DOSSIER DE PRESSE et Pétrus présentent de Martin Crimp Traduction Guillaume Corbeil Mise en scène Jérémie Niel Avec Delphine Bienvenu, Victoria Diamond, Justin Laramée Du 4 au 22 octobre 2016 SOMMAIRE COMMUNIQUÉ DE PRESSE Page 1 CRÉDITS Page 2 NOTES D’INTENTION DE JÉRÉMIE NIEL Page 3 MARTIN CRIMP Page 4 ENTRETIEN AVEC MARTIN CRIMP BIBLIOGRAPHIE page 6 EXTRAIT Page 9 ÉQUIPE DE CRÉATION Page 8 Page 12 Communiqué pour diffusion immédiate et Pétrus présentent LA CAMPAGNE de Martin Crimp Un thriller. Des non-dits, des doutes, des mystères. Présenter ce texte de Martin Crimp, c’est l’occasion pour La Veillée d’explorer pour une première fois cet auteur majeur de la dramaturgie contemporaine, parmi les plus joués dans le monde, de faire entendre la virtuosité et l’extrême précision de ses dialogues qui entremêlent si bien humour et cruauté. Pour Jérémie Niel et la compagnie Pétrus, c’est la chance de recréer de manière nouvelle ce texte présenté dans une première version, il y a maintenant dix ans. La campagne de Crimp est intranquille, houleuse, inconfortable, la vérité y est insaisissable, dissimulée dans les nons-dits, le mystère et les violences masquées. Tout l’envers de la paix et du calme que son titre laisse présager. C’est en quelque sorte un voyage au bout de la nuit. Résumé de l’action Corinne et son époux Richard ont emménagé loin de la ville, pour échapper à un passé dérangeant qu’ils cernent mal. Puis surgit au coeur de la nuit, une jeune inconnue, Rebecca, dont l’étrange présence lézarde leur monde fragile. Tous trois se regardent, mais ne se voient pas ; leurs yeux ne se pénètrent pas, ils glissent sur les surfaces. Les personnages mentent l’un à l’autre, ils se mentent à eux-mêmes. Pourtant les fissurent, les écueils se font bien sentir. Et dans la pénombre : des seringues, un châle, une sacoche. Puis des souliers, une roche, des enfants qui ne se doutent de rien et des malades qui meurent de solitude. Et ça craque tout autour, et il vente dehors, dans une nuit poisseuse qui n’en finit plus. Et au matin, un pâle soleil s’élève ; mais il laisse encore place à la simulation. Parce que c’est justement ce dont il s’agit, se cacher, simuler, simuler l’amour, le bonheur, et s’y accrocher comme un héroïnomane à sa dose, sourd au monde qui gronde. L’AUTEUR / MARTIN CRIMP Crimp naît à Dartford, dans le Kent, en 1956. Figure essentielle du théâtre postdramatique en Angleterre, il n’a cessé de questionner la forme afin de redonner au théâtre une place dans un monde qui semblait ne plus lui en laisser. Ses textes sont une métaphore de l’errance existentielle des personnages et le langage est leclieu où ceux-ci se disent, s’inventent et se rendent réels. C’est également le lieu du pouvoir et de la menace, ce qui n’est pas sans rappeler l’univers de Harold Pinter. Parmi ses œuvres, notons Le traitement, Atteintes à sa vie, Face au mur, Getting attention, Into the little hill, La Ville, Dans la république du bonheur. Source : Encyclopaedia Universalis 1 LA CAMPAGNE de Martin Crimp L’Arche est agent théâtral du texte représenté arche.editeur.com ÉQUIPE de CRÉATION TRADUCTION Guillaume Corbeil Mise en scène Jérémie Niel Avec Delphine Bienvenu Victoria Diamond Justin Laramée Éclairages Régis Guyonnet Conception sonore Francis Rossignol Soutien à la scénographie Simon Guilbault Vidéo Jérémie Battaglia Œil extérieur Catherine Vidal Costumes Fruzsina Lanyi Assistant à la mise en scène Jonathan Riverin 2 LE MOT DE JÉRÉMIE NIEL La campagne n’est pas paisible, elle est bruyante, elle grouille. Les hommes et les bêtes rodent, les yeux grand ouverts, tournent autour de cette grange reconvertie en maison et isolée du monde, qui n’attire que les fantômes. La campagne est un long cauchemar, un voyage au bout de la nuit que seuls la nature, le soleil pourront adoucir. Dans ce