L`impact des revenus agricoles sur la

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L’impact des revenus agricoles sur la transformation du paysage
urbain du département de Soubré.
KOUADIO Yao Daniel
Docteur en géographie. E-mail : [email protected]
ALOKO-N’GUESSAN Jérôme
Directeur de recherche (CAMES), Directeur de l’Institut de Géographie Tropicale (IGT).
Université Félix Houphouët Boigny de Cocody (Côte d'Ivoire). E-mail : [email protected]
RESUME
L’exécution du programme d’aménagement du Sud-ouest (ARSO) initié par l’Etat
dans les années 1969/1970 a favorisé le désenclavement de la région du Bas-Sassandra à
laquelle appartient le département de Soubré. Dès cet instant, le département qui était "vide
d’hommes" et économiquement pauvre par rapport aux autres régions forestières du pays,
devient très vite une zone à forte charge économique basée sur le dynamisme de l’économie
de plantation. Précisément à partir des années 1975/1976, les planteurs ont tiré un meilleur
profit du développement de l’économie de plantation. Ils ont par conséquent consacré leurs
revenus essentiellement aux dépenses occasionnelles (telles que les rituels, les fêtes, les
frais scolaires, les voyages), aux dépenses pour l’exploitation agricole et aux
investissements en dehors de la région d’accueil.
Cependant durant ces dix dernières années, les investissements réalisés par les
planteurs ont lieu d’une part dans leurs milieux immédiats d’habitat c’est-à-dire soit dans les
campements soit dans les villages et d’autre part, de plus en plus dans les villes.
Mots clés: Côte d’Ivoire, département de Soubré, revenus agricoles, investissements
immobiliers urbains
ABSTRACT
The implementation of the South-west planning program (ARSO) initiated by the
State the 1969/1970 years promoted the opening up of the Bas-Sassandra which belongs
to the department of Soubré. From that moment, the department was "empty of men" and
economically poor compared to other forest areas of the country, quickly became a high
economic burden area based on the dynamism of the plantation economy.
Precisely from the 1975/1976 years, growers have taken better advantage of
development of the plantation economy. They therefore spent their income mainly to
occasional expenses (such as rituals, holidays, school fees, and travel), expenses for the
farm and investments outside the host region.
However during the last ten years, the investments made by farmers place one hand
in their immediate areas of habitat that is to say either in the camps or in villages and other,
increasingly in cities.
Tags: Ivory Coast, department of Soubré, farm incomes, investments urban real
1
1 Introduction
Le département de Soubré renferme une forte population rurale de 532 977 ruraux
sur 628 592 habitants (RGPH, 1998). Parmi ces ruraux, nous dénombrons 11 469 planteurs
(ANADER, 2013) de cultures de rente installés dans les villages d’enquête. Ces cultures font
du département l’un des pôles économiques les plus importants et les plus dynamiques de la
Côte d’Ivoire. Malgré la prépondérance de l’activité agricole dans le tissu économique
départemental, les planteurs qui détiennent le pouvoir économique semblent exercer une
faible influence dans le développement des villes du département de Soubré. Dans les
manifestations des relations campagnes-villes, on perçoit mal les investissements des
acteurs agricoles dans l’aménagement de l’espace urbain.
C’est pour répondre à ces paradoxes que nous nous intéressons à la production de
cet article. D’où les questions suivantes: comment cette importante population agricole
contribue-t-elle en terme d’investissements à l’organisation et à la transformation du paysage
des villes du département de Soubré ? Le principal objectif de cette recherche est de
montrer l’impact des revenus de l’économie de plantation sur la transformation de l’espace
urbain du département de Soubré. Pour ce faire, les objectifs secondaires sont énoncés de
la façon suivante: analyser la composition ethnoculturelle de la force de travail agricole,
évaluer les revenus monétaires tirés de ces produits par les planteurs et montrer les
mutations du paysage urbain dues aux revenus agricoles à travers le financement de
l’immobilier urbain. De ces interrogations, découle l’hypothèse que le financement de
l’immobilier urbain du département de Soubré est lié aux revenus tirés de l’économie de
plantation.
2 Méthodologie
L’étude réalisée a permis de comprendre l’affectation des revenus de l’économie de
plantation dans les investissements urbains. Nous avons d’abord cherché à connaitre le
nombre d’acteurs (planteurs) de l’économie de plantation du département, leurs revenus
moyens tirés des activités agricoles et enfin leurs investissements dans l’une des villes du
département (activités économiques, foncier urbain etc). Ainsi, la méthodologie consiste à :
-déterminer 36 villages dont 4 campements (figure 1) d’enquête dans les sous-préfectures
du département de Soubré. Ils ont été choisis par échantillonnage dans les 171 villages que
compte le département par la méthode de choix raisonné. Le choix de ces localités obéit à
des critères combinés comme la taille des villages, la distance du village à la ville, l’ethnie et
la nationalité, l’état des voies de communication entre le village et la ville.
2
Figure 1: Localisation des villages d’enquête
-mener des enquêtes techniques et socioéconomiques par questionnaire avec 115
personnes (élèves des classes de terminales issus des milieux d’enquête, des étudiants et
des instituteurs parce qu’ils exercent pour la plupart dans les zones rurales).
-des interviews ont été réalisées par les 115 enquêteurs qui ont interrogé 1 147 planteurs
(notre échantillon) repartis inégalement dans les 36 villages des quatre sous-préfectures
concernées du département de Soubré. La définition de notre échantillon s’est faite par un
choix raisonné.
