L’ÉVÉNEMENT
Lundi 17 octobre 2016
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Par
Noureddine Khelassi
FAUT-IL que se produise une catastrophe
urbaine pour que les pouvoirs publics réagis-
sent et sévissent enfin contre les auteurs du
sinistre qui révèle ainsi leur crime ? Et nous
sommes dans ce cas de figure avec le récent
et spectaculaire effondrement d’une bâtisse
en construction dans la cité Urba 2000 à
El Achour, à l’ouest d’Alger. Fort heureuse-
ment sans dégâts humains. Peut-être que
c’est le grand tapage médiatique et le buzz
Internet à coups d’images impressionnantes
qui auront incité les autorités concernées à
sévir promptement. Et à retirer son agré-
ment à l’architecte et promoteur immobilier
influent M’Hamed Sahraoui. La décision est
venue du ministre de l’Habitat, de l’urba-
nisme et de la ville Abdelmadjid Tebboune
lui-même. Jusqu’ici, ce milliardaire de la pro-
motion immobilière dite de luxe était intou-
chable. Alliances familiales et relations
politiques ad hoc lui ont servi jusqu’ici de
bouclier de protection. Mais si le ministre a
fait cette fois-ci son boulot d’agent de
l’Etat au service du Bien commun,
l’Administration, à tous les niveaux de la res-
ponsabilité, est coupable, forcément cou-
pable. Au moins, de complaisance, de com-
plicité, de laisser-aller ou même de concus-
sion. Elle ne peut par conséquent sortir
indemne de cette «chute» comme l’a écrit
un confrère de la presse en ligne. Car,
figurez-vous, mesdames et messieurs que le
puissant promoteur en question, homme de
réseaux d’influence transversaux, ne dispo-
sait pas d’un permis de construire en bonne
et due forme ! Et figurez-vous encore que
c’est le ministre qui l’a sanctionné qui l’au-
rait même affirmé selon les gazettes ! Pis
encore, ce potentat du béton aurait même
ignoré des mises en demeure le sommant
d’arrêter les travaux ! Mais apparemment,
tout a une fin et les puissants peuvent ne pas
être intouchables ad vitam aeternam. Le
richissime promoteur, qui défiait la loi et
l’Etat, est en effet l’objet d’une enquête sur
l’ensemble de ses constructions, ordonnée
par le ministre. Reste la question inévitable
posée à M. Abdelmadjid Tebboune : pour-
quoi les services compétents n’ont pas fait
appel à la force publique pour stopper net
les travaux délictueux après le refus arro-
gant du promoteur d’obtempérer aux mises
en demeure de l’autorité légale ? On sait
que l’architecte-promoteur, qui est à la tête
du lobby des promoteurs immobiliers, est
connu depuis les années 1970 durant les-
quelles il fut chargé de la restauration des
monuments historiques. Il ne manque sur-
tout pas d’entregent, d’introductions et de
protections. Et ne doit pas sa fortune depuis
1975, dans le privé, à son seul génie de l’ur-
banisme. Il est même devenu l’un des tous
premiers promoteurs immobiliers privés en
Algérie, peut-être même le premier. Ce
monsieur n’aurait jamais été contrôlé avant,
préalablement, durant les travaux ou a pos-
teriori. Mais pas cette fois-ci car le problème
est sérieux et grave et il se trouve qu’il a
trouvé ce coup-ci un ministre un tant soit
peu courageux qui a décidé de faire le travail
pour lequel l’Etat l’a investi. Et si le ministre
dit que le promoteur n’avait pas le permis
de construire adéquat et que l’on dit par
ailleurs qu’il restait sourd aux rappels à
l’ordre de l’Administration, c’est que cet ex-
intouchable a commis des infractions graves
aux lois sur l’urbanisme. Entre autres,
l’usage des sols et l’exécution des travaux de
construction en infraction avec les règles
d’urbanisme. Sans oublier la construction
non conforme avec l’autorisation légale
préalable, et l’on ne parle même pas du
défaut de procédure de déclaration et de
publicité. Longtemps les infractions aux
règles d’urbanisme sont restées sans sanc-
tions particulières. Pourtant, la loi sur l’ar-
chitecture de 1990 a doté le droit de la
