L
a nécessité d’avoir un regard
sur l’organisation hospita-
lière de sa région afin de
gommer les disparités induites par
les contraintes géographiques,
d’une part, et par les problèmes de
démographie médicale, d’autre
part, l’intérêt d’homogénéiser les
pratiques, de répondre aux attentes
légitimes de la population et de lui
apporter une égalité de chance
quel que soit le domicile nécessi-
tent une organisation nouvelle à
l’échelle des régions (1).
Le constat en Bourgogne
La Bourgogne souffre, dans le
domaine des AVC comme dans
d’autres domaines, de son éten-
due (région aussi grande que la
Belgique), de sa population impor-
tante (1 600 000 habitants) et
vieillissante, et d’une faible densité
de neurologues (35 neurologues
pour 1 600 000 habitants).
Enfin, l’accès aux urgences neuro-
logiques est difficile pour la popula-
tion. Ainsi, sur 11 sites hospitaliers
autorisés pour l’accueil des
urgences et disposant d’un scanner,
4 seulement ont un service de
Neurologie in situ (Dijon, Chalon
sur Saône, Mâcon et Sens), d’où la
nécessité d’apporter une aide neu-
rologique aux urgentistes des
7 autres sites hospitaliers.
Parmi les premières
initiatives
Fort de ce constat défavorable, les
neurologues de Bourgogne se sont
organisés avec les urgentistes, les
radiologues et les médecins géné-
ralistes dans le cadre d’un réseau
régional dédié à la prise en charge
des AVC. Celui-ci a pu voir le jour
en mars 2002 grâce à un projet
FAQSV et grâce au soutien et au
financement de l’Union régionale
des caisses d’assurances maladies
(URCAM) et de l’Agence régionale
d’hospitalisation(ARH).
Ce réseau fonctionne à 2 niveaux :
Le réseau inter-hospitalier qui
permet, soit de transférer les AVC
au CHU de Dijon, soit d’apporter
aux collègues des hôpitaux géné-
raux une aide diagnostique et thé-
rapeutique, dans le but d’homogé-
néiser la prise en charge des AVC
en Bourgogne et de prodiguer une
égalité d’accès à des avis experts.
Ce réseau inter-hospitalier centré
sur l’unité neurovasculaire du CHU
de Dijon est coordonné par le
Dr G.V. Osseby. L’installation en
septembre 2004 d’un outil de
communication instantané utilisant
la télémédecine mettra en lien les
11 hôpitaux avec l’unité neurovas-
culaire du CHU au sein du réseau
de télémédecine ReBoN (Réseau
Bourgogne-Neurologie).
Le réseau soins de suite, parallè-
lement au réseau inter-hospitalier
dédié à la phase aiguë, est un
réseau de soins de suite des AVC
consacré à la phase chronique.
Celui-ci s’est donné pour objectifs
d’améliorer le suivi à domicile des
patients victimes d’un AVC pour
diminuer le handicap, adapter l’en-
vironnement au handicap, identi-
fier les facteurs de risque de réci-
dive et proposer une prévention
optimale.
Pour être efficace, le réseau soins
de suite a été conçu en intégrant les
médecins généralistes, les neuro-
logues et les angiologues, avec une
coordination assurée par un neuro-
logue libéral, le Dr M. Menassa,
LLaa pprriissee eenn cchhaarrggee ddeess AAcccciiddeennttss VVaassccuullaaiirreess CCéérréébbrraauuxx ((AAVVCC)),, ccoonnssii--
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ddaarrddiissééee eett ccoooorrddoonnnnééee aa ddéémmoonnttrréé ssoonn eeffffiiccaacciittéé ttaanntt ssuurr llee ppllaann ddee
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Une infirmière-clinicienne pour les AVC
Une solution en Bourgogne
PPrrooffeessssiioonnss SSaannttéé IInnffiirrmmiieerr IInnffiirrmmiièèrree NN°°6633 mai 2005
dont la consultation spécialisée
pour les AVC est consacrée aux
patients de Bourgogne désireux
d’avoir une prévention optimisée.
Malgré ce maillage du terrain, il a
été nécessaire de trouver un moyen
permettant un suivi de proximité et
continu sur le long terme.
