Effets des facteurs de reproduction sur le risque de cancer du sein

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DOSSIER
Hormone et cancer du sein
Effets des facteurs
de reproduction sur le risque
de cancer du sein :
revoir les croyances
Effects of reproductive factors on breast cancer risk:
a change of outlook
C. Jamin*
L
* Association francophone de l'aprèscancer du sein (AFACS), 169, bd
Haussmann, 75008 Paris.
es facteurs de risque du cancer du sein sont à la
fois génétiques, environnementaux et hormonaux. Ainsi, le risque diffère selon le continent
ou le pays, mais aussi selon les facteurs génétiques
ou sociétaux (niveau d’études, de revenu, mode de
vie, nutrition, exercice physique…), aucun de ces
facteurs n’étant indépendant. Sur le plan hormonal,
le risque dépend des taux d’estrogènes, d’androgènes, d’insuline, d’IGF-1… Là encore, ces facteurs
ne sont pas indépendants et sont modulés, eux aussi,
par les facteurs sociétaux et génétiques. De plus,
ces paramètres peuvent influer sur l’incidence de
la maladie mais aussi sur sa gravité, sur la survie,
dans la population générale et dans des populations
spécifiques considérées comme à risque (femmes
porteuses de mutation, par exemple). Par ailleurs,
ces facteurs influent différemment selon la période :
pré- ou postménopause.
Selon le modèle classique de la carcinogenèse, des
cellules de glande mammaire indifférenciées peuvent
être initiées par les carcinogènes tôt dans la vie et
subir ultérieurement l’action d’agents promoteurs qui
favoriseront ou non l’éclosion de la maladie plusieurs
années après. L’épithélium de la glande mammaire
pourrait atteindre une différenciation complète, le
plus souvent après une première grossesse menée
à terme. Les cellules différenciées ne se divisent pas
ou ne prolifèrent pas dans des conditions normales
et sont de ce fait moins sensibles aux effets des
carcinogènes. La période la plus sensible aux carcinogènes se situerait en péripubertaire. En d’autres
termes, plus la première grossesse menée à terme
est précoce, plus la différenciation des cellules de
glande mammaire l’est aussi, la rendant peu ou pas
sensible aux carcinogènes. Ce modèle est probablement simpliste, l’initiation dépendant d’une cascade
d’événements incomplètement achevée après la
première grossesse à terme. De plus, les facteurs
de promotion pourraient aussi fragiliser le sein en
favorisant la prolifération avant la différenciation
mammaire, en particulier lors de l’organogenèse
intra-utérine, ainsi qu’en péripubertaire, rendant
la glande encore plus sensible aux carcinogènes
: ces facteurs seraient alors mixtes, initiateurs et
promoteurs.
Par ailleurs, la première grossesse menée à terme
modifie les taux hormonaux sur une longue durée :
la prolactine et les estrogènes diminuent, alors que
la SHBG augmente. Il est possible que ces modifications apportent une protection supplémentaire
contre le cancer du sein.
Cancer du sein
et vie hormonale
Facteurs de risque prépubertaires
Des arguments laissent penser que la carcinogenèse
intervient très tôt dans la vie, voire même avant
la naissance, et cela indépendamment de la génétique. Ainsi, le risque de développer un cancer du sein
augmente à tous les âges avec le poids de naissance
(9 % de risque supplémentaire pour 1 000 g). Par
ailleurs, en prenant 3 000 g comme risque 1, un faible
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Mots-clés
Résumé
»» Le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent dans le monde. Il y a cependant de fortes
différences régionales, avec des taux élevés en Amérique du Nord et en Europe du Nord, et des taux
relativement bas en Afrique et en Asie. Ces différences peuvent avoir de nombreuses explications :
génétiques, nutritionnelles, facteurs liés au mode de vie ou à la vie reproductive… Cet article passe
en revue les effets des facteurs de reproduction sur le risque de cancer du sein : règles précoces, nulliparité ou première grossesse tardive, stérilité, ménopause tardive, facteurs hormonaux… Identifier les
facteurs de risque de cancer du sein pourrait améliorer significativement la prévention. Les niveaux
de risque observés sont assez faibles, ce qui signifie que nous sommes loin de facteurs déterminants
d’initiation. De plus, ces facteurs sont souvent intriqués, ce qui ne rend pas aisée la détermination
de cibles d’intervention.
poids de naissance (moins de 2 500 g) donne aussi
un risque relatif de 1,59 (1-1,55), alors qu’un poids
de 4 000 g donne un risque relatif de 1,25 (1-2,51).
