Université Maçonnique
Jérôme ROUSSE-LACORDAIRE : “Église catholique et Franc-maçonnerie" Page 3
Université Maçonnique du 28/3/2015
Celui qui s’inscrit dans une association qui complote contre l’Église sera puni
d’une juste peine ; celui qui promeut ou dirige une telle association sera puni
d’interdit.
La rédaction de ce canon fut difficile. En effet, le projet initial ne comportait pas
d’équivalent du canon 2335 du Code de 1917. Ce ne fut que le 7 mai 1977 que la sous-
commission du droit pénal introduisit ce qui allait finalement devenir le canon 1374 du nou-
veau Code. La rédaction en fut contestée, certains membres de la Commission demandant
le maintien de la formulation de l’ancien canon 2335, à l’exception toutefois de la mention du
complot contre les pouvoirs civils légitimes. Mais à cela il fut répondu, d’une part, que
l’excommunication était une peine trop sévère, sauf en cas d’hérésie, et, d’autre part, que la
maçonnerie n’était pas la même dans tous les pays, par conséquent, il valait mieux « que
des lois particulières apportent une législation pénale accommodée aux cas particuliers ».
Mais, en novembre 1983, donc, la Congrégation pour la doctrine de la foi, expliqua que,
selon l’intention du législateur et bien qu’il ne soit plus fait de mention explicite de la franc-
maçonnerie dans le nouveau Code de droit canonique, « le jugement négatif de l’Église sur
les associations maçonniques demeure inchangé, parce que leurs principes ont toujours été
considérés comme inconciliables avec la doctrine de l’Église et l’inscription à celles-ci de-
meure toujours prohibée par l’Église », sous peine de péché grave et de ne plus pouvoir
communier. Il était enfin rappelé que les autorités ecclésiastiques locales n’avaient pas la
faculté de prononcer un jugement public sur la nature des associations maçonniques qui irait
dans un sens contraire.
La Déclaration ne précisait pas quels étaient ces principes communs à l’ensemble de la
franc-maçonnerie et incompatibles avec ceux de l’Église catholique, cependant sa source
directe – une déclaration de la Conférence des évêques d’Allemagne du 12 mai 1980, Erklä-
rung der Deutschen Bischofskonferenz zur Frage der Mitgliedschaft von Katholiken in der
Freimaurerei – et son commentaire, paru en première page de l’Osservatore romano en fé-
vrier 1985, permettent de les cerner : 1. la franc-maçonnerie serait fondamentalement relati-
viste, ce qui est particulièrement délétère pour la foi du catholique qui y appartiendrait ; 2. sa
pratique initiatique et symbolique, outre qu’elle renforcerait la prégnance de son relativisme,
serait concurrente de la pratique sacramentelle catholique. De plus, l’Osservatore romano,
renvoyant surtout à deux textes de Léon XIII (Humanum genus et Custodi di quella), ajoutait
notamment que « le climat de secret comporte […] le risque pour les inscrits de devenir les
instruments d’une stratégie qu’ils ignorent ».
À s’en tenir à ce commentaire, il demeurerait donc interdit à tout catholique, sous peine
de péché grave, d’appartenir à quelque organisation maçonnique que ce fût.
Cependant, certains, parmi lesquels des évêques, en jugèrent différemment, considé-
rant la Déclaration de 1983 davantage dans l’esprit du législateur du nouveau Code de droit
canonique et estimant alors qu’il revenait au confesseur ou à l’évêque du lieu d’apprécier, au
cas par cas, l’existence effective ou non d’un péché grave et donc la possibilité pour tel ou
tel catholique d’appartenir à tel ou tel groupe maçonnique. D’autres encore, comme le père
Riquet, entendaient distinguer entre une franc-maçonnerie qui suivrait le modèle anglais,
croyant et apolitique, et une franc-maçonnerie qui suivrait le modèle latin et libéral, agnosti-
que, voire athée, et politique.
Quoi qu’il en soit, tous s’accordaient, selon des modalités et des degrés différents, pour
reconnaître que l’Église catholique devait dialoguer avec la franc-maçonnerie, voire, sur des
questions de société cruciales, collaborer ponctuellement avec elle.
Une affaire récente encore (elle date de 2013), l’« affaire Vesin », du nom d’un prêtre
du diocèse d’Annecy dont l’appartenance au Grand Orient de France avait été dénoncée par
lettres anonymes à son évêque, a montré que la question était encore sensible. À la de-
mande de Rome, ce prêtre, ayant refusé de quitter la franc-maçonnerie, a été suspendu de
ses fonctions de curé et interdit (il ne pouvait ni recevoir ni célébrer les sacrements) au motif
de son « appartenance active » à la franc-maçonnerie. Cette formule qui se retrouve dans le