monde menaçant, doit-on être vrai et asocial (et partir en courant), ou bien hypocrite et jouer le jeu social (pour faire société avec les autres personnages) ? Corinne, Richard et Rebecca ont fait le choix du jeu. Mais ils connaissent mal ses règles. Ou plutôt, ils ne parviennent pas à bien les appliquer. Alors ils ne jouent pas, ils mentent. Ils mentent à l’autre, ils se mentent à euxmêmes. Ils ne jouent pas, ils simulent, ils simulent l’amour, le bonheur. Simulation et mensonge s’articulent dans La campagne pour parler en même temps de l’être social que nous sommes et de la question de la théâtralité, sur scène comme dans la vie. Les conventions des relations sociales, la difficulté, voire l’impossibilité que pose le devoir de les respecter, la notion de solitude inhérente à l’appréhension du monde, de soi et de l’autre... Ces thèmes se contractent dans un huis clos étouffant où les émotions contenues et chuchotées sont somatisées plutôt qu’exprimées. Les paroles de Corinne, Richard et Rebecca surgissent de leurs entrailles, elles sont compulsives, elles se posent dans l’oreille du spectateur comme un dernier souffle, elles sont une caresse qui cherche à occuper le silence, assourdissant et envahissant. Les mots de Crimp, traduits par Guillaume Corbeil dans une langue orale et sèche qui rend hommage au texte d’origine, décrivent la surface, mais ils ne cessent de prendre les couleurs des bas-fonds. Par eux, fissures, on voit plus bas, et ce n’est pas toujours beau. Un espoir ? L’espoir est dans l’art, la littérature, dans cette écriture d’une construction troublante de précision. L’espoir est dans l’humour que portent malgré eux ces personnages perdus. L’espoir est aussi dans la nature qu’on voit par la fenêtre, cette nature qui nous appelle. La campagne est une pièce romantique. La contemplation, la fuite vers l’ailleurs, cette pulsion vers l’inaccessible géographique ou métaphysique ; ces thèmes sont centraux, en contraste avec l’enfermement que vivent les personnages. Là-bas se rejoignent ce qu’on ne peut trouver ici : le fantasme, le bonheur – l’utopie finalement. Là-bas, assis sur une pierre, au bout de la trail, on peut admirer la campagne, et les humains s’y débattre, on peut aussi regarder le ciel et respirer. Romantique, je vous dis… 3 Martin Crimp Repères biographiques Martin Crimp naît à Dartford, dans le Kent, le 14 février 1956. Sa mère est femme au foyer et son père ingénieur pour la British Rail Cie. À cause de l’emploi du père, la famille se voit contrainte à déménager souvent au cours de l’enfance de Martin, ce qui ne l’empêche pas d’être très doué à l’école. Il se démarque rapidement, particulièrement en langues, en musique et en littérature anglaise. C’est d’ailleurs au collège qu’il écrit Clang (s.d.), sa première pièce, ainsi que deux recueils de nouvelles: An Anatomy (1978) et Still Early Days (1978). Toutefois, il ne se met véritablement au théâtre qu’à partir des années 1980. Les six premières pièces de Martin Crimp – Living Remains (1982), Four Attempted Acts (1984), A Variety of Death-Defying Acts (1985), Definitely the Bahamas (1987), Dealing with Claire (1988) et Play with Repeats (1989) – sont créées à l’Orange Tree Theater de Richmond, un théâtre d’avantgarde qui s’inscrit dans la pensée alternative du début des années 1970. Parallèlement, Crimp écrit plusieurs pièces pour la radio dont certaines seront adaptées pour la scène, comme Four Attempted Acts. Plusieurs critiques estiment d’ailleurs que l’expérience de Crimp comme auteur radiophonique influence son écriture de manière fondamentale et expliquerait que son théâtre en soit un de « voix ». Ce « théâtre de voix » se caractériserait entre autres, et comme c’est le cas dans Atteintes à sa vie, par exemple, et dans la deuxième partie de Dans la République du bonheur, par