D’autres facteurs comme la taille de l’enfant, le poids
du placenta, la prématurité, la gémellité avec un
garçon ainsi que la prise de disthylbène par la mère
sont aussi impliqués. L’hyperinsulinisme serait le
facteur en cause dans les gros poids de naissance
et les gros placentas, mais les petits poids de naissance induisent aussi une insulinorésistance avec
l’âge (1, 2).
La puberté
L’âge des premières règles est loin d’être un facteur
de risque reconnu de cancer du sein, tant avant la
ménopause qu’après. Une augmentation modeste a
cependant été décrite par certains auteurs en comparant un âge inférieur à 12 ans versus 15 ans, en
particulier pour les cancers préménopausiques (3, 4).
En revanche, les facteurs de croissance à cette
période semblent influer sur le risque. Ainsi, une
grande taille et un petit indice de masse corporel à
14 ans augmentent le risque, de même qu’un âge
précoce de la poussée de croissance.
Le plus important semble être l’exposition à des
carcinogènes comme les radiations (explosion
nucléaire ou radiothérapie) en péripuberté, qui
augmentent fortement le risque de cancer du sein.
L’effet délétère des carcinogènes est maximal lorsque
le sein est indifférencié avec un fort taux de mitoses
(5).
La grossesse
◆◆ Parité
Deux des facteurs liés au cancer du sein connus
depuis longtemps et les plus reproductibles sont la
baisse du risque de cancer du sein avec l’augmentation de la parité et l’augmentation du risque avec
la nulliparité. L’effet protecteur de la parité serait
dû au jeune âge au premier accouchement (4, 6).
Cela vient appuyer la théorie selon laquelle la sensibilité mammaire aux carcinogènes serait maximale
entre la puberté et la première grossesse menée à
terme : plus celle-ci serait précoce, plus la fenêtre
de risque serait courte. Cependant, dans une étude
récente, la multiparité est associée à une baisse du
risque de cancer du sein indépendante des effets de
l’âge au premier accouchement, bien que ces deux
variables soient inversement corrélées. Ce résultat
est cohérent avec la possibilité que la différenciation cellulaire de la glande mammaire initiée par le
premier accouchement pourrait masquer l’effet de
promotion à court terme d’une grossesse ultérieure
chez les multipares. Chaque nouvelle grossesse pourrait différencier les cellules indifférenciées restantes
(4). Des explications hormonales ont été avancées :
les taux de prolactine sont substantiellement plus
bas chez les multipares que chez les nullipares ; les
multipares ont des taux d’estradiol circulant plus bas
et des taux d’estradiol libre biodisponible plus hauts.
Une autre théorie séduisante expliquerait l’effet
protecteur de l’âge de la première grossesse menée
à terme : chaque grossesse, pendant et 10 ans après,
induit une augmentation transitoire du risque de
cancer du sein du fait de l’inondation hormonale et/
ou de phénomènes immunitaires et inflammatoires.
Cette augmentation est d’autant plus importante
et prolongée que l’âge est élevé. Il est à noter que la
gravité des cancers découverts lors de la grossesse et
dans le post-partum est plus importante qu’à distance
de la grossesse. Puis arrive une diminution du risque
très durable. Ainsi, une première grossesse menée à
terme tôt donne un rapport "durée d’augmentation
et importance de cette augmentation du risque" sur
"durée de diminution du risque" très favorable, ce
qui n’est pas le cas pour les grossesse tardives, où la
diminution du risque ne compense plus l’augmentation importante, même transitoire (4, 7).
