a) La Nouvelle

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SOMMAIRE
I. La présence culturelle française en Nouvelle-Zélande : une réalité
linguistique et artistique renforcée par la politique de l’ambassade de
France en Nouvelle-Zélande................................................................11
A La présence linguistique française en Nouvelle-Zélande : un point fort de la France
aux antipodes....................................................................................................................12
B La coopération culturelle et scientifique franco-néo-zélandaise en Nouvelle-Zélande :
une présence riche et variée rendue possible par un intérêt néo-zélandais..........................31
II. Des liens historiques à un éloignement géographique et un attrait
pour la France : facteurs explicatifs de la présence culturelle française
en Nouvelle-Zélande............................................................................47
A La jeunesse de l’histoire européenne néo-zélandaise : un facteur explicatif fort de
l’empreinte de la France sur Aotearoa...........................................................................48
B Une présence culturelle française justifiée par un intérêt diplomatique de la France dans
le Pacifique Sud et maintenue par un attrait des Néo-Zélandais pour la France et les
Français............................................................................................................................68
Conclusion ...........................................................................................97
ANNEXES.........................................................................................107
1
« La France est moins éloignée de la Nouvelle-Zélande, que la Nouvelle-Zélande de la
France »
Cette image est celle de Catherine Hannagan, conseillère pour la langue française auprès de
ILANZ, International Language Aoteraroa New Zealand. Elle souhaitait par cette remarque
nous faire comprendre que la France attire davantage les Néo-Zélandais que la NouvelleZélande, les Français. En effet, cette dernière est un pays encore inconnu pour de nombreux
Français, même si certaines associations peuvent être faites, dans l’esprit de nos compatriotes,
avec l’équipe nationale de rugby « les All Blacks », ou encore avec la trilogie
cinématographique du « Seigneur des Anneaux » tournée en Nouvelle-Zélande. En revanche
peu de ressortissants de l’Hexagone connaissent les réalités politiques, culturelles ou
géographiques du pays, notamment parce que l’Australie attire davantage l’attention des
Européens et que les deux villes principales du pays ne se trouvent pas à moins de 22.000
kilomètres de Paris, et à plus de dix heures de décalage horaire.
Peu de Français peuvent dire que la Nouvelle-Zélande est constituée principalement de deux
îles, séparées par le Détroit de Cook, et d’une multitude de petites îles inhabitées, qui
s’entendent sur 1 600 Kilomètres. Il s’agit d’un territoire isolé puisque ses plus proches
voisins, Fidji, l’Australie et la Nouvelle-Calédonie sont à plus de deux mille kilomètres, ce
qui lui donne l’image d’être à la lisière du monde, isolée au milieu du plus grand des océans,
qui plus est tardivement découverte par les Européens et faiblement peuplée puisqu’elle
possède l’une des plus faibles densités de population au monde. Les termes d’ « isolement »
et de « marginalité » s’appliquent très justement à la Nouvelle-Zélande selon sa spécialiste
Francine Tolron car elle était jusqu’au neuvième siècle, une terre « sauvage et primitive, un
écrin végétal soumis à la seule loi de la nature »1. La nature demeure par ailleurs associée à la
Nouvelle-Zélande puisque l’image d’Épinal de ce pays est celle de pâturages foisonnants de
moutons
Elle fut colonisée successivement par des peuples de marins venus d’autres îles : les Maoris
dans un premier temps, peuple ayant débarqué de Polynésie en canots, puis les Anglais au
1
Tolron Francine, La Nouvelle-Zélande, du duel au duo? , Toulouse, Presse universitaire du Mirail, 2000, p 12
2
dix-neuvième siècle qui lui donnèrent son appellation actuelle. Aujourd’hui elle est également
désignée par ses habitants par l’expression maorie « Aotearoa » qui signifie « le pays du long
nuage blanc ».
La Nouvelle-Zélande est un petit pays, par sa superficie mais surtout par sa faible population :
sur les 269 000 kilomètres carrés du territoire, vivaient au dernier recensement en date 4, 177
millions d’habitants; c’est-à-dire que dans un État deux fois moins vaste que la France,
demeuraient à peu près quinze fois moins d’habitants. La majorité des Néo-Zélandais vivent
dans les trois principales villes du pays : Auckland qui comportait au dernier recensement
404 658 habitants, Christchurch dont la population atteignait 323 000 âmes et Wellington où
vivaient 179 466 personnes. Les Néo-Zélandais se nomment eux-mêmes les Kiwis, en
hommage à l’oiseau, aujourd’hui symbole du pays. Le choix s’est porté sur cet animal car il
est réputé combatif quand il est acculé, petit, discret et unique, tout comme se décrivent euxmêmes les Néo-Zélandais, et aurait survécu là où d’autres espèces auraient disparu. Il a été
choisi comme symbole car il affirme l’unicité du pays, en étant un oiseau dont les origines
remontent aux temps préhistoriques, bien avant le peuplement humain.
La Nouvelle-Zélande était autrefois, avant l’arrivée des deux peuples colonisateurs, vide de
toute population, mais il y a aujourd’hui, chaque année, sur cette terre isolée, une arrivée de
vingt-cinq mille personnes : principalement des ressortissants des Îles du Pacifique, Tonga et
Samoa, et d’Asie. Mais le pays reste assez homogène « ethniquement parlant », beaucoup
plus que son voisin australien : 74% des habitants du pays sont d’origine européenne, venus
majoritairement d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse. Pourtant malgré cette homogénéité, la
culture néo-zélandaise s’est nourrie de multiples influences externes et internes qui, selon
Francine Tolron, en font actuellement un pays en pleine mutation, résolu à défendre sa
spécificité.
Les influences internes sont celles des deux peuples fondateurs de la Nouvelle-Zélande, les
Maoris et les Pakehas, c’est-à-dire les descendants des colons britanniques du dix-neuvième
siècle, qui contestent aujourd’hui le concept de biculturalisme que de nombreux chercheurs
appliquent à la Nouvelle-Zélande. En effet, certains Pakehas; dont le nom vient du maori
« personne blanche » ou « étranger »; souhaitent que la Nouvelle-Zélande soit considérée
comme un pays aux racines et à la culture anglaises. Ce groupe est néanmoins de plus en plus
minoritaire au pays du long nuage blanc, contrairement à l’Australie où chaque année
davantage de personnes revendiquent une identité anglaise « pure souche » et où n’avoir que
des ancêtres anglais, qui plus est arrivés dans les premiers temps de la colonie australienne,
est une véritable fierté.
3
Le multiculturalisme d’Aotearoa est également rejeté par les radicaux maoris qui voient dans
ce concept une manière de cacher l’importance de la culture « indigène » et pour qui la
Nouvelle-Zélande est un pays du Pacifique. Ces leaders de la cause maorie, ne se complaisent
pas dans la position de deuxième force politique du pays et avancent des idées racistes : il y
aurait, selon eux, trop d’Îliens et d’Asiatiques en Nouvelle-Zélande.
Il existe aussi bien chez les Maoris que chez les Pakehas, un « attachement jaloux et exclusif à
leur pays qui les pousse à tenir à distance tous ceux qui risqueraient d’empiéter sur leur
territoire »2 notamment les Asiatiques, perçus comme trop étrangers à la culture du pays. Ce
rejet est ancré dans l’histoire de la Nouvelle-Zélande puisque dès les premières années de la
colonisation européenne, un comité anti-chinois avait vu le jour dans l’Île du Sud. Comme
conséquence de ce rejet il y aurait en Nouvelle-Zélande plusieurs communautés qui ne se
fréquenteraient pas : les Îliens par exemple ont tendance à reconstituer de petites
communautés très soudées, sous la houlette de congrégations religieuses qui conservent des
contacts avec leurs villages d’origine. Nombreux sont les jeunes Tongiens et Samoans qui se
réclament de leur identité insulaire. Les Maoris défendant eux aussi une identité propre, nous
pouvons dès lors nous demander quelle place peut-il rester pour les cultures extérieures
lorsque chaque communauté défend fièrement sa culture au détriment de celles des autres.
Ce phénomène de mise en avant identitaire existe également chez les Pakehas : depuis
quelques années, ils défendent une culture qu’ils ont nommée « kiwiana ; alors que quelques
décennies auparavant ils avaient honte de ce qu’ils étaient, et notamment de leur accent
considéré comme campagnard face à l’anglais d’Oxford. Le « Newzild » est aujourd’hui
fièrement parlé par les Néo-Zélandais qui le revendiquent comme une des composantes de
leur identité culturelle. Cette fierté récente met fin à ce que l’historien australien, Arthur
Philipps avait appelé le « cultural fringe », c’est-à-dire le complexe d’infériorité ressenti par
les Kiwis qui pensaient alors que leur histoire et leur culture n’étaient pas dignes d’intérêt, et
qui admiraient l’Angleterre, ou encore la réussite australienne. Or l’attachement à l’Angleterre
est aujourd’hui beaucoup plus ténu qu’il ne le fut dans les premières décennies de l’histoire
européenne du pays.
En effet, les Néo-Zélandais ne se considèrent plus aujourd’hui comme Anglais, même si
l’influence britannique a fortement marqué le pays. Les attaches avec le Vieux Continent se
distendent au fil des générations : les jeunes avouent de nos jours éprouver un intérêt pour
2
Tolron Francine, ibid, p 173
4
l’Angleterre mais non plus en tant que « mère patrie » alors que les générations les plus
anciennes, souffraient, selon Francine Tolron, d’une mentalité de dépendance à l’égard de
celle-ci, la définissant par le terme de « home ». Les Kiwis sont néanmoins aujourd’hui
encore très attachés à leur chef d’État, Elizabeth II et à la monarchie qui est entourée d’une
véritable aura mystique : un cri de protestation s’est élevé au niveau national lorsque des
Maoris ont commis des gestes considérés comme offensants envers la reine d’Angleterre lors
des célébrations officielles en 1990. La Nouvelle-Zélande ne connaît pas non plus de
mouvement républicain à proprement parler, puisque, selon un sondage de 1998, seuls 28%
de la population était favorable au républicanisme. Sur ce point, les Néo-Zélandais se
différencient fortement des Français qui portent fièrement les valeurs républicaines.
Bien avant de s’éloigner culturellement de l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande s’était détachée
politiquement du royaume puisqu’elle prit le statut de dominion dès 1907. En 1931, elle
acquit son autonomie mais sa législature resta subordonnée au Parlement britannique jusqu’à
l’adoption, en 1947, du statut de Westminster qui permit au pays d’acquérir sa souveraineté.
Dès 1945, la Nouvelle-Zélande chercha à s’imposer sur la scène internationale en tant qu’État
indépendant, en ne passant plus par la Grande-Bretagne pour négocier avec d’autres
puissances. Les liens économiques se distendirent dans les années 1970 entre les deux Nations
lorsque la Grande-Bretagne se tourna vers l’Europe et qu’en réaction, la Nouvelle-Zélande
recentra son économie sur l’Asie et le Pacifique.
Des années de présence britannique ont marqué culturellement Aotearoa mais les Anglais ontils réussi à transmettre pour autant leur méfiance à l’égard des Français ainsi qu’une certaine
francophobie? Comme nous allons le voir par la suite, ce fut le cas dans les premiers temps de
la colonie mais non dans les décennies qui suivirent.
Les Néo-Zélandais se sont détachés de la tutelle britannique, pour tenter de construire leur
propre identité. Selon Francine Tolron, avec ses 170 ans d’histoire, la Nouvelle-Zélande serait
aujourd’hui, d’un point de vue identitaire, dans l’état dans lequel les pays européens se
trouvaient au 19e siècle, c’est-à-dire revendiquant haut et fort sa spécificité : « en train de se
redéfinir vaillante, comme une petite nation dotée d’une identité propre, trouvant son style,
très centrée sur elle-même, prête à imposer une image d’elle-même irréductible à tout
autre »3. Elle serait semblable au personnage enfantin omniprésent dans les œuvres néo-
3
Tolron Francine, ibid, p.142
5
zélandaises : « être en mutation, mini-adulte à la maladresse ravageuse, qui ne pose pas les
barrières entre réalité, souhaits et fantasmes ».4
L’identité néo-zélandaise n’est plus revendiquée comme européenne mais comme
océanienne ; pour l’ancien Premier Ministre, David Lange, il faut accepter « ce que nous dit
la carte, que nous sommes une Nation du Pacifique Sud »5 ; ou comme relevant, pour l’auteur
Michael King de multiples influences culturelles : « J’ai des roses et des delphiniums sur le
devant de ma maison, des ponga et rimu à l’arrière. Dans ma bibliothèque, Baxter et Curnow
côtoient Yeats et Tennyson »6. Le pays est donc en plein changement identitaire, ce qui nous
amène une nouvelle fois à nous demander quelle place peuvent occuper des cultures a priori
extérieures à celle d’Aotearoa, d’autant que, selon Catherine Hannagan, la Nouvelle-Zélande
en serait à son adolescence, état dans lequel une personne serait égoïste, et rejetterait tout ce
qui n’est pas semblable à elle-même. Or les valeurs supposées être françaises sont fortement
dissemblables à celles que la Nouvelle-Zélande met en avant comme étant siennes.
En effet, Aotearoa s’enorgueillit d’être un pays qui privilégie le mérite individuel, le discours
informel et la simplicité, en particulier en ce qui concerne les hommes politiques. Lors de la
recherche d’emploi l’expérience y prime sur les diplômes. Tous ces facteurs s’opposent à la
société française où les employeurs jugent en grande partie une personne sur ses études et où
les hommes politiques doivent respecter un grand nombre de codes : ils doivent toujours se
présenter en public de manière irréprochable, au contraire des politiciens néo-zélandais qui ne
soignent pas systématiquement leur apparence vestimentaire ou physique. Les conventions
sociales en France sont beaucoup plus fortes qu’en Nouvelle-Zélande où la société n’est pas,
jusqu’à aujourd’hui du moins, structurée selon des classes sociales.
En revanche, le sport y est un des principaux catalyseurs d’identité, l’expression la plus
visible d’un orgueil émergent. Il véhicule, d’après les Kiwis, les principales valeurs néozélandaises dont celle de l’égalité puisqu’il permettrait à tous de se rencontrer et d’avoir le
même statut sur le terrain. Les Néo-Zélandais semblent apprécier ces instants où règne une
harmonie communautaire : le rugby réunit ainsi des individus pauvres et riches, mais aussi de
toutes origines : les Maoris, les Îliens et les Pakehas se retrouvent et partagent des moments
« sportifs », ce qu’ils ne font que rarement en dehors de ces circonstances. De plus, tout
individu peut véritablement extérioriser ses sentiments dans le sport alors que les Néo4
Tolron Francine, ibid., p 261
5
Lange David in Sinclair Keith, The Oxford Illustrated History of New-Zealand, Auckland, Oxford university
press, 1998, p 295
6
King Michael, Being Pakeha, Wellington, Hodder and Stoughton ltd, 1976, p 85
6
Zélandais ont en général du mal à les exprimer. Selon Catherine Hannagan, ils ne seraient pas
assez sûrs d’eux-mêmes pour s’exprimer à travers la culture, ce qui explique l’importance
prise par le sport, plus spécifiquement le rugby et le développement du culte du « héros
sportif » : les Rugbymen sont de véritables légendes. Le rugby serait également l’expression
des valeurs de virilité, de force, de détermination, de courage, d’esprit d’équipe, et de
résistance aux éléments naturels dans lesquelles se reconnaissent les Néo-Zélandais.
Or les Français seraient, selon les Kiwis que nous avons interrogés lors de nos recherches, un
peu « snobs » vis à vis du sport, mettant en avant l’intellect face au corps. En effet même si la
France acclame ses sportifs, elle met surtout en avant face au monde, une fierté d’être une
Nation de grands penseurs, celle du Siècle des Lumières.
Le joueur de rugby a comme équivalent « historique » la figure du pionner à qui rien ne
résiste. Le passé européen de la Nouvelle-Zélande est vieux de moins de deux cents, et donc
les personnages historiques ne sont pas légion. Or tout jeune pays éprouve le besoin de
chercher et d’explorer ses racines, et par conséquent d’avoir recours au mythe pour perpétuer
un passé idéalisé qui s’inscrit dans une continuité avec le présent : le mythe du pionnier
bâtisseur participe de la volonté nationale de se trouver un ancrage dans le passé.
La nature est une autre source d’identification car elle est omniprésente en Nouvelle-Zélande,
et, étant un élément neutre, elle rassemble les deux peuples fondateurs. La France, au
contraire, comme nous l’avons déjà mentionné, exalte sa culture.
Les valeurs prônées par la culture néo-zélandaise, que Francine Tolron, résume en « rugby,
racing and beer » sont donc à l’opposé de celles considérées par les Français comme les leurs.
De plus, comme nous venons de le développer, la Nouvelle-Zélande est en pleine
revendication identitaire, ce qui laisse mal présager de la possibilité d’une présence culturelle
étrangère dans le pays, qui plus est française, dans un territoire qui a été marqué par
l’ « ennemi héréditaire de la France » et qui se trouve littéralement aux antipodes de
l’Hexagone. Les villes d’Alzon dans le Gard et de Waitangi à Aotearoa, séparées par 12 800
kilomètres sont géographiquement exactement aux antipodes l’une de l’autre mais vivent,
aussi surprenant que cela puisse paraître, des mêmes sources de revenus : le tourisme, et
l’élevage de moutons.
Or pour autant, il existe une présence culturelle française non négligeable en NouvelleZélande. Par le terme de « culturel », nous souhaitons désigner avant tout les productions
artistiques et la langue mais aussi « une certaine idée de la vie » en nous inspirant de la
définition de Edward Burnet Taylor pour qui la culture est « un tout complexe qui englobe
7
les connaissances, les croyances, l’art, la morale, la loi, la tradition » 7. Nous entendons par le
mot présence « le fait d’exister, de se trouver quelque part » et d’avoir un rôle actif »8 or le
français est, en Nouvelle-Zélande, la langue étrangère la plus enseignée, les Alliances
Françaises y sont les centres culturels étrangers les plus importants, et les coopérations
culturelles avec la France y sont nombreuses et variées et amènent un grand nombre d’œuvres
françaises à être visibles par le public néo-zélandais.
Il s’agit d’une présence principalement culturelle et non économique : même si les entreprises
françaises sont de plus en plus nombreuses à s’installer à Aotearoa, les liens économiques
entre la France et la Nouvelle-Zélande demeurent relativement faibles : en 2004, les
importations néo-zélandaises en France représentaient 1,2 % du total des importations tandis
que la France constituait le onzième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande derrière,
entre autre, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, et l’Italie.
Cette présence culturelle est le résultat de facteurs externes et internes. D’après John
Dunmore, il s’agirait en partie de facteurs internes à la Nouvelle-Zélande car, selon lui, la
présence historique française a eu un impact sur l’identité culturelle néo-zélandaise qui s’est
forgée par de multiples influences. De plus, pour François-Michel Gonnot, auteur du rapport
d’information de l’Assemblée Nationale intitulé « Australie, Nouvelle-Zélande, les nouveaux
« dragons » du Pacifique Sud ? », la Nouvelle-Zélande et la France partageraient un héritage
culturel commun. Cette présence s’explique aussi bien par des facteurs historiques propres à
la Nouvelle-Zélande et à un intérêt de sa population, que par une volonté diplomatique
actuelle de l’État français qui développe des liens et pousse les décideurs à des coopérations
dans le domaine de la Culture. Nous opérerons ainsi une distinction entre la présence
officielle française, qui ne pourrait se développer sans un intérêt des autorités et de la
population néo-zélandaise, et la présence ne relevant pas directement d’une volonté étatique.
L’ouverture à une idée de diversité culturelle en Nouvelle-Zélande n’est toujours pas évidente
au sein de certaines couches de la population et c’est la raison pour laquelle les études portant
sur l’influence de différents peuples sur la culture néo-zélandaise ne se sont progressivement
et lentement développées qu’au cours des années quatre-vingts. L’influence des Français en
Nouvelle-Zélande devint un sujet d’études dans les années 1960, thème dont le spécialiste est,
en tout ce qui concerne l’histoire, John Dunmore. Ce dernier étudia les archives françaises et
7
8
Encyclopédie Encarta, c.d rom, 2000
Opus Cite
8
néo-zélandaises et fit sortir de l’oubli les manuscrits de navigateurs français. Depuis 1984,
chaque année la Fédération des Alliances Françaises en Nouvelle-Zélande décerne la médaille
John Dunmore à un travail de recherche d’envergure contribuant à la connaissance de la
présence et du rôle de la France dans le Pacifique Sud. D’autres chercheurs contribuèrent à
une meilleure connaissance de cette histoire dans la deuxième moitié des années 1980 en
traduisant certains écrits historiques, tel que le roman ethnographique, jusque là inédit, de
Dumont d’Urville.
Plusieurs publications sont consacrées aujourd’hui à la France et à sa culture parmi lesquelles
« The New Zealand Journal of French studies », ouvrage publié semestriellement par le
Département des langues de l’université Massey depuis les années 1980 et qui offre des
analyses littéraires, linguistiques, historiques, de même que des critiques de livres en anglais
ou en français, et « Antipodes » imprimé une fois par an par l’université d’Otago depuis 1995
qui propose des articles en anglais ou en français relatifs aux relations passées ou présentes
entre les pays francophones et la Nouvelle-Zélande.
Pourtant, même si la présence française en Nouvelle-Zélande relève d’un passé récent, elle est
encore méconnue, surtout en France. De plus, bien que des travaux aient souligné cette
présence culturelle française, aucun ne s’est aventuré à en proposer une réelle explication.
Nous tenterons dans ce mémoire de nous attacher à cette question et d’avancer des arguments
permettant d’expliquer cette présence surprenante. Comment un tel éloignement
géographique, et aujourd’hui une telle méconnaissance de la Nouvelle-Zélande par les
Français, ont-ils pu engendrer cette présence culturelle? Il n’existe pas une réponse mais
davantage une coordination de facteurs.
Pour ce travail de recherche, nous avons consulté dans un premier temps les différents
ouvrages de John Dunmore et des quelques chercheurs s’étant intéressés aux liens historiques
ou diplomatiques franco-néo-zélandais; aucun travail n’étant spécifiquement consacré aux
liens culturels. Puis, nous sommes allés interroger les acteurs des relations culturelles franconéo-zélandaises actuelles afin de recueillir leur opinion sur le sujet, notamment les membres
de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande, les professeurs de français de l’université
Victoria à Wellington, les membres du Fonds d’amitié France-Nouvelle-Zélande, Catherine
Hannagan de ILANZ, les responsables de classes bilingues français-anglais à Auckland, les
membres de l’association « Frogs in New Zealand ». Puis, nous avons distribué des
questionnaires à de jeunes néo-zélandais apprenant le français afin de comprendre quelles
étaient leurs motivations et leur image de la France, et réalisé des interviews d’étudiants de
9
l’Alliance Française. Notre travail se base donc en partie sur des propos subjectifs recueillis
parmi des spécialistes et des étudiants en français.
Afin de répondre à la question des origines de la présence culturelle française en NouvelleZélande, nous développerons dans une première partie les multiples formes prises par celle-ci,
pour dans une deuxième partie évoquer les facteurs qui permettraient de l’expliquer.
10
I. La présence culturelle
française en NouvelleZélande : une réalité
linguistique et
artistique renforcée
par la politique de
l’ambassade de
France en NouvelleZélande
11
A La présence linguistique
française en NouvelleZélande : un point fort de la
France aux antipodes
Les Liens entre la France et la Nouvelle-Zélande sont nombreux et variés : ils sont aussi bien
culturels, que diplomatiques, économiques, historiques ou linguistiques. Le français est en
effet la langue étrangère la plus enseignée au niveau primaire et secondaire. Il est important
de signaler qu’il s’agit de la langue étrangère la plus apprise : si nous prenions en compte la
langue maorie, celle-ci serait de loin la langue la plus enseignée dans les écoles, et la plus
parlée après l’anglais car les programmes scolaires intègrent aujourd’hui des leçons de maori
pour l’ensemble des élèves. La plupart des membres de la jeune génération « Pakehas » -et
donc de Néo-Zélandais- connaît par conséquent quelques mots dans cette langue. Néanmoins
le maori est aujourd’hui reconnu comme langue nationale et seconde bien qu’il ne constitue
pas la langue maternelle de la majorité de la population néo-zélandaise.
12
1)Le français : langue étrangère la plus
enseignée scolairement en NouvelleZélande
a) Les niveaux primaire et secondaire
Avant l’ouverture généralisée de l’enseignement des langues à d’autres idiomes, le français
était largement dominant et était de loin la première langue enseignée sans véritable partage :
en 1977, 80.6% des jeunes néo-zélandais apprenant une langue étrangère s’initiaient au
français. La « concurrence » s’est véritablement ouverte dans les années 1990, sur incitation
du Ministère de l’Éducation nationale, ce qui a eu pour conséquence une diminution de moitié
des effectifs choisissant le français comme option, au bénéfice de l’espagnol, de l’allemand,
du japonais et du chinois. Treize langues différentes peuvent être proposées désormais au
programme : si le nombre d’élèves est insuffisant pour embaucher un professeur, les élèves
peuvent suivre des cours par correspondance qui leur seront crédités par leur établissement.
Ces langues sont, entre autres, le Maori des Iles Cook, le Samoan, et la langue des signes néozélandaise. En conséquence, dans les années 1990 et notamment à partir de 1987, au niveau
scolaire, le français a connu une diminution du nombre d’apprenants, tandis que le japonais
bénéficiait d’une hausse fulgurante. En 1994, ce dernier était appris par 43.5% des élèves néozélandais ayant décidé de s’initier à une langue étrangère tandis que le français stagnait aux
alentour de 36,3%.9 De 1994 à 1998, le japonais fut la langue étrangère la plus apprise par les
jeunes néo-zélandais principalement au détriment de l’allemand. Cette hausse momentanée du
japonais put s’expliquer par plusieurs facteurs relevant principalement de l’économie, c’est-àdire la notable croissance économique des pays de l’Asie du Sud-Est mais aussi par la
décision du gouvernement néo-zélandais de privilégier les échanges commerciaux avec les
pays du Pacifique, et plus précisément avec le Japon, pour contrecarrer l’entrée du RoyaumeUni dans le marché commun européen. L’apprentissage du japonais était alors perçu comme
9
Myreille, “ La Nouvelle-Zélande” in L’année francophone internationale, OIF, Québec, 1999, p 142
13
un véritable atout professionnel. Néanmoins cet engouement pour le japonais n’a été que
passager : dès 1996, la tendance s’est de nouveau inversée. Il semble que les jeunes néozélandais se soient rendus compte de la difficulté d’apprendre cette langue, et de la plus
grande facilité d’étudier une langue dont l’alphabet est similaire et dont les racines peuvent
être communes - bien que le japonais puisse ressembler parfois au Maori. Le français est
décrit, comparativement au japonais par Casey, une des élèves du secondaire que nous avons
interrogée, comme « facile » (« fun and easy to learn »), étant donnée l’analogie de l’alphabet
avec l’Anglais. Cinq élèves sur l’ensemble des jeunes filles interrogées par nos soins décrirent
le français comme aisé, soulignant pour certaines d’entre elles, que cela leur permettra
d’étudier plus aisément d’autres langues latines. Plusieurs collégiennes de Saint Mary’s
évoquèrent dans leur questionnaire les similitudes entre le français et l’anglais, précisant que
beaucoup de mots anglais étaient dérivés du français et qu’ainsi cela leur permettait, comme
l’indiqua Anna, de mieux comprendre leur propre langue. Le guide « French in the New
Zealand curriculum » édité par le Ministère de l’Éducation évoque lui aussi cet intérêt de
l’apprentissage du français pour les jeunes anglophones : selon ses auteurs, l’enseignement du
français dans les écoles peut avoir pour conséquence une amélioration des résultats en anglais.
L’espagnol est entré en concurrence depuis quelques années avec le français. Il s’agit en effet
aujourd’hui d’une langue à la mode auprès des Néo-Zélandais qui la qualifie même de
« sexy ». Dans les quelques universités où existent des départements d’espagnol, ceux-ci
comportent légèrement plus d’élèves que celui de français.
Mais le français maintient sa position dominante car il reste proposé à l’apprentissage dans la
quasi-majorité des établissements néo-zélandais contrairement à l’espagnol
Certes, le nombre d’apprenant n’est pas aujourd’hui aussi élevé que dans les années soixantedix néanmoins, le nombre d’élèves de cinq à douze ans apprenant le français a connu ces
dernières années une évolution positive et fulgurante : il est passé de 8 166 enfants en 1997 à
27 436 en 2006. Cette évolution ne constitue pas le seul élément intéressant pour notre étude:
il nous faut également noter que le nombre d’élèves choisissant d’apprendre le français est de
loin supérieur à celui préférant s’initier aux autres langues les plus enseignées en NouvelleZélande. La deuxième langue apprise en 2006 dans les écoles primaires et « intermediate » de
Nouvelle-Zélande; c’est-à-dire par des élèves de cinq à douze ans; était le japonais avec un
ensemble de 19 824 élèves; puis venait l’espagnol avec 17594 apprenants, l’allemand avec
11354 élèves initiés et le chinois avec 2874 étudiants.