-consulter les registres du foncier urbain trouvés dans les préfectures et sous-préfectures,
les directions techniques des mairies des villes d’étude et à la direction de la construction et
de l’urbanisme.
3 Résultats : Une transformation du paysage urbain du département
de Soubré, due à l’essor rapide de l’économie de plantation
3.1 Un département caractérisé par une économie de plantation en essor rapide
Depuis les années 1990, le département de Soubré est reconnu pour son
développement spectaculaire du binôme café-cacao. Cette performance se traduit par le
nombre considérable de planteurs qui s’adonnent à ces cultures et la forte production de
celles-ci.
3.1.1 Des productions agricoles dominées par le binôme café-cacao
L’analyse des productions des cultures d’exportation (binôme café-cacao, palmier à
huile et hévéa) s’est faite sur les périodes 2012-2013, nous permet de déterminer la ou les
principales cultures de l’économie de plantation. Nous avons retenu de mener cette analyse
comparative des productions de ces différentes cultures uniquement sur la campagne20123
2013 parce que sur cette période, nous avons obtenu le tonnage de ces différentes cultures
dans le département de Soubré (figure 2).
250000
222500
200000
150000
100000
28712
50000
1255
0
Café-cacao
Palmier à huile
Hévéa
Figure 2: Répartition des cultures dominantes de l’économie de plantation
selon les productions dans le département de Soubré en 2013
Ainsi, lorsque nous observons la figure 3, nous déduisons que le binôme café-cacao
est largement la culture dominante de l’économie de plantation dans le département de
Soubré. Car en 2012-2013, la production de café-cacao était estimée à 222 500 tonnes alors
qu’au cours de la même période, le département enregistre de faibles productions de palmier
à huile (28 712 tonnes) et d’hévéa (1254,8 tonnes). Les cultures de diversification
connaissent une croissance timide. Pourtant, elles se sont ajoutées aux cultures pionnières
(café et cacao) de l’économie de plantation dans le département depuis les années 19751976. Le département de Soubré affiche dès cette période son dynamisme dans la
production du binôme café-cacao dans la région du Bas-Sassandra comme au plan national.
A preuve, sur la campagne 2003/2004, le département de Soubré offrait 301 349 tonnes de
cacao. Cet important tonnage représente respectivement 51,85% de la production régionale
et 20,20% de la production nationale. En 2005, la production départementale de cacao était
de 480 000 tonnes soit 40% de la production nationale qui était de 1 200 000 tonnes.
En somme, le département de Soubré demeure une grande zone de la production
cacaoyère de la Côte d’Ivoire. En effet, jusqu’à ce jour, il continue d’offrir les meilleures
productions comparativement aux productions des autres régions agricoles du pays. De ce
fait, nous pouvons affirmer qu’il demeure depuis les années 1990-1995, le cœur de la
nouvelle "Boucle du Cacao" contribuant ainsi activement au développement de la Côte
d’Ivoire.
3.1.2 Des planteurs dynamiques et d’origine ethnoculturelle hétérogène
Depuis près de deux décennies, le département de Soubré reste la zone de
production la plus importante de la cacao-culture du pays. Les statistiques agricoles
consultées à l’ANADER (Agence Nationale d’Appui au Développement Rural) en 2013, nous
ont fourni des données statistiques relatives au nombre de planteurs par principales cultures
(tableau I).En analysant les données du tableau I, nous remarquons que le nombre de
planteurs varie non seulement d’une culture à une autre mais également selon l’origine
ethno-géographique. Ainsi, nous avons dénombré 973 producteurs café/cacao, 92
producteurs d’hévéa et 82 producteurs de palmier à huile soit 1 147 planteurs qui constituent
le total des enquêtés du département.
4
Tableau I: Répartition des planteurs par cultures et par origine ethno-géographique
Origine
Producteurs
ethnode
géographique café/cacao
%
Producteurs %
d’hévéa
Producteurs %
de palmier
à huile
Total
Autochtone
Baoulé
Autres
Ivoiriens
Allogènes
Total
107
311
272
9,33
27,11
23,71
31
15
24
2,8
1,3
2,09
34
10
18
2,97
0,88
1,57
172
336
314
283
973
24,67
84,83
22
92
1,92
8,02
20
82
1,74
7,15
325
1 147
Source : ANADER, 2013 et nos enquêtes, 2009,2012 et 2013
Au niveau des planteurs de café/cacao, les Baoulé, ethnie majoritaire dans
l’ensemble du milieu rural d’étude, réunissaient 27,11% (soit 311 individus). Ils sont suivis de
24,67% d’Allogènes (soit 283 personnes), 23,71% d’Autres Ivoiriens (272 planteurs) et
9,33% Autochtones (107 personnes).
Comparativement aux planteurs de café/cacao, ceux d’hévéa, sont en très faible
nombre. Totalisant 92 personnes, ils sont dominés par les Autochtones qui représentent
2,8% des producteurs avec 31 personnes. Les Autres Ivoiriens qui viennent ensuite
constituent 2,09% avec 15 personnes. Mais nous constatons que c’est au niveau des Baoulé
et des Allogènes que nous avons les plus faibles proportions soit respectivement 1,3% et
1,92%.