construction d’un dispositif répressif spéci-
fique. Cette loi prévoit des dispositions par-
ticulières (chapitre VII articles 73 à 78) et la
Loi sur l’architecture qui l’a suivie a modifié
et complété ses dispositions punitives. Le
contrôle rarement sévère et l’absence
presque totale de la répression des infrac-
tions a fait en sorte que nombre de promo-
teurs privés construisent sans respect des
règles de l’urbanisme, avec tous les risques
sécuritaires inhérents. Et l’on ne parle
même pas de la qualité urbanistique. La qua-
lité du cadre bâti et de l’environnement est
une chimère en Algérie. Le fait est que ni la
loi, ni une quelconque autorité, ne peuvent
contraindre un maître d’ouvrage, dès lors
qu’il est autorisé par l’Administration à
construire sans souci de la qualité et de l’es-
thétique. A réaliser donc une construction,
publique ou privée qui réponde aux impéra-
tifs de qualité reconnus et encadrés par les
textes juridiques. Le réel désir de qualité
n’existe pas. Le souci sécuritaire assez peu,
comme on l’a vu dans le récent cas du pro-
moteur Sahraoui. N. K.
Réprimer sévèrement les criminels de l’urbanisme !
zzz AU FIL DES JOURS
SOMMET DE L’UNION AFRICAINE À LOMÉ
Adoption d’une charte maritime et intense
activité diplomatique pour l’Algérie
Par
Adel Boucherguine
Les chefs d’Etat et de gouver-
nement des pays africains,
dont l’Algérie, qui a été
représenté par le Premier ministre,
Abdelmalek Sellal, et le ministre
des Affaires étrangère et de la
Coopération internationale,
Ramtane Lamamra, réunis en
Sommet, depuis samedi dernier à
Lomé à la demande de l’Union
africaine, ont adopté une charte
contraignante sur la sûreté et la
sécurité maritime. «Nous nous féli-
citons de l’adoption et de la signa-
ture de la charte sur la sécurité et
la sûreté maritime et le développe-
ment en Afrique», a annoncé le pré-
sident congolais, Denis Sassou
Nguesso, à la clôture de ce premier
Sommet de l’UA sur la sécurité des
mers. «Ce geste est on ne peut plus
historique dans la vie de notre
continent», confronté à une recru-
descence des trafics et de la pira-
terie maritime, a-t-il ajouté.
Ce document juridique vise,
entre autres, à prévenir et réprimer
la criminalité nationale et transna-
tionale notamment le terrorisme, la
piraterie, les vols à main armée à
l’encontre des navires, le trafic de
drogues et de migrants, la traite des
personnes et les trafics illicites
connexes de tous genres en mer,
ainsi que la pêche illicite, non
déclarée et non réglementées. Il est
également destiné à protéger l’en-
vironnement en général et l’envi-
ronnement marin dans l’espace des
Etats côtiers et insulaires, en parti-
culier, mais aussi à promouvoir et
renforcer la coopération dans les
domaines de la sensibilisation au
domaine maritime, la prévention
par l’alerte précoce et la lutte
contre la piraterie. Cette charte per-
mettra aussi de créer des institu-
tions nationales, régionales et
continentales appropriées et assurer
la mise en œuvre de politiques
idoines susceptibles de promouvoir
la sûreté et la sécurité en mer. En
marge des travaux du Sommet,
M. Sellal s’est entretenu avec le
président du Sahara occidental,
Brahim Ghali, avant de rencontrer
le président malien, Ibrahim Bou-
bacar Keïta, qui a réitéré la recon-
naissance de son pays envers
l’Algérie pour son rôle dans la
conclusion de l’Accord de paix et
de réconciliation au Mali, issu du
«processus d’Alger». Dans une
déclaration à la presse à l’issue de
son entretien avec le Premier
ministre, le Président malien a
déclaré : «Nous sommes recon-
naissants envers l’Algérie pour ce
soutien fabuleux qui a permis aux
Maliens» de conclure l’accord de
paix. Le président Keïta a indiqué,
par ailleurs, que sa rencontre avec
M. Sellal lui a permis de «prendre
des nouvelles d’un pays (l’Algérie)
qui m’est cher et d’un homme
auquel nous devons beaucoup, à
savoir le président Abdelaziz
Bouteflika».