14
Depuis la fin des années 1990, le nombre d’élèves choisissant d’apprendre le français à ces
niveaux est croissant, comme nous pouvons le constater sur le graphique suivant élaboré pas
ILANZ, International Language Aoteraroa New Zealand
Élèves de classes Primaire et « Intermediate » étudiant les
langues étrangères
1997-2006
Elèves de classes Primaire (5-10 ans) et "Intermediate" (1112 ans) étudiant les langues étrangères 1997-2006
30000
1997
25000
1998
1999
20000
*2000
2001
15000
2002
2003
10000
2004
2005
5000
2006
0
Chinois Français Allemand Japonais Espagnol
Source: ILANZ
Les chiffres diffèrent lorsque nous prenons en compte les élèves recevant un véritable
enseignement de la langue, c’est-à-dire bien plus qu’une initiation qui peut se pratiquer dans
certaines écoles primaires où les élèves n’apprennent que des chansons en français pour un
total d’une dizaine d’heures sur une année scolaire. Dans certains établissements les
professeurs ne délivrent même pas de cours mais supervisent les enfants lorsque ceux-ci
visionnent une cassette vidéo produite par le gouvernement. En effet, le nombre d’élèves
passant plus de trente heures à étudier la langue française est beaucoup moins élevé.
Néanmoins, malgré ces écarts de chiffres, le français reste en tête des langues enseignées à ce
niveau scolaire. Il est cependant à noter que l’initiation à une langue relève du choix propre de
chaque établissement : celle-ci n’est pas encore obligatoire.
15
Ainsi en 2006 au niveau primaire et « intermediate », un ensemble de 6 443 enfants de cinq à
douze ans recevaient un « véritable » enseignement de la langue. Comparativement, le
nombre de jeunes néo-zélandais apprenant l’allemand cette même année était de 2032, le
chinois de 772, le japonais de 2134, et l’espagnol de 3728. Comme nous pouvons le constater
sur le graphique suivant, l’année 2006 a connu une progression notable du nombre d’élèves
en français à ce niveau scolaire :
Élèves de Year 1 à Year 8 étudiant annuellement les langues étrangères
pendant plus de 30 heures
Number of students
Élèves de "Year 1" à "Year 8" étudiant
annuellement les langues étrangères pendant plus
de 30 heures
8000
6000
2004
2005
2006
4000
2000
0
Chinois
Français Allemand Japonais
Espagnol
source: ILANZ
C’est en première année du secondaire, qui équivaut à notre quatrième, que nous pouvons
compter le plus d’élèves en français.
Au niveau secondaire, le français conserve sa place de première langue étrangère enseignée
dans les écoles avec pour 2006, un ensemble de 27 614 élèves de treize à dix-sept ans
apprenant le français sur un total de 62 617 Néo-Zélandais scolarisés ayant choisi d’apprendre
une langue.
16
Étudiants du « secondaire » ayant choisi d’apprendre une langue
étrangère par langue étudiée 1997-2006
Élèves du "Secondaire" étudiant les langues étrangères
1997-2006
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
30000
25000
20000
15000
10000
5000
0
Chinois Français Allemand Japonais Espagnol
Source: ILANZ
L’apprentissage d’une langue étrangère est un choix en Nouvelle-Zélande, il s’agit d’une
option que les élèves peuvent choisir parmi d’autres.
C’est la raison pour laquelle, le nombre de Néo-Zélandais parlant une langue étrangère est
relativement faible : seuls vingt-cinq pour cent des élèves choisissent l’apprentissage d’une
langue étrangère comme option. Néanmoins depuis 2002, ce chiffre est en continuelle
augmentation, comme l’indique le graphique suivant, atteignant un chiffre de plus de
soixante-deux milles élèves.
17
Élèves du secondaire étudiant les langues étrangères de 1997 à 2006
Élèves apprenant une langue étrangère au secondaire
64000
Nombre d'élèves
62000
60000
58000
56000
54000
52000
50000
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Année
source: ILANZ
Certains établissements imposent l’apprentissage d’une langue à leurs élèves pendant un
certain temps mais ceux-ci sont peu nombreux. En effet, dans la plupart des écoles
secondaires, seuls sont obligatoires les mathématiques, l’Anglais, les sciences, la géographie
pour les années neuf et dix (l’équivalent de la quatrième et de la troisième) et l’éducation
religieuse dans les écoles confessionnelles, qui sont considérées depuis 1977 comme des
écoles intégrées et non privées; c’est-à-dire recevant des subsides de l’État et dont les frais
d’inscription sont similaires à ceux du public.
Le choix d’option est limité et décide en partie de l’orientation universitaire des élèves : un
étudiant souhaitant se consacrer à une filière scientifique à l’université se doit au niveau
secondaire d’étudier la physique et la biologie et ne peut, étant donné l’impossibilité de
choisir un trop grand nombre d’options, continuer à apprendre les langues. Ainsi certains
étudiants sont obligés d’abandonner l’apprentissage des langues, ce qui a pour conséquence la
réduction du nombre d’élèves de français dans les deux dernières années avant l’université
d’autant que les langues vivantes entrent souvent en concurrence avec d’autres matières
considérées comme fondamentales.
Les élèves conservant le français comme matière sont donc, selon Sue Kano, professeur de
français à Saint-Mary’s college, des étudiants motivés qui souhaitent réellement étudier une
langue étrangère, au contraire des étudiants français qui sont obligés d’apprendre deux
langues étrangères, parfois contre leur gré.
18
Il n’existe pour l’instant aucune réglementation rigide concernant les langues : chaque école
décide du nombre d’heures d’enseignement et des options qu’elle offre à ses élèves.
Néanmoins des guides sont publiés par le Ministère de l’Éducation qui définissent pour
chaque unité des objectifs pédagogiques. Ces documents ne développent que des suggestions
puisque seul l’enseignant décide du thème de l’unité. Il ne s’agit que d’une base destinée aux
professeurs pour préparer les cours, car selon le Ministère, les contextes d’apprentissage de la
langue peuvent varier du tout au tout.
b) Une relativisation au niveau
universitaire
Au niveau universitaire, sur les six universités que compte le pays, mille cinq cents élèves
étudient le français, pour un ensemble de vingt-six professeurs à temps plein. Cela peut paraît
bien peu sur les 142 539 étudiants que compte la Nouvelle-Zélande. Mais l’ensemble des
langues connaît le même sort puisque les départements de langue dans les universités néozélandaises sont toujours de petite taille.
À Victoria university située à Wellington, une moyenne annuelle de 250 élèves suit des
enseignements du département de français sur les 21 076 que compte l’université. Parmi eux,
une centaine de Néo-Zélandais étudient le français à temps plein, c’est-à-dire en ne suivant
pas de cours d’autres départements. Il est très fréquent en Nouvelle-Zélande de suivre un
double cursus: il est par exemple très facile pour un élève de faire du commerce et du
français, ou du droit et du français. De plus, ces dernières années, un certain nombre
d’universités telles que celle d’Auckland ont imposé à leurs étudiants de première année de
choisir au moins un cours hors de leur programmes : selon Jean Anderson, professeur à la tête
du département de français de l’Université Victoria, cela a amené beaucoup d’étudiants à
suivre un cours de français, au niveau débutant. Il y a en conséquence beaucoup plus de Kiwis
suivant des cours de français à Auckland qu’à Wellington. Cette ouverture des cursus
nommée « general education » a relevé d’une volonté du gouvernement de renforcer la culture
générale des jeunes néo-zélandais.
19
Le nombre d’étudiants universitaires suivant un cours de français a donc connu un
accroissement ces dernières années renforcé par l’apparition de cours intensifs de français aux
niveaux débutant et intermédiaire, destinés à pallier le problème du faible nombre d’inscrits
dans les départements de français. L’ambassade a pour sa part également tenté de remédier
au problème en rendant les études de français plus attractives en organisant la venue
d’universitaires et de spécialistes français dans les universités néo-zélandaises afin que ceuxci puissent y donner des conférences.
De nombreux Néo-Zélandais scolarisés sont initiés au français. Pourtant il n’existe pas
d’école française en Nouvelle-Zélande, tout comme il en existe dans de nombreux pays. Cela
peut s’expliquer par la faible présence d’expatriés français dont les enfants fréquentent
généralement ces écoles ou par la jeunesse de ces expatriés qui sont fréquemment sans
enfants. La Nouvelle-Zélande restant un petit pays et un partenaire commercial plutôt mineur
pour la France, les entreprises françaises envoient en majorité de jeunes employés afin qu’ils
y fassent leurs preuves; au contraire des États-unis où des employés plus expérimentés sont
dépêchés et où, en conséquence, se sont ouvertes des écoles françaises.
Il existe uniquement deux cursus bilingues à Auckland (où se trouve la majorité de la
communauté française) menés en association avec des établissements locaux. Ces
programmes ont été développés par l’association Frenz regroupant des parents bénévoles
soucieux de voir leurs enfants appendre à lire et écrire en français et maintenir leur culture.
Au niveau primaire, deux classes ont été ouvertes à Richmond Road regroupant une
soixantaine d’enfants. Au niveau « intermediate » la section bilingue de Kowhai Intermediate
School regroupe six élèves. Bien que le nombre d’enfants fréquentant les groupes de jeux en
français soit très important et en constante hausse, il n’existe pas encore de classes de
maternelle. Le projet est en effet fort difficile à mettre en place bien que la demande se fasse
sentir, selon les parents de l’association Frenz interrogés à l’occasion de notre travail.
Malgré les effectifs en pleine expansion, ces écoles n’attirent pas majoritairement de NéoZélandais mais des familles françaises ou québécoises. Les classes sont en effet fréquentées
par des enfants ayant leurs deux parents français établis en Nouvelle-Zélande à court et à
moyen terme, ou par des enfants de famille établies définitivement en Nouvelle-Zélande ou
tout du moins sur un très long terme et dont un des deux parents au moins est francophone.
Il n’y a en moyenne chaque année que deux ou trois enfants dont aucun des parents n’est
francophone et dont les familles, attirées par la langue française, leur ont enseigné le français.
Le type même de ces programmes entraîne ce cloisonnement car les professeurs y enseignent
20
en français mais non la langue française : les enfants doivent donc savoir parler français pour
être accueillis à Richmond Road ou à Kowhai Intermediate School.
2)Les Alliances Françaises : des centres
culturels et linguistiques à succès implantés
sur l’ensemble du territoire
En ce qui concerne la population adulte et selon un recensement de 2006, 53 757 personnes
parleraient français en Nouvelle-Zélande, qu’il s’agisse de leur langue maternelle ou d’une
langue étrangère apprise, contre 37 709 résidents néo-zélandais parlant allemand, 21 645
pouvant communiquer en espagnol, et 20 883 en japonais.10 Sur l’ensemble du pays, l’anglais
est la langue la plus pratiquée, puis vient le maori, sauf à Wellington, où, selon une enquête
du quotidien The Evening post, le français devance le maori avec 3,5% de Wellingtoniens
capables de répondre affirmativement en français à la question « parlez-vous français? ».
Depuis 1986 et l’application d’une politique d’immigration plus diversifiée, les nonanglophones sont de plus en plus présents, d’autant que les Pakehas s’expatrient chaque année
plus nombreux pour vivre et travailler à l’étranger, principalement en Australie et en
Angleterre. L’allemand constitue la deuxième langue européenne la plus parlée en NouvelleZélande du fait de l’importance numérique de la présence allemande dans ce pays. Mais
l’espagnol étant de plus en plus populaire auprès des jeunes générations, il risque de
supplanter l’allemand en tant que langue européenne la plus pratiquée en Nouvelle-Zélande
Les Néo-Zélandais qui ont appris le français ont pour la plupart suivi des cours lors de leur
scolarité, mais un certain nombre, de plus en plus important chaque année, a fréquenté une
des Alliances Françaises du pays.
10
“Language spoken for the census usually resident, population count”, 2006 , www.stats.govt.nz, 3 juin 2007
21
a)
Les Alliances Françaises : des
structures hétérogènes, présentes dans
toute la Nouvelle-Zélande
Il existe beaucoup plus d’Alliances Françaises en Nouvelle-Zélande que d’autres centres
culturels étrangers tels que le Goethe Institut ou le British Council qui ne possèdent tous deux
qu’une implantation à Wellington. Existent également dans la capitale néo-zélandaise, un
centre culturel japonais ainsi qu’un centre culturel hispanique de moins grande importance
que l’Alliance Française en ce qui concerne le nombre d’élèves, la superficie occupée et les
activités organisées.
Il y a sept implantations de l’Alliance Française dans l’île du Nord : à Auckland, Wellington,
Rotorua, Whangarei, North Shore, Hamilton et Palmerston North; et quatre dans l’île du Sud :
Christchurch, Timaru, Dunedin et Nelson; qui réunissent deux mille cinq cents élèves sur
l’ensemble du pays.
Alliances Françaises de N-Z
22
Les tailles des Alliances diffèrent selon les villes où elles se trouvent : les principales sont
situées très logiquement dans les villes les plus peuplées du pays, Auckland, Wellington et
Christchurch. Cela s’explique également par la configuration particulière de la NouvelleZélande : en dehors de ces grandes villes, il n’existe que ce que nous appellerions en Europe
des villes moyennes ou des petites villes, comptant aux alentours de mille cinq cents
habitants, ou bien encore des villages très peu peuplés de l’île du Sud qui constituent, malgré
leur taille, d’importants points de ralliement. Greymouth, ville indiquée sur l’ensemble des
cartes de Nouvelle-Zélande ne compte, par exemple, que six cents âmes tout en étant pourtant
considérée comme une grande ville.
L’Alliance de Christchurch est forte de trois cents cinquante membres, tandis que la plus
importante, celle de Wellington, réunit en moyenne six cent cinquante élèves chaque année. Il
s’agit aussi bien de débutants, qui sont les plus nombreux, que de personnes suivant des cours
« intermédiaires », « avancés » ou de perfectionnement. L’attrait pour l’apprentissage du
français est fort car, à chaque semestre, se présentent de nouvelles personnes désireuses de
débuter l’étude de cette langue. Cependant, comme au Goethe Institut, un certain nombre
d’élèves abandonne après un ou deux semestres, et ne souhaite pas continuer au-delà du
niveau débutant. Cela s’explique en partie parce que ces personnes désirent uniquement
apprendre les bases de la langue afin de pouvoir se « débrouiller » à l’occasion d’un prochain
voyage en France. Une fois leur séjour entrepris, ils ne voient plus d’intérêt à continuer des
cours de français. D’autres découvrent que l’apprentissage d’une langue est beaucoup plus
ardu que ce qu’ils avaient imaginé.
Dans chaque classe, et selon les niveaux, une moyenne de cinq à douze élèves est présente.
Élèves de l’Alliance Française de Wellington depuis 2000
Élèves inscrits
Élèves
différents
2000
760
2001
1400
2002
1175
2003
1357
265
945
705
924
2004
1342
Chiffre non
connu
2005
1185
510
Nombre
d'heures
de
Chiffre non
cours
connu
1900
2400
2592
2620
3006
La catégorie « élèves inscrits » comprend l’ensemble des inscriptions pour des cours à l’Alliance sur une
année calendaire, c'est-à-dire quatre « terms ». Or cela peut revenir à compter plusieurs fois une même
personne inscrite aux quatre différents « terms », d’où l’utilité de la catégorie « élèves différents »
source: Alliance Française de Wellington
23
Le nombre de membres est néanmoins beaucoup plus élevé : il y avait en 2006 un ensemble
de neuf cent cinquante membres, soit plus ou moins trois cents personnes qui ne suivaient pas
de cours et qui étaient inscrites à l’Alliance pour pouvoir bénéficier de la médiathèque
francophone ou participer aux événements culturels. Les membres, qui ne suivent pas de
cours de français sont cependant pour nombre d’entre eux des Francophones ou des Français
qui souhaitent pouvoir emprunter des documents dans leur langue.
Le nombre d’élèves peut paraître, à la lecture des chiffres, peu important. Mais une fois remis
en contexte, c’est-à-dire celui d’une ville qui ne comporte que cent soixante mille habitants,
ce chiffre devient beaucoup plus significatif.
La tendance pour 2007 semble être à la hausse :
Élèvesde l‘Alliance Française de Wellington par catégorie pour l’année
2007
Classes
ADULTES
early birds
Cours intensifs
Beginners
Intermediate
Avancés
perfectionnement
current events
lower hutt
Porirua
Total adultes
Term 1
Term 2
12
11
173
75
33
28
7
6
6
345
129
86
38
31
9
7
11
317
ENFANTS
170
162
COURS DE GROUPE
515
479
ATELIERS
23
53
Total
883
958
source: Alliance Française de Wellington
24
Quelques-unes des Alliances Françaises, au nombre de huit, telle celle de Whangarei, ne
possèdent pas de locaux et n’offrent même pas de cours de français, sauf rares exceptions et
encore ne s’agit-il dans ce cas que d’une ou deux classes de conversation ou pour enfants.
Ces associations constituent des clubs de rencontre pour des passionnés de la culture et de la
langue française : les membres se retrouvent chez le président de l’Alliance Française pour
pratiquer leur français, parler des actualités de la France, de sa culture… Ce fut par ailleurs
ainsi que naquirent les différents clubs littéraires français de Nouvelle-Zélande. Les premiers
furent crées à Christchurch, Dunedin et Auckland dès le début du vingtième siècle par des
francophiles désireux de parler littérature et jouer éventuellement des pièces de théâtre.
L’intérêt pour la culture française exista très tôt dans la société néo-zélandaise puisque les
clubs se multiplièrent dès le début du siècle passé. En 1908, se constitua ainsi le cercle
littéraire français de Wellington dont le consul honoraire Harold Beauchamps, père de
Katherine Mansfield fut un des instigateurs. Le cercle fut crée pour des Néo-Zélandais par des
Néo-Zélandais. La première rencontre se fit en Août 1908 entre des intellectuels et des
membres de la bonne société néo-zélandaise tels que le directeur du quotidien le Dominion
post, un professeur de français à l’université Victoria, ou bien encore un critique littéraire. Il
était alors de bon ton pour les personnes éduquées de parler français et de s’intéresser à la
culture française.
Le groupe continua à se réunir au fil des années, enrichissant ses activités en fêtant le
quatorze juillet, en organisant des galas, des déjeuners et petits déjeuners culturels, et en
devenant officiellement une Alliance Française en 1984. Les pénuries qui touchèrent la
Nouvelle-Zélande pendant la Seconde Guerre mondiale, et le « black out » - interdiction
d’utilisation publique de toute lumière - n’empêchèrent pas le cercle littéraire de se réunir
malgré la dangerosité des routes.
Tout comme au siècle dernier, les Alliances recrutent plutôt leurs membres auprès d’une
population citadine assez fortunée : les cours reviennent pour un « term », c’est-à-dire un
semestre, à 290 dollars; ce qui constitue une somme assez importante pour une population
dont les salaires sont très bas : un salaire brut de seize dollars de l’heure est considéré comme
non négligeable. Le profil type du membre est donc un Pakeha, homme ou femme d’age
moyen qui apprend le français parce qu’il en aime les sonorités et souhaite, d’après un
sondage réalisé en 2005 par le directeur de l’Alliance Française, « keep up the knowledge »,
c’est-à-dire ne pas perdre ce qu’il a appris lors de ses études. Aucun Maori ne suit de cours à
25
l’Alliance Française de Wellington. Cela s’explique notamment par l’infériorité moyenne du
statut social des Maoris : d’après Francine Tolron, les Maoris souffrent d’une sousqualification professionnelle. De plus, au début des années 2000, 36% de cette population
vivait d’allocations sociales qui constituaient son revenu principal, tandis que 48% des
personnes fréquentant les soupes populaires étaient Maoris.
b)
Les autres centres culturels étrangers:
une présence faible
Comme nous avons pu l’évoquer auparavant, l’Alliance Française ne constitue pas le seul
centre culturel « étranger » à Wellington. Or il est important, afin de bien saisir la place
occupée par les Alliances Françaises en Nouvelle-Zélande, de comparer celles-ci au Goethe
Institut et au British Council présents sur le territoire.
La présence du British Council peut surprendre au premier abord : pourquoi promouvoir la
culture anglaise dans un territoire anglo-saxon qui en est grandement imprégné?
Il pourrait avoir mis en place des cours de langues pour étrangers, sur le modèle de l’Alliance
Française de Paris qui enseigne la langue française aux non-francophones, mais ses
prérogatives ne recouvrent pas l’enseignement de l’anglais.
Les objectifs du British Council ne sont donc pas semblables à ceux de l’Alliance Française
bien qu’ils les rejoignent dans la promotion de la culture nationale. Cette promotion est
cependant très ciblée puisqu’il s’agit d’aider les artistes britanniques, en leur fournissant des
informations pratiques sur les lieux d’exposition en Nouvelle-Zélande ou en leur accordant
une allocation afin de les aider à exposer dans des galeries ou des musées d’Aotearoa. Les
employés du British Council peuvent également assister les artistes néo-zélandais dans leur
volonté d’organiser des tournées au Royaume-Uni, tout comme le service culturel de
l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande peut le faire pour des artistes français ou à
l’inverse pour des Néo-Zélandais désireux de se rendre en France. L’Alliance Française n’a
pas du tout ces prérogatives : elle promeut la culture française en organisant des expositions
ou des spectacles mais ne porte nullement assistance aux artistes en leur fournissant des
informations sur la scène locale car il s’agit d’une prérogative de l’ambassade.
26
La visée déclarée du British Council est de mettre en place des projets qui puissent permettre
aux jeunes Néo-Zélandais de dix-huit à trente-cinq ans de découvrir la culture britannique
contemporaine au travers des domaines de l’art, des industries créatives, de la science et de
l’éducation.
L’accent est mis sur la culture britannique contemporaine pour une raison particulière : la
Nouvelle-Zélande est certes un pays où l’influence britannique a joué pleinement dans la
construction d’une nouvelle identité nationale, et constitue aujourd’hui un pays dont les
racines britanniques ne peuvent être niées; néanmoins, l’influence britannique qui se fit sentir,
était celle du siècle dernier, et de la première moitié du vingtième siècle. La Grande-Bretagne
peut ainsi représenter pour les Néo-Zélandais qui ne s’y sont jamais rendus un pays
conservateur dont la culture contemporaine n’est pas forcement connue.
Il existe par ailleurs un sentiment ambigu« d’amour/haine » envers les Anglais, sentiment
similaire à celui que les Québécois peuvent ressentir envers les Français11 : ainsi est-il
fréquent d’entendre de jeunes Néo-Zélandais critiquer le peuple anglais et de
voir de
nombreux préjugés négatifs courir au sein de la société néo-zélandaise sur la population
britannique. Ces préjugés se concentrent néanmoins davantage sur le peuple anglais que sur la
Grande-Bretagne qui attire chaque année un grand nombre de jeunes Néo-Zélandais désireux
de travailler en Europe. Le public cible du British Council consiste en la catégorie des 18-35
ans, qu’il s’agisse de jeunes travailleurs ou d’étudiants désireux d’aller étudier en Grande
Bretagne qu’il va alors aider dans leur orientation. Contrairement à l’Alliance Française qui
est un centre culturel et linguistique, il s’agit avant tout d’un organisme de conseil et
d’information, notamment au travers l’orientation vers des sites Internet adéquats pour les
étudiants. Le British Council ne délivre pas de bourses universitaires, mais plutôt des
allocations aux jeunes travailleurs pour des projets liés au monde professionnel.
Le British Council travaille en collaboration avec un certain nombre de partenaires en
Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne, afin « de mettre en avant l’excellence, l’innovation
et la créativité »12 et s’inscrit ainsi dans les objectifs du British Council à travers le monde qui
11
Royer Marika, L’intégration des Français immigrés au Québec, mémoire de fin de cycle IEP Lille, juin 2006
12
Traduction de l’auteur “to showcase excellence, innovation and creativity”, www.britishcouncil.org/nz.htm, 8
mai 2007
27
sont de : « créer des relations durables entre le Royaume-Uni et les autres pays dans le monde
par le biais d’échanges culturels et éducatifs ».
Ainsi, il s’attache particulièrement à appuyer des projets qui répondent aux critères suivants :
•
il faut que ces projets aient un lien fort avec le Royaume-Uni,
•
qu’ils aient pour cible les 18-35 ans,
•
qu’ils permettent au British Council de s’impliquer dans l’élaboration et la mise en
place du projet,
•
qu’ils aient une forte visibilité médiatique ou qu’ils touchent un important public,
•
qu’ils relèvent d’idées innovantes.
Le British Council est fort différent et ne s’attache pas du tout la même catégorie de
population que l’Alliance Française qui touche un vaste public allant des « toddlers »; c’est-àdire des enfants âgés d’un an; aux retraités : le public de l’Alliance Française est beaucoup
moins spécifique et plus nombreux que celui du British Council mais aussi du Goethe Institut.
En effet le Goethe Institut attire en moyenne quatre fois moins d’élèves que l’Alliance
Française qui enrôle chaque année une moyenne de deux cents élèves qui n’ont que très
rarement appris le français dans leur scolarité.
De plus il ne possède qu’une représentation en Nouvelle-Zélande, à Wellington, et ne
s’adresse pas aux enfants. Cependant, il ne s’adresse pas en priorité à une classe d’age comme
peut le faire le British Council. En effet, les personnes fréquentant les classes ou les
événements organisés par le Goethe Institut peuvent aussi bien être des élèves du secondaire
que des étudiants de troisième cycle ou bien encore des actifs ou des retraités.
Néanmoins, selon Judith Geare, responsable des cours au Goethe, plusieurs profils d’élèves
peuvent être décelés. Le premier groupe consiste en des personnes intéressées par la culture
européenne et notamment la culture allemande. Dans cette catégorie se retrouvent des
chanteurs d’opéra qui se doivent de bien prononcer l’allemand pour chanter des airs de
compositeurs germaniques. Ce type d’élèves ne se retrouve pas à l’Alliance Française même
si le français peut être pratique pour une autre catégorie d’artistes, les danseurs. En effet, lors
des entretiens effectués dans un « college », une des élèves a avoué vouloir apprendre le
français car les termes utilisés dans le monde de la danse sont des termes français, et qu’ellemême pratiquait le ballet depuis un certain nombre d’années.
28
Le deuxième type d’élèves du Goethe Institut a un compagnon allemand ou se prépare à aller
travailler, suivre une formation ou des conférences en Allemagne. Un certain nombre d’élèves
de l’Alliance décident d’apprendre le français pour les mêmes raisons : pouvoir se
« débrouiller » en France, ou parce qu’ils veulent faire plaisir à leur compagnon francophone.
Ce public de personnes désireuses d’apprendre une langue avant de se rendre dans le pays se
perd par ailleurs assez rapidement, c’est-à-dire une fois leur départ pour l’Europe entrepris.
De plus, ils sont généralement assez ignorants (en ce qui concerne les questions
d’apprentissage des langues : ils s’imaginent fréquemment pouvoir parler allemand ou
français après une seule session de cours, c’est-à-dire en une demi-année universitaire pour le
Goethe Institut ou trois mois pour l’Alliance Française.
Le troisième groupe d’apprenants est celui des professeurs désireux d’enseigner l’allemand
dans les écoles primaires; catégorie qui n’existe pas parmi les élèves de l’Alliance Française
pour plusieurs raisons : le français étant la première langue enseignée au niveau secondaire,
de nombreux instituteurs ont les bases nécessaires pour enseigner le français à l’école
primaire puisqu’il ne s’agit généralement que de l’organisation de jeux en français ou
d’apprentissage de chansons, de comptines, autrement dit d’une initiation au français qui se
tient généralement sur six semaines. La deuxième raison est que l’ambassade de France à
Wellington organise à Tahiti pour les enseignants du primaire - considérés comme ceux en
ayant le plus besoin car n’ayant pas suivi de cursus de français à l’université - des stages de
langue et de civilisation de deux semaines. Des stages similaires sont organisés en France
pour les professeurs du secondaire au mois de janvier. L’Alliance n’a donc pas à s’occuper de
la formation d’enseignants.
Le Goethe Institut diffère également de l’Alliance Française par sa volonté d’organiser
chaque année des séminaires culturels sur des thèmes littéraires ou musicaux : en 2006 furent
par exemple mis en place des conférences sur Mozart. Des experts viennent de l’extérieur de
la ville traiter de ces thèmes auprès de groupes de dix à vingt personnes à l’occasion de cinq
sessions en moyenne pour une durée totale de dix heures.
