Évaluation du changement climatique en Afrique de l’Ouest in « Actions d'adaptation au Changement climatique pour le développement rural, la biodiversité et la GIRE » Prof. Alhousseïni Bretaudeau, Secrétariat Exécutif du CILSS, 03 BP 7049 Ouagadougou 03 Burkina Faso, Tél. (226) 50 3741 25/26/27/28/29 Dr BenoÎt SARR et Dr Seydou Traoré, agrométéorologistes, Centre Régional Agrhymet, BP 11011 Niamey, NIGER. Tél (227) 20 31 53 16/ 20 31 54 36 Résumé Le changement climatique (CC) constitue une menace sérieuse pour le développement de l'Afrique, Selon les observations et les projections climatiques, le CC se traduit par une variabilité accrue de la pluviométrie, une élévation de la température et du niveau de la mer et une recrudescence des phénomènes météorologiques extrêmes. Les impacts du CC sur les secteurs de l'agriculture, les ressources en eau et la biodiversité sont d'ores et déjà évidents. A titre d'exemple, des baisses de rendement des cultures céréalières de l'ordre de 20 à 50 % sont attendus en Afrique Subsaharienne semi aride à l'horizon 2050: La perspective dans les décennies· à venir de l'intensification du réchauffement global conduit à de sérieux problèmes d'adaptation. Les efforts sont désormais portés sur J'intégration de l'adaptation au CC dans la planification tant au niveau régional, national et local et la mise en œuvre de réponses au plan politique, institutionnel et technique. En matière d'adaptation, un large éventail d'expériences novatrices existe aujourd'hui en Afrique, en particulier dans le domaine de la gestion durable des terres, des eaux et des forêts. La mise en œuvre de ces mesures d'adaptation a conduit en certains endroits au Sahel à une amélioration de la sécurité alimentaire et la biodiversité locale, Cependant, la mise en œuvre à grande écho/le nécessite des financements importants provenant des fonds d'adaptation et une coopération régionale et sous régionale soutenue. 1) Introduction Le réchauffement climatique (CC) constitue une menace sérieuse pour le développement durable (PNUD, 2008). Il pourrait accélérer la décroissance économique et la pauvreté des populations rurales considérées comme les plus vulnérables. Les effets attendus du changement climatique, notamment la réduction de la production agricole, la détérioration de la sécurité alimentaire, l'incidence accrue des inondations et de la sécheresse, la propagation des maladies climato sensibles et l'augmentation du risque de conflits à cause de la raréfaction des ressources (terres, l'eau) sont d'ores et déjà évidents. Le changement climatique pourrait de ce fait, déstabiliser et affecter les fondements des moyens de subsistance des populations. En effet, les systèmes de production économiques de la sous région Ouest Africaine, fondés sur l'exploitation des ressources naturelles locales, restent fortement tributaires du climat et de ses variations. Sans mesures d'adaptation, la plupart des progrès réalisés ces 50 dernières années en matière de développement et de lutte contre la pauvreté seront inéluctablement perdu dans un avenir proche. La perspective du réchauffement climatique dans les décennies à venir, avec comme conséquence l'accroissement de la variabilité des précipitations et du nombre d'évènements météorologiques extrêmes, la montée du niveau de la mer et le déplacement des zones climatiques, présage de sérieux problèmes d'adaptation. Il devient donc nécessaire de Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 1 redoubler d'efforts pour intégrer l'approche et les mécanismes d'adaptation au Changement Climatique dans la planification tant au niveau régional, national que local. 2 ) Les certitudes et incertitudes sur les changements climatiques Selon le GIEC (2007), le changement climatique en Afrique subsaharienne devrait se traduire par une variabilité accrue de la pluviométrie, une élévation de la température et du niveau de la mer et une recrudescence des phénomènes météorologiques extrêmes (fortes pluies, inondations, canicules). Des observations sur le climat et les océans, il s'avère que l'Afrique de l'Ouest (AO) a subi une hausse des températures de l'ordre de 0,6 à 0,7°C, plus rapide que la moyenne globale (Figure 1). Ces augmentations de températures ont été de l'ordre de 0,2°C à 0,8°C par décennie depuis fa fin des années 1970s dans les zones sahélo-sahariennes, sahéliennes et soudaniennes (CEDEAO-CSAO/OCDE, CILSS, 2008). Figure 1 : Anomalies des températures de l'air en Afrique et dans le monde de 1900 à 2000 (source GIEC, 2007). Lignes noires: températures moyennes observées pour la période 1906-2005. Bandes colorées bleues « plage » de 5 à 95 % pour 19 simulations faites par 5 modèles climatiques du GIEC en utilisant les seuls forçages naturels dus à l'activité solaire et aux volcans. Bandes colorées en rose « plage » de 5 à 95 % pour 58 simulations faites par 14 modèles climatiques en utilisant à la fois les forçages naturels et anthropiques Selon les conclusions du GIEC (2007), le CC du aux influences et aux activités humaines, a probablement accru les températures nocturnes, augmenté le risque de vagues de chaleur et les surfaces affectées par la sécheresse depuis les années 1970 et la fréquence des événements de précipitations extrêmes. En outre, l'Afrique de l'Ouest a connu ces dernières décennies une variabilité extrême et une forte diminution des précipitations (Le barbé et al., 1997 ; Nicholson, 2001 ; Ali et al. 2008). Cette tendance s'est traduite par un glissement des isohyètes de 100 à 200 km vers le Sud (Figure 2). Les précipitations ont en moyenne baissé de 15 à 30 % au Sahel et de 15 % dans les régions des forêts tropicales humides. Il apparaît clairement (figure 3) que Le Sahel a enregistré le déficit pluviométrique le plus important de la planète. Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 2 Figure 2 : Glissement des isohyètes dans les pays du Sahel suite aux sécheresses dans les années 1970 (source AGRHYMET) Figure 3: Variation des précipitations de la période juillet -août (mm/j) entre 1948 - 1966 et 1967 -1998. (Mike Hulme, Climatic Research Unit, 2000) Le déficit pluviométrique associé à l'irrégularité des pluies a pour corollaire la variabilité des paramètres clés de la saison agricole dont les dates de début, de fin et une plus grande occurrence des séquences sèches et des déficits hydriques (Traoré, 2000). Ce processus qui a abouti à l'aridification du climat dans la zone sahélienne a été amplifié sans doute par le changement climatique (CEDEAO-CSAO/OCDE, CILSS, 2008). Depuis le milieu des années 1990 on assiste à un retour à de meilleures conditions pluviométriques au Sahel, avec cependant une variabilité interannuelle accrue des précipitations (Figure 4). Cette variabilité accrue tend à rendre de plus en plus difficile la planification agricole. Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 3 Figure 4 : Evolution de l'indice pluviométrique dans les pays sahéliens de 1950 à 2005, Source, Agrhymet Les dernières décennies ont vu la recrudescence de phénomènes hydrométéorologiques extrêmes. Après les sécheresses des années 1970 et 1980, ce sont les pluies diluviennes, occasionnant des inondations dévastatrices, qui ont marqué les années 1990 et surtout les années 2000. C'est ainsi que, selon OCHA (2009), les montants des dommages sur les secteurs clés de l'économie (production agricoles, transports, infrastructures occasionnés par les inondations), notamment dans les 8 pays de l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) ont été estimés à 189 et 388 milliards de dollars US respectivement pour le scénario minimal et maximal entre 2000 et 2008 (figure 5). Figure 5: Montant des dommages US $(*10000) entre 2000-2008 (source DPCS; OCHA 2009) En outre, cette région pourrait subir un réchauffement de l'ordre de 3 à 4 °C d'ici 2100 selon Christensen et al. (2007) en dépit de sa contribution marginale aux émissions de gaz à effet de serre (figure 6). Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 4 Figure 6: Projections futures des températures et des précipitations à l'horizon 2080/99 comparées à la période 1980/99, (source, GIEC, 2007) Figure RID.6. Modifications des températures de surface simulées pour le début et la fin du XXIe siècle par rapport à la période 1980– 1999. Les planches situées au centre et à droite représentent les moyennes des simulations faites à lʼaide de modèles de circulation générale océan-atmosphère couplés (AOGCM) pour les scénarios RSSE B1 (au-dessus), A1B (au centre) et A2 (en bas), moyennés sur les décennies 2020–2029 (centre) et 2090–2099 (droite). Les panneaux de gauche montrent les incertitudes correspondantes sous forme de probabilités relatives pour lʼestimation de la moyenne mondiale du réchauffement pour différents AOGCM et études de modèles de systèmes terrestres de complexité intermédiaire pour les mêmes périodes. Certaines études ne fournissent des résultats que pour un sous-ensemble des scénarios du RSSE ou pour dʼautres versions de modèles. Par conséquent les différences sur le nombre de courbes, montrées sur les planches de gauche, sont uniquement dues aux différences dans la disponibilité des résultats. {Figures 10.8 et 10.28} En dépit de leurs incertitudes, les tendances futures des précipitations indiquent une baisse pouvant atteindre 20 à 30 % notamment dans la partie occidentale de l'AO (GIEC, 2007). La sévérité de la sécheresse qui s'en suivra pourrait engendrer une diminution des réserves en eau disponibles des terres cultivables - et des modifications de la durée de la période de croissance végétative (Thornton et al., 2006). Les effets attendus de ce changement seront la réduction des superficies de terres arables continentales et côtières, les modifications de la durée des saisons de culture, la perturbation des cycles biologiques des cultures et autres microorganismes utiles à l'environnement, des stress hydriques et thermiques plus intenses sur des périodes plus longues. Ce dysfonctionnement des saisons agricoles aura une grande influence sur la capacité des agriculteurs à planifier leurs activités agricoles. 