De même que les planteurs d’hévéa, le nombre de planteurs de palmiers à huile est
faible, mais ce sont les planteurs Autochtones qui sont les plus nombreux soit 2,97% avec
34 planteurs. Puis viennent à des taux très faibles, les Allogènes, les Autres Ivoiriens et les
Baoulé soit respectivement 1,74%, 1,57% et 0,88%.
La prédominance des planteurs de café/cacao est liée à l’histoire nationale de ces
deux plantes, introduites pour la première fois par le colonisateur. Malgré la politique de
diversification des cultures mise en œuvre par l’Etat dans les années 1970, le cacao est
restée la culture la plus pratiquée dans le département et occupe la quasi-totalité des
paysans et les terres agricoles cultivées. Pour cause, faisant partie des premières cultures
de rente, les paysans en maitrisent les techniques de production. Puisque pendant de
longues années, ils ont été les acteurs déterminants des succès des vieilles régions
agricoles et des anciennes boucles du cacao du pays. En outre, la création de plantation
d’hévéa nécessitant d’importants moyens financiers et exigeant une longue période
d’exploitation (6 à 7 ans) contrairement à la culture du cacao qui rentre en production au
bout de 3 ans en moyenne, les planteurs restent beaucoup plus attachés à la cacao-culture.
Au total, nous retenons de ces analyses que les planteurs de café/cacao dominent
les acteurs de l’économie de plantation dans le département de Soubré.
3.1.3 Des revenus considérables par tête d’exploitant agricole de café-cacao
Pour avoir une idée des revenus par tête d’exploitant agricole du département, nous
avons considéré les statistiques de la production du binôme café-cacao de la campagne
2012/2013. Ainsi, sur une production nationale de cacao de 1 700 000 tonnes en 20131, celle
du département de Soubré représente 222 500 tonnes soit 23,27% de la production
nationale. Ce tonnage est produit par un ensemble de 51 781 planteurs (ANADER, 2013)
dont les 1 147 de notre échantillon.
Pendant les campagnes 2009/2010,les prix d’achat étaient fixés à 1000 FCFA/Kg
pour le cacao et 500 FCFA /Kg pour le café. En 2010/2011, le prix d’achat est maintenu à
1000 FCFA/Kg pour le cacao tandis que celui du café connait une hausse et passe à 650
1
Ministère de l’Agriculture et Conseil Café-cacao, 2014
5
FCFA /Kg. Au lendemain de la crise post-électorale, le Conseil Café-Cacao remplace toutes
les structures qui existaient avant cette période. Le prix d’achat du cacao est certes instable
mais encourageant pour les producteurs. Considérant la campagne 2012/2013, l’Etat a fixé
le prix d’achat du cacao aux producteurs à 750 F CFA le Kg2 au lendemain de la crise postélectorale. Le prix d’achat de la production du département revenait à 166 875 000 000
FCFA (= 222 500 tonnes x 1000 kg x 750 F CFA le Kg). En somme, la moyenne des revenus
par producteurs s’élevait à 166 875 000 000 FCFA /51 781 planteurs soit 3 222 707,17
FCFA par planteur.
La filière subit dans l’évolution de la fixation des prix d’achat, une fluctuation des prix
d’une campagne à une autre. Ainsi, nous avons à titre d’exemple, pour le cacao, 750 F CFA
le Kg sur les campagnes 2012/2013 et 2013/2014, 850 F CFA le Kg pour la campagne
2014/2015et 1000 F CFA le Kg pour la campagne d’octobre 2015.
En analysant ces montants, nous nous apercevons que les principaux produits de la
terre génèrent d’énormes revenus monétaires aux planteurs notamment à ceux qui ont des
plantations de café et de cacao. Nous comprenons donc beaucoup mieux pourquoi ces
planteurs sont si attachés à leurs exploitations et enclin continuellement à la recherche de
nouvelles terres.
3.2 Un département en mutation due aux investissements agricoles dans l’immobilier
urbain
L’habitat est l’un des éléments caractéristiques déterminant du paysage urbain. Il
émane surtout d’initiatives privées grâce aux revenus des acteurs socio-professionnels.
3.2.1 Une extension de l’espace urbain dépendante d’une diversité d’acteurs
socioprofessionnels
La consultation des registres domaniaux dans les principales villes du département
de Soubré (Buyo, Grand-Zattry, Méagui et Soubré), nous ont permis de recenser 9 354
propriétaires de terrains urbains selon l’activité économique3 de 1996 à 2013.
11%
3%
Planteurs
5%
43%
Fonctionnaires
Commerçants
16%
Transporteurs
Artisans/métiers
22%
Activités
informelles
Figure 3: Propriétaires de terrains urbains par activités socio-professionnelles dans le département
Selon leur répartition par catégories socioprofessionnelles au niveau départemental,
ce sont les planteurs qui construisaient le plus dans les villes du département de Soubré.
2
La fixation des prix d’achat du binôme cacao a été aux mains de l’Etat jusqu’en 2001 à travers la CAISTAB. Après la
libéralisation de la filière, les prix étaient fixés par la BCC (de 2002 à 2010). Toutefois, après la crise post-électorale, il est
encore revenu à l’Etat de fixer les prix du café et du cacao et d’ouvrir les campagnes en conseil des ministres.