une absence de distribution. En 1990, l’auteur reçoit une bourse du Conseil des Arts de la Grande-Bretagne et sa pièce No One Sees The Video est montée au Royal Court Theater de Londres. L’année suivante, il est invité comme auteur en résidence au New Dramatists de New York et y écrit Getting Attention et The Treatment, une de ses pièces les plus marquantes et pour laquelle il reçoit, en 1993, le prix John Whiting. En 1997, alors qu’il est auteur en résidence au Royal Court Theater, Crimp écrit Attempts on her Life, pièce que plusieurs considèrent comme son chef-d’œuvre. Sa carrière atteint alors un sommet. Sa réputation traverse la Manche et rejoint le continent où il est traduit et monté, particulièrement en France et en Allemagne. Depuis lors, on lui doit The Country (2000), Face to the Wall (2002), Cruel and Tender (2004), Fewer Emergencies (2005) et The City (2008). Écrite en 2012, In The Republic of Happiness est sa dernière pièce. Martin Crimp est considéré comme un des auteurs les plus novateurs de sa génération. Figure essentielle du théâtre postdramatique en Angleterre, il n’a cessé de questionner la forme afin de redonner au théâtre une place dans un monde qui semblait ne plus lui en laisser. Ses pièces dressent le portrait d’une société contemporaine occidentale, consommatrice et centrée sur elle- 4 même, qui se veut parfaite – saine, prospère et performante –, mais sous le masque de laquelle se creusent de graves problèmes. L’univers de Crimp présente souvent des êtres troublés qui ont du mal à définir leur identité et qui entretiennent entre eux des rapports de force, des jeux de pouvoir et d’abus, de manipulation ou de dépendance. Sous la plume de Crimp, le réel est déformé – exagéré – de façon à créer un effet d’étrangeté dans le regard du spectateur. L’univers est malsain, parfois cruel ou choquant, mais toujours empreint d’ironie (voire d’humour). Le théâtre qu’il propose est parfois énigmatique tant les notions d’histoire et de personnages sont évincées. Toutefois, sa langue est celle de la « vie normale » avec son rythme, ses répétitions et ses pauses. On peut dire de Martin Crimp qu’il est un auteur critique. Par contre, il n’énonce pas d’opinion à proprement parler avec ses pièces. Au contraire, il travaille plutôt à déjouer les partis-pris en considérant le monde dans toutes ses contradictions ; il utilise des stéréotypes déjà existants et les dégénère afin qu’ils parlent d’eux-mêmes. À cause de son ton un peu cru, on a longtemps associé Crimp, à tort, au New Brutalism des années 1990, association à laquelle l’auteur s’est toujours vivement opposé (une étiquette qui fut également accolée – encore là, à tort – à Mark Ravenhill et Sarah Kane). Si on ne peut lui apposer d’étiquette quelle qu’elle soit, on peut toutefois s’entendre pour dire qu’il s’agit d’un auteur qui, par opposition au divertissement et/ou à l’art moraliste, défend l’idée d’un théâtre qui bouscule les idées reçues afin d’inciter le public à réfléchir sur notre époque et sur nous-mêmes. Source : Théâtre Blanc -----------------------------Martin Crimp par lui-même «Si la violence est dans le texte, il n’y a aucune nécessité de la représenter sur le plateau. Ce sont les mots qui créent les images. Plus j’écris, plus cela me paraît évident. La violence est présente partout, sourde, affleurant à la surface de nos vies. Par exemple, dans Getting Attention , qui parle de la maltraitance des enfants, il n’y a pas de démonstration de violence, pas davantage dans Tendre et cruel , transposition des Trachiniennes de Sophocle dans notre quotidien contemporain, qui évoque la guerre d’Irak, le mensonge, le cynisme politique, la barbarie de notre temps. Cette forme d’écriture a trouvé son accomplissement dans Atteintes à sa vie, où la parole est action ; tout ce qu’on fait, tout ce