Les nullipares ont un risque de cancer du sein plus
élevé que les femmes qui ont mené une grossesse
à terme avant 25 ans (RR : 1,56 ; 1,27-1,91). Chez
les multipares, le risque relatif décroît en fonction
du nombre de grossesses. En prenant comme référence les femmes ayant eu une grossesse à terme,
le risque relatif de cancer du sein est de 0,78 pour
2 accouchements, 0,68 pour 3 accouchements, et
0,31 pour 4 accouchements ou plus.
L’effet protecteur de la multiparité reste inchangé
après ajustement de l’activité physique, de la consommation de tabac et d’alcool, et de la nutrition.
Cancer du sein
Reproduction
Facteur de risque
Hormone
Grossesse
Contraception
Fertilité
Ménopause
Keywords
Breast cancer
Reproduction
Risk factor
Hormone
Pregnancy
Contraception
Fertility
Menopause
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Hormone et cancer du sein
Ainsi, les femmes ayant une première grossesse à
terme après 35 ans ont un risque plus élevé de cancer
du sein que les femmes ayant une première grossesse
à terme avant 25 ans. La baisse du risque est accentuée par le nombre de grossesses ultérieures.
◆◆ Allaitement
Bien que majoritairement issue d’études rétrospectives, la méta-analyse de 47 études épidémiologiques
est en faveur d’un effet protecteur de l’allaitement
sur le cancer du sein : le risque diminuerait de 4,3 %
par année cumulée d’allaitement.
Une des explications est que le nombre cumulatif de
cycles menstruels ovulatoires est moindre chez les
femmes qui allaitent, dans la mesure où l’allaitement
retarde l’ovulation après une grossesse menée à terme.
De longues durées d’allaitement sont aussi synonymes
de longues périodes d’hypoestrogénie. L’allaitement est
un comportement que l’on peut modifier, son impact
sur le risque moindre de cancer du sein est donc important, en particulier chez les femmes préménopausées.
Cela est moins évident en ce qui concerne le risque
chez les femmes en postménopause (3, 8).
◆◆ Avortements spontanés ou provoqués
De nombreux travaux ont étudié l’association entre
risque de cancer du sein et avortements spontanés
ou provoqués. Une réanalyse des données de 53
études épidémiologiques incluant 83 000 femmes
issues de 16 pays et ayant un cancer du sein, a mis en
évidence l’incohérence des résultats de ces études et
les difficultés dans l’évaluation de ces associations.
Elle conclut que le risque ne semble pas associé à une
augmentation du nombre d’avortements spontanés
ou provoqués (4, 9).
◆◆ Prééclampsie
Plusieurs études de cohorte et cas contrôles ont évalué
le rapport entre l’existence d’une prééclampsie et le
risque de cancer du sein. Les résultats sont très incohérents. Cependant, l’impression dominante est l’existence d’une relative protection du risque de cancer du
sein par des antécédents de prééclampsie (6).
◆◆ Diabète gestationnel
Le diabète gestationnel induit un surrisque de cancer
du sein en postménopause (RR : 1,5 ; 1-2,1). L'explication serait l’existence d’un lien avec un hyperinsulinisme (10).
◆◆ Fertilité
Plus le temps d’attente de la première grossesse est
long, plus le risque de cancer du sein en préménopause
s’élève. Il existe cependant de nombreux facteurs
confondants liés au mode de vie, à la parité ou à
l’âge de la première grossesse. Après ajustement sur
tous ces facteurs, la durée d’infertilité reste un facteur
de risque. Mais ces ajustements restent imprécis : il
faudrait tenir compte de la cause de l’infertilité, en
particulier de l’existence d’un ovaire polykystique
et de l’hyperinsulinisme qui l’accompagne souvent.
En revanche, il semble établi que le risque de cancer
du sein est indépendant des traitements de l’infertilité,
en particulier des stimulations de l’ovulation (11).