3
KOUADIO Y D (2016), Economie de plantation et dynamique urbaine dans le département de Soubré, Thèse de
Doctorat unique, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, 386 p
6
Ainsi, malgré les crises sociopolitiques, l’agriculture constitue, de façon générale, la
principale source de revenus nécessaires aux constructions. En effet, ce sont les planteurs,
3 520 soit 42,91%, qui construisent le plus dans les villes du département.
Les planteurs sont suivis des fonctionnaires qui pratiquent une activité
spécifiquement urbaine. Au nombre de 1 770 personnes soit 21,57%, ce sont entre autres
des instituteurs, des agents de la santé, des agents d'encadrement des agriculteurs, etc. Le
plus souvent c’est au cours de leur période de fonction administrative dans les villes du
département que la plupart d’entre eux ont acquis des lots dans les différents quartiers de la
ville et y ont construit soit leur maison de résidence soit des maisons mises en location.
Après les planteurs et les fonctionnaires, nous avons les commerçants dont l’effectif
s’élève à 1 288 personnes soit 15,70% qui contribuent activement à l’extension de l’espace
urbain départemental. Les artisans, les transporteurs, les actifs des activités informelles et
autres activités sont non négligeables. Ils représentent respectivement 913 individus soit
11,13%, 397 transporteurs (4,84%) et 266 personnes soit 3,24%.
3.2.2 Les planteurs, acteurs déterminants de la modernisation du paysage urbain
C’est avec en particulier une grande production de café et de cacao dans cette zone
que les planteurs de ces principales cultures ayant réalisé d’importants bénéfices ont pu
répondre aux exigences de construction. Ainsi la plupart des constructions urbaines sont
financées par les revenus issus du cacao. Ce sont des habitats modernes de moyens et
hauts standings et même des étages qui sont construits dans les villes. Toutefois, il convient
de reconnaitre que certaines constructions de la ville ont été faites grâce aux recettes tirées
des cultures d’hévéa et de palmier à huile. Donc l’économie de plantation constitue la
principale source de financement dans l’immobilier.
Ainsi, au contact des paysans, ceux-ci nous ont permis, par leurs déclarations, de
savoir le nombre de planteurs ayant une concession urbaine, c’est-à-dire le nombre de ceux
qui ont mis leurs terrains en valeur, les villes dans lesquelles ont été construites leurs
maisons, la motivation des constructions et ceux qui ne possèdent pas de terrains en ville.
Le tableau II révèle que l’effectif des planteurs qui ont construit en ville est très élevé
et va de 70% à près de 90%.
Tableau II: Effectifs des planteurs ayant construit en ville par sous-préfecture
S/P
Nombre de
planteurs
enquêtés
Effectifs des
planteurs ayant
construit en ville
%
Buyo
196
151
77,04
Grand-Zattry
141
125
88,65
Méagui
229
192
70,74
Soubré
581
436
75,04
Total
1 147
904
78,81
département
Source : Nos enquêtes en milieu rural, 2009 et 2012
Nombre de planteurs
ne possédant pas de
concession urbaine
45
16
37
145
243
%
22,96
11,35
16,16
24,96
21,19
Ces statistiques sont les résultats des enquêtes menées auprès de 1 147 planteurs
reparties dans l’ensemble des sous-préfectures parcourues. Grâce au fait que les planteurs
du département de Soubré ont pu réaliser assez de bénéfices avec une grande production
de cacao, cette activité constitue une source principale de financement de l’immobilier. Sur
ce total de planteurs que nous avons eu à interroger, 904 ont répondu avoir une concession
dans une ville, soit 78,81%. En dépit, des énormes bénéfices réalisés pouvant répondre aux
exigences de construction, 243 planteurs ont déclaré ne pas posséder de concession
urbaine, soit 21,19%.
7
Dans les détails parmi les quatre villes, c’est à Grand-Zattry que les planteurs
investissent le plus dans l’immobilier et cela représente avec 125 planteurs un taux de
88,65% des 141 planteurs enquêtés. Grand-Zattry est suivie de la ville de Buyo dans
laquelle sur 196 planteurs ayant répondu à nos questions, 151 ont déclaré avoir construit en
ville, soit 77,04% tandis que 22,96%, soit 45 personnes ont déclaré le contraire. Avec 436
planteurs soit 75,04% qui ont une maison dans la ville de Soubré sur 581 planteurs, les
investissements dans l’immobilier sont faibles. En observant les données du tableau, on
réalise que comparativement aux autres villes du département, Méagui enregistre le taux le
plus faible (70,74%) de planteurs qui possèdent une maison en ville, soit 192 sur 229
interrogés.
Au total, nous pouvons retenir d’après les résultats de nos enquêtes en milieu rural
que sur les 1 147 planteurs enquêtés la très forte majorité de ceux-ci ont investi dans
l’immobilier urbain. Ils sont au nombre de 904 personnes (78,81%) contre une minorité de
243 personnes (21,19%) qui ont déclaré ne pas posséder de concession urbaine. Cette
situation est identique partout dans les sous-préfectures parcourues. On se rend bien
compte que la plupart des planteurs ont investi dans la construction de concessions en ville
mais cela ne veut pas dire qu’ils ont orienté le maximum de leurs revenus agricoles dans
l’immobilier.
3.2.3 Des acteurs d’origines ethno-géographiques diverses dans la transformation du
paysage urbain
Les villes du département de Soubré sont fortement marquées par une population
ethnoculturelle hétérogène. Au plan socio-professionnel, cette population d’origines ethnogéographiques diverses (nationales et non nationales) est dominée par les planteurs. Ceuxci exercent un impact considérable sur le sol urbain à travers les investissements urbains
(Figure 4).
