En fait, l’analyse génétique des patients présentant un état inter-
sexué montre que seules 15 à 20 % des femmes XY avec dysgé-
nésie gonadique pure présentent une mutation de SRY et que
SRY est présent dans seulement 10 % des cas de mâle XX avec
ambiguïté sexuelle, dans 10 % des hermaphrodismes vrais et
chez 90 % des mâles XX sans ambiguïté. Même si les variations
phénotypiques observées chez les mâles XX peuvent s’expliquer
par des phénomènes d’inactivation de l’X, ces résultats sont en
faveur de l’implication d’autres gènes dans la détermination
sexuelle, qui agiraient en amont ou en aval de SRY.
AUTRES GÈNES IMPLIQUÉS DANS LA DÉTERMINATION
SEXUELLE
Des recherches ont été entreprises afin d’identifier les autres
gènes possiblement impliqués. Certains ont été découverts
grâce à l’étude génétique de patients présentant une pathologie
héréditaire associée à une forte prévalence de troubles de la
différenciation sexuelle. On retrouve des gènes liés au chromo-
some X et des gènes liés aux autosomes.
Gènes liés à l’X
Gène DSS (Dosage Sensitive Sex-reversal). Le gène DSS a été
annoncé comme le gène de la féminité par la presse généra-
liste. L’hypothèse de l’existence d’un gène lié à l’X impliqué
dans la détermination sexuelle vient de l’observation de cas
héréditaires de dysgénésie gonadique XY avec un mode de
transmission lié à l’X. C’est Bardoni et coll. qui, en 1994, ont
identifié un locus DSS de 160 kb localisé sur le bras court du
chromosome X (en position 21). Ce gène était dupliqué chez
des patientes XY n’ayant pas de mutation au niveau du gène
SRY. Une double “dose” de DSS aurait donc un effet inhibiteur
sur l’action de SRY, expliquant le phénotype féminin chez ces
patientes. Ce gène muté chez des femmes XX n’entraîne pas
de trouble de la différenciation sexuelle ; il n’aurait donc pas
de rôle dans la détermination sexuelle dans le sens féminin.
DAX 1
est un gène localisé à l’intérieur du locus de DSS
(Xp21-3). Il code pour un membre de la famille des récepteurs
nucléaires orphelins. Une mutation de ce gène est responsable
de l’hypoplasie congénitale des surrénales (AHC), qui touche
les hommes dans les premières semaines de vie. Cette affec-
tion est fréquemment associée à un hypogonadisme hypogona-
dotrope.
Il s’agit d’un gène candidat à un rôle dans la détermination
sexuelle puisque, entre autres, il est exprimé chez la souris au
niveau de la crête génitale à la période de détermination
sexuelle. Par ailleurs, son expression au moment de l’embryo-
genèse a lieu tout le long de l’axe gonadotrope (hypothalamus,
hypophyse, surrénale), ce qui explique sans doute la préva-
lence de l’hypogonadisme hypogonadotrope chez les sujets
présentant une mutation de DAX 1.
Cependant, son ou ses rôles sont mal connus. Il aurait un rôle
au niveau de la fonction des cellules de Sertoli. En effet, l’ana-
lyse des testicules chez les sujets présentant une AHC révèle
une absence de cellules germinales, avec immaturité des cel-
lules de Sertoli. Il aurait aussi un rôle dans le développement
ovarien puisque, chez la souris, son expression est maintenue
uniquement en cas de différenciation sexuelle dans le sens
féminin.
Pour certains, ces deux gènes, DSS et DAX 1, n’en représente-
raient qu’un seul : la surexpression de DAX 1 par transgène
chez la souris est en faveur de cette hypothèse puisque l’on
observe une inversion de sexe chez la souris XY (Swain et
coll., Nature 1998).
Gènes autosomiques
SOX 9 est un gène localisé sur le bras long du chromosome 17.
Il appartient à la famille des protéines SOX (SRY box contai-
ning). Cette famille comporte une homologie de séquence de
plus de 60 % au niveau de la boîte HMG avec le domaine
HMG de SRY. Une mutation de SOX 9 a été retrouvée chez des
patients atteints de dysplasie campomélique (anomalie de la
formation du cartilage), celle-ci étant fréquemment associée à
une dysgénésie gonadique XY. Cette mutation s’exprime sur le
mode hétérozygote dominant. Il semble que SOX 9, comme
SRY, joue un rôle dans la détermination sexuelle dans le sens
masculin puisque seuls les hommes atteints de dysplasie cam-
pomélique ont un trouble de la détermination sexuelle.
WT 1 est un gène localisé sur le bras court du chromosome 11.
Il a été initialement identifié comme oncogène responsable
d’une tumeur rénale (tumeur de Wilms) chez l’enfant.
Plusieurs arguments plaident en faveur de son implication dans
le développement gonadique :
– il est exprimé à J9 chez la souris au niveau de la crête géni-
tale ;
– on observe, chez la souris “knock-out” pour ce gène, une
agénésie rénale et gonadique, avec un possible rôle dans le
maintien des gonades au cours de l’embryogenèse ;
– par ailleurs, des mutations de WT1 ont été retrouvées chez
des patients présentant un syndrome de Denys-Drash et un
syndrome de Frasier associant ambiguïté sexuelle et anomalie
rénale.
SF 1 est un gène localisé sur le bras long du chromosome 9
(Chr.9q33). Il code pour un récepteur nucléaire orphelin qui a
un rôle clé dans la biosynthèse des stéroïdes.
Il semble qu’il ait aussi un rôle majeur dans le développement
gonadique et dans la différenciation sexuelle puisque, chez la
souris, l’absence de SF 1 entraîne une agénésie des surrénales
et des gonades. SF 1 aurait aussi un rôle dans la régulation de
l’AMH puisque, chez les souris XX et XY, l’absence de SF 1
entraîne le développement d’organes génitaux internes de type
féminin et qu’il existe une expression continue de SF 1 au
cours de l’embryogenèse dans le sens masculin.
Ces différents gènes ont été identifiés chez des patients présen-
tant une dysgénésie gonadique associée à une pathologie le
plus souvent sévère prédominante sur l’existence d’une ano-
malie de la détermination sexuelle. Ils n’ont pas été étudiés
chez les patients ou patientes présentant une dysgénésie gona-
dique isolée sans anomalie de SRY.
CAS CLINIQUE
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La Lettre du Gynécologue - n° 244 - septembre 1999