Une infirmière spécialisée
Dans cet objectif, une infirmière,
Mme Février, a été formé pour pré-
parer la sortie du patient du service
de neurologie et pour assurer un
suivi téléphonique à domicile. Cette
infirmière diplômée d’État a été spé-
cifiquement formée pendant six
mois aux mécanismes des AVC, à
leurs différents sous-types, aux diffé-
rentes causes, aux différents fac-
teurs de risque vasculaires, aux
signes cliniques, aux différentes
explorations paracliniques à desti-
née diagnostique, étiologique et
pronostique, et aux différentes
modalités thérapeutiques en phase
aiguë et en prévention secondaire. Il
s’agit d’une infirmière-clinicienne,
comparable aux stroke-nurses du
Canada.
Ainsi, cette infirmière spécialisée
intervient auprès des malades en
deux temps :
À l’hôpital, avant la sortie du
malade, par son éducation et celle
de sa famille, par l’apprentissage
des facteurs de risque vasculaires,
sur la nécessité d’un régime ali-
mentaire plus riche en acides gras
poly-insaturés, peu salé, d’une acti-
vité physique modérée mais conti-
nue, assortie du respect de l’or-
donnance permettant de corriger
les facteurs de risque.
L’ordonnance est analysée et expli-
quée au patient et à sa famille,
avant la sortie.
À domicile, par le suivi télé-
phonique trimestriel. On a constaté
que cette intervention était incon-
tournable car les effets bénéfiques
de l’éducation du patient et de sa
famille juste avant la sortie de l’hô-
IInnffooss ......
La circulaire 517
L’organisation de la
prise en charge des
AVC en Bourgogne
s’appuie sur la
circulaire ministérielle
DHOS/DGAS/DGS
n° 517 du 03 11 2003
relative à la prise en
charge des AVC.
« L’objet de cette
circulaire est de
formuler des
recommandations
afin d’améliorer
l’organisation de
l’ensemble de la
filière, de l’alerte à
la réinsertion des
patients. Elle décrit
le parcours du
patient dès les
premiers signes de
l’AVC, de son arrivée
aux urgences
jusqu’au retour
au domicile. »
AAccttuuaalliittéé PPrrooffeessssiioonn
4
pital, s’étiolaient rapidement s’il n’y
avait pas un rappel continu.
Tous les trimestres, l’infimière-AVC
rappelle le patient pour évaluer
son état général, l’absence d’ag-
gravation du handicap mesuré par
les scores de Barthel et de Rankin,
l’absence de dépression nerveuse
mesurée par le test de HARD. Elle
s’assure aussi que le patient est
compliant vis-à-vis de l’ordon-
nance et qu’il n’y a pas de change-
ments, involontaires ou non, dans
la posologie et le nombre de
médicaments majeurs que sont
les médicaments de l’HTA, de
l’hypercholestérolémie, du dia-
bète, les traitements à visée car-
diaque, les anti-agrégants, les anti-
coagulants, sans oublier l’arrêt du
tabac.
Ce suivi téléphonique trimestriel
est pour les médecins très instructif
car sur un an il a été constaté qu’à
3 mois, 25 % des patients avaient
modifié leur traitement, après avis
de leur médecin traitant dans 60 %
des cas, ou sans son avis dans
40 % des cas. Les 3 changements
intempestifs les plus fréquents ont
été l’arrêt ou la diminution du trai-
tement antihypertenseur, l’arrêt
des anti-vitamines K remplacées
par le clopidogrel malgré la persis-
tance de l’arythmie cardiaque, l’ar-
rêt d’une statine chez des patients
ayant plusieurs facteurs de risque
vasculaires ou plusieurs localisa-
tions athéromateuses.
Les constatations effectuées par
Mme Février sont transmises au
médecin coordonnateur du réseau,
le Dr M. Menassa, qui par un cour-
rier personnalisé signale le pro-
blème que pose une prévention
inadaptée au médecin traitant et
envisage avec lui les solutions les
plus appropriées.
Transfert de compétences
L’expérience faite en Bourgogne est
une véritable mutation (2) mise en
place d’un commun accord entre
les professionnels médicaux et
paramédicaux, ces derniers ayant
acquis par leur exercice des com-
pétences certaines facilitant l’ap-
prentissage et la polyvalence.
Cette expérience, rendue nécessaire
par la baisse de la démographie
médicale, soutenue par l’URCAM et
l’ARH de Bourgogne, a le mérite de
démontrer la faisabilité de ce trans-
fert de compétences sous certaines
conditions, dont la principale reste
l’encadrement médical. Le transfert
de compétences apporte une légi-
time reconnaissance aux profes-
sions paramédicales et des possibili-
tés d’évolution de carrière qu’elles
n’avaient pas jusqu’alors (3).