qui se produit est raconté. On pourrait imaginer une mise en scène qui consisterait uniquement en une narration avec juste des voix. Des situations, des actions très violentes qu’on raconte, mais qu’on ne voit pas. Avec cette pièce, je me suis libéré de la nécessité de montrer l’action sur scène en prenant le parti de l’imagination. Le récit opère plus profondément dans l’esprit du spectateur que des images toutes faites. On trouve cette technique dans le théâtre grec qui raconte avec une force extraordinaire les guerres, la violence, sans cet appareil de décors, de moyens technologiques, d’images virtuelles. » Propos recueillis par Irène Sadowska-Guillon 5 Entretien avec Martin Crimp publiè dans Le Petit Bulletin, édition de Lyon, n°759. Propos recueillis par Nadja Pobel. Comment êtes-vous venu au théâtre? - C’était un peu par hasard. Au début, dans les années 80, j'ai commencé par écrire des textes que personne ne voulait publier. C’était une bonne décision, je crois (rires). Mais un petit théâtre à côté de chez moi, en banlieue de Londres, l’Orange Tree Theater, s’intéressait à ce que je faisais. On a monté une pièce et ça a marché. Maintenant, je me rends compte que c’est rare de trouver un théâtre qui veut investir dans un auteur presque chaque année. J’ai eu beaucoup de chance. Puis j’ai commencé à travailler au Royal Court, plus visible. Que vouliez-vous faire en écrivant du théâtre? Travailler une forme ? Émettre des propos politiques? Raconter une histoire? - Je crois que la motivation était presque inconsciente. Quand j’étais à l’école, je jouais dans des pièces, je faisais des mises en scène, de la lumière, donc pour moi c’était naturel d’écrire. La parole parlée est très importante. Aujourd’hui, j’ai une conception tout à fait différente du théâtre, le texte est toujours important, mais je vois bien que ce sont les êtres humains dans l’espace et la voix qui comptent. C’est l’ensemble qui fait la chose théâtre. Est-ce vrai que vous travaillez à voix haute pour entendre votre langue? - Oui. J’écris avec un stylo, mais c’est vrai que c’est très important pour moi d’entendre le texte à haute voix. Je ne lis pas en même temps que j’écris, je ne suis pas complètement fou ! Mais après avoir écrit, oui, je teste le texte en le lisant. Écrivez-vous pour que vos textes soient joués ou pour être lus ? Le théâtre n’existe-t-il que sur scène? - Maeterlinck [poète et dramaturge belge, Prix Nobel de littérature 1911, NdlR] a dit qu’il préférait Hamlet en tant que texte, donc qu'il ne voulait pas le voir au théâtre. Bien sûr, je crois que quelqu’un peut lire une pièce avec un plaisir littéraire, mais le vrai but d’un texte théâtral est d’être joué. Il est en tout cas important d’écrire des textes qui puissent durer dans le temps, sinon on n’aurait pas les textes grecs, ceux de Racine…Je ne suis pas trop fasciné par ces metteurs en scène qui travaillent à partir d’un roman. Ce n’est pas un vrai texte de théâtre. Vous avez d'ailleurs déjà travaillé avec de la matière ancienne. Notamment avec Les Trachiniennes de Sophocle pour Cruel and Tender, adapté par Luc Bondy... - Oui, deux fois j’ai travaillé en me basant sur d’anciens textes. En 2004 avec Luc Bondy, où j’ai trouvé des équivalents des personnages, changé le chœur en trois individus, tiré la matière au XXIe siècle, et plus récemment avec Katie Mitchell sur un texte d’après Les Phéniciennes d’Euripide. Là, j’ai gardé l’essentiel du texte grec, je n’ai pas voulu faire de choix contemporains, j’ai laissé ça à la metteur en scène. 