INTRODUCTION
* Il s’agit pour l’infirmière d’adopter une conduite qui lui permette de
prendre conscience de son rôle social et professionnel dans un environnement
elle ne fut traditionnellement qu’une simple exécutante, voir même une
« servante ». La conscience sous-tend l’acquisition d’un savoir faire mais aussi
d’un faire savoir technique juridiquement formalisés impliquant une
revalorisation des responsabilités qui doivent être lisibles, admises et
parfaitement assumées. Il appartient donc aux pouvoirs publics de mettre en
place un ensemble juridique qui permette à la profession d’être identifiée comme
un acteur à part entière afin, de manière autonome, qu’elle s’émancipe et
s’adapte aux besoins sanitaires, mais aussi aux revendications sociales et
professionnelles aux côtés des partenaires de santé.
Notre étude va nous conduire à examiner les différentes facettes de l’évolution
de la profession infirmière aux côtés du corps médical et de l’administration
hospitalière. Cette évolution sera le fruit d’une multiplicité de causes et se
traduira par une double émancipation, d’abord technique, et ensuite sociale au
sein des instances consultatives et décisionnelles de l’hôpital public. Parmi la
multitude de causes génératrices de l’évolution professionnelle, nous ne
retiendrons que les quatre principales qui sont d’ordre politique, technique,
sociale et économique.
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Mais avant de revenir sur ces aspects, il est essentiel de définir la profession
infirmière, afin de mettre en évidence la profondeur de l’évolution que le groupe
a été amené à connaître depuis la fin du XIXème siècle, et en particulier depuis
le début du XXème siècle. Le droit positif concernant la profession définit
l’activité à l’article L 476 du Code de santé public comme suit : « Est
considérée, comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier, toute
personne qui, en fonction des diplômes qui l’y habilitent, donne habituellement
des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou bien en application
du rôle propre qui lui est dévolu. En outre, l’infirmière ou l’infirmier participe à
différentes actions, notamment en matière de prévention, d’éducation de la santé
et de formation ou d’encadrement ». Soulignons que, comme toute profession
réglementée, la profession infirmière est protégée puisque l’article L 474 dispose
que « nul ne peut exercer la profession d’infirmier ou d’infirmière s’il n’est muni
d’un diplôme, d’un certificat ou autre titre mentionné utile mentionné à l’article
L 474.1 », au risque de se voir poursuivi pénalement du chef d’exercice illégal de
profession infirmière conformément à l’article L 483.1 du même code.
La première cause qui permit à la profession de connaître une évolution notable
est politique, et se cristallise autour d’un événement historique majeur : la
Révolution française.
Avant de mesurer les modifications de l’activité soignante consécutives aux
bouleversements politiques nés de la Révolution, il est intéressant de nous
pencher sommairement sur l’activité infirmière sous l’Ancien Régime.
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L’hôpital est jusqu’à la fin du XIXème siècle une institution caritative qui relève
de l’ordre ecclésiastique. Le principal motif de cette situation tient au fait que la
vie humaine relève de l’ordre du sacré que l’homme de foi est tenu de
sauvegarder pour l’amour de Dieu. Par conséquent, soulager les souffrances est
une exigence pour la foi chrétienne, et pour son Eglise qui prend en charge, avec
l’aide des congrégations de religieuses, la détresse humaine. Force est de
constater que l’ancêtre de notre hôpital n’est en rien inspiré par la science mais
relève plus prosaïquement de la motivation spirituelle. De surcroît, le corps
médical ne fréquente que très rarement le milieu hospitalier dans lequel les
conditions sanitaires sont des plus difficiles et dont la population est composée
essentiellement d’indigents. Enfin, les rares laïques, formées par des institutions
religieuses (ex : St Vincent de Paul), ont pour seule mission d’assister les soeurs
soignantes.