Tout comme le British Council, le Goethe endosse des prérogatives qui sont aux mains de
l’ambassade dans le cas français. En effet, le centre culturel et linguistique allemand prend en
charge l’ensemble des questions linguistiques et culturelles touchant l’Allemagne à l’étranger.
Le conseiller culturel allemand pour les langues est ainsi employé du Goethe Institut.
L’ambassade d’Allemagne à Wellington transfère toutes les demandes qui peuvent lui
parvenir concernant la langue ou la culture allemande. Cette spécificité du Goethe par rapport
29
à l’Alliance Française relève de raisons historiques : après la Seconde Guerre mondiale, les
dirigeants allemands, afin d’éviter à l’avenir que les arts soient manipulés par les pouvoirs
politiques, ont souhaité que la culture et la politique ne soient plus dans les mains des mêmes
structures. L’administration de la culture a, par conséquent, été une des prérogatives centrales
du Goethe Institut dès sa création après la Seconde Guerre mondiale : il a pour mission
officielle de promouvoir la langue allemande à l’étranger, d’encourager la coopération
culturelle internationale et de communiquer une image aussi complète que possible de
l’Allemagne, en informant sur la vie culturelle, sociale et politique du pays. Afin de remplir
ces missions, le centre de Wellington met en place une politique de soutien à l’enseignement
de la langue allemande dans les écoles en offrant des bourses aux professeurs Néo-Zélandais
souhaitant perfectionner leur maîtrise de la langue allemande, ou encore en organisant des
projets dans les écoles afin de donner aux enfants l’envie d’apprendre l’allemand. Cette
année, un programme portant sur la ville de Berlin a été mis en place par le conseiller
linguistique qui se rend lui-même dans les écoles primaires et secondaires afin d’y organiser
des ateliers autour de ce thème.
L’ambassade de France à Wellington et l’Alliance Française se complètent pour promouvoir
la langue et la culture française en Nouvelle-Zélande contrairement au British Council ou au
Goethe qui sont seuls en charge de ces questions alors que, non seulement ils représentent de
plus petites structures que l’Alliance Française seule mais encore ont une moins grande
visibilité. Le Goethe, par exemple, n’organise comparativement que très peu de
manifestations dans ses locaux, c’est-à-dire un maximum de trois à quatre chaque année, alors
que l’Alliance française est à l’origine d’une moyenne de cinq spectacles ou conférences par
mois, que ce soit dans ses locaux ou à l’extérieur. De plus, cette dernière monte des
événements de grande envergure sur l’ensemble de la région Pacifique Sud, comme elle le fit
avec la tournée de conférences de Plantu. Les actions conjuguées de l’ambassade de France et
de l’Alliance amènent à une grande visibilité artistique française sur le territoire néozélandais.
30
B La coopération culturelle et
scientifique franco-néozélandaise en NouvelleZélande : une présence riche
et variée rendue possible par
un intérêt néo-zélandais
« Le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Nouvelle-Zélande,
reconnaissant le rôle important que jouent les échanges dans le domaine de la culture et de
l’éducation dans le développement des liens d’amitié qui unissent depuis longtemps la France
et la Nouvelle-Zélande »13 facilitent et encouragent « la coopération et les échanges entre les
deux pays dans les domaines de la littérature, de l’éducation, des sciences, de la musique, de
l’artisanat, des arts plastiques et scéniques et d’autres activités de nature culturelle ». Ainsi
commence l’accord culturel signé entre les gouvernements français et néo-zélandais (voir
annexe 2). Un tel accord de principe encourageant à une grande coopération culturelle et à la
mise en place de programmes d’échanges n’a été signé par la Nouvelle-Zélande qu’avec la
France. Aotearoa est, d’après le guide publié par le « Ministry of Education » French in the
New Zealand curriculum, très sérieusement intéressée à maintenir et renforcer les liens
sociaux, économiques, politiques et culturels, notamment en ce qui concerne la littérature, la
musique, la science, la technologie, le commerce et le tourisme avec les pays francophones.
Le guide met très justement en avant la coopération culturelle avec la France, car celle-ci
constitue, avec la coopération scientifique, un des éléments primordiaux des relations franconéo-zélandaises qui se sont fortement développées, comme nous allons le voir, ces cinq
dernières années et qui, selon Myreille Pawliez, professeur au département de français de
13
« Accord culturel entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la NouvelleZélande », signé le 18 novembre 1877
31
l’université Victoria, ont eu un effet boule de neige en entraînant une meilleure
compréhension entre les deux Nations.
1)La coopération culturelle officielle franco-néozélandaise : un domaine très actif basé
principalement sur le cinéma et la littérature
La France fut présente diplomatiquement en Nouvelle-Zélande dès la déclaration
d’autonomie du pays. En effet, elle ouvrit une légation dès le changement de statut du pays et
nomma Félix Alexis Armand Gazel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la
République française en Nouvelle-Zélande. La France souhaitait ainsi renforcer les liens entre
« ces deux pays, qui pour des raisons historiques, politiques et culturelles, se maintinrent »14
même en temps de guerre ou de crise pour l’hexagone, car la France souhaitait avoir un allié
dans le Pacifique. Néanmoins, ces liens n’auraient pas pu exister et seraient aujourd’hui
caducs si la Nouvelle-Zélande n’y avait, elle aussi vu un intérêt.
Si nous en croyons l’ouvrage L’Australie et la Nouvelle-Zélande, têtes de pont de la présence
française dans la région Asie Pacifique?, il y aurait eu dès les années 1990, une « attente
incontestable »15 de la Nouvelle-Zélande vis à vis d’une coopération culturelle avec la France
de même qu’un un intérêt pour la culture français très prononcé. Selon les sénateurs auteurs
de ce rapport, le gouvernement français se devait, par conséquent, de mettre en avant les
moyens les plus modernes de l’action culturelle extérieure, notamment audiovisuelle; ce qu’il
fit de manière active dans la décennie suivante.
14
Angelo Tony, Costi Albert, “a prelude to strong relations”, in 60 years ago, celebrating the anniversary of
diplomatic relations between New Zealand and France, publication du colloque du même nom, 2005,p 85
15
De Villepin Xavier, Bécart Jean-Luc, Borotra Didier, Boyer André, Lombard Maurice, Rouvière André,
« L’Australie et la Nouvelle-Zélande » têtes de pont de la présence française dans la région Asie-Pacifique? »,
Les rapports du Sénat, Paris, la Société nouvelle des librairies, 1997, P 95
32
a)
Le cinéma, élément central de la
présence culturelle française en NouvelleZélande
Le cinéma est aujourd’hui devenu un point clé de la coopération culturelle franco-néozélandaise. La première raison en est que l’acheminement de pellicules cinématographiques
est nettement moins onéreux que le transport de matériel scénique ou d’artistes aux antipodes.
Le véritable attrait pour le cinéma français qui existe en Nouvelle-Zélande en constitue la
deuxième explication : les œuvres françaises trouvent toujours un public et les distributeurs
français n’ont donc pas à demander d’aide financière à l’ambassade.
Il existe ainsi à Wellington, plusieurs cinémas, dont le Penthouse, spécialisés en films
étrangers.
Ces cinémas sont fort différents de ceux généralement présents dans les grandes villes de
Nouvelle-Zélande. En effet, ils abritent un café, contrairement aux chaînes de cinéma qui
n’offrent que du pop-corn, des glaces ou des friandises; en outre, ils prennent soin de leur
devanture afin de donner un charme particulier à l’endroit. Le Penthouse possède ainsi toutes
les allures d’un cinéma des années 1960.
Malgré, la présence fréquente d’œuvres cinématographiques françaises à l’affiche,
l’ambassade de France a décidé d’organiser, pour la première fois en 2007 à Wellington
pendant sept jours et à Auckland pendant cinq jours, un festival du film français : le New
Zealand french film festival ( voir annexe 3).
Un événement similaire organisé par les Alliances Françaises existait déjà depuis dix-huit ans
en Australie mais ne s’était pas monté jusque là à Aotearoa faute de forces vives intéressées à
développer ce projet : l’ancienne attachée audiovisuelle pour la Zone Pacifique ne
s’intéressant guère à la Nouvelle-Zélande et les membres de l’ambassade de France étant alors
trop peu nombreux. De plus, la suppression par la suite du poste d’attaché audiovisuel pour la
Zone Pacifique ne laissait pas présager du montage d’un festival de grande envergure,
similaire à celui qui se tenait en Australie.
Néanmoins, le service de coopération et d’action culturelle décida tout de même de lancer un
festival du film français, aidé en cela par l’ancienne attachée audiovisuelle à ce moment là en
vacances en Nouvelle-Zélande et intéressée fraîchement au pays. Cette volonté naquit du
33
ressenti selon lequel il y aurait eu un véritable manque sur la scène des festivals
cinématographiques : selon Louise Wetterström, assistante culturelle de l’ambassade de
France, la Nouvelle-Zélande attendait un festival de ce type. Elle fut par ailleurs rassurée
dans son intuition lorsqu’elle démarcha d’éventuels sponsors : sans qu’un réel argumentaire
eut à être mis en avant, AXA décida de sponsoriser le festival à hauteur de cinq mille dollars
néo-zélandais. Tablant sur un succès et d’importantes retombées médiatiques d’un festival du
film français, plusieurs entreprises prirent
également
la décision de sponsoriser
l’événement : DHL, L’Oréal Paris…
L’ambassade ne souhaita pas, dans un premier temps, organiser un grand nombre de séances,
incertaine qu’elle était du succès qu’allait rencontrer le festival en plein été. Dix films furent
projetés à Wellington et onze à Auckland, dans la chaîne de cinéma Rialto, chaîne présentant
les plus grands festivals du pays. Or la surprise fut au rendez-vous. En effet, le festival fut un
réel succès puisque quasiment toutes les séances furent complètes attirant jusqu’à 2687
spectateurs et rapportant un bénéfice net de trois mille euros. De plus, il fut très bien accueilli
par la presse qui lui consacra une dizaine d’articles au total, ainsi qu’une couverture
radiophonique et télévisuelle au plan national. Un site Internet également crée pour l’occasion
n’eut pas moins de 6000 visiteurs, auxquels il faut ajouter les personnes étant allées consulter
les différents sites faisant mention de l’événement.
Ce festival du film ayant été un grand succès, les prochaines étapes sont de l’étendre l’année
prochaine à Christchurch, et de le consolider en augmentant le nombre de films projetés à dixsept.
Il n’existait pas jusque là de festival spécialement dédié au cinéma français. Par contre,
depuis dix ans se déroulaient chaque année un festival du film italien de petite envergure en
comparaison du tout nouveau « French film festival », ainsi qu’un festival international du
film, le Telecom film festival, où le cinéma français avait une place bien visible, parfois
même centrale.
En 36 ans d’existence, ce rendez-vous annuel a mis à l’affiche deux cents quatre-vingt films
français. Étendu aux différentes villes mineures de Nouvelle-Zélande dans les années 1970,
Masterton, Palmerston North, Queenstown, Whangarei et se tenant de nos jours dans seize
villes, il est fort apprécié des Néo-Zélandais : une moyenne de 71 000 tickets sont vendus
chaque année.
L’édition 2007 a vu les œuvres françaises mises à l’honneur. Effectivement le directeur du
festival décida de faire la part belle au film d’Olivier Dahan sur la vie d’Edith Piaf, « la
34
Môme », rebaptisé dans sa version pour l’exportation « La vie en rose », en lui accordant la
place de « centerpiece » du festival », c’est-à-dire d’œuvre centrale (voir annexe 4). De plus,
pas moins de trente-sept films, courts-métrages et films d’animation français - ou en coproduction franco-étrangère - furent présentés sur un ensemble de deux cents trente sept
œuvres internationales, soit 15, 6% des œuvres projetées. A chaque dernière édition, les films
français étaient très bien représentés : en 2006, se trouvaient sur les trois cents films du
festival vingt-deux films français, un mini-festival de cinq films d’animation ainsi qu’un cycle
Pialat de dix films qui ont fait plus de 10% des entrées totales. En outre, depuis ces dernières
années, au moins un des films français présents à l’affiche réalise une des dix meilleures
entrées car les Néo-Zélandais sont friands de cinéma français tout comme le directeur du
festival, qui lors de la cérémonie d’ouverture de l’édition 2006 n’avait pas manqué de
souligner la qualité de celui-ci. La conseillère culturelle, Tiphaine Briard-Harmon, de
l’ambassade de France n’a donc pas besoin de convaincre les responsables du festival de la
nécessité ou de l’intérêt de projeter des films français ou francophones. L’ambassade donne,
cependant depuis quelques années, au « Telecom Film Festival », une subvention annuelle
d’un montant de 2000 euros.
Le cinéma, domaine où la présence culturelle est forte, fait l’objet de nombreuses
coopérations puisque, en dehors de ces festivals, et depuis 2004, est organisé chaque année en
novembre et décembre, le « festival des festivals », pendant du mois du film documentaire en
France et qui consiste en la projection d’une dizaine de documentaires français (voir annexe
5). De plus depuis 2005, l’ambassade, en partenariat avec le Film Archive, projette des films
français en plein air qui attirent un nombre élevé de spectateurs puisque plus de deux mille
personnes s’étaient rassemblées lors de la première édition. Depuis, constatant le succès de
l’opération, les ambassades de Chine et du Brésil ont souhaité s’associer à l’évènement.
35
b)
La littérature : véritable domaine de
coopération bilatérale, à l’inverse des
autres secteurs artistiques
La littérature est un autre point fort de la coopération entre la France et la Nouvelle-Zélande.
Des manifestations se déroulent aussi bien sur le territoire français qu’à Aotearoa : en 2006,
s’était tenue en France une édition des « Belles Etrangères » consacrée à la Nouvelle-Zélande.
Cette collaboration est réellement bilatérale : il existe en effet une résidence pour écrivains
néo-zélandais en France, et pour écrivains français en Nouvelle-Zélande.
Katherine Mansfield est certainement un des écrivains les plus populaires de NouvelleZélande, or ses liens avec la France sont forts puisqu’elle y a vécu, y est morte et y est
aujourd’hui enterrée. Dans la villa où elle passa une partie de sa convalescence à Menton,
l’Isola Bella, une résidence pour écrivains néo-zélandais fut instaurée grâce au programme
« Meridian Energy Katherine Mansfield Fellowship », aujourd’hui géré par « Creative New
Zealand » et par le « Mansfield Fellowship Trust ». Ce dernier fut crée en 1970 sous
l’impulsion de Cecil et Celia Manson qui, en visite dans la ville fétiche de Katherine
Mansfield, eurent l’idée d’encourager les écrivains néo-zélandais à sortir de leur isolement
culturel et géographique. Selon ce couple, les auteurs néo-zélandais ne pouvaient que
bénéficier d’une expérience en France car, en observant une société étrangère, cela leur
permettait de mieux appréhender leur propre environnement.
Jean-Michel Marlaud, ancien ambassadeur de France en Nouvelle-Zélande souhaita créer un
pendant à cette villa et au prix « Katherine Mansfield Fellowship » qui permet aux écrivains
néo-zélandais de partir en résidence à Menton. Un appel fut lancé pour trouver un lieu où
pourrait s’installer la résidence d’écrivains. Le choix s’arrêta sur Wellington pour plusieurs
raisons dont l’omniprésence de la nature dans la ville, le calme relatif du à la faible population
pour une grande ville - il n’y a que cent soixante mille Wellingtoniens - l’ambiance de
capitale culturelle et son offre de spectacles plus nombreuse que dans le reste du pays, la
culture des cafés, le nombre de librairies, de bibliothèques de prêt et de recherche et
finalement l’existence d’un cours d’écriture créative à l’université Victoria. Les villes
d’Akaroa ou de Devonport, revendiquant leurs liens historiques avec la France, invitent
néanmoins les écrivains à venir y séjourner quelques jours lors de leur passage en NouvelleZélande.
36
L’ambassade tenta de racheter dans un premier temps la propriété du poète Lauris Edmond
mais échoua à cette tache. Le salut vint alors de la famille Randell-Price, très impliquée dans
la vie littéraire de Nouvelle-Zélande; Susan Randell-Price est une spécialiste de la littérature
pour enfants; qui fit don à l’ambassade du « cottage » familial. En 2001, fut créé le Randell
Writers Cottage, seule résidence d’écrivains de toute la Nouvelle-Zélande et destiné à
accueillir alternativement au cours de la deuxième moitié de l’année, pendant une durée
s’échelonnant de trois à cinq mois, un écrivain néo-zélandais suivi d’un auteur français.
L’écrivain néo-zélandais séjournant à la résidence est sélectionné par le « Randell Writers
Cottage Trust » composé entre autre par des professeurs et des écrivains. Le premier lauréat
fut le romancier et cinéaste Peter Wells. Le cottage s’adresse du côté français à des écrivains
de fiction de nationalité française ayant déjà publié hors édition, à compte d’auteur; et
maîtrisant la langue anglaise. Ceux-ci doivent avoir un projet d’écriture en rapport avec la
Nouvelle-Zélande ou le monde anglo-saxon avant de s’installer dans la villa, et acceptent,
lorsqu’ils sont sélectionnés, de consacrer leur séjour à l’avancement ou l’achèvement d’un
manuscrit, qui peut être aussi bien de la poésie, qu’un scénario, un essai, ou un roman.
Le service culturel de l’ambassade de France à Wellington finance le billet d’avion allerretour pour les lauréats français qu’il sélectionne, de même que leurs déplacements à
l’intérieur du pays car ils sont chargés de donner des conférences dans les Alliances
Françaises ou les universités. La première lauréate à avoir pu bénéficier de ces privilèges fut
Nadine Ribault, et le dernier en date est l’écrivain le plus en vogue de Nouvelle-Calédonie,
Nicolas Kurtovitch.
Ces deux résidences sont un point clé de la coopération culturelle entre la France et la
Nouvelle-Zélande et, selon Myreille Pawliez, permettent aux écrivains « de dépasser la sphère
habituelle de leur sensibilité » 16 et ainsi transcender « l’espace et le temps puisque les écrits
qui en découleront apporteront aux lecteurs une perception novatrice des deux pays et
enrichiront les liens entre les deux cultures »17. Mais il ne s’agit pas pour autant de l’unique
vecteur de la coopération littéraire. En effet, le service de coopération et d’action culturelle de
l’ambassade de France, a-t-il soutenu le projet d’écriture, lancé il y a trois ans, d’un guide des
lieux français en Nouvelle-Zélande. Cet ouvrage dont la publication par les presses de
l’université Victoria est prévue pour novembre 2007, a été écrit en anglais par des
journalistes, et sera destiné au grand public.
16
17
Pawliez Myeille, « Résidences d’écrivains », in Francophonie sans frontières, Québec, OIF, 2004, p 314
Opus Cite
37
Néanmoins, le nombre de projets littéraires à venir reste limité, mis à part les traductions en
anglais d’ouvrages rédigés par des écrivains français tel L’atelier de Barbe Bleue de Pierre
Furlan. Il n’y a pas eu d’équivalent sur le territoire néo-zélandais de la tournée en France des
plus grands écrivains contemporains d’Aotearoa lors des « Belles Étrangères ». Cet
évènement, au succès non négligeable, a permis au public français de découvrir une littérature
jusqu’alors peu connue. En revanche, la littérature française contemporaine a peu d’adeptes
en Nouvelle-Zélande car, le marché de la traduction étant fort peu développé, un nombre
réduit d’ouvrages français sont traduits en anglais. De plus, il est rare que des écrivains
français soient invités aux deux grands festivals internationaux de littérature d’Auckland et de
Wellington : le dernier auteur officiellement convié le fut en 1990. Cela tient au fait que,
d’une part, faire venir des auteurs de France métropolitaine représente un coût élevé et que,
d’autre part, ceux-ci maîtrisent souvent très mal la langue de Shakespeare, ou bien encore que
leur style littéraire diffère trop de celui apprécié par les lecteurs néo-zélandais.
Bien qu’il existe un intérêt grandissant pour la littérature étrangère, la coopération littéraire
entre la France et la Nouvelle-Zélande est handicapée par des visions du monde littéraire trop
dissemblables. En effet, l’approche française est nettement plus sérieuse que celle néozélandaise : les Kiwis apprécient avoir des contacts directs avec les écrivains, ce qu’ils
peuvent très facilement faire dans les salons littéraires où de véritables « shows sont
organisés »18, spectacles qui choquèrent les écrivains français invités en 2007 au festival biannuel du livre d’Auckland. Par ailleurs, contrairement à ce qui se passe en France, le succès
d’un auteur en Nouvelle Zélande est évalué, non pas au nombre de prix qui lui sont décernés,
mais plutôt au nombre de volumes qu’il a vendus.
Par conséquent, ce que le monde littéraire français a à offrir n’est pas forcément ce que les
Néo-Zélandais férus de littérature attendent. La littérature française risque donc de rester
marginale, n’occupant jamais les premiers rayons des librairies, même si l’ambassade espère
encore voir se créer un effet d’engouement suite au succès de la traduction de l’ouvrage de
Pierre Furlan.
Les autres domaines de coopération artistique ne subissent pas ce type de problème.
En ce qui concerne la coopération artistique dans le domaine des arts visuels, des arts
plastiques ou du théâtre, l’ambassade de France a pour politique active depuis à peu près cinq
ans d’incorporer des œuvres françaises à la programmation des festivals, car la venue de
18
Hortense Dournel, conseillère littéraire au service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de
France en Nouvelle-Zélande, entretien du 21 mai 2007
38
celles-ci, dans le cas où la France prendrait en charge l’ensemble des déplacements - artistes
et œuvres - aboutirait à des coûts fort élevés et ne permettrait donc pas d’avoir une présence
culturelle aussi variée que multiple. Le service de coopération et d’action culturelle peut
également profiter de la tournée d’artistes français en Australie pour les inviter en NouvelleZélande.
Cette politique a été adoptée du temps où les relations avec l’AFAA étaient fort difficiles et
n’aboutissaient jamais à la venue d’artistes français dans le Pacifique Sud : l’ambassade
n’avait donc pas d’autre choix que de faire venir des artistes français dans le cadre de festivals
qui, choisissant leur propre programmation, payaient pour le déplacement des artistes et
demandaient ensuite une subvention à celle-ci. Cette façon de faire fut rendue possible par le
souhait des festivals d’avoir chaque année des artistes français ou francophones à l’affiche.
Ces derniers sont en Nouvelle-Zélande assurés d’avoir un public, car la réputation de la
France dans le monde des arts n’y est pas à refaire. L’offre culturelle française s’en retrouve
très visible, bien plus visible que tout autre type d’offre culturelle étrangère : par exemple, sur
dix-sept artistes néo-zélandais et étrangers présents en 2007 à l’Auckland Art Gallery, dans le
cadre de l’exposition Mystic Truths, trois étaient Français. En effet, les festivals en NouvelleZélande bénéficient d’une forte visibilité et d’un large public dus à la faiblesse de l’offre
culturelle hors de ces rendez-vous annuels ou bi-annuels. Parmi ces derniers se trouvent : le
New-Zealand International Arts Festival à Wellington qui, en 2006, avait mis à l’affiche cinq
œuvres françaises, le Christchurch Arts Festival, le festival d’art à Auckland, le AK, qui en
2007 a programmé, entre autres, le Groupe F, le ballet Preljocaj, une exposition sur l’art
contemporain de Nouvelle-Calédonie, ainsi que le Taranaki Arts Festival, et le Womad, un
festival de musique du monde. Il y a lors de ces événements un plus grand nombre de
spectacles français que d’œuvres d’autres nationalités, grâce à l’action de l’ambassade qui
permet aux directeurs de festivals de contacter les artistes français.
Le service culturel de l’ambassade souhaite qu’à terme les différents acteurs n’aient plus
besoin de leur intermédiaire. C’est la raison pour laquelle, l’ambassade organise chaque année
des voyages pour les décideurs culturels de Nouvelle-Zélande en France; tout comme peut le
faire le Goethe à plus petite échelle étant donné ses moyens financiers. Lors de ces séjours, les
Néo-Zélandais ont l’opportunité de rencontrer les principaux responsables des domaines dans
lesquels ils sont spécialisés (théâtre, arts plastiques, musées…), et ainsi nouer des contacts.
Cette méthode commence à porter ses fruits même si la coopération artistique entre la France
et la Nouvelle-Zélande continue à se passer principalement sur le territoire néo-zélandais à
39
quelques exceptions près dont le festival littéraire français des « Belles Étrangères » ou encore
l’exposition d’œuvres de deux artistes kiwis à l’entrée et dans la vitrine du musée du Quai
Branly qui est le musée où est rassemblé le nombre le plus élevé d’œuvres néozélandaises dont celles de
Michael Parokowai,
et Fiona Pardington.
40
La Nouvelle-Zélande souhaitait voir exposées des œuvres au musée des arts premiers, et pour
ce faire, paya et organisa un voyage du conservateur du musée du Quai Branly afin qu’il
rencontre les artistes néo-zélandais sélectionnés au préalable.
Malgré cette initiative de la Nouvelle-Zélande, la coopération culturelle entre la France et la
Nouvelle-Zélande se fait principalement à sens unique car l’ambassade de Nouvelle-Zélande
en France ne possède ni service, ni budget culturels. Lorsque des artistes néo-zélandais, se
produisant en France sollicitent un soutien financier de l’ambassade de leur pays, cette
dernière les renvoie à l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande : les « Belles Étrangères »
furent par conséquent pilotées par l’ambassade de France, tout comme la saison néocalédonienne en Nouvelle-Zélande qui s’est tenue en 2007 et qui est née d’une volonté
française. Ce peu de soutien financier à la coopération culturelle des autorités d’Aotearoa peut
s’expliquer par le fait que la Nouvelle-Zélande est en train de façonner sa propre culture et
qu’en conséquence, l’argent dépensé pour la culture l’est en faveur de productions nationales,
sur le sol national et non pas pour des collaborations internationales. De plus, les budgets
culturels sont minimes car la culture n’est pas considérée en Nouvelle-Zélande comme une
priorité, au contraire de la science qui constitue un des domaines d’action privilégiés du
gouvernement néo-zélandais.
2)La coopération scientifique et universitaire
franco-néo-zélandaise : des collaborations en
plein développement renforcées par différents
fonds de soutien
L’accord culturel intergouvernemental signé entre la France et la Nouvelle-Zélande, très
général, prévoit la promotion des échanges scientifiques et technologiques et souhaite
favoriser les échanges universitaires.
La coopération en matière de culture scientifique entre la France et la Nouvelle-Zélande est
riche : selon Philippe Pérez, ancien conseiller de Coopération et d’Action culturelle, la France
est un partenaire scientifique de premier plan pour la Nouvelle-Zélande. La sylviculture est
41
notamment un domaine de coopération extrêmement fécond entre les deux pays grâce au
partenariat entre l’INRA de Bordeaux et le New Zealand Forest Research Institute de
Rotorua. De plus, depuis 2002 sont régulièrement organisés des symposiums et ateliers de
travaux bilatéraux dans un grand nombre de domaines de recherche.
a)
Une volonté officielle franco-néo-
zélandaise de renforcer les collaborations
scientifiques et universitaires
Le dernier accord en date, signé le 22 Novembre 2006 par la directrice exécutive du ministère
néo-zélandais de la Recherche, des Sciences et Technologies, et l’ancien ambassadeur de
France en Nouvelle-Zélande représentant le Ministère des Affaires Étrangères ainsi que le
Ministère de l’Éducation Nationale et de la Recherche, s’intitule « Dumont D’Urville
Collaborative Science and Technology Support Programme ». L’objectif de celui-ci est, dans
un premier temps, de promouvoir et soutenir la coopération scientifique et technologique en
priorité entre jeunes chercheurs Néo-Zélandais et Français, travaillant aussi bien dans le
secteur privé que public, en apportant un soutien financier à des projets relatifs à la
biotechnologie et la nanoscience. Un appel à candidature ouvert aux laboratoires de recherche
rattachés à des établissements d’enseignements supérieurs, à des organismes de recherche ou
à des entreprises privées est lancé annuellement. Il s’agit d’une véritable coopération
bilatérale entre la France et la Nouvelle-Zélande puisque, Égide pour la première et la Royal
Society pour la
seconde, gèrent le programme en lançant cet appel d’offre, en
présélectionnant des projets et en se réunissant ensuite pour établir une sélection finale.
