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Au fil des créations
Happy Days est créée à New York en 1961 par Alan Schneider1, et codirigée l’année suivante par 
George Devine et Tony Richardson au Court Theater à Londres. En 1963, Roger Blin y met en 
scène Madeleine Renaud à l’Odéon, sous le titre Oh les beaux jours – que Beckett emprunte au 
Colloque sentimental de Verlaine. Dès lors le texte ne cesse d’être joué, traversant les décennies 
et les frontières. En 1996, Michael Colgan décide de graver dans la pellicule dix-neuf œuvres de 
l’auteur irlandais, et c’est à la réalisatrice canadienne Patricia Rozema qu’il confie la réalisation 
de ce texte avec Rosaleen Linehan (Winnie), dans Beckett on Film. Les innombrables indications 
scéniques du dramaturge qui jugulent tout élan d’adaptation personnelle ne découragent pas de 
grands metteurs en scène tels que Peter Brook, Deborah Warner ou Bob Wilson, ni même le pari 
d’une distribution « cross-gender » en 2012 de Blandine Savetier avec Yann Collette dans le rôle 
de Winnie. [...] 
Un couple dissymétrique
Chez Beckett, le propos se définit par son absence plus que par sa présence, à la façon d’un trou 
noir existant par la masse vertigineuse du vide qu’il provoque. Dire de Oh les beaux jours que 
le texte parle du couple peut sembler paradoxal, et pourtant c’est bien un couple que l’auteur 
met en scène : un couple dissymétrique, à une voix, celle de Winnie essentiellement, qui révèle 
l’isolement, la solitude, le besoin d’exister aux yeux de l’autre, et la difficulté « d’être deux » face 
au vieillissement et à la mort. Ce flot de souvenirs heureux et de reproches de Winnie à Willie, de 
questions rhétoriques sur le sens des choses adressées à un partenaire dont on ignore s’il les 
entend ou les comprend est un monologue sans fin.
Cette voix inextinguible retrace ainsi l’épopée des stratégies de survie dans cette solitude du 
couple, tels que les rituels pour donner sens à cette relation qui s’étiole au fil des heures. On 
pourrait croire qu’on assiste à la descente aux enfers d’un Adam et d’une Ève de fin du monde, ou 
comme dit Winnie, des « derniers humains à s’être fourvoyés ici ». Cependant, ce texte, rythmé de 
peurs, de joies, de déceptions, de rires et de reconnaissance célèbre l’instinct de vie dans toute la 
force irrationnelle de son optimisme et la splendeur de sa fragilité : « malgré tout, jusqu’ici. »
Une partition tyrannique
Ses didascalies tyranniques rythment les corps, les paroles et les gestes à la façon d’un chef 
d’orchestre ou d’un chorégraphe. On peut se demander alors où est la place pour l’individualité du 
metteur en scène dans la partition. Et pourtant, même si ces derniers doivent renoncer à apposer 
explicitement leur griffe personnelle, chaque production témoigne d’une rencontre particulière 
entre un metteur ou une metteuse en scène et une actrice, puis entre le texte, l’actrice, et son jeu : 
Brook et Parry, Warner et Shaw, Wilson et Asti. On aurait tort de prendre Beckett pour un intellec-
tuel. Sa matière, atrocement humaine, passée au crible d’un maniaque du contrôle, n’a cependant 
rien de conceptuel.
Évoquant la difficulté du processus de répétition, Fiona Shaw répondait au New York Times 
qu’après avoir « mélangé du béton » pendant plusieurs semaines, la solution vint du réalisateur, 
Roger Michel, assistant de Beckett sur la production au Royal Court en 1979. Il leur rappela com-
bien la partition de Oh les beaux jours était autobiographique : « C’est en fait une œuvre remplie 
d’émotion. Une fois que nous avons compris cela tout a changé. » 
1 Alan Schneider réalisera trois ans plus tard le scénario de Beckett Film, avec Buster Keaton.
Oh les beaux jours
Note de travail par Stéphanie Janin, dramaturge