La Réforme du Système financier international :
Prévenir l’Echec, promouvoir le Progrès (extraits)
Patrick Bond1
Je suis plutôt du côté de ceux qui freinent l’interpénétration économique entre les pays,
que de ceux qui les développent au maximum. Les idées, les connaissances, la science,
l’hospitalité, les voyages sont des réalités qui, de part leur nature, devraient être
internationales. Mais, chaque fois que cela est raisonnablement et facilement possible,
que les produits soient « faits maison », par-dessus tout, que les finances soient
essentiellement nationales.
John Maynard Keynes, 19332
Introduction
Il est indispensable de confronter deux types de réformes que l’on propose pour corriger
le désordre financier international :
. celles qui augmentent le pouvoir des institutions et des flux financiers, dans le contexte
d’une crise économique qui s’étend et de mécanismes inefficaces de réaction à cette crise ; et
. celles qui réduisent le pouvoir de l’élite mondiale, et par contre nous renforcent, nous
autres, en proposant la possibilité d’un progrès social fondé sur :
- la restauration de la souveraineté nationale/régionale sur les flux financiers ;
- le renforcement de la démocratie dans le processus de la redistribution des richesses ;
et
- l’instauration de mécanismes d’évaluation détaillée et complète, qui intègre les coûts
et les profits des différents modèles de développement ainsi que des finances
consacrées au développement.
De ces deux types de réforme – « la leur » et « la nôtre » - il nous faut repérer, entretenir
et développer les ingrédients fondamentaux : le militantisme et la défense de la cause. La
première partie de cet exposé décrit la crise économique sous-jacente au désordre financier, et les
dangereuses propositions de correction avancées par les élites nationales et mondiale ; la
deuxième partie aborde les contours de la résistance (et le débat de fond entre radicaux et
modérés) ; et la troisième propose des éléments d’une réforme financière réaliste, indispensable
pour stopper la dégradation socio-environnementalo-économique, et qui par contre fait place à
des solutions qui viennent de la base.
Comme pour les autres domaines d’économie politique, l’issue du débat sur la réforme du
système financier international n’est pas prédéterminé. Mais il est fonction du résultat d’un
rapport de forces. Les Eglises progressistes d’Europe, rassemblées ici, sont des agents
idéalement situés pour influencer ce résultat. Depuis longtemps, le mouvement progressiste
international fait mémoire de vos interventions en faveur de la justice sociale (par vos stratégies
anti-apartheid, p.ex.), de votre souci de voir restaurer les valeurs humaines et écologiques et
l’emporter sur le profit, ainsi que de votre capacité d’influencer le discours de l’homme de la rue,
et, à travers lui, de l’élite européenne. Le fait que les mouvements progressistes européens
rattachés aux Eglises vont unir leurs stratégies avec les progressistes du tiers-monde, comme
ceux du mouvement « Jubilée Sud », ne peut que renforcer les organisations soucieuses de
progrès social. C’est pourquoi je vais vous soumettre une analyse structurelle du pourquoi et du
comment ces forces progressives peuvent utiliser la crise internationale persistante, pour faire en
sorte que les finances destinées au développement soient utilisées non pour détruire, mais pour
servir les populations et de l’environnement.
1 L’auteur est assistant à l’Université de Witwatersrand Graduate School, où il enseigne le management public et de développement, il est
également chargé de recherche à l’Alternative Information and Development Centre (http:// www.aidc.org.za).
2 J.M. Keynes, ‘National Self-Sufficiency’, Yale Review, vol. 22, n° 4, p. 769.