Facteurs menstruels
◆◆ Âge des premières règles
Une élévation modeste du risque de cancer du sein
a été associée à des premières règles précoces. Mais
des études suggèrent qu’un cycle menstruel ovulatoire régulier augmenterait le risque de cancer du
sein. Celui-ci pourrait être 2 fois plus élevé chez les
femmes dont les cycles deviennent réguliers dans
l’année suivant les premières règles par rapport
aux femmes dont les cycles ne deviennent réguliers qu’après 5 ans ou plus. Mais la cause de ces
irrégularités menstruelles n’est pas précisée : hypothalamique avec hypoestrogénie ou ovaire polykystique avec hyperinsulinisme. Cependant, il n’existe
pas d’association entre âge des premières règles et
risque de cancer du sein dans la méta-analyse de
Talamini et al. (9). L’incohérence de ces résultats
ne transforme pas l’âge des premières règles en un
facteur de risque incontestable de cancer du sein (3).
◆◆ Nombre de jours de saignement
Il n’y a pas de corrélation entre le nombre de jours de
saignement et le risque de cancer du sein. Cependant,
il existe une tendance significative à une diminution
du risque avec la durée du saignement, diminution
qui se manifeste en postménopause uniquement.
◆◆ Durée des cycles
On n’observe aucune corrélation entre la durée des
cycles et le risque de cancer du sein.
◆◆ Syndrome prémenstruel, mastodynie,
mastopathies bénignes
Selon la majorité des auteurs, le syndrome prémenstruel et les mastodynies prémenstruelles ne sont
pas des facteurs de risque reconnus. En revanche,
les mastopathies bénignes ont un risque relatif de
1,6 uniquement lorsqu’elles comportent des foyers
de mastopathies avec prolifération et atypie : il faut
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probablement les classer davantage comme facteur
de risque génétique plutôt qu’hormonal (12).
◆◆ Âge de la ménopause
Selon les études épidémiologiques, on sait qu’une
ménopause tardive est un facteur de risque de cancer
du sein. En considérant la ménopause avant 45 ans
comme base 1, le risque relatif pour une ménopause
entre 45 et 49 ans est de 1,3 (1,1-1,7), 1,5 (1,2-1,9)
pour une ménopause entre 50 et 52 ans, et 1,8 (1,42,2) pour une ménopause au-delà de 53 ans (9).
La ménopause artificielle par ovariectomie bilatérale
réduit de façon significative le risque de cancer du
sein, de façon plus marquée qu’avec la ménopause
naturelle (RR : 0,8 ; 0,6-0,8) à âge égal.
Cette propriété est très utilisée en prévention du
cancer du sein chez les femmes ayant une mutation
BRCA1 ou 2. L’ovariectomie prophylactique à 40 ans
avec annexectomie induit une réduction du risque qui
pourrait atteindre près de 50 %. Il ne semble pas que
la prescription d’un THM, en particulier sans progestatif de synthèse, chez les femmes hystérectomisées
soit contre-indiquée, au moins jusqu’à l’âge normal
de la ménopause (3).
Facteurs hormonaux
◆◆ Hormones endogènes
Depuis les années 1960, de nombreuses études ont été
menées sur l’influence des hormones sur le risque de
cancer du sein. Les estrogènes ont été mesurés dans
l’urine,dans le sang, et plus récemment dans le tissu
mammaire. On sait depuis longtemps que les femmes
ayant un taux élevé d’estrogènes, en particulier les
estrogènes libres, non liés à la globuline sex hormone
binding, ont un risque supérieur de développer un
cancer du sein (12).Par ailleurs, le taux des androgènes
a été trouvé parfois augmenté chez les femmes qui
révéleront un cancer du sein.
Mais d’autres facteurs comme l’insuline et l’IGF-1
sont aussi des facteurs indépendants de cancer, ce
qui n’est pas le cas des androgènes. On rencontre
souvent un taux élevé d’estrogènes et d’androgènes
dans l’obésité androïde, elle-même associée à un
hyperinsulinisme.
◆◆ Hormones exogènes
Contraception orale
Un article est consacré à ce sujet dans ce numéro
(page 10). La contraception orale ne semble pas être
un facteur de cancer du sein, tant pour les estroprogestatifs que pour la contraception progestative (3).