3) Impacts observés et attendus du changement climatique En dépit de incertitudes, les scénarii prévoient sans mesures d'adaptation des baisses des rendements agricoles de l'ordre de 20 à 50 % en Afrique soudano sahélienne (FAO 2008; Sarr et al. 2007), notamment dans les pays sahéliens (Figure 7). En effet, certaines cultures de base telles que le maïs et le riz sont très sensibles aux augmentations de température. Il a été noté, à titre d'exemple, qu'en zone tropicale, les rendements en grains du maïs chutent immédiatement dès que la température augmente de +1 oC (André et al. 2003). Conséquemment, on estime qu'en 2100, l'Afrique de l'Ouest subira des pertes agricoles les Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 5 plus élevés dans le monde entre 2 et 4 % de son PIB (Mendelsohn et al., 2000 ; Boko et al., 2007). Figure 7 : Impacts projetés à l'horizon 2050 du changement climatique sur le potentiel de production céréalière pluviale - (source FAO, 2008) Des études récentes du CILSS/Agrhymet (AGRHYMET, 2010) ont montré que les rendements des cultures comme le mils/sorghos vont baisser de plus 10 % dans le cas de l'augmentation des températures de + 2°C et de variations peu significatives des précipitations à l'horizon 2050 (Figure 8). Une hausse de + 3°C engendrera une baisse de rendements agricoles de l'ordre de 15 à 25 % (figure 8). Figure 8. Taux de variations des rendements en grains des mils/sorghos au Niger et au Burkina Faso en fonction des scénarii de hausse de température: SO_2020 : Hausse température: 1°C; SO_2050: Hausse température de 1,5°C; SO_2080 : Hausse température de 3°C; Pour les 3 scénarios, aucune variation des précipitations par rapport à la période actuelle n'a été considérée. En revanche, pour le cas des plantes comme le riz, dont le système photosynthétique C3 permet de valoriser quelque peu les teneurs élevées de CO2, dans l'atmosphère, une certaine Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 6 augmentation des rendements de l'ordre 10 à plus de 35 % pourrait être observée au cours des prochaines décennies si les ressources en eau sont suffisantes (AGRHYMET, 2010). Cependant, à plus long terme, l'effet dépressif des hautes températures va compenser cet « effet fertilisant» du CO2, et on assistera à la diminution des rendements de riz (Figure 9). Figure 9 : Impacts projetés du changement climatique sur le rendement de trois variétés de riz irrigué au Niger (source Keita, 2009) D'autres analyses prospectives (FAO, 2009), dans le long terme (d'ici 2080) indiquent que le changement climatique aura vraisemblablement les conséquences suivantes: - 75 % de la population africaine pourrait être exposée à la faim; - 75 millions d'hectares de terres actuellement adaptées à l'agriculture pluviale disparaîtraient en Afrique subsaharienne. En effet, la longueur de la période de croissance des plantes serait l'un des éléments affectés par le changement climatique du fait de la hausse des températures et des phénomènes d'évapotranspiration, la variabilité accrue des pluies (Figure 10). - Au cours des 100 prochaines années, il est attendu une extension des zones arides et semiarides, une réduction des surfaces propres à l'agriculture et du potentiel de production agricole. Figure 10: Espace avec baisse de la longueur de la saison agricole de 20 % d'ici 2050 pour deux scénarii d'émission de gaz à effet de serre: HadCM3, Al (à gauche) and HadCM3, Bl (à droite) En 2080, on prévoit une croissance de 5 à 8% des terres arides et semi arides en Afrique pour une large gamme de scénarios climatiques. Le P.I.B. (Produit Intérieur Brut) agricole régressera alors jusqu'à 8 % en Afrique subsaharienne. On estime que la production agricole, y compris l'accès à la nourriture, pourrait être sévèrement compromise dans de nombreux pays africains. Cette situation réduirait la sécurité alimentaire et exacerberait la malnutrition. Au plan des ressources en eau, pour les décennies à venir, on s'attend à une diminution des réserves en eau disponibles. D'ici à 2020, on prévoit qu'entre 75 et 250 millions de personnes seront exposées à des déficits en eau en Afrique (GIEC, 2007). Le secteur des ressources en Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 7 eau agricole qui conditionne l'agriculture et donc la sécurité alimentaire restera, sans nul doute, le plus vulnérable, Au niveau de la diversité biologique, l'Afrique compte un quart environ des 4 700 espèces de mammifères du monde, plus de 2 000 "espèces d'oiseaux, soit un cinquième du total mondial. et au moins 2 000 espèces de poissons. L'Afrique continentale compte de 40 000 à 60 000 espèces de plantes. Les écosystèmes et la biodiversité seront fortement menacés par les CC. Le CC serait trop rapide pour que les écosystèmes naturels puissent s'adapter, il en résultera sans doute une forte baisse de la biodiversité. Plus de 4 000 espèces végétales africaines perdront leur principal habitat, ce qui compromettra les modes de "subsistances de nombreux Africains" qui dépendent des ressources naturelles pour en tirer de la nourriture, du carburant, du fourrage et des médicaments. Yasagu Planteurs d’arbres, document distribué par le CILSS lors du 1er Forum Africain sur le Développement Durable, Bamako Octobre 2011 8