29,3
27,37
28,33
Autres
Ivoiriens
Etrangers
30
25
20
15
15
10
5
0
Autochtone
Baoulé
Figure 4: Représentation du nombre de planteurs propriétaires de terrains urbains par origine ethnogéographique (Source: Nos enquêtes en milieu rural, 2009, 2012 et 2013)
En effet, sur un ensemble de 1 147 planteurs interrogés (statistiques issues de nos
enquêtes en 2013), nous distinguons 172 autochtones soit 15% contre 650 allochtones soit
56,67% et 325 allogènes soit 28,33% des planteurs interrogés. Ces statistiques montrent un
taux très bas de planteurs allochtones (15%) ayant investi dans l’immobilier urbain. Le faible
taux de planteurs allochtones dans l’immobilier urbain s’explique d’une part par la
8
propension des ethnies autochtones installées dans le milieu rural détenant un faible pouvoir
économique à y investir. Cela est dû au fait que pendant de longues années, très attachés à
leurs villages, ils n’ont eu aucun intérêt économique à migrer en ville. D’autre part, il s’ajoute
à cette raison, la réticence et l’hésitation des fonctionnaires autochtones à investir dans le
département.
Ensuite viennent les allochtones qui avec 56,67% occupent la majorité des
investissements immobiliers dans les villes du département. Parmi les immigrants ivoiriens,
nous avons les Baoulés qui constituent le groupe ethnique qui a le plus grand effectif avec
336 planteurs (29,3%) et 314 autres Ivoiriens soit 27,37%. Chez les planteurs allochtones, la
motivation sociale est plus importante. Car les constructions qui sont faites pour assurer un
mieux-être et loger les membres de la famille, répondaient plus au besoin social qu’au
besoin économique.
Pourtant chez les Baoulés, les revenus des planteurs subissaient un important
transfert vers les régions de savanes, leurs villages d’origine au détriment des localités
d’accueil. Ils développaient un comportement de méfiance dans la mesure où ils ont
beaucoup hésité et ont mis du temps à investir leurs revenus agricoles dans l’immobilier
urbain4. Mais dès les années 1995, il s’est opéré de grands changements dans leur attitude
à cause des facteurs de la scolarisation des enfants qui arrivent dans les villes après la fin
du cycle primaire. A cela, il convient d’ajouter la menace récurrente des autochtones de
vouloir reprendre les terres (les plantations) cédées aux immigrants. Toutes choses ayant
développé en eux le sentiment d’insécurité dans les zones rurales, qui a pris de l’ampleur
surtout à partir de 1995, l’année du boycott actif lors des élections présidentielles de 1995.
Dès cette année, il s’est intensifié les menaces de dépossession des plantations allant
jusqu’à l’interdiction d’accès aux plantations pour de nombreux planteurs, destructions de
biens matériels, des plantations allant jusqu’à la perte de vies humaines etc. Pour ces
quelques raisons, nous assistons à une prise de conscience des Baoulés qui ressentent
beaucoup plus la nécessité d’investir une partie de leurs revenus agricoles dans l’immobilier
urbain.
Enfin, les allochtones sont suivis d’un nombre élevé d’allogènes qui avec 325
individus représentent 28,33%. En ce qui les concerne, les allogènes (étrangers), victimes
des mêmes menaces que les allochtones, investissent également dans l’habitat, pour
d’autres raisons. Nous pouvons citer par exemple les différentes crises socio-politiques et
économiques qui ont considérablement réduit leur pouvoir d’achat face à des charges
croissantes et le coût élevé de la vie beaucoup plus ressenti à cause des fréquentes
fluctuations persistantes des prix des produits de rente.
Au total, les raisons économiques sont de plus en plus à la base des motivations des
immigrants (allochtones et allogènes) à s’intéresser aux investissements immobiliers
urbains. Car la rentabilisation des maisons par la location est devenue une source de revenu
remarquable. Par la même occasion, cela répond aux problèmes actuels de logement
constatés dans les principales villes du département de Soubré (Buyo, Grand-Zattry, Méagui
et Soubré). En faisant fortune dans l’activité agricole, les allochtones et les allogènes ont
investi dans le secteur immobilier pour avoir des revenus additionnels. De plus en plus,
l’investissement dans l’immobilier dans cet objectif gagne aussi les autochtones.
3.3 Une expansion rapide d’habitats, fruits d’importants revenus agricoles
La croissance rapide des propriétaires de terrains urbains va façonner le paysage
urbain à travers les habitats de types différents allant de l’habitat traditionnel, l’habitat
spontané à l’habitat évolutif, l’habitat de moyen et de haut standing. Leur nombre varie
considérablement d’une ville à l’autre dans le département.
4
Du fait des tensions récurrentes existantes dans les rapports autochtones-immigrants, les planteurs immigrants restent
méfiants et réticents à entreprendre des investissements dans les localités d’accueil(OURA, 2008).
9
3.3.1 Des investissements agricoles orientés en priorité dans les villes du département
En comparant les taux d’investissements des planteurs dans l’habitat urbain au sein
du département à ceux réalisés à l’extérieur du département (tableau IV), nous constatons
une inégalité du nombre de planteurs qui possèdent des concessions urbaines selon ces
deux milieux de résidence.
