Adapter La Religieuse de Diderot 
 
« Je  ne  crois  pas  qu’on  ai  jamais  écrit  une  plus  effrayante  satire  des 
couvents » dit Diderot de sa Religieuse.  
 
Ce texte, mis sous cellophane pendant nombre d’années, encore interdit lors de 
son adaptation cinématographique par Jacques Rivette en 1967, dérange parce 
qu’il démonte la perversité du système catholique et celle d’une société toute 
entière fondée sur le faux semblant bourgeois, mais il dérange aussi parce qu’il 
met en scène un personnage (Suzanne Simonin) perdu au plus profond de son 
identité. C’est cette quête identitaire qui nous semble avoir toute sa légitimité 
sur  une  scène  de  théâtre,  qui  nous  semble  théâtrale  déjà  dans  le  roman  de 
Diderot.  
La peur d’une adaptation est bien sûr de trahir. Comment passer du roman de 
Diderot au théâtre ? De sa narration à l’action et au dialogue ? De son « passé » 
au présent du théâtre ? Comment donner à voir l’enfermement, l’impuissance, 
l’oppression de Suzanne ? Comment répondre à toutes ces questions en gardant 
l’esprit de Diderot ?  
Roger Lewinter dans son analyse de La Religieuse dit :  
- « Le  roman  (La  Religieuse)  ne  se  situe  non  pas  dans  le  temps  mais  dans 
l’instant.  Les  différents  épisodes  se  jouent  non  pas  successivement  mais 
simultanément : ils se superposent, comme différents plans d’un seul tableau. » 
- « Diderot  fait  appel  à  la  technique  théâtrale  et  ordonne  le  récit  en  une 
succession  ininterrompue  de  « tableaux »  dont  la  « présence »,  instantanée, 
empêche toute réflexion, distanciation, et transforme le lecteur en spectateur : 
témoin, impliqué dans la représentation. La religieuse est la pièce idéale, dont 
rêve Diderot : une  galerie  de tableaux qui  s’exposent devant l’œil  captivé et 
captif du spectateur ; le tableau étant (…) un instant parfait : une cristallisation 
de sens, où la matière est sémantisée en emblème. Cette technique, inspirée du 
théâtre,  lui-même  inspiré  de  la  peinture,  de  Greuze  en  particulier,  fait  de  la 
Religieuse un roman absolument nouveau, quasi expressionniste. » 
- La Religieuse est « une analyse des mouvements du corps, une clinique des 
passions. L’âme est toujours signifiée par le corps ».  
 
Suzanne  Simonin,  au  début  du  roman  de  Diderot  s’est  évadée  de  son 
couvent, elle est clandestine et écrit au marquis de Croismare pour lui demander 
secours. C’est ainsi qu’elle raconte son histoire. Au passé donc. Mais un passé 
très actualisé, comme si le fait de le raconter le rendait à nouveau présent. Elle 
revit plus  qu’elle ne  raconte. C’est-à-dire  que  le  récit ne bénéficie  pas de ce 
recul, de cette distance  propre au temps et qui permet  de raconter avec une 
maturation,  avec  sans  plus  d’émotions.  Suzanne  est  tout  le  contraire  de