La Révolution française marque le début d’un courant de laïcisation qui touchera
notamment les établissements de santé, qui jusqu’alors étaient sous la
responsabilité de l’ordre clérical. Cependant, il faut observer que, si le décret du
18 août 1792 déclare éteintes toute les corporations religieuses, même celles
vouées uniquement au service des hôpitaux, le retrait des soeurs soignantes ne se
fera que très progressivement. En effet, si la convention va remplacer beaucoup
de religieuses par « des citoyennes connues pour leur attachement à la
Révolution », et vendre les biens des hôpitaux, comme biens nationaux avec la
loi du 19 mars 1793, nombreuses seront les religieuses maintenues grâce à la
bienveillance des municipalités qui ne voulurent pas se séparer d’un personnel
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dévoué, expérimenté et quasi-gratuit. Néanmoins, à coté de ce phénomène, le
nombre de soignantes laïques progresse grâce à l’apparition d’écoles municipales
éparses.
Ce mouvement de laïcisation sera accompagné à la fin du XIXème par une loi
sur l’assistance médicale gratuite en 18931 dont le contenu marque le début de la
politique de santé publique, dans la mesure il pèsera sur l’Etat un devoir
d’assistance et de secours sanitaire auprès de la population. Par conséquent,
l’Etat sera tenu de s’assurer de la qualité de l’offre de soin en mettant en place
une politique d’évaluation du niveau d’instruction des soignantes afin de
répondre aux exigences techniques qui se font de plus en plus pressantes, mais
aussi d’assurer l’adéquation entre la demande et l’offre de soins et donc, pour se
faire, d’adapter l’hôpital afin d’accroître l’efficacité sanitaire.
L’activité soignante va progressivement et profondément évoluer grâce à un
élément déterminant : le progrès technique. Le début du XIXème siècle est
marqué par l’apparition des découvertes pasteuriennes (asepsie et antisepsie) qui
vont permettre à l’activité de soins et à l’organisation hospitalière de connaître
un changement radical. A partir de cette époque, le niveau de qualification
deviendra un impératif auquel devra répondre le personnel soignant.
Il est intéressant de souligner les propos du Dr Jules RENAULT qui écrivait
concernant les actes relevant de la compétence infirmière avant qu’elle ne prenne
une nouvelle orientation plus technique : « Aujourd’hui l’infirmière sait, comme
ses aînées, retourner, nettoyer, dorloter un malade, mais il paraîtrait à tout le
1 Loi du 15 juillet 1893 ; J.O. 18 juillet, p 3682 et s.
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monde invraisemblable de ne pas lui confier en toute tranquillité la notation du
pouls et de la température, la recherche de l’albumine, la pose des ventouses
toniques ou calmantes, de changer avec une asepsie rigoureuse les pansements
les plus délicats, de faire aseptiquement le cathérisme vésical, et pour les enfants
l’antisepsie délicate du nez, de la gorge et des yeux, les enveloppements de
poitrine... »2.
Malgré cette analyse, c’est pour répondre aux exigences du progrès technique
qu’aux côtés des cours municipaux apparaîtront de nouvelles écoles infirmières
soit privées ou émanantes de la Croix Rouge. Cependant, les professionnels du
soin, de part ses filières de formation et l’absence d’un diplôme unique, restent
encore très hétérogènes. Cette caractéristique représente un handicap certain en
ce qui concerne l’organisation de la profession vers plus de cohérence et
d’efficacité. Il faudra attendre le décret du 27 juin 19223, sous l’impulsion de L.
CHAPTAL, pour que soit crée le titre d’infirmière diplômée d’Etat.
L’introduction du diplôme étant accompagnée d’un Conseil de perfectionnement
des écoles d’infirmières chargé de mettre au point le programme des études,
d’organiser les examens et de fixer les conditions de recrutement. Bien que ce
décret ne soit pas assorti d’une obligation contraignante à l’embauche pour les
établissements hospitaliers, elle constitue une des principales pierres fondatrices
d’une profession en voie de se structurer.
A partir de cette époque, la fonction infirmière n’aura de cesse de se préciser,
puisque la création en 1933 de la fonction d’assistante sociale, qui jusqu’alors
2 RENAULT J. Dr ; Allocution du Dr Jules RENAULT ; Assemblée Générale Statutaire du 5 mai 1929 de
l’ANIDEF ; in Infirmière Française, 1929, p 221-222
3 Décret du 27 juin 1922 ; J.O. 1er juillet, p 6880 et s.
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