe d’analyse de la pratique procède
à l’examen des modalités de coordination internes
au service, à l’établissement, avec les professionnels
extérieurs : médecins libéraux, mais aussi l’ensemble des
professionnels institutionnels.
3e étape - Approfondissement de thèmes
spécifiques
Le groupe d’analyse de pratique entre psychiatres s’appuie
sur des données qui sont référencées : recommandations,
données de la littérature, niveau de preuve, evidence
based medecine. Par ailleurs, le groupe peut au préalable
choisir une ou plusieurs thématiques particulières qu’il
souhaite approfondir et suivre au cours des différentes
séances à travers plusieurs critères ou paramètres
cliniques. Ces données seront discutées au sein du groupe,
lors de chaque séance et comparées aux références. Le
choix préparatoire de thématiques facilite le travail de
recherche bibliographique et de mise à disposition de
données référencées.
Ce temps pourra être également l’occasion de parler des
cas complexes.
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Staffs médicaux hospitaliers « protocolisés »
L’arrêté du 13 juillet 2006 portant homologation des règles
de validation de la formation médicale continue considère
que les staffs protocolisés sont intégrés dans la catégorie 3
qui regroupe un ensemble de situations professionnelles
formatrices.
Dans sa réflexion sur le développement de l’EPP, la HAS a
mis l’accent sur les formes émergentes de pratiques médicales et d’évaluation où l’analyse de dossiers, base de travail
des staffs médicaux, apparaît comme forme d’évaluation
des pratiques professionnelles. La mise en place d’un
protocole a été retenue comme objectif afin de permettre
de valider une démarche d’amélioration des pratiques pour
un staff.
Historique
La Fédération des spécialités médicales a mis en place un
groupe de travail, coordonné par Jacques-Henri Barrier
(interniste) et Nicole Garret-Gloanec (pédopsychiatre),
qui a rédigé des fiches de protocole de staff. Deux fiches
de staff ont été différenciées, une pour la formation et une
autre pour l’EPP. La fiche technique d’un protocole de
staff élaborée par la FSM a été examinée par le Conseil
national de formation médicale continue des hospitaliers
(CNFMCH) qui a confirmé les deux niveaux de participation à un staff, le premier étant formatif et le second
évaluatif. Ces fiches ont finalement été adoptées par le
CNFMCH le 21 avril 2006.
Le modèle de staff pour la formation médicale continue
est présenté sur le site de la Fédération des spécialités
médicales.
Cette séparation est relativement artificielle et les staffs
ont en général une double fonctionnalité formative et
évaluative.
Staff protocolisé pour l’EPP : groupe de décision
et d’évaluation professionnelle (GDEP)
Groupe de professionnels
Le groupe de staff-epp va réunir différents professionnels
d’une même structure : médecins spécialistes, généralistes,
autres professionnels de santé. La dimension pluriprofessionnelle est possible, voire recommandée. L’équipe
comporte rarement plus de dix praticiens.
La composition du groupe doit être stable au cours des différentes réunions afin de maintenir une certaine dynamique.
La possibilité de confrontation à d’autres équipes, à des
formes d’exercices interdisciplinaires ou à des échanges
sur les pratiques public-privé sont également des expériences encouragées.
Objectifs
L’analyse des pratiques professionnelles dans les staffsEPP doit permettre le développement de la formation des
praticiens et l’amélioration de la qualité des soins. Chaque
groupe staff-EPP identifie un ou plusieurs thèmes, par
exemple un symptôme, une technique, un examen complémentaire, une organisation ou parcours de soins, un chemin
clinique, un traitement, un axe de prévention ou d’éducation
thérapeutique/de santé et met en place une analyse et une
recherche.
Organisation
Différentes fonctions sont définies et occupées par les
membres du staff-EPP :
- un responsable du programme de staff-EPP ;
- un modérateur ayant une expertise dans le ou les thèmes
choisi désigné avec pour fonction de permettre la circulation de la parole ;
- un expert, qui peut être aussi le modérateur, choisi au
préalable si le thème est préétabli ou en début de séance si
les travaux portent sur les cas cliniques en cours ;
- un secrétaire de séance qui est en charge des différents
comptes rendus : résumé de séance, de discussion, etc.
L’organisation s’appuie également sur des modalités
pratiques que le groupe aura programmées :
- une feuille d’émargement qui sera datée et signée ;
- la régularité des séances : la date du staff est déterminée
ainsi que sa fréquence avec un suivi sur une durée qui est
variable de 6 à 12 mois (action ponctuelle) ou sans limite
(programme continu) ;
- les supports sont les dossiers des patients des membres
du groupe ;
- les références sélectionnées que sont les données de la
littérature, les travaux d’autres équipes ; les référentiels
d’EPP et ceux à créer s’ils n’existent pas par les sociétés
savantes.