6 Expliquez-nous ce travail sur la répétition des mots qui vous caractérise, comme si les personnages cherchaient à se convaincre eux-mêmes? - Peut-être que moi je ne vois pas cette caractéristique (rires). Je ne peux pas répondre directement à cette question. Je crois que ça remonte à l’histoire du théâtre, car, jusqu’au XIXe siècle, la plupart des textes de théâtre étaient en vers. On a ensuite écrit en prose. Il y a toujours la question, pour un dramaturge, de trouver la même force en prose qu’il y en avait en vers. Presque inconsciemment, il faut trouver un moyen de faire que les mots se mettent ensemble comme un cristal. Chaque mot doit avoir sa propre place. Beaucoup de vos personnages sont invisibles. Par exemple dans The Country, The City et surtout Attempt on Her Life. Ils ont une puissance plus forte hors champ? - On peut inventer des personnages qui, si on les voyait sur scène, seraient ridicules ou de trop. C’est un moyen d’élargir le monde imaginaire du théâtre. Mais ce n’est pas tellement bizarre de faire ça. C’est comme Moscou chez Tchekhov. Tout le monde en parle, mais il ne faut pas le voir. Un mot sur vos grands maîtres. En avez-vous eu ? On parle toujours de Pinter vous concernant. - Quand j’ai commencé, je ne connaissais pas tellement Pinter. Comme beaucoup de gens de ma génération, j’étais fasciné par l’œuvre de Beckett et il a fallu assez de temps pour échapper à ça. C’était le vrai maître et la vraie ombre derrière moi. 7 Bibliographie • Personne ne voit la vidéo, traduit de l’anglais par Danielle Merahi en 2001 • La Campagne, traduit de l’anglais par Philippe Djian, L’Arche éditeur, 2002 • Le Traitement (suivi de Atteintes à sa vie), traduit de l’anglais par Élisabeth Angel-Perez, L’Arche éditeur, 2002 • Atteintes à sa vie (précédé de Le Traitement), traduit de l’anglais par Christophe Pellet avec la collaboration de Michelle Pellet, L’Arche éditeur, 2002 ; réédition seule de Atteintes à sa vie chez le même éditeur en 2009 • Face au mur, suivi de Tout va mieux, traduit de l’anglais par Élisabeth Angel-Perez, L’Arche éditeur, 2004 • Tendre et cruel, traduit de l’anglais par Philippe Djian, L’Arche éditeur, 2014 (réimpression, 2012) • Getting Attention, traduit de l’anglais par Séverine Magois, L’Arche éditeur, 2006 • Claire en affaires, suivi de Probablement les Bahamas, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Vincent et Frédérique Plain, L’Arche éditeur, 2006 • Into the Little Hill, traduit de l’anglais par Philippe Djian, L’Arche éditeur, 2006 • La Ville, traduit de l’anglais par Philippe Djian, L’Arche éditeur, 2008 • La Pièce et autres morceaux, traduit de l’anglais par Philippe Djian, L’Arche éditeur, 2012 • Dans la République du bonheur, traduit de l’anglais par Phlippe Dijan, L’Arche éditeur, Collection “Scène ouverte”, 2013 8 EXTRAIT Échange entre Richard, le mari et la jeune femme Rebecca. - RICHARD : Viens-t’en. On s’en va. - REBECCA : Où ça? - Je te ramène. - Je te fais pas confiance. - Ben oui tu me fais confiance. - Pourquoi est-ce que je te ferais confiance? Tu m’as laissée toute seule. - Je t’ai laissée toute seule, oui, mais je suis revenu te chercher. - Pourquoi tu m’as emmenée ici? - Tu sais très bien pourquoi je t’ai emmenée ici. - Parce que tu voulais m’engager? - Pour faire quoi? - Parce que tu voulais m’engager? Pour que j’aide ta femme, c’est ça? To be the maid. You wanted me to be the maid? - Ma femme a pas besoin d’aide. Elle s’occupe de tout. - Get a maid. Fuck the maid. - J’ai pas envie de fucker the maid. - Tout le monde veut fucker the maid. - Pas moi. En fait, c’est le contraire. - C’est le contraire? Really? (rire forcé) - Really, oui. Tu trouves ça drôle? - Et c’est quoi le contraire de fuck the maid? - Le contraire de fuck the maid c’est not fuck the maid. (Elle serre sa main dans la sienne.) - Tu me fais mal. - Je te fais pas mal. - J’ai dit: tu me fais mal. - Comment ça? Ça fait mal? - Oui. Ça fait mal. Arrête. Qu’est-ce que tu — ? - Pour vrai? Ça fait mal? - Oui. (Il retire sa main de la sienne. Les petits ciseaux tombent sur le plancher.) - Tu m’as coupé la main. - J’ai quoi? - T’as planté la lame dans ma main. - Oh my — t’es fâché. - Oui. - (elle rit) T’es tellement fâché, Richard. 