De son côté, le président séné-
galais, Macky Sall, a mis en avant
la place de l’Algérie en Afrique.
«Nous connaissons le rôle de
l’Algérie en Afrique, son poids et
sa relation avec les pays du conti-
nent», a-t-il déclaré à la presse à
l’issue de son entretien avec
M. Sellal. Il a indiqué avoir égale-
ment abordé avec le Premier
ministre «plusieurs sujets» liés à la
coopération et aux relations bilaté-
rales pour «lever les malentendus,
car il y en a quelquefois entre les
deux pays». «J’ai dit à mon frère et
ami Abdelmalek Sellal qu’il y a,
par moment, dans les couloirs et
dans certaines situations, des mal-
entendus qu’il faut lever», a sou-
tenu le chef de l’Etat sénégalais,
soulignant que l’Algérie et le
Sénégal «peuvent gérer» leurs
positions de façon à ce que la
coopération entre les deux Etats
soit au «bénéfice des deux
peuples». M. Sall a, par la même
occasion, transmis ses «salutations
respectueuses» à M. Bouteflika, et
invité M. Sellal à effectuer une
visite au Sénégal.
Pour sa part, le président
Kényan, Uhuru Kenyatta, a affirmé
que l’Algérie demeurera un «parte-
naire important» pour son pays,
soulignant la détermination des
deux pays à poursuivre leur coopé-
ration pour renforcer ce partenariat.
Dans une déclaration à la presse à
l’issue de son entretien avec le
représentant de M. Sellal, le
Président Kényan a indiqué que
l’Algérie «restera pour nous un
partenaire important. Nous conti-
nuerons à travailler de concert
pour consolider ce partenariat».
Le Président kényan a affirmé que
l’Algérie et le Kenya «se dirigent
vers une coopération commerciale
dans les différents domaines»,
ajoutant que les deux parties «par-
tagent les mêmes préoccupations
vis-à-vis des menaces auxquelles
est confronté le continent». Il a par
ailleurs indiqué que sa rencontre
avec M. Sellal a porté sur «les
relations bilatérales et les voies et
moyens de leur consolidation»,
ajoutant que l’Algérie et le Kenya
«partagent une histoire commune
et les mêmes visions concernant les
questions africaines».
La délégation algérienne a eu
une intense activité diplomatique
durant ce forum. Les discussions,
qui ont porté sur des questions
d’actualité, ainsi que sur les défis
du monde maritime, au plan écono-
mique, sécuritaire et écologique, et
ceux inhérents à la vision straté-
gique de développement de
l’Afrique à l’horizon 2063, ont mis
en exergue le rôle et la place parti-
culiers de l’Algérie au sein de
l’Organisation continentale. Les
prochaines échéances politiques et
organiques dans le cadre de
l’Union africaine ont fait l’objet
d’un échange de vues approfondi
avec chacun des interlocuteurs. Les
entretiens avec le président mauri-
tanien, Mohamed Ould Abdelaziz,
ont, ainsi, permis de passer en
revue les conflits qui secouent le
continent africain et le monde
arabe, ainsi que les problèmes liés
à la sécurité dans la région du
Maghreb, tout particulièrement.
La tenue prochaine de la Grande
Commission de coopération
algéro-mauritanienne, à Alger,
sous la coprésidence des Premiers
ministres des deux pays, a fait,
également, l’objet de ces consulta-
tions. A. B.
Photo : DR