La HAS précise que le déroulement du staff-EPP est une
démarche entre professionnels qui associe successivement :
- une revue de dossiers préalablement sélectionnés de
manière explicite par l’équipe et qui fait émerger un questionnement sur des domaines variés (modalités de prise en
charge, diagnostic, traitement, pronostic, iatrogénie, qualité
et efficience des soins, cas clinique, etc.) ;
- une revue bibliographique sélectionnant les meilleures
références (niveau de preuve) qui permettent d’apporter des
réponses aux questions posées par la revue de dossiers ;
- une discussion entre professionnels lors d’une réunion
appelée staff-EPP afin d’apprécier la validité, l’utilité et
l’applicabilité des références sélectionnées pour répondre
aux questions posées. Pour cela on utilise une démarche
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Séminaire de formation médicale continue
hospitalières est de formaliser certaines de ces réunions
afin d’enclencher une démarche d’amélioration continue
de la qualité.
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médicale basée sur les preuves (evidence based medicine
ou EBM) qui intègre les meilleures références disponibles
couplées à l’expertise des praticiens et tenant compte des
choix des patients. ;
- des actions d’amélioration et de suivi sont alors mises en
place selon des modalités explicites (rédaction/actualisation
de protocoles, chemin clinique, audit, suivi d’indicateurs,
enquête de satisfaction patient, etc.).
Les staffs-EPP des équipes hospitalières
de psychiatrie
La HAS considère qu’un médecin qui participe activement
et régulièrement à des staffs-EPP répondant aux critères
énoncés ci-dessous remplit son obligation d’évaluation
des pratiques professionnelles (décret n° 2005-346 du
14 avril 2005). Ainsi deux documents apparaissent indispensables pour valider un tel programme, au titre de
l’EPP : une charte (ou règlement intérieur) précisant le
fonctionnement du staff-EPP, des comptes-rendus écrits
de chaque staff-EPP.
Proposition de charte décrivant le fonctionnement
du staff-EPP
Ce document, daté et actualisé, décrit les modalités
d’organisation du staff-EPP et apporte des informations
sur les objectifs du staff-EPP, le secteur d’activité (ou service
ou pôle) concerné, les professionnels concernés (qui participe aux réunions ?), la périodicité, la durée des réunions
(2 heures tous les 2 à 3 mois en moyenne), le responsable
du programme staff-EPP, les modalités de sélection des
dossiers, les modalités de désignation des responsables
du choix des thèmes, de la revue de dossiers, de la revue
bibliographique (un ou plusieurs praticiens à tour de rôle ?),
les modalités de déroulement de la réunion (qui anime la
réunion ? comment se déroule-t-elle ? invitation éventuelle d’un expert du thème ?), la traçabilité et l’archivage
des documents issus du staff-EPP (comptes-rendus écrits,
modalités d’archivage, respect de l’anonymat des patients et
des professionnels ayant pris en charge les patients).
Conseils pour la rédaction d’un compte-rendu
de staffs-EPP
Le compte-rendu du staff-EPP comporte le résumé
anonymisé du dossier et les questions posées, les références
bibliographiques sélectionnées et utilisées, le résumé de
la discussion, les actions d’amélioration entreprises et les
modalités de suivi, les modalités de diffusion des conclusions du staff-EPP (courrier, réunion, communication,
poster, publication…), la liste des personnes présentes
(feuille d’émargement datée et signée).
Un bilan d’activité annuel faisant la synthèse des staffs-EPP
peut être intéressant à réaliser (nombre de réunions, nombre
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de dossiers examinés et typologie, actions d’amélioration
entreprises, suivi d’indicateurs, etc.).
Méthodologie
La méthodologie du déroulement des staffs-EPP des équipes
de psychiatrie hospitalière est décrite dans l’encadré 2.
Les staffs protocolisés ne représentent pas conceptuellement une réelle innovation. Même si l’exercice médical
a longtemps été individuel, surtout dans le monde libéral,
les équipes hospitalières et des secteurs de psychiatrie ont
toujours su se réunir pour résoudre leurs problèmes. Elles
en ont fait même un modèle thérapeutique à partir du travail
du courant de psychothérapie institutionnelle.
Conclusion
Nous avons présenté et mis en parallèle deux méthodes
d’analyse des pratiques qui ne dérouteront sans doute ni
les psychiatres ni les équipes de psychiatrie. Les réunions
d’analyse et de synthèse font partie intégrante du cadre
soignant habituel de notre discipline, qui ne peut être
pensée que dans son rapport aux savoirs.
La méthode des groupes d’analyse des pratiques entre pairs
s’appuie sur un modèle développé par les médecins généralistes. Elle apparaît très pertinente par son objet premier
qui est la mise en commun par chaque participant de ce
qui est au cœur de sa pratique, le lien médecin-patient. Le
groupe permet une lecture des fondements de cette relation légitimée par le rapport du médecin aux savoirs, aux
données de la science : quelle en est son appropriation dans
le quotidien de ses actes et en quoi évolue-t-il ?