9 - Parle moins fort. - C’est profond? Ça fait mal? Un temps. Il faut que tu fasses une pression. - C’est ça que je fais. - Laisse-moi faire. - Touche-moi pas. (Il la laisse prendre sa main.) - C’est juste la chair. - Il y a juste de la chair. - Est-ce que je peux les voir? - Si tu peux voir quoi? - Tes enfants? - Non. (Un temps.) - Comment ils s’appellent? - Ils ont pas de nom. - Ils ont pas de nom. - Non. (Un temps.) Tu le sais, qu’ils ont pas de nom. On avait une entente. - Je pense pas que notre entente soit encore valide. - On avait une entente. Rien a changé. - Tout a changé. « Rien a changé »? Comment ça? - Ils ont pas de nom. (Un temps.) Je vais marcher sur la pointe des pieds. S’il te plaît, je veux juste les voir. Je veux juste les entendre respirer. S’ils sont réveillés, je pourrais leur raconter une histoire. - Ils veulent pas se faire raconter une histoire. - Tout le monde veut se faire raconter une histoire. Je pourrais dire: Bonjour. Je m’appelle Rebecca. Je suis la bonne. Je vais vous raconter une histoire. Il était une fois une petite fille, elle était belle, jeune et brillante, mais elle était malade et elle avait besoin de médicaments. Elle est allée voir un médecin — - Écoute ce que je te dis. - Mais le médecin refusait de lui en donner. Il lui a dit, va-t’en d’ici — tu me fais perdre mon temps — j’ai pas de médicaments. La petite fille est retournée le voir, une fois, deux fois, trois fois… Un jour, le médecin a barré la porte derrière elle. Il a dit: je vais te faire passer un petit examen. Il a pris un instrument pour regarder dans ses yeux. Et un autre instrument pour écouter son cœur. Et il lui a demandé de se déshabiller. - Rebecca. - Et quand elle s’est déshabillée, il a dit: je vois que t’es vraiment très, très malade. — Est-ce que je vais mourir? — Mais non, tes yeux sont très sombres et ta peau est très pâle, c’est tout. Ta peau est tellement mince que, quand je la touche, comme ça, avec mes lèvres, je peux sentir le sang couler dans tes veines. T’es malade, c’est tout. T’as besoin de médicaments. Et les traitements ont commencé. Les traitements étaient terribles. Ils pouvaient avoir lieu à n’importe quelle heure. Et n’importe 10 où dans la ville. Et n’importe où sur le corps de la petite fille. Le corps de la petite fille… est devenu la ville. Le médecin la connaissait par cœur — ses quartiers, ses rues. Mais un jour, la petite fille a voulu que les traitements s’arrêtent — parce que plus elle prenait de médicaments, plus elle avait besoin de médicaments —, mais aussi, elle s’en allait vivre à la campagne. Le médecin était très, très fâché. Parce que pour elle, il avait violé toutes les règles — les règles qu’il s’était lui-même imposées. Il avait violé toutes ces règles-là — toutes ces lois. Il pleurait. Crisse de pute, qu’il disait. Petite crisse de pute. En fait, les enfants, il y avait un terrible malentendu. Ce que la petite crisse de pute, ce que la belle, jeune et brillante petite crisse de pute pensait être un traitement, le médecin — qui était malade lui aussi — qui avait lui aussi besoin de médicaments — le médecin, donc, s’imaginait — quoi? — qu’il se passait quelque chose entre eux. Quelque chose d’humain. Et c’est pour ça qu’il l’a suivie. 