Chaque année, vingt à vingt-cinq demandes sont déposées et jusqu’à cinq projets de recherche
peuvent être soutenus par le programme. Celui-ci finance les missions des chercheurs, c’est-àdire pour chaque projet et pour une année, au plus deux voyages et deux séjours en France ou
en Nouvelle-Zélande : « Dumont D’urville » paie les billets d’avion et les perdiems des
chercheurs lors de leurs séjours à hauteur d’une période couvrant une semaine. Les projets,
pour pouvoir être sélectionnés, ne doivent pas se dérouler sur plus de deux années. Un des
42
derniers projets en date se nomme « synthèse et étude de nouvelles architectures triadesséparation de charge dans le photosystème ».
Selon la Ministre Néo-Zélandaise de la Recherche, Mme Anderson, les scientifiques NéoZélandais et Français travaillent en collaboration depuis déjà quelques années : « une étude
réalisée par le ministère en 2001 montrait que 7% des chercheurs Néo-Zélandais avaient une
collaboration étroite avec leurs collègues français »19. Cet accord a permis une approche plus
intégrée et mieux planifiée des échanges entre les deux pays : les projets sont désormais plus
encadrés, et les domaines prioritaires soulignés.
La Royal society a, elle aussi, un programme de financement, l’ISAT Linkages Fund, et a mis
l’accent depuis quelques années sur les projets franco-néo-zélandais qui permettent aux
chercheurs Néo-Zélandais de pouvoir mettre un pied dans le monde de la recherche
européenne. Les scientifiques et chercheurs Néo-Zélandais souhaitent collaborer avec
l’Europe et c’est la raison pour laquelle l’organisme FRENZ a été crée dans l’optique
d’encourager la coopération avec l’Union Européenne.
Plus près d’Aotearoa, une collaboration scientifique forte existe entre la Nouvelle-Zélande et
la Nouvelle-Calédonie (voir annexe 6). Un chapitre entier; « The French and New Zealand
science », est consacré à ces échanges dans l’ouvrage coordonné par John Dunmore New
Zealand and the French. John Dawson y développe une théorie selon laquelle la science
française, au travers de collaborations avec la Nouvelle-Calédonie, aurait beaucoup apporté en
Nouvelle-Zélande notamment dans le domaine de la géologie, de la zoologie et de la
botanique.
La coopération universitaire entre la France et la Nouvelle-Zélande est également en plein
développement. Un accord cadre est actuellement en négociation afin qu’une uniformisation
de la reconnaissance des diplômes français en Nouvelle-Zélande se fasse ; jusqu’à aujourd’hui
chaque université était libre d’établir son propre tableau d’équivalence des diplômes. Le but
des autorités néo-zélandaises est depuis quelques années d’inciter les Français à venir étudier
en Nouvelle-Zélande : le Ministère de l’Éducation néo-zélandais, désireux d’attirer des
étudiants Allemands et Français, a poussé les universités à faire bénéficier les étudiants
« post-graduate » (post-licence) de ces deux nationalités, de frais d’inscription semblables à
ceux des néo-zélandais. Les autres étudiants internationaux paient des frais de scolarité cinq
19
www.ambafrance-nz.org, 27 juin 2007
43
fois plus élevés que ceux acquittés par le reste des étudiants. Ces mesures incitatives amènent
le nombre d’étudiants Français se rendant en Nouvelle-Zélande a être beaucoup plus élevé
que celui de Néo-Zélandais étudiant une année ou davantage en France et qui sont en
moyenne une centaine chaque année. Il existe pourtant des accords inter- universitaires, en
augmentation constante, entre la France et la Nouvelle-Zélande facilitant la venue d’étudiants
Néo-Zélandais dans les institutions universitaires françaises (voir annexe 7).
Les échanges universitaires avec la France ne sont néanmoins pas aussi développés que le
souhaiteraient les institutions françaises. Même si des accords cadres relatifs aux échanges
universitaires n’ont été signés qu’entre les gouvernements français, allemand et néo-zélandais,
les étudiants kiwis souhaitant prendre part à un échange universitaire ne se rendent que très
rarement en France. Ils vont majoritairement en Allemagne où les bourses sont plus
avantageuses, et où ils peuvent retrouver des condisciples dont ils avaient fait connaissance à
l’occasion d’un des nombreux échanges universitaires germano-néo-zélandais.
Afin de remédier à cette situation, l’ambassade de France a crée le fond Hexagone, « travel
grants for New Zealanders to study in France » qui permet chaque année à huit Néo-Zélandais
d’obtenir une bourse de mille ou deux mille euros afin d’aller étudier en France. Elle a
également mis en place un réseau des anciens étudiants boursiers et assistants de langue. Au
travers de celui-ci, l’ambassade souhaite renforcer les liens franco-néo-zélandais en créant un
réseau d’influence de personnes « amoureuses de la France ».
b)
Les fonds de soutien à la coopération
franco-néo-zélandaise
Ces programmes ne sont pas les seuls à encourager la coopération franco-néo-zélandaise :
plusieurs fonds ont été crées pour soutenir des projets bilatéraux, qu’il s’agisse de science ou
de culture.
Le fonds d’amitié France-Nouvelle-Zélande crée le 29 avril 1991, est présidé aujourd’hui par
Judith Trotter, ancienne ambassadrice de Nouvelle-Zélande en France, et Bernard Lapasset. Il
est administré par un comité franco-néo-zélandais de six membres honoraires qui se réunit
une fois par an pour sélectionner les projets auxquels ils apporteront leur soutien financier. Il
44
est né des suites de l’épisode du Rainbow Warrior : afin de régler les dissensions entre la
France et la Nouvelle-Zélande et suite au mécontentement de cette dernière devant le
jugement d’un tribunal crée spécialement pour mettre fin aux différends entre les deux pays,
les premiers ministres de l’époque en vinrent à un accord portant sur la création d’un fonds
promouvant « l’amitié entre les peuples des deux pays, en priorité chez les jeunes
générations »20. Cet accent mis sur les jeunes générations, notamment néo-zélandaises,
s’explique par la volonté de faire oublier les épisodes fâcheux de tension entre les deux
pays et donner des relations franco-néo-zélandaises une image positive auprès d’une classe
d’âge, aujourd’hui trop jeune pour se souvenir du sabotage du Rainbow Warrior. Dans cette
optique, le fonds souhaite soutenir des événements à forte visibilité, afin que soit publicisées,
auprès de la plus importante population possible, les relations cordiales existant aujourd’hui
entre Français et Néo-Zélandais. Aucune allusion n’est faite sur le site du Fonds d’amitié
quant à l’histoire de ses origines ce qui marque encore une fois cette volonté de dépasser les
tensions qui ont pu exister entre les deux pays. Au contraire, tout est fait pour passer
l’épisode du Rainbow Warrior sous silence : Judith Trotter est décrite comme ayant été
ambassadrice au moment de la création du fonds, alors qu’elle est connue en NouvelleZélande pour avoir été en poste en France en pleine crise des relations franco-néo-zélandaises.
Les projets auxquels le fonds apporte son soutien financier se doivent d’encourager les
relations suivies et les échanges entre Français et Néo-Zélandais, en particulier chez les
jeunes, de promouvoir les échanges de connaissance et d’informations entre les deux pays, ou
de renforcer la compréhension mutuelle des cultures, des modes de vie, et des environnements
respectifs. L’accent est mis sur les échanges dans le domaine éducatif, sportif et culturel
menant à des liens d’amitié bilatéraux durables, et sur des projets se déroulant sur le territoire
néo-zélandais ou français, en métropole ou dans les territoires du Pacifique Sud. Le fonds se
doit d’être « l’expression tangible de la relation constructive entre la Nouvelle-Zélande et la
France »21 en permettant de construire des liens personnels, et donc en touchant les
populations, beaucoup plus sensibles à ce type de liens qu’à des relations officielles. Le
dernier projet financé par le fonds en Nouvelle-Zélande a été orchestré par la Délégation
générale des Alliances françaises en Nouvelle-Zélande et l’ambassade de France à
Wellington. Il s’agissait d’un concours destiné aux élèves des Alliances françaises qui leur
permettaient, s’ils étaient tirés au sort, de gagner un voyage en France et des billets pour la
coupe du monde de rugby.
20
21
Les autorités françaises ont souhaité « jouer » sur ce lien
www.nzfranceff.com, 20 juin 2007
Opus cite
45
fédérateur entre les deux Nations afin de renforcer les nombreuses coopérations franco-néozélandaises existantes.
Il est prévu que le fonds disparaîtra d’ici une vingtaine d’années car son existence n’est plus
indispensable : la coopération culturelle et éducative franco-néo-zélandaise se fait aujourd’hui
d’elle-même. Néanmoins afin que l’épisode du Rainbow Warrior ne soit pas oublié, un
mémorial sera élevé.
Le fonds Pacifique a, lui aussi, été crée après les tensions ayant secoué la France et la
Nouvelle-Zélande afin d’améliorer les relations entre les deux pays et notamment l’image de
la France auprès des autorités d’Aotearoa.
Ce fonds développé sur l’initiative de la France en 1986 a pour but de promouvoir l’insertion
des territoires français dans le Pacifique, c’est-à-dire la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie
française, et Wallis et Futuna ainsi que le développement social, économique et culturel de la
région. Ces territoires, de même que la Nouvelle-Zélande, Samoa, le Tokelau, les Îles Cook et
Nuie, peuvent déposer auprès de l’ambassade de France du pays duquel ils relèvent ou de
l’autorité française locale des dossiers de candidature afin de voir leur projet recevoir une
subvention. Le fonds accorde en priorité des financements à des projets dans le domaine de la
santé respectant les critères du « Pacific Plan » et impliquant la participation d’organismes de
recherche en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis et Futuna. Un des plus
récents projets à avoir été financé consiste en un colloque à Victoria University : « New
Zealand and New Caledonia (1774-2005). Human and Historical links » et a été déposé par la
Nouvelle-Calédonie.
Tout comme derrière le fonds d’amitié ou le fonds Pacifique, se cachent derrière les
collaborations culturelles des motivations politiques. En effet, la ligne directrice de
l’ensemble de la coopération franco-néo-zélandaise est, en ce qui concerne la France, de créer
des liens plus forts dans la région Pacifique Sud par le biais de la culture, et d’ainsi y
maintenir une influence.
46
II. Des liens
historiques à un
éloignement
géographique et
un attrait pour la
France : facteurs
explicatifs de la
présence
culturelle
française en
Nouvelle-Zélande
47
A La jeunesse de l’histoire
européenne néo-zélandaise : un
facteur explicatif fort de l’empreinte
de la France sur Aotearoa
Le colloque soutenu par le fonds Pacifique souhaite démontrer que l’importance des liens
historiques existant entre la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Zélande contribuent à
renforcer les liens existant entre Aotearoa et la France métropolitaine.
Si nous en croyons les membres de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et
des forces armées du Sénat, auteurs du rapport « L’Australie et la Nouvelle-Zélande, têtes de
pont de la présence française dans la région Asie-Pacifique Sud? », l’Australie et la NouvelleZélande relèveraient d’une culture européenne commune qui les rendraient particulièrement
proches de nous. Il y aurait ainsi selon Hugh Laracy, un élément français dans la culture néozélandaise. En d’autres mots, ceux de l’auteur J.R Owens, la présence française serait
persistante dans la culture néo-zélandaise et relèverait donc de facteurs internes au pays.
La France, par ses contacts avec la Nouvelle-Zélande aurait marqué culturellement ce pays
dès le début de la colonisation européenne selon Myreille Pawliez. A titre anecdotique, ce
n’est seulement qu’en 1974 lorsque le biculturalisme du pays commença à être revendiqué,
que le français disparut pour faire place au maori dans les passeports néo-zélandais.
48
1)La Nouvelle-Zélande du dix-neuvième siècle
ou l’intérêt précoce de la France à créer une
nouvelle colonie
a)
La première présence française
significative en Nouvelle-Zélande :
navigateurs et baleiniers
Les liens entre la Nouvelle-Zélande et la France sont renforcés aujourd’hui par la riche
histoire commune qui relie les deux Nations. L’influence historique française est matérialisée
par des lieux baptisés par ou d’après les premiers navigateurs européens dans cette région du
Pacifique Sud. Le souvenir du voyage de Jules-Sébastien Dumont D’Urville est par exemple
conservé grâce à des lieux de l’extrême nord de l’île du Sud, notamment les D’urville islands
et la « French pass ». De plus, le navigateur baptisa du nom de sa femme, des ses compagnons
de route ou encore des ministres français de l’époque de nombreux lieux qu’il « explora ».
Néanmoins les noms d’origine française restent principalement limités à la région de Banks
Peninsula et de l’ancienne colonie d’Akaroa dont l’ensemble des rues porte toujours des noms
français. Les villes majeures de Nouvelle-Zélande portent davantage des noms aux
consonances britanniques et liés à l’histoire de la Grande Bretagne : Nelson et Wellington, par
exemple, étaient des généraux Anglais, héros des guerres contre Napoléon. Cela peut paraître
surprenant de parler d’influence française significative, ou du moins reconnue, dans un pays
aux origines britanniques si marquées, et comme le fait remarquer John Dunmore, colonisé
vingt-cinq ans seulement après la bataille de Waterloo. Pourtant, l’influence française se fit
sentir selon lui, dès les premiers contacts entre Maoris et Européens : notamment au travers de
l’enrichissement de la langue maorie par le français.
L’histoire connue de la Nouvelle-Zélande, c’est-à-dire celle des colons européens ne remonte
qu’au dix-neuvième siècle. Cette particularité temporelle a pour conséquence une mise en
49
avant d’événements qui seraient passés inaperçus dans une histoire millénaire comme celle de
l’Europe et une plus grande possibilité pour des événements considérés comme marquants
d’être liés à la France. D’autant que les puissances européennes intéressées par ce territoire à
l’autre bout du monde ne furent pas nombreuses. La France et l’Angleterre envoyèrent des
navigateurs explorer le Pacifique Sud dès la fin du dix-huitième siècle : entre autres James
Cook et Jean-François De Surville qui ne se rencontrèrent jamais, mais dont les routes
maritimes se seraient croisées. Les préoccupations des deux marins étaient cependant fort
différentes : James Cook s’était donné pour mission d’étudier la côte néo-zélandaise tandis
que De Surville avait mouillé uniquement pour donner à son équipage, atteint de maladies, un
temps de récupération. La Nouvelle-Zélande était alors perçue par les Français comme un lieu
de mouillage propice à la réparation des bateaux, au repos des équipages et à
l’approvisionnement contrairement à l’Inde, considérée comme territoire propice pour
installer des comptoirs coloniaux. Très peu de vaisseaux français naviguèrent près de la
Nouvelle-Zélande avant les années 1820, à l’exception du bateau d’Antoine Bruny
D’Estrecasteaux en 1793. Ce peu d’intérêt de la France pour une terre lointaine était alors
facilement explicable par la situation politique: la fin du dix-huitième siècle fut celui de la
Révolution et de l’ensemble des troubles politiques qui s’en suivirent, puis le début du dixneuvième siècle fut celui de Napoléon Bonaparte et de ses ambitions européennes.
De plus, bien que le climat de la Nouvelle-Zélande soit plus agréable et plus tempéré que
celui des îles tropicales, la France était à ce moment là nettement plus intéressée par le
potentiel d’autres îles telles que Tahiti, Samoa, les îles Salomon et l’Australie, notamment
parce que les Maoris avaient été dépeints comme peu accueillants par les premiers
« explorateurs » du pays dont Abel Tasman. Ce ne fut que vers la moitié du dix-neuvième
siècle avec l’installation de baleiniers Français dans la région, que la France montra de
nouveau de l’intérêt pour cette terre. La Nouvelle-Zélande fut pendant la moitié du dixneuvième siècle, le plus important centre de la pêche baleinière française puisqu’il ne s’y
déroula pas moins de cent cinquante campagnes. La venue des pêcheurs Français dans le
Pacifique Sud fut motivée par les ressources offertes par les eaux des côtes Nord, Est et Sud
de la Nouvelle-Zélande : les espèces de mammifères marins y étaient fort nombreuses et le
cachalot très présent alors qu’il devenait une denrée rare dans la plupart des eaux du globe
notamment dans l’Atlantique Nord et au Chili. En quatre ans, c’est-à-dire de 1835 à 1839, un
peu moins d’une cinquantaine de bâtiments français réussit à prendre 2737 cétacés. La pêche
aux mammifères marins en Nouvelle-Zélande présentait de nombreux avantages, dont celui
pour les marins de pouvoir s’abriter des nombreuses tempêtes hivernales dans les baies
50
variées que compte le territoire, notamment sur l’Île du Sud. Mais la présence de pêcheurs
Français à l’autre bout du monde fut également la conséquence de la volonté de la Monarchie
de Juillet de voir s’implanter une présence française dans le Pacifique. Cette dernière instaura
un véritable plan visant à relancer le commerce maritime français moribond après les
campagnes napoléoniennes. Elle fit des baleiniers et des missionnaires maristes les pionniers
de l’influence française dans le Pacifique en leur accordant ainsi bien des primes qu’une
protection maritime de l’État. En effet, les autorités françaises, surveillèrent, une fois les
troubles nationaux passés; c’est-à-dire dans les années 1830, les intérêts des baleiniers tandis
que les activités françaises étaient alors en plein développement puisqu’en 1838, pas moins de
vingt vaisseaux baleiniers français mouillèrent à la Bay of Islands. Les baleiniers permirent à
la Monarchie de Juillet de concilier intérêt économique et politique de renouveau maritime.
En effet, les missions navales chargées d’assister les baleiniers, explorèrent la région, en
dressèrent des cartes, opérèrent des levés hydrographiques, et dans le même temps
recueillirent des renseignements politiques et économiques, en tentant de défendre les intérêts
français sur une terre qui n’était alors pas officiellement colonisée. Ainsi, la mission de
Cécille en 1837-1838 eut non seulement pour but d’assister les baleiniers, mais également de
rétablir l’autorité de Monseigneur Pompallier, vicaire apostolique de l’Océanie Occidentale en
proie aux attaques des missionnaires protestants, et aussi de permettre aux Français de nouer
des relations avec les Maoris de l’île du Sud.
Les traces laissées par les baleiniers en Nouvelle-Zélande sont fortes : de nombreux lieux
portent des empreintes de leur passage, notamment la ville d’Akaroa, seule ville qui devint
colonie française en Nouvelle-Zélande. Tout Néo-Zélandais connaît aujourd’hui cette ville
pendant longtemps base des activités de la marine française, ainsi que le rôle prépondérant
joué par la France dans les premiers temps de l’histoire de la colonisation européenne
d’Aotearoa : « les Néo-Zélandais savent (…) qu’Akaroa a été fondé par des Français au dixneuvième siècle »22.
Elle témoigne aujourd’hui du rôle primordial joué par la France des années 1830-1840 dans
l’histoire néo-zélandaise et de son projet de colonisation d’Aotearoa. Sans celui-ci qui amena
les Anglais à prendre officiellement possession du territoire, la Nouvelle-Zélande ne serait
peut-être pas aujourd’hui anglo-saxonne.
22
Tremewan Peter, in Poirier Nicolas, Les baleiniers français en Nouvelle-Zélande, Paris, Les Indes Savantes,
2003, p 143
51
b)
Akaroa ou la tentative de
colonisation de la Nouvelle-Zélande par
la Monarchie de Juillet
Ce ne fut pas la première fois que la France eut des visées dans cette région du Pacifique
Sud : dès 1756, certaines personnalités et navigateurs montrèrent de l’intérêt envers les Îles du
Pacifique. Ce fut le cas de Charles de Brosses qui, dans son ouvrage Histoire des navigations
australes, exhortait la France à installer des postes de traite dans le Pacifique et d’y jouer un
plus grand rôle que celui qu’elle tenait au dix-huitième siècle. Napoléon envisagea lui aussi,
pendant un temps, de conquérir l’Australie
Néanmoins la France et l’Angleterre ne s’intéressèrent réellement à la Nouvelle-Zélande,
selon le chercheur Nicolas Poirier, que lorsque ces deux pays eurent vent des projets supposés
de l’autre puissance. La France montra de l’intérêt pour ce territoire pour plusieurs raisons,
notamment dans l’éventualité d’y installer une colonie pénitentiaire, tout comme l’Angleterre
avait fait de l’Australie une colonie de déportation ; la Nouvelle-Zélande se trouvait assez loin
de la France pour y envoyer les criminels les plus dangereux comme le défendait alors Jules
de Blosseville (voir annexe 8). Une autre éventualité fut envisagée : celle de développer une
colonie agricole qui aurait été, selon Dupetit-Thouars, certainement très prolifique : « les
ressources naturelles qu’apportent ces îles à la colonisation sont plus que suffisantes... »23.
Les voyages d’exploration des décennies précédentes et les récits des baleiniers le laissaient à
croire : la Nouvelle-Zélande était non seulement une terre fertile mais ses forêts étaient
reconnues comme de grande qualité, fournissant des bois de mâtures de bonne qualité. La
France avait alors tout intérêt à exploiter les ressources néo-zélandaises pour ses bateaux, car
il s’y trouvait de même et en abondance une variété de lin utilisable dans la fabrication des
gréements de navire. De plus, l’intérêt pour ces territoires situés aux antipodes de l’Hexagone
relevait d’une stratégie de la France consistant à contrebalancer les agissements de
l’Angleterre, déjà riche en colonies dans le Pacifique Sud, en offrant à la marine française des
points d’appui stables et de qualité. Les milieux colonialistes français ne furent pas longtemps
insensibles à l’écho des progrès britanniques rapportés par les officiers des navires protégeant
23
Journal du Havre, 29 octobre 1839, in Poirier Nicolas Opus Cite, p 105
52
les baleiniers dont une des missions consistait en l’étude de la viabilité de la colonisation du
territoire.
Malgré la faiblesse de la population européenne aux débuts des années 1830, essentiellement
composée de matelots déserteurs, de condamnés échappés des prisons australiennes,
d’aventuriers spéculant sur l’achat de terrains, la Grande-Bretagne, au travers de son
gouverneur à Sydney, avait nommé, en 1833, un représentant de la couronne. Ce dernier, ne
possédait officiellement aucun pouvoir légal mais était censé ramener un minimum de
discipline parmi les sujets britanniques. Pourtant, selon les navigateurs Cécille et DupetitThouars, qui s’empressèrent de rapporter leurs craintes au roi de France, l’autorité anglaise
« n’a pas de juridiction sur le pays mais elle y exerce une grande influence augmentée encore
par l’appui des missionnaires, l’arrivée à intervalles de bâtiments de guerre et la puissance des
présents. La prise de possession n’est plus qu’une simple formalité à remplir »
24
. Les
Britanniques avaient souhaité installer cette autorité car courait alors la rumeur d’une invasion
française qui inquiétait surtout les colons installés en Australie ; l’inquiétude anglaise était
née de la multiplication des pavillons français navigant dans les eaux du Pacifique Sud, du
nombre de baleiniers et de l’installation de missions catholiques.
La Grande-Bretagne n’avait pas tort de s’inquiéter car, à Paris, les officiels du ministère de la
marine réfléchissaient à ce moment là aux avantages et inconvénients de coloniser l’île du
Sud de la Nouvelle-Zélande : « Il n’est pas besoin de démonstration pour établir les avantages
que la France, réduite à la possession de trois îles dont le sol est en partie épuisé, retirerait
d’une colonie vierge, égale à celle de la moitié de la France ».25 L’achat aux Maoris, par le
capitaine baleinier Jean-François Langlois, des terrains situés sur la péninsule de Banks
constitua l’occasion toute trouvée pour entreprendre la colonisation de l’île du Sud. Le
capitaine approcha le Duc de Decazes, afin de lui en soumettre l’idée justifiée par ses droits
de propriété, et afin que celui-ci puisse convaincre le pouvoir de matérialiser ses ambitions
dans le Pacifique Sud. Or l’État s’intéressa très rapidement à ce projet car, en plus de toutes
les raisons déjà soulignées, une colonie en Nouvelle-Zélande aurait présenté l’avantage d’être
à proximité des territoires de pêche, de pouvoir être un point de réparation et de ravitaillement
pour les navires français voguant dans les eaux du Pacifique, aurait permis de lutter plus
efficacement contre les risques de désertion des marins en installant des autorités policières, et
24
Poirier Nicolas, Opus Cite, p99
A.N.BB1012 « note sur la colonisation de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande » 15 août 1839 in Poirier
Nicolas, Opus Cite
25
53
aurait mis fin à la crainte de se voir interdire les baies néo-zélandaises par les Britanniques. La
Nouvelle-Zélande était alors le seul territoire indépendant de ces mers.
L’état montra un fort intérêt pour cette idée de colonisation d’autant plus qu’il était question
de confier celle-ci à une société privée qui se serait chargée de revendre les terres qu’elle
aurait acquises aux colons qui, eux, auraient dû occuper une partie de leur temps à la pêche à
la baleine. L’État n’engageait ainsi pas directement sa responsabilité si le projet venait à
échouer. Néanmoins, la condition posée par celui-ci pour prendre part financièrement à cette
entreprise, était que les propriétés des colons soient considérées comme françaises. La
compagnie se devait également de livrer à l’État le quart des terrains acquis. Après l’échec de
la création d’une première société privée, la compagnie Nanto-Bordelaise fut crée. Cependant,
l’expédition ne se déroula pas comme prévu.
Face à ce qu’ils ressentirent comme un danger imminent de colonisation de la NouvelleZélande par la France, les Anglais nommèrent un nouveau résident, bien que le lobby
missionnaire britannique fût opposé à l’établissement de toute autorité coloniale en NouvelleZélande. Le gouverneur de Sydney le chargea de missions cruciales : il lui fallait traiter avec
les tribus maories de la baie des îles afin de négocier la reconnaissance de la souveraineté
britannique et interdire tout nouvel achat de terre par les Européens. En d’autres mots, il fut
chargé d’asseoir la domination de la Grande-Bretagne sur la Nouvelle-Zélande et en faire
officiellement une colonie britannique. Cela fut chose faite le vingt et un mai 1840 par le
traité de Waitangi, signé entre les Anglais et les Maoris de l’Île du Nord qui reconnaissaient la
souveraineté britannique sur leurs terres, en contrepartie de quoi, ils conservaient l’entière
propriété et la pleine jouissance de leurs biens. La prise de possession de l’Île du Sud
s’appuya sur une prétendue découverte antérieure à celle de toutes les autres puissances
européennes, alors que le premier européen à avoir mis le pied en Nouvelle-Zélande, et cela
dès le dix-septième siècle, fut le Hollandais Abel Tasman. Les « colons » français de la
compagnie Nanto-Bordelaise arrivèrent le quinze août 1840 dans une colonie britannique, ce
que souhaita leur notifier les Anglais en envoyant un bateau dans la baie d’Akaroa sur lequel
se trouvait des magistrats chargés de rendre la justice dans ce territoire. Les Français ne
purent remettre en cause la souveraineté anglaise de l’Île du Sud car il fut découvert que les
terrains achetés par les baleiniers n’avaient pas été acquis légalement.
Les colons parmi lesquels se trouvaient quelques Allemands s’installèrent tout de même à
Akaroa sur laquelle flotta très rapidement l’Union Jack.
54
Cependant, ce ne fut pas fini des ambitions de la Monarchie de Juillet : l’échec de
l’instauration d’une colonie française en Nouvelle-Zélande amena le gouvernement de LouisPhilippe à chercher des compensations aux îles Marquises et à Tahiti. L’acquisition de
nouvelles colonies, c’est-à-dire de la Nouvelle-Calédonie, et de la Polynésie française
contenta plus tard les visées impérialistes du pouvoir royal.
La colonisation souhaitée n’eut pas lieu, mais il existe tout de même aujourd’hui une forte
trace de cette tentative au travers des deux cents mille descendants des premiers habitants
français d’Akaroa, ce qui représente un chiffre non négligeable en comparaison avec les
quatre millions d’habitants que compte la Nouvelle-Zélande. Akaroa est également devenue
un lieu touristique majeur du pays, connu de tous, où les noms de rue, et de magasins sont en
français : une véritable mise en valeur du passé français a été entreprise, bien que cela soit dû
en partie à des raisons économiques.