Tableau IV: Nombre de planteurs détenteurs de concessions urbaines par villes à l’intérieur
ou à l’extérieur du département
Villes du
département
Buyo
Grand Zattry
Méagui
Soubré
Ensemble
département
Nombre de planteurs détenteurs de
concessions urbaines
Au sein du département
Hors du
département
Effectif
%
Effectif
%
128
14,16
23
2,54
109
12,06
16
1,77
136
15,04
56
6,19
424
46,90
12
1,33
797
88,16
107
11,84
Total
planteurs
151
125
192
436
904
%
16,70
13,83
21,24
48,23
100
Source : Résultats de nos enquêtes en milieu rural de 2009, 2012 et 2013
En effet, au sein du département, c'est la ville de Soubré qui enregistre le taux le plus
élevé de planteurs détenteurs de concessions urbaines. Il est représenté par 46,90%. La
ville de Soubré est suivie par ordre d’importance de celle de Méagui, de Buyo et de Grand
Zattry dans lesquelles nous avons respectivement 15,04% ; 14,16% et 12,06% de planteurs
ayant des maisons.
Cependant, en ce qui concerne les constructions de l'habitat extra-départementales,
les planteurs de Méagui sont majoritaires avec 6,19%. Ils sont suivis par ceux de Buyo
(2,54%) puis par ceux de Grand-Zattry au taux de 1,77% et 1,33% pour ceux de Soubré.
Donc, sur un ensemble de 904 planteurs ayant investi dans les constructions en ville,
la très grande majorité des planteurs (797 personnes, soit 88,16%) ont orienté leurs
investissements immobiliers dans les villes à l’intérieur du département. Par contre, 107
planteurs soit 11,84%, ont choisi d’orienter leurs revenus agricoles dans l’immobilier des
villes en dehors du département de Soubré.
3.3.2 Des constructions urbaines réalisées en priorité dans les chefs-lieux de souspréfecture
Dans le département de Soubré, les revenus agricoles sont de plus en plus investis
dans les concessions urbaines. Ainsi, l’étude de l’affectation des revenus des planteurs en
milieu urbain, nous ont amené à rechercher les villes du département de Soubré qui profitent
au mieux des investissements agricoles dans l’immobilier urbain. Ainsi, nos enquêtes
menées auprès des planteurs, nous ont permis de déterminer le nombre de ceux qui ont une
concession urbaine, les villes dans lesquelles les maisons ont été construites et la motivation
des constructions.
Les revenus des planteurs sont différemment investis selon les villes du département
de Soubré. En effet, nous avons d’abord à Buyo, recensé 151 planteurs qui ont effectué des
constructions urbaines (tableau V).
10
Tableau V: Investissements des planteurs de la sous-préfecture de Buyo dans le foncier
urbain intra et extra-départemental
Villes du département choisies par les Effectifs des planteurs % des planteurs
planteurs de Buyo pour les investissements ayant construit en ayant construit en
immobiliers
ville
ville
Buyo
89
58,94
Soubré
32
21,19
Méagui
06
3,97
Grand-Zattry
01
0,66
Total des investissements immobiliers intra
128
84,76
départementaux des planteurs
Investissements immobiliers extra départementaux des planteurs
Issia
09
5,96
Abidjan
03
1,98
Daloa
02
1,32
San Pedro
02
1,32
Yamoussoukro
02
1,32
Didiévi
01
0,66
Dimbokro
01
0,66
Gagnoa
01
0,66
Tabou
01
0,66
Burkina Faso
01
0,66
Total
autres
villes
ivoiriennes
23
15,23
d’investissement
Total S/P Buyo
151
16,70
Source : Résultats de nos enquêtes réalisées, 2009, 2012 et 2013
Sur les 151 planteurs recensés, nous dénombrons 89 qui ont directement construit
dans la ville de Buyo. Ceux-ci représentent 58,94% des planteurs de Buyo. Ce taux élevé
montre que la majorité des planteurs de la Sous-préfecture de Buyo construisent dans le
chef-lieu. En dehors de cette ville, les planteurs de cette localité, au nombre de 32 ont
surtout construit à Soubré. En outre, 06 et 01 ont bâti leurs maisons à Méagui et à Grand
Zattry. Donc ce sont 128 planteurs soit 84,76%, qui ont réalisé leurs maisons dans l’espace
urbain intra-départemental.
Concernant les investissements immobiliers urbains extra départementaux, ils portent
sur seulement 23 planteurs soit 15,23% du total des planteurs de la Sous-préfecture. On
peut citer les villes comme Issia (09), Abidjan (03), 02 dans chacune des villes de Daloa,
San Pedro et Yamoussoukro ; 01 dans chacune des villes de Didiévi, Dimbokro, Gagnoa,
Tabou et Burkina Faso. Au total, les 151 planteurs interrogés représentent 16,70% des 904
planteurs ayant construit en ville.
Puis, au niveau de la Sous-préfecture de Grand Zattry, ce sont 125 planteurs qui ont
construit dans une ville. Parmi eux, 52 planteurs soit 41,6% ont une maison dans la ville de
Grand-Zattry. Alors que 39 soit 31,2% autres ont orienté leurs revenus dans la construction à
Soubré, 11 à Méagui et 07 à Buyo. On observe que les planteurs ont énormément investis
dans la construction des concessions urbaines à l’intérieur des villes du département. Ils
totalisent 109 personnes et constituent 87,2% des 125 planteurs propriétaires de
concessions urbaines.