Cette question du partage des
tâches, voire des compétences
s’applique à la Bourgogne, où la
crise démographique, la dispersion
des malades, la disparité des
moyens et de l’accès aux soins, la
surconsommation médicale entraî-
nent une activité accrue des méde-
cins, moins disponibles pour la pré-
vention, qui nécessite dialogue et
disponibilité.
Si à l’étranger, les expériences de
transfert de compétences sont
nombreuses et parfois anciennes,
elles sont plus rares en France. A
notre avis, une infirmière formée,
spécialisée, peut prendre la res-
ponsabilité du suivi, de l’éducation,
des conseils diététiques et de la
compliance envers l’ordonnance.
Vaincre les difficultés
Malgré l’intérêt indiscutable des
transferts de compétences, cette
pratique peut poser cependant
quelques problèmes :
Responsabilité de l’acte délégué.
Diminution de la qualité et de la
sécurité des soins.
Nécessité d’une formation spéci-
fique, de l’utilisation de protocoles
validés optimisant la sécurité de
l’acte.
Nécessité de l’évaluation des
compétences et des acquis.
Collaboration nécessaire avec un
encadrement médical, et utilité
d’un rétrocontrôle dans l’esprit de
tolérance, d’écoute et de respect
mutuel.
Encouragée par ces résultats satis-
faisants, l’expérience bourgui-
gnonne se poursuit et elle devrait
aboutir à une réflexion plus géné-
rale sur le métier d’infirmière-
clinicienne, qui est déjà fort utile
dans d’autres domaines comme
la diabétologie, l’hémodialyse, la
cancérologie, la gérontologie et
l’ophtalmologie.
Deux points essentiels
Il faut légitimer le transfert par
une formation adaptée. La création
de nouveaux enseignements et de
nouvelles formations sera néces-
saire, par exemple dans le
domaine des infirmières spéciali-
sées en endoscopie ou en écho-
cardiographie. À ce sujet, rappelons
que la neurologie a joué un rôle
précurseur avec le diplôme d’infir-
mière-technicienne en électrophy-
siologie (EEG, EMG), qui existe
depuis plus de 40 ans et ouvre le
droit à la réalisation de l’examen
lui-même.
Il faut que le transfert de tâches
et de compétences s’accompagne
d’une collaboration entre profes-
sions médicales et professions
paramédicales, sous la responsabi-
lité du médecin, et de l’accompa-
gnement des tutelles.
Ainsi, l’expérience bourguignonne
est une réponse aux problèmes
géosanitaires et de démographie
médicale et paramédicale que
connaît cette région, et elle peut
être appliquée à d’autres régions.
Guy-Victor Osseby,
Michaël Menassa,
Michelle Février,
Bernard Vernet,
Didier Jaffre,
Pierre Routhier,
Maurice Giroud.
CHU 21000 Dijon
Références
1.
Giroud M, Osseby GV. La prise en charge
des AVC en France, un nouvel enjeu dans
l’organisation des soins hospitaliers. La
Presse Médicale 2004;33:293-4.
2.
Ducloux M. À quelles conditions transfé-
rer nos competences ? Le Bulletin de
l’Ordre des médecins 2004;2:3-10.
3.
Berland Y. Coopérations des professions
de santé : le transfert des tâches et des
compétences. Rapport d’étape. 2003.
www.sante.gouv.fr.
PPrrooffeessssiioonnss SSaannttéé IInnffiirrmmiieerr IInnffiirrmmiièèrree NN°°6633 mai 2005
AAccttuuaalliittéé PPrrooffeessssiioonn 5
IInnffooss ......
Pour le réseau
Bourgogne-AVC
1 : Unité
neurovasculaire –
CHU – 3 rue
du Faubourg Raines
– 21000 Dijon
2 : Réseau
Bourgogne-AVC –
Service de neurologie
– CHU – 3 rue du
Faubourg Raines –
21000 Dijon
3 : Infirmière-
clinicienne dans le
réseau Bourgogne-
AVC
4 : Médecin
généraliste à Avallon –
Président de
l’Association du
réseau Bourgogne-
AVC
5 : Secrétaire général
– Agence régionale
d’hospitalisation
de Bourgogne –
1 rue Monge –
21000 Dijon
6 : Directeur – Union
régionale des caisses
d’assurances
maladies –
14 rue Jean Giono –
21000 Dijon
Pr M. Giroud,
Service de neurologie
CHU – 3 rue
du Faubourg Raines
21000 DIJON
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