2)Le poids de la France dans l’histoire de la
Nouvelle-Zélande colonisée : présence et
« mémoire partagée »
a)
Tentative de présence économique et
maintien de la présence culturelle
française à travers la religion et les
langues
Malgré l’échec de la tentative de colonisation, la France conserva son intérêt pour la
Nouvelle-Zélande et souhaita continuer à y être présente : le premier consul de France arriva
en effet à Wellington en 1886 alors que les autres puissances avaient fait de riches marchands
leurs représentants officieux. Des agents consulaires français furent également nommés très
55
rapidement à Auckland, Christchurch et Dunedin. Néanmoins, les intérêts français étaient
alors avant tout économiques car le « pays du long nuage blanc » était intéressant à la fois
comme source d’approvisionnement et comme débouché pour les exportations françaises tout
comme tente de le démontrer le vice-consul de France en poste en 1890 : « Je connais
Melbourne, Sydney, Adélaïde et les provinces dont ces villes forment le chef-lieu, aussi je
n’hésite pas à affirmer que la Nouvelle-Zélande serait pour nous un champ d’exploitation
peut-être plus fructueux que n’importe laquelle de ces provinces, s’il était sérieusement et
soigneusement cultivé ». Il met en avant, dans cette lettre adressée au Ministère des Affaires
étrangères, plusieurs arguments qui, selon lui, auraient dû pousser la France à développer son
commerce en Nouvelle-Zélande et non en Australie, entre autres, la constatation que
l’Australien est orgueilleux, individualiste, alors que le Néo-Zélandais a l’esprit plus ouvert,
plus raisonnable, plus éclectique et ne se préoccupe pas de la provenance des produits
susceptibles d’être utiles à son pays. Les marchands Français auraient donc eu tout intérêt,
selon lui, à importer leurs marchandises, d’autant que la Nouvelle-Zélande était alors perçue
comme un pays au futur prometteur et avec lequel il était possible d’établir et de maintenir
des relations commerciales très profitables. A ces fins le rôle de l’autorité française était alors
de : « se trouver en relations suivies avec les principaux négociants, producteurs du pays de
manière à leur indiquer à un moment donné les affaires de tout genre susceptibles d’être
traitées ou entamées avec notre pays ».26
Mais comme nous l’avons mentionné auparavant, les relations commerciales entre la France
et la Nouvelle-Zélande ne sont pas développées de façon significative, à l’inverse des liens
religieux. Une des premières présences françaises en Nouvelle-Zélande fut religieuse.
Pourtant, l’influence des missionnaires français en Nouvelle-Zélande n’est devenue un champ
de recherche que dans les années 1950, notamment grâce à l’ouvrage de Mary Catherine
Goulter Sons of France, a forgotten influence on New-Zealand history, publié en 1957. Cette
méconnaissance de l’ « histoire missionnaire » française tient dans le fait que les religieux
envoyés en Nouvelle-Zélande relataient leur expérience dans leur propre langue et qu’il a
donc fallu traduire ces écrits avant de pouvoir envisager une étude historique des figures
majeures de l’histoire néo-zélandaise que sont Suzanne Aubert ou Monseigneur Pompallier,
qui, à la tête des missions catholiques françaises pendant plus de trente ans, eut un grand rôle
dans l’instauration par le pouvoir britannique de la
liberté religieuse. Mary Catherine
26
« Consulate activities », in 60 years ago, celebrating the anniversary of diplomatic relations between New
Zealand and France, Wellington, 2005, p 33
56
Goulter¸ décrit l’influence des missionnaires français comme forte et permanente notamment
parce qu’ils marquèrent durablement l’éducation et l’Église catholique de Nouvelle-Zélande.
Ces derniers eurent en effet une influence majeure sur l’Église catholique de NouvelleZélande et pas moins de onze groupes catholiques maintiennent aujourd’hui leurs liens avec
la France.
Les premiers missionnaires français, membres de la société de Marie, s’installèrent en
Nouvelle-Zélande aux alentours de l’année 1838. Précédemment à leur arrivée, le Pape avait
pris soin, en 1829 de confier la prérogative d’évangélisation des peuples du Pacifique aux
Français. C’est ainsi qu’en 1835, une paroisse du Pacifique Sud fut crée. Ce n’est pourtant
que trois ans plus tard que débarquèrent à Hokianga un évêque français, Monseigneur JeanBaptiste François Pompallier, ainsi qu’un prêtre et un frère, afin de convertir les Maoris au
catholicisme. Cette arrivée d’une mission catholique romaine suscita l’indignation des
missionnaires anglicans et wesleyens, qui s’étaient rendus en Nouvelle-Zélande dès 1814,
pour convertir le peuple de Nouvelle-Zélande à leur religion, indignation d’autant plus forte
qu’en 1839 Monseigneur Pompallier installa le siège de son vicariat d’Océanie Occidentale à
la baie des Îles, face à une mission anglicane, de même qu’une multitude de missions sur
l’ensemble du territoire. En effet, dès le début de l’occupation européenne de la NouvelleZélande, les Catholiques étendirent leurs actions à l’ensemble du pays. Pompallier concentra
notamment ses efforts sur les mineurs lors des ruées vers l’or qui touchèrent le pays.
Les Catholiques eurent un certain succès dans leur « entreprise » : en dix ans, cinq mille
Maoris se convertirent. Plusieurs facteurs jouaient alors en faveur des Français : devenir
Catholique représentait pour le premier peuple de Nouvelle-Zélande une façon de s’opposer à
la couronne britannique. De plus, Monseigneur Pompallier communiquait avec eux dans leur
langue; il ordonna même la traduction en maori et la distribution dans les tribus de six mille
exemplaires d’enseignements et prières de l’Église catholique romaine. Les missionnaires,
afin de parvenir à leur but, communiquaient avec les Maoris, ce que ne faisaient pas
forcement les missionnaires protestants. Suzanne Aubert, dont nous parlerons par la suite,
adapta même des chansons françaises en maori et entreprit de constituer un dictionnaire
anglais-maori de plus de cent pages, New and complete manual of maori conversation, publié
en 1885 et qui intégrait alors des notions qui n’existaient pas jusque là dans les dictionnaires,
tels des mots évoquant le partage, et non pas seulement les ordres ou la religion. Elle
57
souhaitait ainsi améliorer la communication et la compréhension entre les peuples. Ce
dictionnaire représente toujours une référence à l’heure actuelle.
Plus généralement, cette sœur chercha réellement à comprendre la culture maorie puisqu’elle
participa à la vie de plusieurs villages et se fit connaître comme « Mary le médecin » : elle
utilisa les connaissances des « Anciens »
afin d’améliorer des remèdes qu’elle avait
concoctés pour traiter les Maoris, alors atteints par des maladies européennes, jusque là
inconnues dans ces terres. Les Maoris regardent toujours les Français d’un bon œil grâce aux
actions de cette femme d’Église. Son œuvre reste aujourd’hui connue des Néo-Zélandais
puisqu’elle s’occupa de l’éducation et de l’hospitalisation de plus de deux milles personnes et
fut à l’origine de l’ouverture de facilités qui profitèrent ainsi bien aux Maoris qu’aux Pakehas
de toutes confessions: orphelinats pour les enfants des femmes célibataires, hôpitaux, écoles,
crèches, première soupe populaire en Nouvelle-Zélande, dispensaires pour les handicapés et
les sans-abris malades. Elle laissa également sa trace dans l’histoire néo-zélandaise en ouvrant
la première crèche en Nouvelle-Zélande, ce qui représentait alors une véritable innovation.
Elle créa le premier ordre qui accepta des Maories parmi les sœurs : « la communauté de la
Sainte-Famille ». Figure appréciée de la population, son enterrement, en 1926, attira une foule
jusqu’alors jamais vue dans les rues de Wellington. Elle ne fut jamais oubliée puisqu’il s’agit
aujourd’hui, selon Myreille Pawliez, d’une figure légendaire en Nouvelle-Zélande, plus
spécifiquement auprès des Maoris, pour ses actions envers leur peuple : écoles destinées aux
jeunes filles maories, enseignement dans leur langue alors que dans les écoles anglaises, il
n’était interdit de prononcer un seul mot en maori. Ces contacts eurent un impact sur la
culture maorie qui s’était modifiée dès les premiers rapports avec les Européens, si nous en
croyons les écrits de Dumont D’Urville.
L’histoire de Monseigneur Pompallier et de Suzanne Aubert est principalement enseignée
dans les écoles catholiques. Dans chaque ville néo-zélandaise, la présence catholique
française, que nous pouvons considérer comme culturellement différente de celle anglosaxonne et protestante; est rappelée par l’existence de clubs de rugby et de cricket maristes.
L’ordre des sœurs de la Compassion fondé par Suzanne Aubert, seul ordre véritablement néozélandais qui ait survécu jusqu’à aujourd’hui, est un autre témoin de cette présence.
La France continua donc à influencer l’histoire néo-zélandaise non seulement au travers de la
religion, mais également par l’enseignement de la langue qui était dispensé dans les premiers
temps par les congrégations religieuses. L’histoire a eu un grand impact sur l’apprentissage
des langues en Nouvelle-Zélande. En effet, la tradition nous permet en partie d’expliquer
58
pourquoi le français constitue la langue la plus enseignée aux niveaux primaire et secondaire.
L’importance de la langue française en Nouvelle-Zélande ne peut uniquement s’expliquer par
un attrait pour la langue et ses sonorités, bien que les répondants au sondage de l’Alliance
Française de 2005 et au questionnaire que nous avons distribué, évoquent fréquemment la
beauté du français comme raison explicative de leur inscription à des cours de langue. Cela va
bien au-delà d’une simple attirance et relève de nombreux facteurs historiques. Le français fut
enseigné dès les premiers temps de la colonie et cela pour plusieurs raisons. L’une d’entre
elles était que son enseignement faisait partie du programme scolaire anglais et du système
éducatif écossais. La construction d’écoles par les missionnaires eut également un grand
impact sur l’apprentissage de la langue, dans le sens où les écoles catholiques du secondaire
pouvaient se vanter d’avoir un professeur dont la langue maternelle était le français. Les
années passant, l’Église catholique française n’envoya plus de missionnaires en NouvelleZélande et les écoles catholiques perdirent cet avantage. Néanmoins, la Première et la
Deuxième Guerre mondiale renforcèrent la prédominance de la langue française dans le
système éducatif néo-zélandais au détriment de l’allemand. La place secondaire de l’allemand
et de l’italien en Nouvelle-Zélande, s’explique selon Jean-Marc Lecaudé, professeur de
français à Victoria University, par le rôle de ces deux pays lors la Seconde Guerre mondiale et
leur qualification « d’ennemi national » pendant une partie du vingtième siècle.
L’apprentissage de la langue allemande a toujours été ainsi historiquement « a second
thought »27, du fait que certains Néo-Zélandais, notamment les générations les plus âgées,
conservent une certaine rancœur envers l’Allemagne.
Jusqu’aux années 1970, les bons élèves ont été poussés à étudier le latin, le français et les
« social studies ». Il s’agissait parfois bien plus que d’incitation : les jeunes néo-zélandais
étaient divisés entre classes de niveaux où ils se retrouvaient selon leurs résultats scolaires, et
où les matières étudiées n’étaient pas semblables. Ainsi Roger Rydley-Smith, ex-docteur et
âgé aujourd’hui de soixante-seize ans, en tant que « A stream boy » s’est vu obligé d’étudier
le français ainsi que le latin, l’anglais, la géographie, l’histoire, la physique, la chimie et les
mathématiques. Certes, d’autres langues pouvaient être étudiées, mais ce choix restait limité,
et n’était proposé que plus tardivement dans le cursus, à la fin de l’équivalent du lycée alors
que le français pouvait être étudié dès l’équivalent du collège. Cette importance de
l’apprentissage de la langue française parmi les générations plus âgées a des conséquences sur
27
Judith Geare, responsable des cours pour le Goethe Institut, entretien du 12 mai
59
le nombre d’élèves apprenant la langue aujourd’hui. En effet, lorsque vient le choix pour les
élèves d’une langue, les parents et grands-parents sont là pour donner leur avis. Or, ces
derniers ayant généralement des connaissances en français, poussent leurs enfants ou petitsenfants à apprendre cette langue, tout simplement parce qu’ils pourront les aider en cas de
difficulté. Ainsi, à la question posée aux élèves de Saint Mary’s « pourquoi as-tu décidé
d’apprendre le français », Catherine, élève de Year 12, a t’elle répondu « parce que ma mère
voulait que je le fasse ». L’influence familiale est citée dans de nombreux questionnaires :
Tyler par exemple donne comme raison principale d’apprendre le français le fait que sa
grand-mère, amoureuse de la France, veuille lui faire connaître le pays. Les Néo-Zélandais
sont fréquemment poussés, à choisir cette langue comme option, par leur famille, qui pour
une bonne partie a appris le français: Hazel, étudiante à l’université, nous a précisé que
l’ensemble de sa famille avait étudié le français à l’école et qu’elle souhaitait donc elle aussi
l’apprendre. Le choix d’une langue se fait à un âge où les enfants sont très influençables, ce
qui explique en partie le maintien du français en tant que langue la plus enseignée. Mais il est
parfois question de plus qu’une simple incitation : Deborah, élève de Saint Mary’s college par
exemple, a été obligée par sa famille à apprendre le français. Pour certains élèves, il s’agit
cependant de choix volontaires, notamment lorsqu’ils souhaitent renouer avec leurs racines,
comme Reena qui décrit Tahiti comme « un de ses pays d’origine ». En ce qui concerne les
adultes, cette volonté constitue également une des raisons principales pour souhaiter étudier à
l’Alliance Française : quarante-trois pour cent des personnes interrogées pour le sondage de
2005, déclarèrent avoir des racines françaises plus ou moins éloignées.
b)
La mémoire partagée : une commémoration
des sacrifices néo-zélandais sur le sol
français qui tendent à faire oublier les
tensions récentes
La France a marqué la Nouvelle-Zélande de son empreinte. Mais les raisons pour lesquelles
la Nouvelle-Zélande entretient aujourd’hui un rapport particulier à la France relèvent de bien
plus que de cette présence religieuse ou de la tentative de colonisation. Les Néo-Zélandais
60
montrent un fort intérêt pour la France car c’est sur cette terre que leurs ancêtres combattirent
pour la première fois et y perdirent la vie en grand nombre. La participation à la Première
Guerre mondiale est une fierté nationale et une part importante de leur histoire qui les lie à la
France, tout comme le montre le documentaire de Chantal Perrin Ils sont venus du bout du
monde. En effet, les liens que les Néo-Zélandais entretiennent avec la France furent, d’après
les mots de Sarah Dennis, ancienne ambassadrice de Nouvelle-Zélande en France « cimentés
par le sacrifice»28de milliers de jeunes néo-zélandais lors de la Première Guerre Mondiale:
13 250 d’entre y eux perdirent la vie tandis que 35 000 autres y furent blessés. Parmi les
belligérants de 1914-1918, Aotearoa fut le pays qui perdit le plus de soldats comparativement
à sa population. Afin de souligner ce sacrifice un accord intitulé « la mémoire partagée » fut
signé par le Premier Ministre néo-zélandais Helen Clark en 2004. Son objectif est la mise en
place de projets autour des Première et Deuxième guerres mondiales. En fait partie la
publication du livre intitulé New Zealanders, D Day and the war in Europe rédigé par Alison
Parr et se prépare actuellement une rencontre internationale sur « la mémoire partagée ».
La Nouvelle-Zélande prit par à ces guerres aux côtés des Français et en tant que sujets
britanniques. Lorsque la Première guerre mondiale éclata, et que les Néo-Zélandais apprirent
que la France se battrait aux côtés de la Grande-Bretagne, ils en oublièrent tous leurs préjugés
négatifs. Les Néo-Zélandais sous commandement britannique furent envoyés tout d’abord en
Egypte et participèrent ensuite à la campagne des Dardanelles. A partir de 1916, ils furent
envoyés sur le front français et participèrent notamment aux batailles de la Somme, de
Messines, d’Ypres, d’Armentières, du Cateau et du Quesnoy, ville du Nord de la France,
libérée le quatre novembre 1918 après quatre années d’occupation allemande par les troupes
Néo-Zélandaises. Celles-ci durent combattre les mille cinq cents Allemands refusant de
quitter la place d’une manière que l’on pourrait qualifier de « folklorique » : les soldats
escaladèrent les remparts de la ville à l’aide d’échelles, tandis que les Allemands déversaient
des bassines d’huile bouillante! La légende stipule que le capitaine Néo-Zélandais en charge
de l’assaut, Harold E.Barrow, emprunta un exemplaire d’Ivanhoe de Sir Walter Scott afin
d’étudier la manière dont la bataille pourrait se livrer.
Le Quesnoy détient une place particulière dans l’histoire et la mémoire néo-zélandaise pour
plusieurs raisons. Tout d’abord en raison de la jeunesse de l’histoire néo-zélandaise, il y a peu
d’épisodes qui puissent marquer la mémoire collective et d’autant moins de moments dont les
28
« cemented by the sacrifice », traduction de l’auteur, Dennis Sarah in Piquet Martine, Tolron Francine, La
Nouvelle-Zélande et la France, Paris, les cahiers du CICLAS, novembre 2006
61
Néo-Zélandais peuvent se sentir fiers. Or chaque peuple ayant besoin de se créer des figures
héroïques, les soldats ayant libéré le Quesnoy ont été hissés au rang de véritables héros
nationaux. Il faut aussi souligner que cette bataille fut la dernière à laquelle participèrent les
troupes Néo-Zélandaises, et que contrairement à celle de Gallipoli, ce fut une victoire. De
plus, les pertes humaines y furent limitées, ce dont se réjouissent toujours les Néo-Zélandais :
certes, quatre-vingt treize soldats perdirent la vie, mais on n’y déplora aucune perte civile.
Dès les années 1920, plus précisément le quatorze juillet 1923, afin de commémorer le
sacrifice de ces hommes, un monument aux morts Néo-Zélandais fut inauguré dans les
remparts du Quesnoy, au pied duquel furent plantées des fougères, symbole de la NouvelleZélande. Le Quesnoy est avec Longueval, une des deux seules villes françaises où ANZAC
Day; équivalent de notre « 11 Novembre », est célébré chaque année en présence d’officiels
français et néo-zélandais pour rendre hommage aux soldats australiens et néo-zélandais
tombés en France. Helen Clark a même assisté à la cérémonie au Quesnoy en 2003, ce qui
prouve l’importance accordée à cette ville par les Néo-Zélandais. De plus, il ne s’y déroule
aucune cérémonie sans que ne s’y trouve des parlementaires du groupe d’amitié FranceNouvelle-Zélande, l’ambassadeur de Nouvelle-Zélande en France, ou même, en certaines
occasions particulières, le Premier Ministre ou le Gouverneur Général. Les liens entre cette
ville et la Nouvelle-Zélande ont été renforcés en 1999 par le jumelage du Quesnoy avec
Cambridge, bourgade néo-zélandaise, par l’ouverture de « la maison de la Nouvelle-Zélande »
présentant une exposition permanente sur la libération du Quesnoy, et par la création de
l’association « Maison Quercitaine de Nouvelle-Zélande » dont les objectifs sont
« d’entretenir des liens d’amitié avec Cambridge, développer le devoir de mémoire envers la
Nouvelle-Zélande et ses soldats, améliorer la connaissance de la langue anglaise afin de
favoriser la communication, promouvoir la langue et la culture française en Nouvelle-Zélande
et favoriser les échanges culturels au sens large »29. Une pièce de théâtre intitulée « Te
Awarua » relatant les liens entre le Quesnoy et la Nouvelle-Zélande depuis la libération de la
ville a même été écrite par un auteur néo-zélandais d’origine maorie, Albert Belz.
Les Néo-Zélandais se rendent aujourd’hui en France pour visiter les lieux de mémoire néozélandais, c’est-à-dire la ville du Quesnoy bien entendu, mais également les cimetières
militaires à Longueval et à Arras. Au Quesnoy, une moyenne de trois cents néo-zélandais
29
Hélène Carpentier, présidente de la maison quercitaine, entretien du 16 mai 2007
62
franchit la porte de l’Office du tourisme, sans compter ceux qui se rendent directement au
mémorial et qu’il est impossible de comptabiliser. Malgré ce que nous pourrions penser, ce ne
sont pas uniquement des personnes âgées qui se rendent au Quesnoy, mais aussi les jeunes
générations; deux classes néo-zélandaises en moyenne se rendent en France chaque année afin
de rendre hommage à leurs ancêtres. En 2008 sera célébré le quatre-vingt dixième
anniversaire de la libération du Quesnoy, ce qui laisse présager d’une augmentation des
touristes néo-zélandais se rendant dans le Nord de la France.
Les Néo-Zélandais ne se battirent pas en France lors du Second Conflit mondial, participant
surtout à la campagne d’Italie. Néanmoins, ils soutinrent les territoires français du Pacifique
Sud en leur apportant un soutien financier, des vivres, des armes et en veillant à ce que ces
contrées ne soient pas envahies. La Nouvelle-Zélande se tenait prête à déployer ses troupes en
cas de nécessité; ce qu’elle fit notamment à Bourail, en Nouvelle-Calédonie lorsque la
menace japonaise se fit sentir. Une exposition consacrée à cette présence néo-zélandaise à
Bourail se tient par ailleurs cette année au musée City and Sea de Wellington dans le cadre de
la saison néo-calédonienne en Nouvelle-Zélande.
L’histoire n’a cependant pas toujours amené les Néo-Zélandais à avoir une image positive de
la France. Les épisodes des essais nucléaires français dans le Pacifique et du Rainbow
Warrior coulé dans le port d’Auckland le 10 juillet 1985 par deux officiers des Services
Secrets français en sont des preuves flagrantes.
La Nouvelle-Zélande s’opposa aux essais nucléaires de la France dès les années 1960 et cela
jusqu’à la fin de ceux-ci en 1996, qualifiant la France d’arrogant pays colonialiste et sa
politique de provocatrice, outrageante et offensante ; « un exemple de l’arrogance
napoléonienne »30 ; ou encore selon le Premier Ministre d’alors, Jim Bolger, « d’action
arrogante d’une puissance coloniale européenne ». Les préjugés négatifs qui peuvent parfois
encore courir sur les Français, notamment celui ayant trait à leur célèbre arrogance puisent
leurs racines dans cet épisode.
La reprise des essais nucléaires déchaîna de véritables passions : des drapeaux français furent
brûlés et la France accusée de prendre le risque de polluer l’ensemble du Pacifique Sud en le
transformant en décharge nucléaire. Les réactions furent vives et les Néo-Zélandais se
30
Pawliez Myreille, “Nouvelle-Zélande” in L’année francophone internationale, édition 1996, Québec, OIF,
1996, p 242
63
sentirent fortement concernés, Mururoa, centre des essais nucléaires français, ne se trouvant
qu’à 4750 kilomètres d’Aotearoa.
L’opinion publique réclama à plus de quatre-vingt un pour cent de fortes mesures contre la
France, telles que la cessation de toute activité économique ou diplomatique.
Sondage du 11 juillet 1995 du Research International Media concernant
les actions qu’aurait dû entreprendre le gouvernement néo-zélandais
contre la France :
Government should
complain to United Nations
Government should take
direct action
Government should protest
more strongly
Government should send a
frigate to Mururoa
Government should cut all
ties with France
Government should close its
posts in France
Government should close
France's post in NZ
Government should refuse to
buy French products
Government should cancel
All Black tour of France
91%
86%
81%
63%
62%
55%
63%
50%
39%
Source: Stephen Hoadley, New Zealand and France,Politics, diplomacy and dispute management
Le rugby ne fut pas victime de ces mesures de rétorsion, comme le furent les marchandises et
services français : un boycott fut organisé par les syndicats, et les deux plus grands magasins
du pays refusèrent de vendre des produits français. Néanmoins si nous en croyons Xavier de
Villepin, l’économie française ne s’en retrouva que marginalement affectée. Sur un plan
moins passionnel, une délégation composée de parlementaires et de maires des grandes villes
se rendit à Papeete afin de participer aux manifestations qui y étaient organisées, tandis que,
le 10 juillet 1985, une armada de cent volontaires à bord de dix sept navires, soutenus
64
financièrement aussi bien par des entreprises, que par les médias ou par des particuliers,
voguaient vers Mururoa pour manifester leur opposition à la reprise des essais nucléaires.
Les relations diplomatiques connurent, elles aussi, une véritable régression: en 1995, la
Nouvelle-Zélande décida de rappeler son ambassadeur à Paris, de geler tout contact militaire,
de même que les pourparlers portant sur l’obtention de Mistral, un système de défense aérien
fabriqué par Matra.
Quant à l’épisode du Rainbow warrior, il aurait pu rester relativement confidentiel, s’il n’avait
concerné plusieurs pays à la fois : il s’agissait d’un navire britannique de Greenpeace qui fut
saboté par les services secrets français et qui, lorsqu’il coula, coûta la vie à un cameraman
hollandais, Fernando Pereira. D’abord stupéfaites, les autorités laissèrent éclater leur colère
lorsque la suspicion se porta sur la France. Celles-ci souhaitèrent rapidement démasquer les
coupables : deux arrestations furent effectuées en moins de quarante-huit heures et la
Nouvelle-Zélande tenta d’extrader quatre autres suspects de Nouvelle-Calédonie. Cependant
les autorités françaises s’opposèrent à ces extraditions. Cette attitude de la France fut l’objet
de critiques aussi nombreuses que virulentes. En effet, différents groupes de pression
multiplièrent les déclarations critiquant la France, que celles-ci soient justifiées par des faits,
entraînées par l’émotion ou relevant de préjugés. L’opposition politique critiqua le
gouvernement pour sa faiblesse envers la France, l’accusant même de plier face à
d’hypothétiques pressions françaises. De nouveaux groupes, tels que « Le groupe » (en
français dans le texte) virent même le jour afin de pousser le gouvernement à prendre de
fortes décisions. Ils entreprirent de montrer leur opposition à la France en réclamant
l’expulsion de l’ambassadeur de France en Nouvelle-Zélande, en demandant l’organisation
d’un boycott généralisé des biens et services français, et en manifestant devant le consulat de
France à Auckland. La presse, généralement modérée tout comme elle peut l’être aujourd’hui,
s’empressa-t-elle aussi d’émettre de critiques sévères à l’égard de la France, faisant pendant
des semaines entières la une sur les rebondissements de l’affaire, et titrant par exemple «
outrageous arrogance », « unwanted presence in the Pacific »31… tandis que des caricatures
de Mitterrand en plongeur était publiées.
31
Hoadley Stephen, Politics, diplomacy and dispute management, Wellington, New Zealand institute of
International affairs, 2005, p 58
65
Les relations bilatérales étaient alors au plus mal, la France refusant l’entrée de produits néozélandais dans les ports français. Les tensions furent réglées temporairement grâce à
l’arbitrage des Nations Unies. Pourtant, selon Stephen Hoadley, l’idée que la France aie fait
du chantage à la Nouvelle-Zélande entache encore aujourd’hui les relations officielles franconéo-zélandaises. Nous pouvons cependant préciser que la population néo-zélandaise semble
avoir « pardonné aux Français » : l’épisode n’est en en effet mentionné devant des Français
que sur un ton humoristique.
Cette affaire fut classée dans les années 1990, et les relations diplomatiques franco-néozélandaises redevinrent courtoises. Néanmoins, à plus long terme, des conséquences se firent
sentir au sein de la population néo-zélandaise : l’affaire permit, si l’on en croit le
parlementaire Richard Northley, de renforcer l’identité nationale du pays en le situant
davantage dans un ensemble Pacifique du fait du sentiment de trahison ressenti par néozélandais à l’égard de l’Angleterre qui ne condamna jamais le sabotage du bateau.
Les relations diplomatiques furent au plus mal, mais, selon Michel Barnier, ancien Ministre
des Affaires Étrangères, « jamais le dialogue n’a été interrompu, comme il convient entre des
amis »32.
Nous ne pouvons que relativiser cette déclaration de Michel Barnier : pendant tout le dixneuvième siècle, les Français furent perçus comme la principale menace contre le pays. La
peur d’une attaque depuis la Nouvelle-Calédonie était fortement répandue au sein de la
population, au point qu’à certaines périodes les Néo-Zélandais se préparèrent à une guerre.
Colportée par les missionnaires protestants, les politiciens et la presse populaire, cette
francophobie alors vivace selon le chercheur Garry Clayton se basait sur une rivalité
religieuse, militaire et commerciale. Phil Goff, ancien ministre du Foreign Affairs and Trade,
quant à lui, pratique un peu moins la “langue de bois” et reconnaît que les deux pays ont, par
le passé, nagé en eaux troubles : « New Zealand and France work together constructively on
many important issues (…). Ministers, parliamentarians and officials maintain frequent
dialogue and contact through regular two way visits (…). This has not always been the case;
in the past we have had to steer our way through some troubled waters33 ». Les deux
gouvernements eurent en effet à résoudre de graves crises diplomatiques mais le firent
exclusivement au travers du dialogue.