Toutefois les villes extra départementales représentent peu d’intérêt pour les
planteurs de Grand-Zattry étant donné que ce sont à peine 16 personnes soit 12,8% des
enquêtés sous-préfectoraux, qui ont orienté leurs investissements immobiliers dans les villes
11
situées hors du département de Soubré. La répartition des 16 planteurs selon les villes est la
suivante : San Pedro (05) ; Issia (04) ; 2 à Daloa, Bouaké et à Bocanda et 01 à Abidjan. En
définitive, les 125 planteurs qui ont construit en ville constituent 13,83% de l’ensemble des
904 planteurs propriétaires de concessions urbaines du département (tableau VI).
Tableau VI: Investissements des planteurs de la sous-préfecture de Grand-Zattry dans le
foncier urbain intra et extra-départemental
Villes du département choisies par les Effectifs des planteurs % des planteurs
planteurs de Grand-Zattry pour les ayant construit en ville
ayant construit
investissements immobiliers
en ville
Buyo
07
5,6
Grand-Zattry
52
41,6
Méagui
11
8,8
Soubré
39
31,2
Total des investissements immobiliers
109
87,2
intra départementaux des planteurs
Investissements immobiliers extra départementaux des planteurs
Abidjan
01
San Pedro
05
Daloa
02
Issia
04
Bouaké
02
Bocanda
02
Total
autres
villes
ivoiriennes
16
d’investissement
Total S/P Grand Zattry
125
0,8
4
1,6
3,2
1,6
1,6
12,8
13,83
Source : Résultats de nos enquêtes réalisées, 2009, 2012 et 2013
Ensuite, de Méagui, les planteurs investissent aussi bien dans les villes du
département de Soubré qu’en dehors du département. Les résultats de nos investigations
auprès des planteurs de cette Sous-préfecture sont contenus dans le tableau VII).
Tableau VII: Investissements des planteurs de la sous-préfecture de Méagui dans le foncier
urbain intra et extra départemental de Soubré
Villes du département choisies par Effectifs des planteurs % des planteurs ayant
les planteurs de Méagui pour les ayant construit en ville construit en ville
investissements immobiliers
Buyo
15
7,8
Méagui
83
43,23%
Okrouyo
07
3,64
Soubré
31
16,14
Total
des
investissements
136
70,83
immobiliers intra départementaux
des planteurs
Investissements immobiliers extra départementaux des planteurs
Abidjan
08
4,16
Gagnoa
13
6,77
San Pedro
35
18,23
Total autres villes ivoiriennes
56
29,16
d’investissement
Total S/P Méagui
192
21,24
Source : Résultats de nos enquêtes réalisées, 2009, 2012 et 2013
12
Dans la Sous-préfecture de Méagui, sur 192 planteurs qui ont déclaré avoir une
concession urbaine, 83 (soit 43,23 %) ont choisi de bâtir leurs maisons dans la ville de
Méagui. Tandis que 31 planteurs de la Sous-préfecture, ont privilégié la ville de Soubré pour
la construction de leurs maisons. Puis lorsque 15 parmi ces planteurs ont choisi la ville de
Buyo et 07 ont opté pour Okrouyo pour leurs constructions. Nous remarquons que les
investissements dans l’immobilier au sein des villes du département sont plus importants que
ceux réalisés en dehors du département. En effet, si les investissements dans les villes intradépartementales concernent au total 136 planteurs soit 70,83% des 192 planteurs. Les
investissements urbains extra-départementaux faits par les planteurs de Méagui au nombre
de 56 représentent 29,16%. Les villes du pays qui ont intéressé ces planteurs pour leurs
constructions urbaines sont les suivantes : Abidjan (08), Gagnoa (13) et San Pedro (35). Au
total, les 192 planteurs interrogés représentent 21,24% des 904 planteurs ayant construit
dans les villes du département de Soubré.
Enfin, s’agissant de la ville de Soubré, le chef-lieu du département, nous notons un
taux extrêmement important de planteurs (92,59 %) qui privilégient l’implantation de leurs
maisons dans ladite ville. A l’analyse des données contenues dans le tab. VIII, nous
constatons que sur 378 planteurs de Soubré détenteurs de concessions urbaines, 350 soit
92,59% ont choisi de construire dans cette ville.
Tableau VIII: Investissements des planteurs de la sous-préfecture de Soubré dans le foncier
urbain intra et extra départemental de Soubré
Villes du département choisies par les Effectifs des planteurs % des planteurs ayant
planteurs pour les investissements ayant construit en ville construit en ville
immobiliers
Buyo
07
1,85
Méagui
09
2,38
Soubré
350
92,59
Total des investissements immobiliers
366
98,82
intra départementaux des planteurs
Investissements immobiliers extra départementaux des planteurs
Abidjan
01
0,26
Bouaké
04
1,06
Sakassou
03
0,79
San Pedro
04
1,06
Total
des
investissements
dans
12
3,17
d’autres villes ivoiriennes
Total S/P Soubré
378
41,81
Okrouyo
Méagui
01
1,72
Soubré
57
98,27
Total Okrouyo
58
58
Source : Résultats de nos enquêtes réalisées, 2009, 2012 et 2013
En outre, les planteurs de Soubré qui ont construit à Méagui et à Buyo sont en très
faible nombre soit respectivement 09 et 07 planteurs. Par ailleurs, sur les 378 planteurs, 366
ont entrepris des investissements immobiliers intra-départementaux (Buyo, Méagui et
Soubré) soit 96,82%. S’agissant des investissements immobiliers extra départementaux, ils
occupent un taux extrêmement faible soit 3,17% avec 12 planteurs. Ils sont répartis comme
suit : 04 à San Pedro, 04 à Bouaké, 03 à Sakassou et 01 à Abidjan. En somme, 378
planteurs représentent 41,81% des 904 planteurs ayant construit en ville. Tandis que les
planteurs d’Okrouyo orientaient leurs investissements immobiliers dans la ville de Soubré
soit 57 planteurs et 01 qui a investi à Méagui.