11 JÉRÉMIE NIEL METTEUR EN SCÈNE Jérémie Niel est né dans le béton et ne peut trop s’en éloigner. Il aime la mer, la route, la littérature et le cinéma américains, imaginer les premiers frémissements des cultures humaines. Il a été animateur, serveur, il a compté des trains dans une gare, il a trié des lunettes, © Ulysse Lemérise il a été chauffeur de stars. Il a un peu étudié les sciences, l’histoire et les sciences politiques. Il a complété une formation en mise en scène au Conservatoire d’art dramatique de Montréal. En 2005, il fonde la compagnie Pétrus qu’il dirige aujourd’hui. Au fil de son parcours, il a développé un style qui teinte fortement son travail: jeu hyperréaliste et introverti laissant une place importante au silence, à une présence majeure du son, dans une scénographie épurée. Autant d’éléments qui font la singularité de son travail. Produites par Pétrus, il a mis en scène une première version de La campagne (Crimp), puis Son visage soudain exprimant de l’intérêt (Kroetz et Ducros), Tentatives (Niel), Clichy (l’une des trois pièces formant le spectacle Chroniques, Schwartz), Cendres (adaptation de Rahimi par Niel), Croire au mal (Niel), La concordance des temps (adaptation de de la Chenelière par Niel), Phèdre (Niel, d’après Racine, Ovide, Dante et Sénèque) et La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette (co-création avec la chorégraphe Catherine Gaudet, adaptation de Shakespeare et du ballet de Prokofiev). Ses pièces ont été présentées au Théâtre La Chapelle, à l’Usine C, au Festival TransAmériques, au Centre national des Arts à Ottawa et au théâtre national de Chaillot à Paris. Il a été par ailleurs invité à participer à plusieurs événements : Le Cabaret Gravel de Frédérick Gravel, Danse à 10 et 2050, Mansfield, Rendez-vous à l’hôtel de la compagnie La 2e Porte à Gauche. Pour l’édition de 2011 du OFFTA, il a créé une performance avec le groupe We are wolves. Parallèlement à son travail artistique, formé en gestion des arts aux HEC Montréal, il a œuvré comme programmateur et/ou administrateur pour plusieurs organismes : le Théâtre La Chapelle, le OFFTA, Les 7 doigts de la main, La Compagnie Marie Chouinard. PÉTRUS, la compagnie Pétrus défend le concept d’écriture scénique. Il lui importe de proposer une manière singulière d’investir une scène de théâtre et travaille en ce sens, que ce soit à partir de textes déjà écrits ou de créations originales. C’est dans le vertige métaphysique de notre finitude qu’il tire les thèmes qui animent ses œuvres. 12 DÉLPHINE BIENVENU Corinne Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, la comédienne Delphine Bienvenu a eu le bonheur d’interpréter autant des oeuvres tirées du répertoire classique (Irina, dans Les Trois Sœurs de Tchekhov et Colombine dans Les Jumeaux Vénitiens © Maud Chauvin de Goldoni), que de prêter sa voix aux créateurs québécois (entre autres 4 fois Mélanie ½ de Justin Laramée, L’éblouissement du chevreuil, d’Evelyne de la Chenelière, Théâtre Extrême de JeanGuy Legault et Abyme, de Mariflore Véronneau). Elle a également participé à la première production nord-américaine de la version anglophone des pièces Félicité et Bliss, d’Olivier Choinière, en mars 2012 à Toronto. Au Théâtre Centaur, Delphine a participé à The Bacchae, une production de Scapegoat Theatre, ainsi qu’à Motherhouse, la toute nouvelle création de David Fennario. Au printemps dernier, elle fut également de la distribution de Blind, de la compagnie montréalaise anglophone Scapegoat Theatre. Membre de plusieurs ligues d’improvisation et assistante à la coordination à la LIM, Delphine Bienvenu a été durant sept saisons joueuse à la LNI. Au cinéma, elle a fait partie de la distribution des films À trois, Marie s’en va d’Anne-Marie Ngô, Étechelle de François Bégin, Les crânes mous de Christian Laurence et Continental, un film sans fusil de Stéphane Lafleur. Elle est également de la distribution du film choral Ceci n’est pas un polar de Patrick Gazé sorti en 2014. 