32
Barnier Michel, in 60 years ago, celebrating the anniversary of diplomatic relations between New-Zealand
and France, 2005, p.5
33
Goff Phil, Opus Cite, p. 6
66
L’épisode du Rainbow Warrior semble avoir été oublié par les jeunes générations, ou tout du
moins celles-ci semblent être beaucoup moins touchées par cet événement que ses aînés. En
effet, il s’agirait aujourd’hui d’un épisode entré dans les manuels d’histoire, un événement
historique pour lequel les jeunes néo-zélandais ne tiendraient aucune rigueur à la France. La
preuve de cette théorie résiderait dans la baisse uniquement provisoire du nombre de NéoZélandais apprenant le français : la diminution du nombre d’inscriptions n’a duré que quatre
ou cinq ans, laps de temps après lequel le nombre d’élèves de français redevint semblable à
celui de l’ « avant Rainbow Warrior ». Il semblerait que, même si des commentaires négatifs
sont parfois avancés dans les journaux, basés sur ces faits historiques, les Néo-Zélandais font
une différence entre les Français et leur gouvernement. Quant aux essais nucléaires ils
n’eurent même pas d’effet négatif sur le nombre d’élèves apprenant le français ; bien au
contraire, entre 1995 et 1996, l’effectif total d’élèves néo-zélandais ayant choisi le français
augmenta de 11,84%34. En fait, les contacts culturels et éducatifs franco-néo-zélandais
reprirent très rapidement après l’épisode.
François Lucas, attaché de coopération pour le français à l’ambassade de France, ne partage
pas l’idée selon laquelle les Néo-Zélandais auraient complètement oublié les affaires des
années 80 et 90. Selon lui, l’image très positive dont bénéficiait la France avant l’explosion
du bateau de Greenpeace aurait été mise à mal par le sabotage de celui-ci, la France tentant
depuis « d’inverser de nouveau la tendance » en mettant en place de fortes relations
culturelles bilatérales.
34
Pawliez Myreille, “Nouvelle-Zélande”, in L’année francophone internationale, 1997, Québec, OIF 1997
67
B Une présence culturelle
française justifiée par un intérêt
diplomatique de la France dans le
Pacifique Sud et maintenue par un
attrait des Néo-Zélandais pour la
France et les Français
1) Géographie et diplomatie : les fondements de
la présence officielle française dans le
Pacifique Sud
a)
La Nouvelle-Zélande : pays voisin de
la France
La France et la langue française sont présentes dans le Pacifique Sud au travers de la
Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française pays d’Outre Mer, ainsi que de Wallis-etFutuna, territoire d’Outre Mer. Dans ces trois territoires, le français est soit une des langues
officielles, soit l’unique langue des autorités en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie ou
Wallis-et-Futuna. Le français est également une des langues officielles du Vanuatu, autrefois
condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides, et aujourd’hui membre de
68
l’Organisation Internationale de la Francophonie. De plus, le français et l’anglais constituent
les deux langues les plus parlées dans le Pacifique et sont les langues officielles de la
Commission du Pacifique Sud.
La France est fortement présente dans l’ensemble du Pacifique Sud, bien au-delà de ses
territoires d’Outre-Mer. Elle coopère en effet avec des Nations du Pacifique Sud, telle que la
Nouvelle-Zélande. Les domaines de collaboration sont nombreux : il s’agit aussi bien de la
sécurité de cette région, que de l’assistance aux pays en difficulté économique ou politique, de
l’aide à l’autonomie politique, de la lutte contre les catastrophes écologiques ou de la question
des pêcheries. La Nouvelle-Zélande ne semble pas voir de problème à ce que la France
intervienne dans le Pacifique Sud, bien au contraire : le Premier Ministre Helen Clark a
soutenu cette présence par la déclaration suivante : « we wish you to stay in the interests of
New-Zealand and the region ».35 Les liens entre la France du Pacifique, c’est-à-dire entre la
Nouvelle-Calédonie, Tahiti, la Polynésie Française et la Nouvelle-Zélande sont facilités par
un sentiment d’appartenance à un même ensemble géographique. Les Néo-Zélandais se
sentaient autrefois véritablement anglais, mais aujourd’hui ils se réclament davantage d’une
identité du Pacifique. Quant aux Néo-Calédoniens par exemple, ils peuvent certes se sentir
Français, mais une partie d’entre eux - majoritairement des Kanaks - revendiquent à l’heure
actuelle une identité particulière et une appartenance à l’ensemble Pacifique. En ce qui
concerne les Polynésiens, ceux-ci partagent des racines communes avec les Maoris. Ces
derniers sont en effet les descendant de peuples polynésiens qui se sont installés en NouvelleZélande au neuvième siècle. Cette origine commune a pour effet de faciliter le dialogue entre
les Maoris - qui se sentent davantage à l’aise pour parler avec des Polynésiens qu’avec
d’autres peuples - et les territoires français du Pacifique. Taupo, ville de Nouvelle-Zélande où
la présence maorie est forte, est jumelée avec une ville de Polynésie française.
Avec l’Australie, la Nouvelle-Calédonie est le plus proche voisin de la Nouvelle-Zélande,
comme l’illustre la carte suivante.
35
O’Sullivan Fran, « French back in Pacific club », week-end Herald, 5-6 juillet 2003
69
Carte du Pacifique Sud
Source: www.cultureconnect.com
Cette réalité géographique a des conséquences positives sur l’apprentissage du français ou
tout simplement sur sa pratique. En effet, la Nouvelle-Zélande est pour les quatre territoires
francophones du Pacifique, un important partenaire commercial. Les compagnies néozélandaises commerçant avec les territoires français du Pacifique Sud et les pays
francophones ont tout intérêt à engager, si elles souhaitent faire des affaires, des employés
pouvant communiquer en français. La nécessité pour les grandes firmes d’Aotearoa d’engager
des polyglottes est renforcée par le fait que l’économie de la Nouvelle-Zélande est basée
depuis de nombreuses années sur l’exportation. Or, dès les années soixante, si nous en
croyons John Dunmore, le Français était la langue étrangère la plus utilisée au sein des
entreprises exportatrices, que ce soit pour les communications interpersonnelles, la publicité,
les notices… Au sein de ces structures, le français était alors considéré comme la langue la
plus importante. Au fil des années, l’utilisation des langues étrangères au sein des entreprises
exportatrices se généralisa grâce à la prise de conscience du rôle positif joué par la
connaissance des langues et des cultures des majeurs partenaires commerciaux. Alors que
dans les décennies précédentes, les communications entre les entreprises néo-zélandaises et
françaises pouvaient se faire uniquement en anglais, les firmes kiwies en relation avec la
France emploient aujourd’hui à 89% le français. Certes, un nombre de compagnies
70
n’emploient encore que la langue anglaise, mais l’évolution vers un fort multilinguisme dans
le monde du travail néo-zélandais est en cours.
Les autorités néo-zélandaises ont, elles aussi, mesuré cet avantage que représente la proximité
de territoires francophones : elle constitue une des raisons pour apprendre le français avancées
par le Ministry of Education dans son guide French in the New Zealand curriculum. Dans les
faits, la présence de territoires français si proches de la Nouvelle-Zélande joue favorablement
sur l’apprentissage de la langue. En effet, il est possible pour les élèves néo-zélandais de
pratiquer le français beaucoup plus aisément que s’ils apprenaient l’allemand par exemple.
Cette possibilité de pouvoir pratiquer la langue pèse dans la balance lors du choix d’option
des jeunes néo-zélandais, mais également le fait que la majorité des voyages scolaires
linguistiques organisés le soient en Nouvelle-Calédonie. Il est en effet trop coûteux, en argent
comme en temps, de mettre en place des voyages scolaires en Europe ou même en Asie : les
élèves manqueraient plusieurs semaines de cours, et seuls quelques enfants fortunés
pourraient se permettre de prendre part au voyage. En ce qui concerne les adultes, comme
nous avons pu le mentionner auparavant, des stages de langue sont organisés pour les
professeurs du primaire à Tahiti. Certains enseignants qui sont envoyés là-bas ne parlent que
quelques mots de Français, or il se trouve que ces stages sont tout frais payés, ce qui peut
constituer une raison incitative pour les instituteurs de vouloir initier leurs élèves au Français;
d’autant qu’aucun autre pays n’organise de stages équivalents.
Tous ces échanges éducatifs sont selon Myreille Pawliez, indispensables dans une région
aussi isolée que le Pacifique Sud si l’Hexagone souhaite maintenir un intérêt pour le fait
français. Or la France souhaite au travers de ses territoires du Pacifique Sud et les liens
qu’elle tisse avec la Nouvelle-Zélande maintenir sa présence dans cette région du monde : en
1997, le Sénat stipulait que la présence dans la région Asie-Pacifique constituait une priorité
non seulement dans le domaine diplomatique, mais aussi pour l’économie française et qu’il
(fallait) était nécessaire de maintenir la « place spécifique » que la France détenait dans le
Pacifique Sud. Selon lui, ce rôle était souhaité par les autorités néo-zélandaises qui se
« félicitaient de la place de la France dans la région ».
71
b)
La Nouvelle-Zélande ou comment la
France cherche à maintenir le « fait
français » dans le Pacifique en faisant
du pays son allié
Certes, grâce à la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, la France peut maintenir le
fait Français; c’est-à-dire la langue, les intérêts diplomatiques de même qu’une certaine idée
du monde et de la culture aux antipodes de l’hexagone. Néanmoins ces territoires ne
constituent nullement des puissances du Pacifique Sud et restent pour les autres pays de la
région de petites îles intéressantes uniquement dans le domaine touristique. La France s’est
donc tournée vers la Nouvelle-Zélande dans le but de pouvoir avoir une influence dans la
région, même de manière détournée, c’est-à-dire en encourageant les coopérations culturelles
et en tentant de préserver la place de la langue française dans les écoles néo-zélandaises. Tout
comme derrière le fonds d’amitié ou le fonds Pacifique, il se cache derrière les collaborations
culturelles des motivations politiques. En effet, la ligne directrice de l’ensemble de la
coopération franco-néo-zélandaise est pour la France de créer des liens plus forts, par le biais
de la culture, dans la région Pacifique Sud et d’ainsi y maintenir une influence.
La France a également décidé de faire de la Nouvelle-Zélande son alliée car elle partagerait
avec celle-ci une certaine idée du monde et des relations internationales, ce qui lui permettrait
de continuer à peser dans cette région en menant conjointement avec les autorités néozélandaises des actions dans le Pacifique Sud, mais également en soutenant des propositions
communes aux Nations Unies. La Nouvelle-Zélande, l’Australie et la France partagent en
effet des convergences de vue sur la stabilité du Pacifique Sud. En devenant pour la NouvelleZélande un allié de choix sur la scène internationale, la France maintient le fait français dans
le Pacifique Sud au travers d’idées inspirées par la philosophie des Lumières dont elle
revendique la paternité et la légitimité à les porter.
Le choix pour la France de la Nouvelle-Zélande comme alliée semble s’être imposé de luimême si nous en croyons les déclarations des politiciens. La France aurait pu faire de
l’Australie, autre puissance régionale, son partenaire diplomatique de choix dans le Pacifique,
mais l’Australie est un allié important des États-unis sur la scène internationale, défendant des
idées très différentes de celles de la France. En effet, elle n’a pas soutenu la Convention, chère
72
à la France, sur la protection et la promotion des expressions culturelles à l’UNESCO,
s’abstenant lors du vote d’octobre 2005. Elle a également refusé, tout comme les États-unis,
de signer le protocole de Kyoto. De plus, elle a eut une attitude contraire à celle de la France
concernant la guerre en Irak : la France s’est très fortement opposée à l’idée d’envoyer des
troupes, tandis que l’Australie déployait ses soldats en Irak. Depuis quelques années,
l’Australie apporte un soutien sans faille à la politique des États-Unis: lors de la guerre qui a
déchiré le Liban en 2006, elle défendit la démarche israélo-américaine. Elle s’est même
parfois opposée directement à la France en l’accusant, lors d’un sommet de l’OMC, d’avoir
« une approche forteresse ». Nous devons quand même noter qu’en ce qui concerne le
Pacifique Sud, les volontés françaises et australiennes de renforcer la stabilité économique,
politique et environnementale se rejoignent. L’Australie est également un partenaire
économique de la France.
L’intérêt culturel que la France porte officiellement à la Nouvelle-Zélande résulte donc de
différents facteurs liés aux relations internationales. La Nouvelle-Zélande, bien que ce fait soit
méconnu du grand public, peut jouer un rôle sur la scène internationale et notamment aux
Nations Unies : Xavier de Villepin soulignait dès 1997 que la Nouvelle-Zélande possédait,
malgré des moyens modestes, l’ambition de jouer un rôle sur la scène internationale, entre
autre sur le plan militaire. Selon le député François-Michel Gonnot, elle partage des visions
communes avec la France par exemple sur les dossiers relatifs aux maintiens de la paix et un
fort attachement aux principes de l’État de droit. Ainsi, comme le souligne Jean-Michel
Marlaud, ancien ambassadeur de France en Nouvelle-Zélande, les deux pays « partagent une
même approche des questions internationales, fondée sur le respect du droit et des
organisations multilatérales rénovées et efficaces ».36 Ils ont en commun le même scepticisme
à l’égard de l’unilatéralisme et de la politique du président américain George Bush, ainsi que
la même croyance dans le multilatéralisme, et la résolution des conflits par les Nations Unies.
Les objectifs de la politique internationale de la France et de la Nouvelle-Zélande se
rejoignent aujourd’hui sur de nombreux dossiers, bien que cela ne fut pas toujours le cas,
comme nous le verrons par la suite.
Les intérêts français et néo-zélandais sont communs en ce qui concerne les dossiers relatifs au
Pacifique Sud, à l’Antarctique et à la coopération en matière de services aériens et de défense.
36
Piquet Martine, Tolron Francine, La Nouvelle-Zélande et la France, CICLAS, novembre 2006, Les cahiers du
Ciclas, Paris, p3
73
Ces visions communes furent officialisées par les principaux accords bilatéraux (ou
trilatéraux) suivants :
•
Accord en 1991 pour la mise en place du fonds d’amitié
•
Déclaration jointe sur la coopération antarctique en 1992
•
Déclaration jointe de la France, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sur le règlement des
désastres dans le Pacifique Sud en 1992
•
Accord autour du visa vacances-travail en 2000
•
Accord concernant les délimitations du territoire maritime entre Wallis et Futuna et le
Tokelau en 2003
La France et la Nouvelle-Zélande ont également toutes deux signé des accords liant un plus
grand nombre de pays, tels la convention sur les droits des enfants, l’accord instaurant
l’organisation mondiale du commerce et de nombreux accords autour du nucléaire et de la
couche d’ozone; la Nouvelle-Zélande étant particulièrement concernée par ce problème car se
situant en dessous d’un trou dans la couche d’ozone.
Les deux pays n’ont que rarement voté de manière dissemblable aux Nations Unies,
rejoignant les votes des pays de l’Europe de l’Ouest et s’opposant ces dernières années aux
pays du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Asie. En 2003, les votes français et néo-zélandais
à l’O.N.U furent semblables à 77.3%37.
Ce ratio monte à 95% lorsque nous incluons l’ensemble des résolutions consensuelles édictées
par l’Assemblée Générale. De plus, plus de la moitié des divergences relevaient d’abstentions
de l’une des deux délégations et non pas d’oppositions directes entre elles. Sur certains
thèmes, dont le Moyen-Orient, les droits de l’homme, les libertés politiques, l’accord entre les
deux délégations était complet. « Today the policies of New Zealand and France converge to
a degree unimaginable during the turbulences of the past three decades »38.
Il existe néanmoins certaines divergences entre les délégations, plus particulièrement sur des
thèmes précis tel que la décolonisation ou le nucléaire… Bien que les différends relatifs au
nucléaire semblent avoir été réglés entre les deux pays en 1996, il constitue toujours une
source épisodique de désaccord.
37
Hoadley Stephen, New Zealand and France, politics, diplomacy and dispute management, Wellington, New
Zealand Institute of International Affairs, 2005, p 148
38
Opus Cite, p 159
74
En dehors des sommets internationaux, les rencontres sont assez rares. Bien qu’il existe des
personnes en charge des questions relatives à la France, à la Nouvelle-Calédonie et à la
Polynésie Française au Ministère des Affaires étrangères néo-zélandais, la distance ne permet
pas des visites fréquentes : vingt visites furent entreprises par des officiels néo-zélandais entre
1997 et 2004, tandis que neuf politiciens français se rendirent en Nouvelle-Zélande sur cette
même période, dont des membres du groupe d’amitié France-Nouvelle-Zélande au Sénat et
bien entendu les présidents du fonds d’amitié France-Nouvelle-Zélande.
2) Du maintien de la présence linguistique
française en Nouvelle-Zélande
a)
Le français : langue dont
l’apprentissage présente de nombreux
avantages aux yeux des Néo-Zélandais
Les officiels néo-zélandais ne se rendent pas fréquemment en Europe, contrairement aux
citoyens Kiwis, qui sont aujourd’hui de grands voyageurs, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Selon John Dunmore, avant que ne se démocratise et ne se facilite le transport aérien pour les
Néo-Zélandais, à une époque où quitter le pays n’était le privilège que de quelques-uns uns,
l’apprentissage du français consistait en une véritable activité culturelle et éducative et
apportait un réel plus à l’enseignement général et à celui de la langue anglaise en particulier.
En effet, l’enseignement du français permettait d’aborder en partie la structure et l’histoire de
la langue anglaise qui s’est nourrie de nombreux mots de l’ancien français. De plus, les cours
de français ne consistaient pas uniquement en un apprentissage du vocabulaire mais en une
étude de la littérature et de l’histoire de l’Hexagone liée par ailleurs, en ce qui concerne
certaines périodes, à celle de l’Angleterre. Il s’agissait donc d’un programme varié de culture
générale qui attirait des élèves de bon niveau intéressés notamment par la littérature.
75
Une grande évolution dans le programme scolaire trouva ses sources dans le développement
des transports et dans la possibilité pour les élèves apprenant le français de voyager en Europe
ou dans des pays francophones. En effet, les possibilités pour les Néo-Zélandais d’utiliser le
français mena le système d’apprentissage a évoluer : les programmes insistèrent davantage sur
la pratique de l’oral. Au début du vingtième siècle, les étudiants en français n’avaient que très
rarement l’occasion de pratiquer la langue apprise lors de leurs études, car, pour ce faire, ils
auraient dû se rendre au plus près en Nouvelle-Calédonie. Or le tourisme hors des frontières
nationales n’était alors réservé qu’à un infime nombre de privilégiés, d’autant que l’Australie,
première destination touristique aujourd’hui, n’était alors qu’une colonie anglaise peuplée de
bagnards et attirant uniquement les chercheurs d’or. Quant à la Nouvelle-Calédonie, plus
proche territoire où le français était parlé, il ne s’agissait alors en aucun cas d’une destination
de « vacances ». De plus, l’Europe étant en moyenne à trois mois de bateau, l’occasion de
parler français était rare, sauf bien entendu aux tous premiers moments de la colonie dans les
structures développées par les missionnaires catholiques français. Mais par la suite, les
occasions se firent de plus en plus rare.
La Nouvelle-Zélande était alors peu peuplée. Elle l’était majoritairement par des fermiers
pour qui le concept de voyage n’existait tout simplement pas. Le voyage n’était, de plus, pas
aussi aisé qu’en Europe où le système de routes était plutôt développé. La Nouvelle-Zélande
était alors peu urbanisée et les routes étaient quasi inexistantes. La situation s’est certes
améliorée depuis, mais le système autoroutier est aujourd’hui faible, non éclairé et très
dangereux, ce qui explique que les Néo-Zélandais voyagent beaucoup aujourd’hui au-delà de
leurs frontières.
Les Néo-Zélandais du vingt-et-unième siècle sont un véritable peuple de voyageur, selon
Catherine Hannagan, dans le sens où ils aiment voyager en Asie, dans le Pacifique, depuis peu
en Amérique Latine, en Amérique du Nord et en Europe, ce qui représente pourtant un
minimum de vingt heures de vol. Cette tendance au voyage s’est accentuée au fil des
décennies (voir annexe 9).
La situation géographique de la Nouvelle-Zélande, îles isolées, sans voisin à moins de milliers
de kilomètres permet en partie d’expliquer cette caractéristique du peuple néo-zélandais. En
effet, il est aisé par exemple pour un Français qui souhaite le dépaysement de prendre pour
quelques heures le train ou sa voiture afin de se rendre dans un autre pays. Un Néo-Zélandais
ne peut faire de même : il doit, quoiqu’il arrive, se déplacer en avion et est fort conscient des
longues heures de vol nécessaires pour voyager et être dépaysé; l’Australie, à trois heures
d’avion, n’est pas considérée comme une destination exotique. Par conséquent, les Kiwis ne
76
sont pas avares en temps de voyage et parcourent volontiers la moitié du globe pour se rendre
à la destination souhaitée, car d’après Scott, un des étudiants en français que nous avons
interrogé, ils sont un peuple ouvert aux possibilités, aux cultures extérieures et au voyage.
Or le français représente aujourd’hui pour de nombreux Néo-Zélandais un outil pour pouvoir
voyager, ce que souligne French in the New Zealand curriculum : il permettrait de « voyager
non seulement en France mais aussi dans des pays où le français est un outil de
communication de tous les jours »,
39
d’autant que l’accent est mis dans le cursus sur les
aptitudes des élèves à la communication interpersonnelle. Les enseignants évoquent même à
leurs étudiants les conventions particulières qui jouent dans les interactions en France ou dans
d’autres pays francophones. Les professeurs enseignent donc aux élèves à pouvoir se
débrouiller une fois France, ce qui diffère beaucoup de l’enseignement des langues dans
l’Hexagone où les jeunes apprennent à commenter des textes mais ne pratiquent quasiment
pas l’oral et ne connaissent pas les mots de tous les jours. Dans le cursus de français néozélandais, un thème est plus particulièrement consacré au tourisme et au voyage et à tout le
vocabulaire qui l’entoure.
Certains apprenants adultes se mettent également au français uniquement dans le but de
visiter la France. Parmi les élèves de l’Alliance Française, l’envie de voyager est très forte
puisque 35% des répondants à un sondage réalisé en 2005 déclarèrent apprendre le français
pour des « raisons touristiques ». En ce qui concerne les plus jeunes, dans les questionnaires
que nous avons distribués, le fait de voyager constituait de loin la raison la plus citée pour
laquelle les élèves apprenaient le français : ainsi pour chaque niveau, depuis le « Year 9 »
jusqu’à l’université, l’envie de voyager, non seulement en France, mais dans le monde entier,
constituait la raison principale pour laquelle apprendre la langue. Pour Erin, par exemple
élève de Year 12, le français lui permettra, selon ses dires, de voyager sans rencontrer trop de
barrières linguistiques, et d’ainsi profiter pleinement de son séjour en Europe, en réussissant à
saisir la culture du pays. Certaines élèves, telles que Simone, ont spécifié vouloir voyager en
France mais d’autres, telles que Dommy, souhaitent voyager dans le monde entier. Pour cette
dernière le français est un atout, car il est parlé dans de nombreux pays à travers le monde
entier. Le guide du Ministère de l’Éducation néo-zélandais développe lui aussi ce type
d’argument : il précise que le français est parlé dans le monde entier par plus de deux cents
millions de personnes et constitue la langue officielle de plus de vingt pays. Ce document
39
traduction de l’auteur Ministry of Education, French in the New Zealand curriculum, Wellington, Learning
media limited, 2002, p.9
77
compare même la superficie des États-unis à l’Afrique Francophone précisant que cette
dernière est bien plus vaste.
L’Angleterre reste cependant une des destinations principales pour les Néo-Zélandais avides
de résider quelque temps hors de leurs pays et acquérir une expérience à l’étranger, une
« oversea experience » (voir annexe 10). La Grande-Bretagne reste une destination privilégiée
parce qu’elle renvoie aux racines de nombreux néo-zélandais et qu’on y parle une langue
moins éloignée par le vocabulaire et l’accent que l’anglais des États-unis et parce qu’il s’agit
d’une porte ouverte vers l’Europe. En effet, les Néo-Zélandais faisant une « OE » qui se
rendent en Angleterre pour y travailler pendant un minimum d’un an en profitent pour
voyager en Europe et notamment en France, facilement accessible depuis la Grande-Bretagne.
Les Kiwis, de tous ages aiment voyager en France, pays qui les attire beaucoup, et cela pour
plusieurs raisons. Tout d’abord parce que la France n’est pas l’Angleterre avec qui les NéoZélandais entretiennent toujours des relations ambiguës, sur le même mode, bien que de
manière beaucoup moins passionnelle, que celles que les Québécois entretiennent avec les
Français. De plus, l’Angleterre bénéficie pour les Néo-Zélandais d’une image grise et triste,
au contraire de la France qui serait davantage un pays de gens heureux : une des élèves de
Saint Mary’s a notifié que la France était, pour elle, un pays plus beau que l’Angleterre. Il faut
dire que les touristes Kiwis visitant la France se rendent en grande majorité en Provence,
même si le Nord reçoit un certain nombre de touristes néo-zélandais venus visiter les
cimetières et les champs de bataille sur lesquels sont tombés leurs ancêtres; les paysages
aperçus sont donc loin d’être similaires à ceux qui peuvent être observés en Angleterre. La
France serait également beaucoup moins chère, une fois les taux de changes comparés entre le
dollar néo-zélandais, la livre et l’euro.
De nombreux Néo-Zélandais ont donc déjà voyagé en France et en sont revenus avec des
opinions positives sur le pays et ses habitants. Notamment parce que la France reste associée à
un pays de vacances : en effet, les Néo-Zélandais effectuent leur « oversea experience »
principalement en Angleterre ou tout du moins dans des pays anglophones tels que
l’Australie, et non pas dans des pays francophones. La Grande-Bretagne reste associée, pour
beaucoup de Néo-Zélandais monolingues, au travail, alors que la France serait synonyme
d’escapades et renverrait au bonheur de voyager.
78
L’ensemble des Néo-Zélandais que nous avons interrogés a déclaré avoir été bien accueilli en
France, ce qui peut surprendre en comparaison des opinions que les touristes peuvent
fréquemment avancer quant à l’accueil des Français et notamment des Parisiens.
Pour Ian, élève à l’Alliance Française de Wellington, l’accueil des Français était mauvais par
le passé mais depuis une dizaine d’années, la situation a nettement évolué du fait de la prise
de conscience par les Français de l’importance du tourisme pour leur économie. D’après lui,
les Français maîtriseraient également mieux la langue anglaise que par le passé, ce qui
faciliterait le séjour des Anglophones en France. Plusieurs des personnes interrogées ont
également fait mention d’un changement d’attitude favorable des Français lorsque ceux-ci
apprenaient qu’ils avaient à faire, non à un Américain ou un Anglais, mais à un NéoZélandais, touriste qui ne bénéficie pas en France, tout du moins pour l’instant, d’image
particulière, tandis que les ressortissants des États-unis ou de Grande-Bretagne peuvent faire
l’objet de préjugés négatifs. De la Nouvelle-Zélande, les Français ne connaissent pas grandchose en dehors de l’équipe de rugby nationale ou des lieux de tournage du Seigneur des
Anneaux. Selon Gordon Asbride, diplomate néo-zélandais dans les années 1980, la NouvelleZélande aurait eu pendant longtemps en France une « bumpkin image »40, c’est-à-dire l’image
d’un pays rustre, non civilisé, ce qui démontre la méconnaissance des Français au sujet de ce
pays.
Les Néo-Zélandais bénéficient également dans l’Hexagone d’un certain caractère de rareté et
donc d’exotisme : en effet, peu nombreux sont les touristes Kiwis relativement au nombre de
touristes Japonais ou Américains. Les Néo-Zélandais ne figurent même pas explicitement
dans le document crée par le Ministère du Tourisme français recensant les principaux
touristes étrangers. Ces derniers sont comptabilisés dans la catégorie « autres pays » de la
classification Pacifique et Asie du Sud Est qui comprenait en 2005 1 946 personnes
comptabilisées sur un ensemble de 76 000 touristes. Il est en revanche difficile de savoir
combien de Néo-Zélandais entraient dans cette catégorie, même si nous pouvons faire
l’hypothèse qu’ils étaient fort peu étant donné le grand nombre de nationalités que recouvre
celle-ci.