13
Au terme de cette analyse, nous nous apercevons qu’autant la mobilité est un facteur
qui contribue au développement de l’économie de plantation autant elle permet de
comprendre aussi la dispersion spatiale des investissements dans les constructions des
maisons. Donc la réalité de la mobilité des revenus agricoles dans les investissements
immobiliers participe à l’évolution des espaces urbains non seulement des villes du
département de Soubré mais également de celles des villes extra-départementales. Il faut en
outre préciser que la volonté des planteurs non originaires du département de Soubré de
construire éventuellement dans les villes s’est manifestée après quelques années de séjour
dans la région. En réalité, il faut savoir que c’est au terme de quelques années de résidence
dans la région que les allochtones et les allogènes envisagent de chercher un terrain en ville
et cela après avoir réalisé une construction dans leur village ou leur ville d’origine.
Aujourd’hui, avec une inflation immobilière très élevée dans les villes de Buyo, de GrandZattry, de Méagui et de Soubré, l’investissement immobilier intéresse aussi bien les
autochtones que les immigrants et allochtones.
Nous déduisons de notre étude que les planteurs entreprennent des investissements
plus dans l’habitat urbain au sein du département qu’à l’extérieur du département. Ces
agents de développement construisent surtout soit dans les villes auxquelles sont rattachées
les zones rurales où ils mènent leurs activités agricoles soit dans les villes hors du
département soit dans d’autres villes du pays et même en dehors du pays. En outre, nous
constatons que le dynamisme du chef-lieu de département (augmentation accélérée de la
population, économie urbaine en croissance rapide, infrastructures et équipements
modernes...), attire davantage les investissements de toutes les couches socioprofessionnelles. D’où la prédominance du nombre de propriétaires de terrains et de
concessions urbains dans la ville de Soubré par rapport aux autres villes du département. En
somme, la dynamique agricole exerce un impact indéniable sur la structuration urbaine, en
particulier celle du chef-lieu de département.
Conclusion
Nous retenons au terme de cette étude que le dynamisme remarquable de
l’économie de plantation dans le département de Soubré, a procuré d’énormes devises aux
planteurs. En outre, le développement rapide de l’économie de plantation s’est accompagné
d’un nombre extrêmement important d’acteurs. Elle occupe 89,67% des planteurs de cafécacao contre 5,33% de planteurs d’hévéa et 5% de planteurs de palmiers à huile (KOUADIO
Y.D et ALOKO-N’GUESSAN J., 2015). Incontestablement, les recettes tirées des cultures
commerciales (café, cacao), ont été les principales sources de financement du secteur de
l’habitat et d’autres activités urbaines et non du palmier à huile et d’hévéa. Ces planteurs,
composés d’autochtones, d’allochtones et d’allogènes ont pu réaliser d’importantes
ressources financières issues du travail agricole qui leur ont servi à financer les
constructions urbaines modernes aussi bien dans les villes du département de Soubré qu’en
dehors de l’espace départemental.
Essentiellement, les constructions réalisées se sont intensifiées dès le démarrage du
projet ARSO grâce à une vague importante d’immigrants. En effet, 63,77% des constructions
appartiennent aux planteurs d’origine ivoirienne contre 36,23% de planteurs allogènes en
majorité Burkinabés, Maliens et Guinéens (KOUADIO Y.D, 2016). En somme, les planteurs
se sont très tôt intéressés à la culture de cacao dont les fruits sont à l’origine de la mise en
place d’habitats de tous standings et même des constructions à étages dans les villes. Enfin,
cette nouvelle dynamique du paysage urbain due aux constructions urbaines est fondée sur
l’économie de plantation.
14
BIBLIOGRAPHIE
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Université de Cocody-Abidjan, 453 p.
DIAN B. (1982), L’économie de plantation en Côte d’Ivoire forestière. Thèse de Doctorat
d’Etat, IGT-Abidjan, Tome I, 781 p ; Tome II, 770 p.
FRATERNITE Matin (2003), Quand les paysans prennent leur destin en main. Café-Cacao.
De la CAISTAB à la BCC. Spécial Agri 2003
KOUADIO Y D (2016), Economie de plantation et dynamique urbaine dans le département
de Soubré, Thèse de Doctorat unique, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, 386 p.
KOUADIO Y. D., ALOKO-N’GUESSAN J. (2015), "Dynamique démographique et
économique, facteurs déterminants de la croissance spatiale des villes du département de
Soubré (Côte d’Ivoire)",European Scientific Journal, édition vol.11, No.26, pp180-199
OURA K. R. (2006), Agriculture et urbanisation : Le cas de Bonoua, Thèse de doctorat
unique, IGT, 420 p.
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