de la reine pour obtenir son couronnement, elle qui venait "des extrémités de la terre" (Matth. 12,
42), en "fille humble et dévote", vers le saint-père
. Jeanne ne parvint, cependant, à ses fins qu'à la
Pentecôte 1352 (27 mai), à Naples, et partagea l'honneur de la cérémonie avec son second époux,
Louis de Tarente
.
Dans cette série, les couronnements de Charles II et de Robert présentent un intérêt particulier.
Pour eux seuls, nous conservons les
ordines
, contenus dans le
Cérémonial
rédigé, certainement,
par le cardinal Jacques Stefaneschi. Pour Charles II, nous possédons , plus exactement, une sorte
de compte rendu : le futur cardinal assista, sans aucun doute, à la cérémonie. Nous disposons, en
revanche, de l'
ordo
lui-même, composé en prévision du sacre, pour Robert et son épouse, Sancia.
Nous en connaissons deux rédactions principales, au vrai très proches, se complétant sur quelques
points. Elles correspondent aux deux versions du
Cérémonial
de Jacques Stefaneschi distinguées
par M. Dykmans : une espèce de plan et de collection de documents, qu'il appelle le "dossier
d'Avignon", et le
cérémonial
véritable, connu comme l'
Ordo XIV
de Mabillon. Jacques Stefaneschi
participa à la commission cardinalice qui prépara le couronnement de Robert. Il y joua, semble-t-
il, un rôle prépondérant : il déclare avoir rapporté à ses collègues, en cette circonstance, le
souvenir du précédent couronnement de 1289
.
Les
ordines
de 1289 et de 1309 ont été plusieurs fois édités, jusqu'à sept reprises pour le second
.
Ils ont suggéré des remarques ponctuelles à P.E. Schramm, comme à E. Kantorowicz (sur le
couronnement de Charles II)
. De pertinentes, mais courtes analyses de ces documents ont été
données par leurs éditeurs récents, surtout M. Dykmans, et en dernier lieu par A. Paravicini
Bagliani, dans son beau livre sur
la Cour des papes au XIII° s
.De son côté, É.-G. Léonard a
conduit une étude aussi minutieuse que possible du sacre de Jeanne et de Louis, mais privée, et
pour cause, d'une connaissance précise du rituel suivi
. Le couronnement des rois de la première
maison angevine de Naples reste un sujet neuf.
Ne nous exagérons pas la valeur des
ordines
pour Charles II et Robert. Le premier, comme récit
d'un témoin, se révèle trop rapide. Il gomme des détails, et oublie jusque la partie de la cérémonie
se rapportant à la reine, Marie de Hongrie. Le second revêt un caractère parfois hypothétique : il
propose quelques alternatives pour la future célébration. Ces documents gardent une précision
rare dans le genre. Ils témoignent des qualités de Jacques Stefaneschi, esprit méthodique et
T. KÄPPELI, "Giovanni Regina di Napoli", dans
Archivum fratrum prædicatorum
, t. 10 (1940), p. 48-71 (éd. partielle
du sermon, p. 70-71) ; Bibl. Nazionale di Napoli, cod. VIII AA 11, fol. 113 v°-114 r° ; J.B. SCHNEYER,
Repertorium der
lateinischen Sermones des Mittelalters für die Zeit von 1150-1350
, t. III, Münster Westfalen, 1971 (Beitrage zur
Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters, 43), p. 615, n° 136.
É.-G. LÉONARD,
Histoire de Jeanne
,
op. cit.
, t. II, p. 354-360.
M. DYKMANS,
Le cérémonial papal de la fin du Moyen Âge à la Renaissance
, t. II,
Le cérémonial de Jacques
Stefaneschi
, Rome, 1981 (Bibl. de l'Institut historique belge de Rome, 25), p. 133-153 et 216-217. Je ne partage pas
l'avis de l'auteur qui voit, dans l'
ordo
de 1289, "un texte composé pour l'occasion". Il est rédigé au passé et présente
trop de lacunes. Sur les éditions de ces
ordines
, voir note suivante.
Ordo
de 1289 : L.-H. LABANDE, "Le cérémonial romain de Jacques Cajétan", dans
Bibliothèque de l'École des
chartes
, t. 54 (1893), p. 71-73 ; B. SCHIMMELPFENNIG,
Die Zeremonienbücher der römischen Kurie im Mittelalter
,
Tübingen, 1973 (Bibliothek des deutschen historischen Instituts in Rom, 40), p. 178-180, n° XV (éd. utilisée).
Ordo
de
1309 : J. MABILLON et M. GERMAIN,
Museum Italicum
, t. II, Paris, 1689, p. 406-412 ; G. B. GATTICO,
Acta selecta
cæremonialia SanctæRomanæEcclesiæ
, T. I, Rome, 1753, p. 134-137 ; J. P. MIGNE, PL 78, col. 1245-1249 ; M.
ANDRIEU,
Le pontifical romain au Moyen Age
, t. III,
Le pontifical de Guillaume Durand
, Cité du Vatican, 1940
(Studi e testi, 88), appendice 2, p. 669-677 ; J. NABUCO et F. TAMBURINI,
Le cérémonial apostolique avant
Innocent VIII
, Rome, 1966 (Bibliotheca "ephemerides liturgicæ", 30), p. 186-190 ; B. SCHIMMELPFENNIG,
Die
Zeremonienbücher
,
op. cit.
, p. 180-186, nos XV-XVI (éd. utilisée pour la première version) ; M. DYKMANS,
Le
cérémonial de Jacques Stefaneschi
,
op. cit
., p. 448-457, nos
106-110 (éd. utilisée pour la seconde version).
P. E. SCHRAMM, Herrschaftszeichen und Staatssymbolik. Beiträge zu ihrer Geschichte vom dritten bis zum
sechzehnten Jahrhundert., t. I, Stuttgart, 1954, p. 37 ; E. KANTOROWICZ, Laudes Regiæ. A Study in Liturgical
Acclamations and Mediaeval Ruler Worship, Berkeley -Los Angeles, 1958 (University of California Publications in
History, 33), p. 165 n. 38.
M. DYKMANS, Le cérémonial de Jacques Stefaneschi, op. cit, p. 216-220 ; M. ANDRIEU, Le pontifical de Guillaume
Durand, op. cit., p. 40-41 ; B. SCHIMMELPFENNIG, Die Zeremonienbücher, op. cit., p. 49-52 ; A. PARAVICINI
BAGLIANI, La cour des papes au XIII° siècle, Paris, 1995, p. 231-232.
É.-G. LÉONARD,
Histoire de Jeanne
,
op. cit.
, t. II, p. 354-360.