De plus, les Néo-Zélandais sont appréciés des Français qu’ils rencontrent car ils parlent
généralement quelques mots de français – qui est la langue la plus enseignée au niveau
secondaire comme nous l’avons démontré - ou du moins semblent apprendre les mots utiles à
la communication dans les restaurants. Comme nous avons pu le voir, les Néo-Zélandais sont
40
Hoadley Stephen, ibid, p 158
79
encore aujourd’hui peu sûrs de leur propre culture, et par conséquent, quand ils sont en
voyage, ils ne tentent pas d’imposer leur langue ou leur culture, mais au contraire
entreprennent des efforts pour s’exprimer dans la langue du pays et aller vers les autres. Or,
selon Catherine Hannagan, les Français sont « plus gentils quand on leur parle dans leur
langue»41. Cette opinion est largement partagée par les Néo-Zélandais, dont la journaliste du
New Zealand Herald, Paula Olivier, qui dans son article « Capital Times », déclare que « les
locaux étaient pour la plupart amicaux et heureux de voir qu’au moins nous essayions de
parler la langue dont ils sont si fiers ».42
Le plaisir que les Néo-Zélandais retirent de leur voyage en France, et l’image positive du pays
qu’ils en retiennent, peut les pousser à vouloir apprendre le français. En conséquence, les
instances gouvernementales françaises n’ont pas à développer à outrance d’actions pour
pousser les Néo-Zélandais à apprendre la langue. L’ambassade a cependant souhaité mettre en
place certains programmes, dont celui des « assistants », afin de faciliter la venue de NéoZélandais en France
Chaque année l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande reçoit une cinquantaine de
dossiers de Néo-Zélandais souhaitant devenir assistants d’anglais, c’est-à-dire une personne
aidant les élèves français dans leur apprentissage de la langue. Entre vingt et vingt-cinq
postes d’assistants d’anglais dans les écoles primaires et secondaires en France métropolitaine
sont offerts en moyenne chaque année à de jeunes Kiwis, ainsi que quatre postes en Polynésie
française et trois postes en Nouvelle-Calédonie. Autrefois la sélection des candidats se faisait
sur une très bonne maîtrise du français et seuls les meilleurs élèves des départements de
français pouvaient avoir comme « récompense » de leurs résultats scolaires le droit de partir.
Aujourd’hui cela n’est plus le cas : les sélectionnés peuvent n’avoir que quelques bases en
français. Les candidats doivent cependant avoir entre vingt-trois et trente ans, avoir totalisé un
minimum de deux ou trois ans d’expérience professionnelle et posséder une réelle envie
d’aller habiter en France pendant quelques mois.
Ces assistants, lorsqu’ils reviennent en Nouvelle-Zélande, ont généralement, d’après Hortense
Dournel, assistante de l’attaché culturelle de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande, une
bonne image de la France, car ils ont le temps de la découvrir, ne travaillant pas plus de douze
heures par semaines.
41
42
Catherine Hannagan, conseillère pour le français de l’ILANZ, entretien du 14 mai 2007
Traduction de l’auteur, Olivier Paula, « Capital times », 17 juillet 2007
80
Les professeurs qui ont bénéficié des stages de langue offerts à Tahiti ou en France reviennent
eux aussi avec une image positive de l’Hexagone et de ses territoires, car lors de leurs séjours,
la France leur est vantée, ce qui fait dire à Jean-Marc Lecaudé que l’ambassade a « bien
joué » en facilitant ces échanges et en donnant ainsi envie aux jeunes Néo-Zélandais
d’apprendre le français. French in the New Zealand curriculum, évoque lui-même les
différentes bourses octroyées par l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande, qu’il qualifie
de généreuses. Parmi ces bourses et incitations se trouve le stage linguistique et culturel en
France qui est organisé chaque année pour les meilleurs étudiants en français de deuxième
année universitaire.
De telles incitations ne sont pourtant pas nécessaires pour donner envie à la majorité des NéoZélandais d’apprendre le français.
Les élèves que nous avons interrogées, perçoivent d’eux-mêmes les avantages d’étudier le
français, notamment pour leur carrière. Pour les Néo-Zélandais souhaitant faire carrière dans
la diplomatie, le français est indispensable et amène des élèves à l’étudier à l’université. Le
guide du Ministère de L’Éducation Nationale laisse entrevoir la nécessité, pour ce type
d’emploi, de parler français puisqu’il s’agit d’une des langues officielles ou de travail de
nombreuses instances internationales dont l’UNESCO qui promeut le trilinguisme ou encore
l’O.N.U. Mais plus généralement, le français est selon les auteurs du guide, un atout sur le
marché du travail, lorsqu’il est couplé avec un autre diplôme, que cela soit de droit, de
commerce, de science… : « young people who combine study of French language with study
of business, law, trade, science, engineering, technology, tourism or politics may find
excellent career opportunities »43. Nicole, étudiante à l’université a ainsi choisi de suivre un
double cursus en français et en commerce afin de pouvoir bénéficier des avantages de ne plus
être monolingue dans le monde du travail.
Quelques-unes unes des élèves interrogées ont déclaré vouloir apprendre le français pour les
portes que cela ouvrait, et notamment pour l’utilité de parler plus qu’une langue; idée que
partage le Premier Ministre actuel Helen Clark. En effet, dans un discours officiel, elle
déplora le peu de compétences linguistiques du peuple néo-zélandais et souligna la nécessité
de connaître les langues étrangères pour les relations commerciales et diplomatiques. Comme
nous avons pu l’évoquer dans le chapitre précédent, la France et ses territoires sont des
partenaires commerciaux de la Nouvelle-Zélande; parler français constitue donc un avantage
43
French in the New Zealand curriculum , Minitry of Education, Wellington, Learning Media, 2003, p.9
81
pour les jeunes Néo-Zélandais souhaitant trouver un poste dans le commerce. Les adultes
perçoivent aussi cet intérêt puisque 20% des étudiants de l’Alliance Française souhaitent
apprendre la langue pour des raisons liées au travail. D’autant que la France est décrite par le
French in the New Zealand curriculum, comme une des plus importantes économies
mondiales et un importateur de produits néo-zélandais. Le guide souligne également la
signifiance des investissements français en Nouvelle-Zélande et la croissance du nombre de
firmes françaises s’y installant.
L’intérêt économique de la France pour la Nouvelle-Zélande remonte aux années 1990 : le
Sénat soulignait alors dans un rapport, la solvabilité et l’ouverture du marché néo-zélandais
pour les opérateurs économiques français, ce qui faisait d’Aotearoa une tête de pont rêvée
pour la présence économique française dans le Pacifique Sud. Dans un rapport d’information
de l’Assemblée Nationale, François-Michel Gonnot, démontrait que la Nouvelle-Zélande était
un marché fort intéressant pour le Vieux Continent car il s’agissait alors d’un des taux de
croissance parmi les plus élevés de l’OCDE.
Les compagnies françaises commencèrent à ouvrir des bureaux en Nouvelle-Zélande dans les
années 1980. Du début de cette décennie aux années 1990, le nombre d’entreprises françaises
tripla pour atteindre le nombre de quarante-huit. Parmi ces firmes, la plus prospère est AXA
qui est devenue actionnaire majoritaire de la deuxième compagnie d’assurance australienne,
National Mutual et qui constitue aujourd’hui un des principaux assureurs du pays. De grandes
Banques, telles que IndoSuez ou B.N.P-Paribas se sont également implantées à Aotearoa
« s’intégrant dans la vie du pays »
44
et devenant à part entière des acteurs économiques de
Nouvelle-Zélande. Néanmoins, les produits français ont été vendus en Nouvelle-Zélande dès
les premiers temps de la colonie britannique : Jouffroy d’Abbans, premier consul de France
reporta, dans sa lettre au Ministre des Affaires étrangères, avoir vu de nombreux produits
français en magasin, notamment des articles de mode et de l’alcool. Aujourd’hui encore, tout
ce qui vient de France se vend bien car les produits véhiculent pour les Néo-Zélandais une
réputation de chic et d’élégance : selon la consule honoraire de Christchurch, Martine
Marshall-Durieux : « Tout produit français est également assez recherché surtout a
Christchurch où les gens ont beaucoup voyagé et sont prêts a payer un peu plus pour avoir ce
"je ne sais quoi" français »45.
44
Dunmore John, « French influence on New Zealand life », in Dunmore John ( dir), New Zeland and the
French, Waikanae, Heritage press ltd, 1997, p.199
45
Martine Marshall-Durieux, Consule Honoraire de Christchurch, entretien du 29 mai 2007
82
Le français serait donc appris par certains non pas pour l’attrait de la langue ou sa beauté mais
son utilité professionnelle : leur attitude rejoindrait ainsi, celle des premiers colons telle que
décrite par Francine Tolron, c’est-à-dire celle de n’accepter que ce qui est dans son intérêt.
Jean Anderson a, pour sa part, pour opinion que le français reste aujourd’hui la langue la plus
étudiée par paresse de la part des étudiants. Les élèves qui souhaitent apprendre une langue
étrangère, quelle qu’elle soit, choisissent parfois le français car les autres langues offertes ne
les attirent pas, comme cela peut être le cas du chinois. La langue chinoise, malgré les efforts
du gouvernement n’a pas été sujet à un engouement de la part des jeunes néo-zélandais et cela
pour plusieurs facteurs. Tout d’abord, parce que de nombreux élèves abandonnent cette option
après une année de cours : le chinois est une langue qui est très difficile dès le début de son
enseignement; à un âge, où les élèves n’ont généralement pas tendance à s’accrocher
lorsqu’ils rencontrent des difficultés; le chinois semble par conséquent être une langue trop
ardue. Mais également parce que dans les classes de chinois, se trouvent de nombreux élèves
dont les parents nés en Asie parlent la langue. Il s’agit de jeunes dont l’apprentissage est
facilité du fait de la pratique de la langue à leur domicile et de l’aide apportée par la famille.
Or face à ces élèves de bon niveau, d’autres adolescents se trouvent facilement découragés.
Le français reste aujourd’hui la langue la plus étudiée parce que, dans de nombreux
établissements, notamment primaires, il s’agit de la seule langue offerte et cela par facilité. En
effet, comme nous avons pu le mentionner auparavant, les établissements ne doivent pas
obligatoirement avoir des professeurs dans les treize langues qui peuvent être offertes comme
option, or il se trouve que les écoles peuvent facilement trouver des professeurs de français. Il
existe en Nouvelle-Zélande un nombre élevé de professeurs ayant un bon niveau de français,
bien plus que d’enseignants maîtrisant le japonais ou l’espagnol, et qui peuvent enseigner
dans les écoles secondaires, mais davantage d’instituteurs qui, ayant suivis dans leur cursus
une option en français, peuvent mettre en place une initiation pour leurs élèves. En
conséquence les écoles secondaires, allant à la facilité, choisissent de proposer le français
comme option et les écoles primaires d’initier les enfants à la langue de Molière. Or un
certain nombre d’élèves choisissent de continuer le français au niveau « intermediate » ou
secondaire car ils en possèdent déjà quelques bases.
Bien que cette hypothèse soit crédible dans notre effort de compréhension du fort taux
d’apprenants de français, elle n’explique pas complètement le maintien de la prédominance du
français qui relève aussi d’autres facteurs. En effet, l’image positive dont bénéficient la
83
France et sa culture joue un rôle non négligeable dans la volonté des jeunes néo-zélandais
d’apprendre la langue.
b)
La présence linguistique française
renforcée et maintenue par des préjugés
positifs sur la France et les Français
« Bien que la Nouvelle-Zélande se trouve aussi loin de la France qu’on puisse l’imaginer, la
France a toujours tenu une place prépondérante dans l’imagination des Néo-Zélandais »46
notamment par un désir d’imiter ce qu’ils considèrent comme l’ « art de vivre » français. De
plus, comme nous allons le développer, les Français et la France bénéficient d’une image
positive ce qui pousse les Néo-Zélandais, intéressés à sa culture à en apprendre la langue.
Les Néo-Zélandais sont aujourd’hui fiers d’une culture qu’ils apparentent à la culture
française et qui s’est développée il a quelques décennies : la culture des cafés et des
restaurants. Les Français passeraient en effet, selon une image commune répandue en
Nouvelle-Zélande, beaucoup de temps au café à regarder les gens qui passent.
Cette culture, conséquence de la transformation qui toucha la société néo-zélandaise dans les
années 1960-1970, amène les Kiwis à se sentir proches des Français.
Jusqu’au milieu des années 1900, les Néo-zélandais vivaient pour leur très grande majorité
dans un environnement rural où les bars fermaient à dix-huit heures et où les restaurants
étaient quasi inexistants. Très rares étaient les établissement avec licence, c’est-à-dire
autorisés à servir de l’alcool avec les repas, et les quelques exceptions étaient très strictement
contrôlées. Dans les années 60, l’attrait pour le mode de vie citadin se développa dans les
campagnes : des cafés virent le jour et se mirent à servir des repas et boissons chaudes,
faisant du café leur spécialité ce qui était alors assez surprenant puisque le café était jusque là
une boisson fort peu consommée, fabriquée autrefois à partir d’essence de crème. Dans le
même temps, les bars décidèrent de modifier leur ambiance, en instaurant des soirées de
concerts hebdomadaires, de nouveaux éclairages et un nouveau décor qui, selon eux,
rappelaient les cafés parisiens.
46
Piquet Martine, Tolron Francine, La Nouvelle-Zélande et la France, Les Cahiers du Ciclas, Paris 2006, p 1
84
Ces cinq dernières années, le nombre de cafés à Wellington connut un accroissement
spectaculaire, que les Néo-Zélandais imputent à un désir d’un mode de vie plus européen : les
Kiwis de tous âges se retrouvent dans ces établissements afin de pouvoir discuter entre amis.
Les jeunes Néo-Zélandais qui ont vécu et travaillé en Europe pendant quelques années,
jouèrent un rôle dans ce désir, puisque lors de leur séjour ils découvrirent un style de vie
alternatif et voulurent en rentrant pouvoir revivre les mêmes expériences en NouvelleZélande.
Il est à noter que cette culture est assez particulière pour un pays anglo-saxon : aux États-unis
par exemple, ce genre de lieux de rencontre n’existe quasiment pas. Lorsque des amis
souhaitent se rencontrer dans un café, ils se rendent dans des chaînes telles que Starbucks,
mais ce type de rencontres restent rares : les Américains se rendent en majorité dans ces
chaînes pour commander des cafés à emporter ou étudier en toute tranquillité. Ils se retrouvent
davantage en soirée dans des bars. En Nouvelle-Zélande, les jeunes se retrouvent également
dans des bars, mais les cafés ne désemplissent pas pendant la journée, surtout les week-ends.
Contrairement aux Américains, les Kiwis abhorrent les chaînes.
De plus, les Néo-Zélandais ont développé depuis quelques années un goût pour la bonne
chère et ne rechignent pas à dépenser des sommes importantes dans des aliments ou du vin
lors des nombreux salons culinaires qui se déroulent chaque année ; à Wellington, en avril, se
tient par exemple, le « food festival » qui attire des milliers de visiteurs malgré son prix
d’entrée de plus de vingt dollars néo-zélandais.
Cet attrait est né également dans les années 1970, où le nombre de restaurants sous licence a
augmenté de manière spectaculaire et où est né le concept de « Bring your own » : c’est-à-dire
la possibilité, dans les restaurant qui le pratiquent, de pouvoir amener sa propre bouteille de
vin. Selon John Dunmore, la France à la culture culinaire délicate, joua un rôle dans cette
période de transformation. En effet, des plats aux inspirations françaises, synonymes de bonne
cuisine, furent servis dans les restaurants. L’accent était mis sur la cuisine française et il était
alors de bon ton d’imprimer ses menus en français, même lorsque les plats ne laissaient
supposer aucune influence étrangère. Des chefs Français vinrent également s’installer en
Nouvelle-Zélande et proposer leurs services. Les restaurants se servirent de l’image colportée
par la cuisine française afin d’attirer des clients pour qui la culture française est synonyme de
« raffinement ». Sur le même modèle, de nombreux magasins dont le propriétaire est néozélandais portent des noms français bien que souvent ceux-ci soient mal orthographiés!
85
Les publicitaires ont eux aussi surfé sur cette attirance pour la France et les produits français ;
« french flavour is recognized as a selling gimmick »47 c’est-à-dire ce qui a le parfum de la
France est reconnu comme un argument de vente ; en ajoutant l’article « le » (en français
dans le texte) aux noms de produits.
Le fromage est aujourd’hui pour de nombreux néo-zélandais assimilé à la France. Dès les
années 1950, le bleu fit son apparition dans les magasins, diversifiant l’étalage de fromages
qui ne comportait jusque là que du cheddar. Aujourd’hui, lorsque les Néo-Zélandais parlent
de fromage, ils ne font pas uniquement référence à ce dernier mais également au camembert
et au brie qui sont maintenant produits localement et qui peuvent donc être bon marché. Ce
rapport au fromage est encore une fois relativement différent de ce qui peut se rencontrer dans
d’autres pays anglo-saxons. Au Canada, par exemple, le fromage ne se rencontre très
généralement que sous la forme de tranches jaunes de cheddar dans les hamburgers. Il y a, en
Amérique du Nord, un certain dégoût à l’égard des fromages forts et les fromages français,
importés et donc fort coûteux, ne rencontrent d’adeptes qu’au sein des couches aisées de la
population. Au contraire, en Nouvelle-Zélande, les fromages sont produits localement selon
des techniques de fabrication françaises et donc à la portée de toutes les bourses, l’idée étant
de fabriquer des fromages « français raffinés faits de lait néo-zélandais, grâce à une
technologie française et un contrôle de qualité »48.
Tout comme le fromage, la consommation de yaourt, produit jusqu’alors très peu développé
et consommé uniquement par les adeptes des produits naturels, gagna en popularité dans les
années 1980. L’importation de yaourts français n’étant pas possible pour des raisons
sanitaires, Yoplait installa une usine à Palmerston North, et s’imposa sur le marché néozélandais.
Les Néo-Zélandais n’associaient autrefois la France qu’à la mode, au parfum et au luxe.
Aujourd’hui cette image s’est enrichie, comme nous avons pu le noter auparavant, puisque la
France est perçue comme un pays de gastronomie et de bons vins dont les produits, tels que la
baguette ou les fromages peuvent être trouvés en Nouvelle-Zélande.
Dans les années 1980, en butte à la concurrence de la production viticole locale, des
entrepreneurs eurent l’idée d’importer du vin français haut de gamme. Ces importations se
vendirent sans grande difficulté et c’est ainsi qu’aujourd’hui les marchands de spiritueux
47
48
Dunmore John ibid, p 200
Dunmore John, Opus Cite, p 202
86
proposent un grand choix de vin français qui trouve toujours acquéreur, tout comme les
bouteilles de champagne dont la consommation devint synonyme de raffinement, de richesse
et de savoir-vivre.
Ce fut ensuite au tour de boulangeries françaises d’ouvrirent leurs portes, d’abord dans les
grandes villes du pays puis dans les petites villes. La boulangerie française « Croix du Sud »
devint une véritable institution et fut copiée par d’autres établissements, notamment pour sa
baguette, nommée dès lors le « french stick ». Les Néo-Zélandais ne consommaient, avant
l’introduction de la baguette aujourd’hui disponible dans n’importe quel supermarché, que du
pain de forme carrée servant à faire des toasts.
Les importations de produits français ont ainsi eu, selon John Dunmore, une influence sur le
mode de vie néo-zélandais : les Kiwis ont aujourd’hui un goût pour la cuisine et les produits
français ainsi que pour ce qu’ils considèrent comme le mode de vie propre à l’Hexagone. Lors
des différentes interviews que nous avons pu réaliser, une idée revenait très fréquemment :
celle de la France étant un pays dont les habitants savent profiter des « bonnes choses », et
prennent le temps de vivre ; cette image est par ailleurs celle que les Néo-Zélandais souhaitent
retrouver au travers de la fréquentation des cafés, et des restaurants. Ainsi selon Wendy, élève
à l’Alliance Française, « la France a la meilleure cuisine et les meilleurs vins du monde, et les
Français savent en prendre plaisir sans tomber dans l’excès ». Elle fait allusion à mots
couverts, en ce qui concerne le vin, à la culture de l’alcool chez les jeunes néo-zélandais qui
est stigmatisée par les adeptes du « bon vin » : les jeunes Kiwis boivent en effet sans aucune
modération, tirant fierté à être malade le plus rapidement possible. Il y a cependant chez
certains Néo-Zélandais un amour modéré du vin, qui s’est matérialisé dans la mise en place de
circuits de visite de vignobles sur l’île du Sud.
Les Néo-Zélandais semblent associer la France dans un premier temps à sa gastronomie et
plus spécifiquement à ses fromages et à son vin, mais presque toujours de manière positive ;
voir annexe 12, le dessin illustrant le questionnaire de Erin, très révélateur de la manière dont
les Néo-Zélandais voient la France. Les Néo-Zélandais souhaitent ainsi se rendre en France
pour pouvoir en apprécier les vins : la journaliste Paula Olivier, dans son article sur la France,
a avoué être ravie de pouvoir y aller pour passer du bon temps avec une amie et quelques
« good french vin ».
Dans l’imaginaire néo-zélandais, le peuple français serait tout à la fois fier de sa cuisine,
aurait un intérêt prononcé pour l’art culinaire, aimerait la bonne nourriture, saurait dans son
87
ensemble bien cuisiner, mais aussi si nous en croyons une élève de Saint Mary’s, mangerait
beaucoup sans jamais grossir! La gastronomie recoupe un attrait, chez les Néo-Zélandais,
pour ce qu’ils appellent « l’art de vivre français » qui consisterait en un amour des bonnes
choses dans un territoire aux paysages saisissants et aux nombreux marchés. Les NéoZélandais ne s’entendent pas tous par contre sur les paysages typiques à la France puisque
nous en avons eu des descriptions fort différentes. La France serait soit un pays de jardin ou
de campagne, ou bien encore un pays vert avec beaucoup d’arbres, soit encore une contrée
propre ou un territoire avec des « magnifiques parcs où les arbres perdraient leurs feuilles
comme en automne »49 ou encore bordé de très belles plages. Alicia, élève de Saint Mary’s,
opère une claire séparation entre le Nord de la France, où il ferait froid et où il n’y aurait que
des villes nouvelles, et le Sud où il ferait très chaud et où il y aurait nombre de vignes, de
tournesols et de brins de lavande. Mary, opère elle aussi une distinction puisqu’elle voit la
France, semblable à la Nouvelle-Zélande, c’est-à-dire avec des paysages enneigés dans
certaines régions et dans d’autres des températures plus élevées.
De nos jours, si nous en croyons les questionnaires où la France était très majoritairement
perçue comme « un beau pays » et les interviews réalisées, la France bénéficierait en
Nouvelle-Zélande d’une bonne image. Pour Martine Marshall-Durieux, Consule honoraire de
France à Christchurch : « dans tout le sud de l'île du sud on admire les Français, leur culture et
la langue. Il existe une forte appréciation de tout ce qui est français ici et cela rend la vie très
agréable pour nous Français ».50
Dans les questionnaires distribués aux élèves, les critiques ou les jugements négatifs sur la
France sont peu nombreux, même si à diverses reprises des étudiantes ont décrit les Français
comme « peu chaleureux », « un peu snobs », « inamicaux » ou tout du moins selon Krista «
pas aussi accueillants que les Kiwis et pas aussi ouverts ». Les Français, surtout les Parisiens
n’aideraient pas les étrangers, mais seraient selon Ellen beaucoup plus sympathiques dès lors
qu’on leur parlerait en français. Ces commentaires sont tous la conséquence d’un séjour en
France, ce qui nous permet d’avancer l’idée selon laquelle les préjugés sur la France sont très
majoritairement positifs mais qu’une expérience en France, peut mettre, pour partie, ceux-ci à
bas. Hazel, étudiante de français à Victoria University, avait avant d’aller en France « une vue
idéaliste de l’hexagone, en pensant que c’était un pays de perfection, d’élégance et de savoirvivre », mais reconnaît après son séjour d’un an dans le pays « qu’il y a pas mal de problèmes
49
50
Questionnaire rempli par Rosie, élève de Saint Mary’s College en Year 12
Martine Marshall-Durieux, entretien du 29 mai 2007
88
et de tensions sociales »51. Les Néo-Zélandais semblent être surpris lorsqu’ils découvrent que
la France n’est pas le pays de rêve qu’ils s’étaient imaginés et qu’il peut y avoir des
problèmes de société. Certains, tels que Colin, élève à l’Alliance Française de Wellington,
sont même choqués lorsque les Français critiquent leur pays car il a lui-même une très bonne
image de la France.
Les images que les Kiwis peuvent avoir de la France sont parfois fausses : ainsi pour Katy, il
s’agit d’un pays religieux La méconnaissance de la réalité du pays est encore forte : certains
interviewés qui se sont rendus en France nous ont avoué avoir été surpris par certains aspects
de la société française, tels que la présence de l’État Providence.
Malgré cette ignorance qui laisse plus de place aux préjugés, les réponses à la question,
« quelle image avez-vous de la France »? , ont été pour la très grande majorité positives. Cela
peut s’expliquer selon Scott, un francophone que nous avons interrogé, par le fait que les
Néo-Zélandais sont en général assez positifs. En effet, La France semble avoir une bien
meilleure image qu’aux États-unis et au Québec, peut-être parce qu’il n’y a pas encore
beaucoup d’interactions sur le territoire néo-zélandais entre les Français et les Kiwis. Les
images que les Néo-Zélandais ont de la France sont donc celles que l’Hexagone souhaite
donner d’elle-même, notamment au travers de ses oeuvres et de ses produits. Plusieurs élèves
semblent faire de ce qu’elles voient dans les films français, la réalité: ainsi Gabriella, élève de
Year 9, décrit-elle le peuple français comme « beau » ainsi qu’elle a pu l’observer dans « des
films ou sur des photos ». D’autres ont dit se représenter la France comme dans le dessin
animé américain Madeline, rempli de stéréotypes sur l’Hexagone et les Français et qui met en
scène une orpheline parisienne,
Or, les œuvres représentant la France que nous pouvons voir en Nouvelle-Zélande, mettent en
scène, d’après le professeur Jean-Marc Lecaudé, des personnages stéréotypés mais toujours
sympathiques tels que ceux de la série britannique fort populaire Allo Allo. Il n’y a en
revanche aucune série à la télévision néo-zélandaise dont les personnages sont Allemands ou
Japonais. Ce facteur joue en faveur de l’apprentissage du français car les Néo-Zélandais se
font une image positive du pays et souhaitent donc en apprendre la langue pour s’y rendre par
la suite.
51
Questionnaire rempli par Hazel, étudiante en français à l’université Victoria
89
Les Néo-Zélandais qui apprennent le français souhaitent bien plus qu’apprendre une langue :
ils veulent également être initiés à la culture française. Selon Maryvonne Goldberg, les NéoZélandais apprendraient le français par passion pour la culture. Ainsi, les membres de
l’Alliance Française ne semblent pas, d’après le sondage de 2005, uniquement vouloir se
contenter de cours de langues, mais désirent assister à des événements culturels, des
conférences et pouvoir emprunter des documents. Ils considèrent l’Alliance non seulement
comme un institut de langue, mais aussi comme un centre culturel. En ce qui concerne les
élèves encore scolarisés, il semble que l’attrait pour l’histoire, la culture ou tout simplement le
pays dans son ensemble, soit une motivation assez largement partagée pour apprendre la
langue, tout particulièrement auprès des étudiants universitaires. Pour Krysta, il s’agit d’un
intérêt pour l’art culinaire, pour d’autres il s’agit d’une attirance pour la musique, ou encore la
danse.
Le cursus scolaire répond à cet intérêt des étudiants puisque pour chaque niveau d’études, il
propose un thème « socioculturel » que les enseignants peuvent développer s’ils le
souhaitent : ces thèmes recouvrent aussi bien la vie de famille en France, que les sports et
loisirs, les monuments historiques, les coutumes et traditions, la géographie, le voyage et le
tourisme en France, les communautés francophones en dehors de la France métropolitaine….
Ce programme a été pensé selon les motivations propres aux élèves qui apprennent le
français, c’est-à-dire un intérêt pour la culture, le tourisme, sans oublier le sport.
L’attrait pour la culture française est renforcé par un préjugé largement répandu dans le
monde sur la France, c’est-à-dire celui de l’Hexagone étant un pays des arts et d’artistes, mais
aussi, un pays « musée » où les monuments seraient fort nombreux. Or, les personnes que
nous avons interrogées et qui se déclarèrent intéressées par les arts, que cela soit par la
musique, la mode, ou la peinture, nous vantèrent la création française, prolifique à leurs yeux.
Ce préjugé est positif dans la bouche des Néo-Zélandais que nous avons interviewés, tout
comme celui de l’hexagone étant un territoire de traditions. En effet, aux yeux de certains
Kiwis, la France a ce que la Nouvelle-Zélande ne possède pas, c’est-à-dire un passé et des
traditions séculaires. Ils sont ainsi attirés, tout comme peuvent l’être les ressortissants d’autres
pays neufs, par les témoins d’un passé ancien, c’est-à-dire le folklore régional mais aussi les
monuments. Dans les questionnaires distribués aux élèves, l’image de la France a été très
souvent associée aux monuments et notamment à la Tour Eiffel. Par contre, il est à noter que
les jeunes filles ne connaissaient pas toujours l’orthographe de « Eiffel » puisque nous en
90
avons rencontré de multiples pour ce nom propre : « Aifle » ou « Eifel » pour n’en citer que
deux.