13 VICTORIA DIAMOND REBECCA Victoria a achevé une formation à l’École de danse contemporaine de Montréal en 2009. Elle fait ses débuts au théâtre dans plusieurs productions du Neptune Theater d’Halifax avant de venir s’installer © Andrée-Anne Gauthier à Montréal où elle joue, à l’Espace libre, dans Ronfard nu devant son miroir, mis en scène par Daniel Brière. En 2013, elle foule les planches du Théâtre la Chapelle pour Empreintes (G.L-Blais / Théâtre à Corps perdu) et celles des Écuries pour Ligne de Bus (Marylin Perreault / Théâtre I.N.K.), qui est produit en anglais au Centaur Theatre en 2016. Après avoir participé à la création de Grande Écoute (Claude Poissant / Théâtre PÀP), elle crée avec Mylène McKay Je te vois me regarder, toujours au théâtre La Chapelle. Comme danseuse, elle travaille pour Thierry Huard (The Goddess’Return, Windhorse), Manon Oligny (Le carnaval des animaux), Mélanie Demers (As Yet Untitled), Paula de Vasconcelos (Humanity project). Au grand écran, Maxime Giroux la choisit pour un rôle dans La tête en bas, en 2012, et la même année, elle participe à Cochemare une production de Phi Films réalisée par Clyde Henry, Chris Lavis et Maciek Szczerbowski. Elle En 2014, elle fut de l’aventure Seances, orchestré par Guy Maddin et a défendu le rôle de Catherine dans le film de Carole Laure, Love projet. On pourra la voir bientôt dans le film Déserts de Charles-André Coderre. Au petit écran, dans les séries Nouvelle adresse (SRC) et Karl/Max (TVA). 14 JUSTIN LARAMÉE RICHARD Diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 2003, Justin Laramée a participé à plus d’une trentaine de productions © Andrée-Anne Gauthier théâtrales dont 1984 d’Édith Patenaude au Trident, La Fête sauvage de Véronique Côté au Quat’sous, Edmond Dantès par Robert Bellefeuille à Denise-Pelletier, Pensionnat de Michel Monty et de L’affiche de Philippe Ducros à Espace Libre, de Cérémonials de Brigitte Pouppart à Espace Go, Champ-de-Mars à La Licorne ou la première version de La Campagne mis en scène par Jérémie Niel. Lorsqu’il descend des planches, c’est pour saisir la plume. Il écrit sept Contes urbains à La Licorne dont deux traduits pour le Centaur Theatre, 4 fois Mélanie ½ (Grand Prix Vue sur la relève Montréal) à La Petite Licorne et Transmissions (Prix-Gratien-Gélinas 2008, finaliste au Prix-Michel-Tremblay 2011) aux Écuries repris à La Licorne en 2013, textes qu’il met également en scène. Avec sa compagnie, Qui Va Là, il co-cré Toutou Rien, La tête blanche et La Fugue (Cochon de la meilleure production théâtrale, Prix Opus du meilleur spectacle musical jeunesse, Dora award for best play in youth theatre). En 2013, il adapte et met en scène Andreï ou le frère des Trois soeurs d’après Tchekhov à Espace Libre. À l’écran, en plus d’apparaître dans plusieurs films dont Mommy de Xavier Dolan, il interprète le rôle titre dans la web-série Papa d’Estrade dont la performance lui a valu le Gémeaux du meilleur acteur. Il est aussi le directeur éditorial de la collection PIÈCES publiée par Atelier10/Nouveau Projet. 15 JOUER AVEC L’AILLEURS MANDAT DU Groupe de la Veillée Le Groupe de la Veillée, compagnie de création théâtrale, poursuit depuis plus de 40 ans une aventure unique en développant un répertoire axé sur les dramaturgies étrangères. La Veillée contribue aussi à la création de spectacles originaux par l’adaptation scénique d’œuvres littéraires. Les choix de programmation sont guidés à la fois par la singularité, la richesse d’une écriture et par les sujets abordés touchant aux préoccupations existentielles et sociales contemporaines. Non seulement le travail du Groupe de la Veillée bâtit des ponts entre les cultures, mais aussi entre les générations de créateurs. Les équipes réunies autour d’un spectacle se composent d’artistes et concepteurs aux formations et aux origines culturelles diverses favorisant une richesse dans les échanges et le travail. Source I Le Groupe de la Veillée Première médiatique mercredi 5 octobre à 19 h Relations de presse : Karine Cousineau Communications Contact / Philippe Bergeron : 514 382-4844 - [email protected] partenaire de saison 16