222 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 6 - novembre-décembre 2008
Chimioprophylaxie du paludisme pour les séjours
de longue durée en zone d’endémie
MISE AU POINT
test immunochromatographique) et de rechercher
d’autres causes si les symptômes persistent.
Chez l’enfant, sauf en cas de force majeure, l’autotrai-
tement ne doit pas être conseillé aux parents comme
attitude systématique préalablement à un séjour.
L’autotraitement est actuellement recommandé
comme stratégie de remplacement de la chimiopro-
phylaxie par les autorités sanitaires suisses et alle-
mandes pour les séjours en zone de faible risque d’Asie
du Sud-Est et d’Amérique centrale et australe.
Autodiagnostic
Il existe sur le marché des trousses de diagnostics rapide
par immunochromatographie. Très maniables et peu
encombrants, ces tests ont des performances suffisam-
ment élevées en termes de sensibilité (> 90 %) et de
spécificité (> 95 %) [29] pour être utilisés maintenant
dans de nombreux dispensaires de zones d’endémie et
en complément au frottis et à la goutte épaisse dans
les laboratoires équipés. Néanmoins, leur utilisation par
des novices est loin d’être satisfaisante. La plupart du
temps, l’utilisateur isolé est en situation de stress dû à la
fièvre, aux céphalées, aux frissons, et ces circonstances
ne favorisent pas la réalisation de gestes techniques
précis ni une interprétation correcte. Par ailleurs, les
composés du test risquent de s’altérer s’ils sont conservés
dans de mauvaises conditions. Ces raisons ont conduit
à ne pas recommander leur pratique en autodiagnostic
(34). Néanmoins, il ne faut pas les rejeter totalement,
surtout dans les situations d’isolement de longue durée.
Les arguments en faveur de leur utilisation sont la stabi-
lité du lieu de résidence qui permet la conservation des
trousses au froid ; la possibilité de faire réaliser le test
par l’entourage familial ou professionnel du malade ;
et surtout la formation initiale précédant le départ, qui
peut être réalisée dans le cadre du service médical de
l’entreprise. Ces tests sont disponibles dans la plupart
des pays européens et au Canada.
Quelle stratégie
de chimioprophylaxie pour
un séjour de longue durée ?
Les attitudes de prévention sont extrêmement
diverses selon les pays. La Suisse, l’Allemagne et
la Grande-Bretagne ont adopté le principe de ne
plus préconiser de chimioprophylaxie systématique
dans les zones de faible risque, considérant que le
risque d’effets indésirables des médicaments est
plus élevé que le risque de paludisme (29). Des
auteurs de plusieurs pays européens regroupés
Tableau III. Posologie des traitements de réserve du paludisme simple chez l’adulte.
Nom
commercial DCI Dosage
en mg/cp
Posologie adulte en comprimés
pour un poids de 60kg Grossesse
Malarone®Atovaquone-proguanil 250-100 4/j x 3 j Oui 2e ligne
Lariam®Méfloquine 250 3 à H0 + 2 à H8 + 1 à H161 Oui 2e ligne
Riamet®2 Artéméther-luméfantrine 20-120 4 à H0, H8, H24, H36, H48, H60 Non
Surquina®
Quinimax®4
Quinine3
Quinine3
250
500
2 x 3/j x 7 j
1 x 3/j x 7 j
Oui
Oui
Halfan®5 Halofantrine 250 2 à H0,H6, H12 + 2e cure à J7 Non
1. Si poids < 60 kg, ne pas administrer le dernier comprimé (H
16
). 2. Disponible dans de nombreux pays sous le nom de Coartem
®
. 3. 8 mg/kg
de quinine base toutes les 8 heures, soit 24 mg/kg/j. Ne pas dépasser 2,5 g/j. 4. Le dosage du Quinimax
®
comprend le total de l’ensemble
des alcaloïdes, soit pour un comprimé à 500 mg : quinine 480 mg, quinidine 13,2 mg, cinchonine 3,4 mg et cinchonidine 3,4 mg. Les autres
quinines utilisables par voie orale disponibles dans le commerce sont peu recommandées en autotraitement en raison de la difficulté d’adapter
la posologie en quinine base, dont la teneur varie en fonction des sels (quinine chlorhydrate Lafran
®
1 cp à 500 mg = 449,50 mg de quinine
base ; quinine sulfate Lafran
®
1 cp à 500 mg = 414 mg de quinine base). 5. Non indiqué a priori en autotraitement en raison du risque de
mort subite dû à l’allongement de l’intervalle QT chez les sujets prédisposés. Il est impératif de réaliser un électrocardiogramme préalable pour
vérifier la conduction auriculo-ventriculaire. Les modalités de la seconde cure (dose réduite) ne sont pas codifiées.
Tableau IV. Le traitement de réserve (ou autotraitement).
•Critèresdechoix
Absence de structure médicale accessible en moins de 24 heures
Zone de faible transmission à
P. falciparum
(Asie, Amérique, Inde du Nord et du Sud)
Zones d’endémie exclusive à
P. vivax
(Proche-Orient et Moyen-Orient)
Intersaisons à transmission diminuée
Expositions répétitives et fragmentées (personnel navigant)
Patient adulte, responsable, avec éducation préalable
Prescription écrite et détaillée
•Avantages
Diminution de l’imprégnation médicamenteuse
Diminution des effets indésirables cumulatifs
Coût très inférieur à celui de la chimioprophylaxie
Solution de remplacement d’une chimioprophylaxie impossible
•Inconvénients
Effets indésirables des fortes doses
Risque de retard au diagnostic de paludisme
Risque de faux diagnostic de paludisme et d’utilisation abusive
Méconnaissance d’une autre pathologie grave nécessitant une prise en charge rapide (fièvre
hémorragique, typhoïde, amibiase tissulaire, etc.)
Dosages mal adaptés, sous-dosage, surdosage
Inefficacité en cas de vomissements
Malabsorption de la Malarone®, si la prise n’accompagne pas un repas
Résistance locale au produit