Les élèves qui apprennent le français semblent s’intéresser à la France, et non aux autres pays
francophones dont ils ne se font aucune image, sauf dans certains cas de la NouvelleCalédonie où ils sont allés en vacances et qui est décrite comme une île tropicale. Une des
répondantes à notre questionnaire voit les autres pays francophones semblables à la
Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire comme similaires à la France, mais plus propices aux
vacances. Les quelques élèves de Saint Mary’s qui ont répondu à la question « quelle image
avez-vous des autres pays francophones? », soulignaient généralement la similarité, selon
elles, de ces pays avec la France : ainsi pour Katy, l’ensemble de ceux-ci sont des territoires
où la culture est très présente; Jessica souligne pour sa part qu’ils possèdent tous une
« amazing culture compared to New-Zealand »52, tandis que pour Johanna, il s’agit de lieux
ayant le même type de rapport à la nourriture que la France.
Peu de Néo-Zélandais semblent se faire une image des habitants de ces pays, alors qu’un
grand nombre de préjugés court sur les Français au sein de la société néo-zélandaise
L’image des Français semble avoir été positive dès le début de la présence française en
Nouvelle-Zélande, aussi bien chez les Maoris que chez les Pakehas. Jouffroy d’Abbans,
déclarait à la fin du dix-neuvième siècle : « avoir rencontré les plus agréables dispositions,
aussi bien dans les cercles officiels qu’économiques, autant envers la France qu’envers notre
commerce en général »53. Les Français sont toujours autant appréciés par les Maoris qui, pour
certains, auraient préféré voir la Nouvelle-Zélande colonisée par la France plutôt que par
l’Angleterre. D’autant qu’il y aurait, selon Maryvonne Goldberg, membre de l’association
France-Nouvelle-Zélande, une certaine similitude entre les Français et les Maoris dans leur
amour de la nature et pour la terre, sentiments inexistants chez les colons anglais.
Il semble que les Français soient perçus comme différents des Néo-Zélandais puisque sur les
élèves interrogés, une seule nous a décrit les Français comme « normaux » et semblables aux
Kiwis. Mais cette différence est quasiment toujours décrite comme positive puisque les
Français sont perçus comme un peuple cultivé amateur des arts. Ils sont également vus
52
Questionnaire de Jessica, élève de Saint Mary’s College en Year 11
D’Abbans Jouffroy, in «first report of the French Consul to Minister of Foreign Affairs in France», 60 years
ago,ibid, p.25
53
91
comme des amoureux du ballon ovale, ce qui joue sur leur image positive à Aotearoa. En
effet, le rugby est en Nouvelle-Zélande le sport national qui déchaîne les passions et auquel
les Kiwis vouent un véritable culte. Or ces derniers ont pour impression que le rugby est
également le sport le plus pratiqué en France, et supposent que tout Français en est un
spécialiste. Les ressortissants de l’hexagone bénéficient donc d’une image positive auprès des
passionnés de rugby, image que n’ont pas d’autres Européens.
Sur un autre plan que le plan culturel, le rugby est un donc lien fort entre les deux pays. Les
rencontres France-All Blacks se tinrent dès le début du vingtième siècle, en 1906. Mais ce
n’est que depuis 1947 que des confrontations sportives régulières sont organisées. Or depuis,
les matches opposant la France à la Nouvelle-Zélande sont fort suivis par les Kiwis qui
portent à l’équipe française une affection toute particulière : Peter Bush, célèbre photographe
des All Blacks a avoué souhaiter voir la France remporter la coupe du monde de rugby en
2007.
Les Néo-Zélandais, amoureux de la France tels que Scott semblent également apprécier le fait
que les Français « aiment bien discuter politique ou philosophie », de manière passionnée, en
défendant leur point de vue, sans pour autant en devenir agressif envers les autres. Les Kiwis
au contraire ne parleraient pas de politique, mais plutôt de sport ou de la vie de tous les jours.
Ils auraient une relation toute particulière au débat, qui semble très éloignée de ce qui peut
exister en France : ils ne souhaiteraient que rarement exprimer leur opinion, de peur de
froisser leur interlocuteur et ne différencieraient pas ce que Scott appelle « le côté
intellectuel » du débat de son « côté personnel ». Il est rare qu’un Néo-Zélandais défende avec
fougue une idée ou exprime tout simplement une opinion qui n’est pas partagée par tous, car
il n’aime pas le conflit, mais aussi parce qu’il s’imagine que cela pourrait réellement blesser
d’autres personnes dans leurs convictions. Les Français, au contraire, aimeraient parler de
leurs idées sans penser que cela pourrait brouiller des amitiés. Selon Catherine Hannagan,
cette particularité du peuple kiwi découlerait du système scolaire puisque les Néo-Zélandais
n’y apprendraient pas à argumenter.
Cette fuite devant les conflits s’est illustrée d’une façon surprenante sur les questionnaires
complétés par les étudiants lors de nos recherches: lorsque les très rares personnes à qui nous
avions demandé de répondre honnêtement à la question de savoir quelle image ils avaient des
Français, inscrivirent un commentaire négatif, ils le firent toujours suivre d’un petit
« smiley », un commentaire tel que « no offence » ou bien rajoutèrent un point
d’interrogation, sous-entendant que ce n’était qu’une impression non justifiée.
92
Les préjugés positifs courant sur les Français peuvent paraître surprenants pour un pays
anglo-saxon où les Français bénéficient généralement d’une mauvaise image. Cette
particularité s’explique notamment par la rareté des ressortissants Français à Aotearoa : un
certain nombre de Néo-Zélandais n’a jamais rencontré de Français et se fie donc aux images
colportées par les œuvres françaises. De plus, il semble que les Français installés en NouvelleZélande soient généralement appréciés de la population. Cette dernière les décrit en effet
comme généralement assez ouverts et faisant facilement des efforts d’intégration. Selon les
dires de Sophie, ancienne étudiante de français, ils seraient heureux d’être en NouvelleZélande, tout simplement parce que s’installer à l’autre bout du monde requiert un certain
nombre d’efforts et qu’il faut donc y être poussé par une volonté forte. En effet, il n’est pas
forcement simple, une fois installé en Nouvelle-Zélande, de revenir en France, ce qui amène
les ressortissants de l’Hexagone à vouloir s’intégrer. Les Français en Nouvelle-Zélande sont
dans leur ensemble assez satisfaits de leur situation; contrairement aux Français immigrés au
Québec par exemple et projettent donc une image positive en mettant en avant leur amour du
pays. Or selon Sophie, les Kiwis aiment les compliments et ceux qui leur en font, et donc
apprécient souvent les Français installés en Nouvelle-Zélande.
La présence culturelle française n’a jamais été une conséquence de l’installation massive de
Français; il n’y a aujourd’hui par exemple que 400 Français à Christchurch.
La présence française a été marquante bien que peu nombreuse. En effet, tout au long du dixneuvième et bien au delà de la première moitié du vingtième siècle, les immigrants anglosaxons, majoritairement des Anglais et des Écossais, maintinrent leur supériorité numérique.
En 1858, cent soixante treize personnes d’origine française résidaient en Nouvelle-Zélande.
En 1890, un millier de Français étaient y installés, mais étaient alors dispersés sur l’ensemble
du territoire et ne se connaissaient pas, si bien qu’ils finirent par se fondre dans la population.
Ce fut la raison pour laquelle la volonté, au début du vingtième siècle, du vice-consulat de
France d’unir les Français de Nouvelle-Zélande et de les pousser à s’intéresser au commerce
des produits français, fut inefficace.
En 1901, six cents neuf Français vinrent s’installer en Nouvelle-Zélande : en 1951, trois cents
vingt-quatre ; en 1976, six cents cinquante six et en 2001, mille six cent quatorze.54 En 2006,
sur un ensemble de 4 027 947 habitants en Nouvelle-Zélande, 525 étaient nés en Polynésie
54
www.teara.govt.nz, 27 juin 2007
93
Française, 2 475 en France auxquels il faut rajouter les trois personnes ayant déclaré être nées
en Guadeloupe, et les 216 en Nouvelle-Calédonie. En comparaison, 202 401 Néo-Zélandais
étaient nés en Angleterre, 10 761 en Allemagne, 17 751 aux États-Unis, et beaucoup plus
surprenant, 2 283 en Roumanie et 3 012 en Suisse55. Il y aurait donc plus de Suisses que de
Français métropolitains en Nouvelle-Zélande et quasiment autant de Roumains; communautés
qui ne font pas entendre leur voix et dont la culture n’est pas mise en avant en NouvelleZélande comme cela est le cas pour la culture française.
Cette faiblesse de l’immigration française trouve son explication dans les barrières mises à
l’immigration pendant toute une partie du vingtième siècle car la Nouvelle-Zélande était un
pays de fermiers et n’avait alors pas besoin de main d’œuvre ouvrière, comme ce fut le cas en
Australie. Or les Français n’étaient pas perçus comme un peuple de fermiers et comme trop
latins.
En 2001, le sondage réalisé par le département des statistiques de Nouvelle-Zélande indiquait
3 516 personnes se reconnaissant comme faisant parti du groupe ethnique « français ». Tandis
qu’en 2006, 3 819 se reconnaissaient comme tel, 33 comme faisant partie du groupe ethnique
« néo-calédonien », 12 comme « Kanaks », 942 comme « Européens », et 1 329 comme
« Tahitiens ». Il y aurait donc davantage de personnes se reconnaissant comme françaises que
de résidents néo-zélandais nés en France. La question qui nous vient à l’esprit est de savoir
qui peuvent être ces personnes : des francophones du Canada, de Belgique ou de Suisse? Cela
parait peut crédible étant donné la possibilité pour les répondants de se dire Suisse, Canadien
ou Belge. Serait-ce des enfants de familles françaises, nés à l’étranger? Nous pouvons
également émettre l’hypothèse qu’il s’agit de Néo-Zélandais, qui d’origine familiale
française, se reconnaissent toujours comme tel.
Quoiqu’il en soit, à l’heure actuelle, les Néo-Zélandais n’ont pas l’occasion fréquente de
rencontrer des Français dans leur propre pays : Colin, élève de l’Alliance Française tenait à
nous le faire remarquer en nous spécifiant « qu’on connaît très peu de Français en NouvelleZélande »56. Le nombre de Français en Nouvelle-Zélande varie néanmoins selon les
structures qui le recueille, puisqu’il y aurait trois mille français enregistrés à l’ambassade. Ce
chiffre comprend les Français possédant un visa d’étudiant ou un visa vacances-travail, ce qui
55
56
“Birthplace for the census usually resident population count”, www.stats.govt.nz , 10 juin 2007
Questionnaire rempli par Colin, élève à l’Alliance Française de Wellington
94
explique qu’ils ne soient pas comptabilisés dans les statistiques néo-zélandaises qui ne
prennent en compte que les citoyens permanents.
L’inscription sur les listes de l’ambassade n’est pas obligatoire, ce qui laisse penser au service
consulaire de l’ambassade de France que deux à trois fois plus de Français vivraient en
Nouvelle-Zélande. En effet, l’immatriculation ne présente pas réellement d’avantages; à part
pouvoir voter lors des élections présidentielles tous les cinq ans. Les Français ne se rendent
donc fréquemment à l’ambassade que lorsqu’ils sont obligés de faire cette démarche, c’est-àdire lorsqu’ils souhaitent se marier, faire enregistrer une naissance ou veulent renouveler leur
passeport.
La différence de chiffres entre les autorités françaises et néo-zélandaises peut également
s’expliquer par le fait que les Français qui s’immatriculent à l’ambassade ne se reconnaissent
pas forcément comme tel, inscrivant à la douane néo-zélandaise, dans la case nationalité : «
Auvergnat », « Breton », « Basque », « Corse », « Alsacien »…
Les touristes Français ne sont pas non plus très nombreux en Nouvelle-Zélande : en 2004,
seuls 15 65457 visiteurs français s’étaient rendus à Aotearoa, soit un pour cent de l’ensemble
des touristes constitués majoritairement d’Anglais, d’Irlandais, de Néerlandais, d’Allemands,
d’Asiatiques, d’Américains et bien entendu d’Australiens. Ils étaient plus nombreux en 2006,
puisque selon les chiffres avancés par les services consulaires de l’ambassade de France à
Wellington, cinquante mille français, majoritairement de Polynésie ou Nouvelle-Calédonie
ont visité la Nouvelle-Zélande cette année là. Les Français de métropole restent cependant
très peu nombreux à faire le voyage « jusqu’au bout du monde » même si les visas vacancestravail crées en 1999 modifièrent la donne : chaque année mille Français entre 18 et 30 ans
obtiennent un visa d’un an leur permettant de travailler en Nouvelle-Zélande. Un visa
équivalent peut également être obtenu par des Néo-Zélandais pour venir travailler en France,
ceux-ci constituant les premiers non-européens à pouvoir bénéficier de ce visa. Les autorités
françaises ont facilité la venue en Europe de jeunes Néo-Zélandais par ce visa mais également
par le système de l’assistanat qui n’est accessible qu’en France pour les Néo-Zélandais.
Pour autant, malgré cet accroissement du nombre de Français sur le territoire, les stéréotypes
véhiculés sont en Nouvelle-Zélande parfois contraires à ceux qui sont répandus dans les
autres pays anglo-saxons : ainsi s’oppose l’image de râleur des Français à celle de gens
57
Hoadley Stephen, ibid, p 156
95
heureux véhiculé à Aotearoa. Mais ils rejoignent aussi parfois ceux qui courent dans le monde
entier, comme celui du romantisme supposé des hommes Français ou encore de la
sophistication de ceux-ci. Les Français, dans leur ensemble, seraient empreints de bonnes
manières, ce qui fait dire à quelques Néo-Zélandais, qu’ils seraient snobs. Néanmoins, cette
opinion ne nous a pas fréquemment été citée, contrairement à ce qui avait pu être fait par des
Québécois lors de notre précédente recherche. Le snobisme supposé des Français est un
préjugé très répandu en Amérique du Nord, mais il semble l’être beaucoup moins en
Nouvelle-Zélande.
Les Français seraient également des personnes très « stylées » : à Aotearoa, comme dans un
grand nombre de pays, la France est perçue comme le pays de la mode et des grands créateurs.
Une de nos interviewée, imaginait même les Français tous habillés par de grands couturiers!
Les préjugés positifs qui entourent les Français et la France ont des conséquences favorables
sur l’apprentissage du français aux antipodes. En effet, la présence linguistique française en
Nouvelle-Zélande trouve principalement ses origines dans l’image dont bénéficie la France et
dans l’histoire d’Aoteaora. Les autorités françaises n’ont donc qu’à soutenir un phénomène
existant, tout comme elles le font pour l’ensemble des domaines artistiques sur le territoire
néo-zélandais.
Certes, la présence officielle française au dix-neuvième siècle a été cruciale pour faire naître
un intérêt pour la France, et a marqué profondément le pays. Mais aujourd’hui, la présence
culturelle française est plus qu’une conséquence directe d’une volonté diplomatique : elle
relève d’une coordination de différents facteurs dont la plupart sont internes à la NouvelleZélande, à son histoire et à sa culture.
96
Conclusion
L’image positive des Français et de la France, couplée à une tradition et des intérêts
professionnels, pousse les Néo-Zélandais à choisir le français comme langue étrangère,
malgré la distance séparant Aotearoa de l’Hexagone et à permettre à la présence linguistique
française de se maintenir en Nouvelle-Zélande. La présence culturelle française est forte à
Aotearoa grâce à la langue, mais également aux liens historiques qui lient les Néo-Zélandais à
la France et aux coopérations artistiques qui permettent aux œuvres françaises, notamment par
l’action de l’ambassade, d’avoir une grande visibilité et, malgré le fait qu’elles aient déjà un
public acquis, d’attirer davantage de Kiwis. Cette présence reste néanmoins limitée par le fait
que la Nouvelle-Zélande est un petit pays, et que le nombre de Néo-Zélandais parlant français
reste faible.
Les autorités françaises mettent un point d’honneur à renforcer la coopération culturelle avec
la Nouvelle-Zélande car elles y trouvent d’importants intérêts stratégiques. Elles souhaitent en
effet maintenir une présence dans le Pacifique Sud, ce à quoi elles parviennent en partie grâce
à la culture.
En 2001, le professeur Myreille Pawliez n’était pas optimiste quant à l’avenir du français en
Nouvelle-Zélande, soulignant les difficultés financières des universités en général et des
départements de langue en particulier. La situation a néanmoins évolué depuis que les
autorités néo-zélandaises, et plus particulièrement le Premier Ministre Helen Clark, ont
reconnu l’importance de l’enseignement des langues étrangères : le Ministère de l’Éducation
Nationale a décidé de faire de « l’internationalisation de la culture », une de ses priorités en
offrant la possibilité à chaque élève de Year 1 à Year 6 de pouvoir apprendre une langue
étrangère et en inscrivant les langues au curriculum des écoles primaires. Auparavant, chaque
établissement initiait ses élèves uniquement s’il le souhaitait. Le français risque de continuer à
être la langue la plus enseignée à ce niveau car il y a un grand nombre d’instituteurs qui
peuvent en faire l’enseignement et en conséquence, les écoles risquent de proposer très
majoritairement l’apprentissage de cette langue à ses élèves.
Pour toutes ces raisons, Catherine Hannagan a de bonnes raisons de penser que
l’enseignement du français ira en s’intensifiant, même si le gouvernement néo-zélandais
concentre aujourd’hui ses efforts sur l’incitation à l’apprentissage de l’espagnol et des langues
97
asiatiques; un rapport sur l’Asie a été publié en 2007, dont l’idée principale était de tout faire
pour développer les rapports entre ce continent et la Nouvelle-Zélande.
L’optimisme est également de mise au niveau scientifique puisque selon Sarah Dennis,
ambassadrice de Nouvelle-Zélande en France, il est prévoir une intensification des échanges
dans le domaine de la recherche scientifique. Quant à la coopération artistique, si nous en
croyons Louise Wetterström, assistante culturelle à l’ambassade de France en NouvelleZélande, elle n’aura dans les années à venir plus besoin du soutien de l’ambassade.
La présence culturelle française en Nouvelle-Zélande ne semble donc pas prête à disparaître et
pourrait même s’intensifier. Mais la Nouvelle-Zélande reste, quant à elle, une terre inconnue
pour de nombreux Français : l’attrait ne semble pour l’instant être qu’à sens unique. À quand
une présence culturelle néo-zélandaise en France?
98
Quatrième de couverture
La France et la Nouvelle-Zélande sont deux pays situés aux antipodes l’un de l’autre. Or,
malgré cette distance, la France a marqué la Nouvelle-Zélande, également appelée Aotearoa,
de son empreinte. En effet, bien que cela soit méconnu des Français, la Nouvelle-Zélande
intéressa fortement la Monarchie de Juillet au point qu’elle voulut y bâtir une nouvelle
colonie. Elle échoua dans son entreprise mais conserva une présence religieuse grâce à ses
missionnaires et marqua la culture du pays.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il se développa à Aotearoa une présence culturelle
française; linguistique et artistique. En effet, le français représente aujourd’hui la langue
étrangère la plus enseignée dans les écoles néo-zélandaises tandis que les Français participent
bien plus à la vie culturelle de la Nouvelle-Zélande que des artistes d’autres nationalités.
Ce phénomène trouve ses origines dans une corrélation de facteurs, aussi bien historiques, que
géographiques, diplomatiques ou sociétales.
GLOSSAIRE
Aotearoa : mot maori signifiant « le pays du long nuage blanc »- autre nom donné à la
Nouvelle-Zélande
Pakehas : mot maori signifiant « personne blanche » ou « étranger »-descendants des colons
britanniques du dix-neuvième et vingtième siècle
Mémoire partagée : nom donné au projet franco-néo-zélandais dont l’objectif est de
commémorer la participation commune aux Première et Deuxième Guerres mondiales
Le Quesnoy : ville du Nord de la France, libérée par les Néo-Zélandais pendant la Première
Guerre mondiale
99
TABLE DES MATIÈRES
I. La présence culturelle française en Nouvelle-Zélande : une réalité
linguistique et artistique renforcée par la politique de l’ambassade de
France en Nouvelle-Zélande................................................................11
A La présence linguistique française en Nouvelle-Zélande : un point fort de la France
aux antipodes....................................................................................................................12
1).......Le français : langue étrangère la plus enseignée scolairement en Nouvelle-Zélande
.....................................................................................................................................13
a) Les niveaux primaire et secondaire....................................................................13
b) Une relativisation au niveau universitaire ..........................................................19
2). Les Alliances Françaises : des centres culturels et linguistiques à succès implantés sur
l’ensemble du territoire .................................................................................................21
a) Les Alliances Françaises : des structures hétérogènes, présentes dans toute la
Nouvelle-Zélande .....................................................................................................22
b) Les autres centres culturels étrangers: une présence faible .................................26
B La coopération culturelle et scientifique franco-néo-zélandaise en Nouvelle-Zélande :
une présence riche et variée rendue possible par un intérêt néo-zélandais..........................31
1).. La coopération culturelle officielle franco-néo-zélandaise : un domaine très actif basé
principalement sur le cinéma et la littérature ................................................................32
a) Le cinéma, élément central de la présence culturelle française en NouvelleZélande.....................................................................................................................33
b) La littérature : véritable domaine de coopération bilatérale, à l’inverse des autres
secteurs artistiques ....................................................................................................36
2)..La coopération scientifique et universitaire franco-néo-zélandaise : des collaborations
en plein développement renforcées par différents fonds de soutien................................41
a) Une volonté officielle franco-néo-zélandaise de renforcer les collaborations
scientifiques et universitaires ....................................................................................42
b) Les fonds de soutien à la coopération franco-néo-zélandaise .............................44
II. Des liens historiques à un éloignement géographique et un attrait
pour la France : facteurs explicatifs de la présence culturelle française
en Nouvelle-Zélande............................................................................47
A La jeunesse de l’histoire européenne néo-zélandaise : un facteur explicatif fort de
l’empreinte de la France sur Aotearoa...........................................................................48
1).. La Nouvelle-Zélande du dix-neuvième siècle ou l’intérêt précoce de la France à créer
une nouvelle colonie .....................................................................................................49
a) La première présence française significative en Nouvelle-Zélande : navigateurs et
baleiniers ..................................................................................................................49
b) Akaroa ou la tentative de colonisation de la Nouvelle-Zélande par la Monarchie
de Juillet ...................................................................................................................52
2).....Le poids de la France dans l’histoire de la Nouvelle-Zélande colonisée : présence et
« mémoire partagée »....................................................................................................55
a) Tentative de présence économique et maintien de la présence culturelle française
à travers la religion et les langues..............................................................................55
b) La mémoire partagée : une commémoration des sacrifices néo-zélandais sur le sol
français qui tendent à faire oublier les tensions récentes ............................................60
100
B Une présence culturelle française justifiée par un intérêt diplomatique de la France dans
le Pacifique Sud et maintenue par un attrait des Néo-Zélandais pour la France et les
Français............................................................................................................................68
1).... Géographie et diplomatie : les fondements de la présence officielle française dans le
Pacifique Sud................................................................................................................68
a) La Nouvelle-Zélande : pays voisin de la France.................................................68
b) La Nouvelle-Zélande ou comment la France cherche à maintenir le « fait
français » dans le Pacifique en faisant du pays son allié ............................................72
2…..Du maintien de la présence linguistique française en Nouvelle-Zélande ................75
a) Le français : langue dont l’apprentissage présente de nombreux avantages aux
yeux des Néo-Zélandais ............................................................................................75
b) La présence linguistique française renforcée et maintenue par des préjugés
positifs sur la France et les Français ..........................................................................84
Conclusion ............................................................................................ 97
ANNEXES..............................................................................................................................107
101
BIBLIOGRAPHIE
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Site de cartes géographiques: www.cultureconnect.com
Site de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande : www.ambafrance-nz.org
Site des Français en Nouvelle-Zélande : www.frogs-in-nz.com
Site du British Council à Wellington: www.britishcouncil.org/nz.htm
Site du département de statistiques néo-zélandais : www.stats.govt.nz
Site du Fonds d’amitié France-Nouvelle-Zélande : www.nzfranceff.com
Site du Goethe Institut : www.goethe.de
Site sur la culture de Nouvelle-Zélande : www.teara.govt.nz
Questionnaires
Élèves de français de Year 9 à Year 13 de Saint Mary’s College, Wellington
Élèves du département de français de l’université Victoria
Bénévoles et élèves de l’Alliance Française de Wellington
SOURCES ORALES
Entretien du 11 mai 2007 : François Lucas, attaché de coopération pour le français, service de
coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande
Entretien du 11 mai 2007 : Louise Wetterstrom, assistante culturelle, service de coopération et
d’action culturelle de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande
Entretien du 14 mai 2007 : Catherine Hannagan, conseillère pour le français de ILANZ,
International Languages Aotearoa New Zealand
Entretien du 16 mai 2007 : Hélène Carpentier, président de la maison Quercitaine en France
Entretien du 19 mai 2007 : Myreille Pawliez, professeur de français de l’université Victoria et
auteur du dictionnaire « néo-zélandais-français »
105
Entretien du 19 mai 2007: Jean Anderson, chef du département de français de l’université
Victoria
Entretien du 21 mai 2007 : Marleen Von Roosmalen, assistante scientifique, service de
coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande
Entretien du 21 mai 2007 : Hortense Dournel, adjointe de la conseillère culturelle, service de
coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande
Entretien du 26 mai 2007 : Jean-Marc Lecaudé, professeur du département de français de
l’université Victoria
Entretien du 27 mai 2007 : Maryvonne Goldberg, membre de l’association France-NouvelleZélande, et anciennement active au fonds d’amitié France-Nouvelle-Zélande
Entretien du 29 mai 2007 : Martine Marshall-Durieux, Consule honoraire de Christchurch
Entretien du 5 juillet 2007 : Sébastien Michel, membre de Frogs in New-Zealand, association
des Français en Nouvelle-Zélande
Entretien du 5 juillet 2007 : Marie Do Dalou, membre de l’association FRENZ, active dans la
mise en place de classes bilingues
OBSERVATIONS PARTICIPANTES
Bureaux de l’Alliance Française et de l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande
Événements :
•
•
•
•
fête de la musique,
conférence de Plantu
conférences de l’Alliance Française
pièce de théâtre joué en français par les étudiants de Victoria University
106
ANNEXES
107
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : RECENSEMENT 2006 LANGUES PARLEES PAR LES RESIDENTS NEOZELANDAIS ………………………………………………………………………………p I
ANNEXE 2 : ACCORD CULTUREL ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA
REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA NOUVELLE-ZELANDE,
SIGNE A PARIS LE 18 NOVEMBRE 1977………………………………………………p VI
ANNEXE 3 : AFFICHE DU FRENCH FILM FESTIVAL…………………………………p X
ANNEXE 4 : PROGRAMME DU TELECOM FILM FESTIVAL : LA VIE EN ROSE (LA
MÔME), FILM FRANÇAIS MIS EN VEDETTE PAR LE FESTIVAL…………………p XII
ANNEXE 5 : FLYER DU "FESTIVAL OF FESTIVALS", LE FESTIVAL DE
DOCUMENTAIRES FRANÇAIS………………………………………………………..p XIV
ANNEXE 6 : LISTE DES PROJETS ET COLLABORATIONS ENTRE LES
LABORATOIRES DE RECHERCHE NEO-ZELANDAIS ET NEO-CALEDONIENS.p XVI
ANNEXE 7 : LISTE DES ACCORDS INTERUNIVERSITAIRES FRANCE/NOUVELLEZELANDE……………………………………………………………………………….p XIX
ANNEXE 8 : EXTRAIT DU PROJET D'UNE "COLONIE PENALE A LA NOUVELLEZELANDE", S.E LE MINISTRE DE LA MARINE ET DES COLONIES, JULES DE
BLOSSEVILLE 31 DECEMBRE 1828………………………………………………..p XXII
ANNEXE 9 : TENDANCE DES NEO-ZELANDAIS A VOYAGER…………………p XXV
ANNEXE 10 : VOYAGE DES NEO-ZELANDAIS A L'ETRANGER PAR MOIS ET PAR
DESTINATION POUR L'ANNEE 2000……………………………………………...p XXVII
ANNEXE 11 : QUESTIONNAIRE DISTRIBUE AUX ELEVES DU DEPARTEMENT DE
FRANÇAIS DE L'UNIVERSITE VICTORIA…………………………………………p XXIX
ANNEXE 12 : QUESTIONNAIRE REMPLI PAR ERIN, ELEVE DE YEAR 12 DE SAINT
MARY'S COLLEGE, WELLINGTON…………………………………………...........p XXXI
108
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