Le recours au groupe est nécessaire pour aider les praticiens
ayant une activité clinique isolée ambulatoire en cabinet, à
amener une dynamique interactive où chacun se confronte
à la pratique de l’autre. La HAS en a reconnu tout l’intérêt
dans le processus de mise en place d’une évaluation des
pratiques professionnelles et a apporté une légitimité par la
formalisation de protocoles.
Ce modèle d’analyse des pratiques peut trouver un écho
favorable auprès de nombreux psychiatres dont l’activité
ambulatoire en centre médicopsychologique est axée sur la
consultation individuelle.
L’analyse de la dynamique de ces consultations, qui est
le socle de notre activité de médecin, s’articule avec la
réflexion sur la continuité des soins. Chaque psychiatre
de secteur de psychiatrie construit son projet de soin avec
le patient en résonance avec l’équipe pluriprofessionnelle
qui développe les diverses interventions soignantes sur des
plans multiples.
L’expérience acquise depuis de nombreuses années de
groupes de travail appelés staffs, dans leur version centrée sur
la clinique et l’analyse de dossiers fait partie intégrante des
outils utilisés par les équipes hospitalières dans toutes les disciplines. Ce modèle de staff est une base théorique préalable à
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1re étape - Définition du ou des thèmes
Deux possibilités, non exclusives l’une de l’autre :
- analyse des besoins du groupe et/ou choix de priorités
de santé publique, thème repérable (délimité, fréquent,
avec le choix de critères en nombre limité) ;
- choix de thèmes le jour du staff à partir de cas cliniques
posant problèmes
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2e étape - Déroulement de la session elle-même
Présentation d’un ou de cas cliniques
Détermination du ou des problèmes soulevés
Hypothèses de résolution du ou des problèmes
Discussion (expert)
Apport de références
Définition de la procédure choisie pour résoudre le
problème
Autoévaluation de chaque participant (par rapport à leur
pratique) au regard de cette procédure
Axe d’amélioration
3e étape - Mise en application des décisions
d’amélioration
Pour les nouveaux cas ou les anciens en cours
Pour les organisations ou parcours de soins nouveaux
ou en cours
4e étape - Lecture et critique du compte-rendu
de la réunion précédente
Retour sur les questions concernant les cas antérieurs,
réexamen des questions non résolues (réponses, poursuite des réflexions)
Aide pour le ou les cas difficiles éventuels
Lecture/commentaire d’articles
Suivi et critique du référentiel
Xe + n étape
Confrontation éventuelle avec d’autres équipes
Xe + n + 1 étape
Validation de l’ensemble défini comme l’amélioration
des pratiques professionnelles de chacun
Validation de l’évolution du référentiel
Validation de l’organisation des soins ou du parcours
de soin
Validation des indicateurs choisis
NB. Un programme continu nécessite des évaluations
périodiques pour validation
la mise en place d’une dynamique d’évaluation des pratiques
professionnelles. Ces staffs centrés sur l’approfondissement
de certaines situations ciblées, certains cas complexes font
appel à un travail de recherche et de référencement théorique
et bibliographique. L’appropriation de ces éléments par les
médecins et les équipes permet d’approfondir les connaissances et d’améliorer la qualité des soins.
Pour que ce modèle évolue vers une forme de protocole
d’évaluation des pratiques professionnelles staff-EPP, la
HAS a formalisé une série de critères à partir du travail des
associations de spécialités médicales.
Les équipes de psychiatrie ont institué ce travail en staff,
axé sur l’approfondissement des situations problématiques
ou complexes mais aussi sur les questions de la formation
transversale, elles sauront sans grande difficulté s’approprier
ces protocoles staff-EPP et pourront dans le cadre de la certification des établissements de santé et dans l’évaluation des
pratiques professionnelles par les psychiatres valider leurs
démarches d’amélioration de la qualité des soins.
Notre rapport au patient et à la maladie mentale ne peut
néanmoins se réduire à une vérité définitivement acquise
ou au seul principe de normes. La création des formes et
protocoles donnés à l’évaluation des pratiques professionnelles par la HAS doit s’appuyer sur l’expérience pratique
des médecins et des équipes ainsi que sur les apports
théoriques des sociétés scientifiques.
Bibliographie
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Psychiatrique 2006 ; 1 : 5-49
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. Les groupes de pairs de la SFMG. Revue du Praticien 2005,
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(EPP). Fédération des spécialités médicale, 2006
. Fédération des spécialités médicales : psydoc-fr. broca.
inserm. fr : 16080/fsm/
. Décret n° 2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des
pratiques professionnelles. Journal Officiel, 15 avril 2005
. Barrier J. Quel rôle pour les sociétés savantes dans l’évaluation
des pratiques professionnelles (EPP) des spécialistes médicaux ? L’Information psychiatrique 2006 ; 82 : 15-22
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 83, N° 4 - AVRIL 2007
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Séminaire de formation médicale continue
Méthodologie : déroulement
des staffs-EPP des équipes
de psychiatrie hospitalière
347
4/27/2007 6:33:55 PM
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