Macroprogestatifs
Selon l’étude française E3N (13), une utilisation
de macroprogestatifs supérieure à 4 ans en périménopause s’accompagne d’une augmentation du
risque de CS.
Traitement hormonal de la ménopause (THM)
Après des dizaines d’années de controverses, il semble
se dégager un certain consensus sur ce sujet si polémique. L’utilisation d’estrogènes seuls chez la femme
hystérectomisée n’est liée à aucune augmentation du
risque : on observe même une diminution du risque de
cancer du sein, qui persiste 5 ans après l’arrêt (14). À
l’inverse, l’association estroprogestative s’accompagne
d’un risque relatif de 1,25 après 5 ans d’utilisation, et
ce surrisque persiste en s’atténuant après l’arrêt (15).
Le type d’estrogène et sa voie d’administration n’ont
pas d’influence sur le risque de cancer du sein. En
revanche, le type de progestatif pourrait, lui, être
très important : pas d’accroissement du risque avec
la progestérone et la rétroprogestérone, au contraire
des progestatifs artificiels, qui majorent le risque de
cancer du sein.
Une explication en vogue est que le risque n’est pas
directement lié aux stéroïdes mais à leur impact sur
l’insulinorésistance (16).
Prévention hormonale du cancer du sein
Il semble, à la lumière de ce qui est exposé ci-dessus,
que la carence en estrogènes soit l’un des rares
facteurs validé de prévention du cancer du sein. Il
est dès lors logique de penser que l’utilisation d’antihormones est susceptible de prévenir la survenue
de ces cancers. Deux antiestrogènes compétitifs ont
été testés avec succès : le tamoxifène et le raloxifène. Le tamoxifène est plus efficace mais moins
bien toléré que le raloxifène. D’autres SERM (selective estrogen receptor modulators) ont été testés,
avec des résultats comparables. Les inhibiteurs de
l’aromatase sont aussi de bons candidats en cours
d’exploration (17).
Vie reproductive et pronostic
du cancer du sein
Si l’on compare les cancers du sein découverts chez
les femmes nullipares et ceux découverts chez les
multipares, ces derniers sont plus souvent non
localisés (RR : 3 ; 1,2-7,7) et la mortalité est plus
élevée (RR : 2,1 ; 1-4,5). En revanche, l’allaitement
s’accompagne davantage de tumeurs hormonodépendantes. Le surrisque de mortalité est observé
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DOSSIER
Hormone et cancer du sein
seulement lorsque la dernière grossesse remonte à
moins de 15 ans. Si la dernière grossesse remonte à
plus de 30 ans, la mortalité baisse de 35 % (18-20).
Discussion
La carence estrogénique s’accompagne d’une baisse
du risque de cancer du sein. On peut probablement
ranger dans cette catégorie la ménopause prématurée,
la castration, la durée d’allaitement, l’âge tardif des
premières règles et l’utilisation d’antiestrogènes.
Concernant les facteurs de risque eux-mêmes, la
situation est plus confuse : l’utilisation d’estrogènes,
tant pour la contraception que pour le traitement
de la ménopause, ne majore pas le risque de cancer
du sein, et l’augmentation statistique du risque avec
l’estradiolémie endogène n’est pas concluante du
fait de facteurs confondants comme le poids, les
ovaires polykystiques, l’exercice physique, la nutrition ou les grossesses antérieures… De même, pour
les THM, il semble qu’il faille davantage incriminer
l’insulinorésistance induite par les progestatifs que
les stéroïdes eux-mêmes.
La naissance et la puberté sont des situations à
risque de carcinogenèse, du fait de la prolifération mammaire qui se poursuit jusqu’à la fin de la
première grossesse menée à terme. Le risque dépend
de la présence de facteurs de croissance comme
l’insuline et l’IGF-1 (intensité de la prolifération) et
de la rencontre de carcinogènes comme les radiations ionisantes.
La grossesse s’accompagne d’un triple phénomène :
augmentation transitoire du risque (facteurs inflammatoires immunologiques et hyperinsulinisme), et
aggravation du pronostic, elle aussi transitoire ; puis,
plus à distance (10 à 15 ans environ), apparaissent
une diminution du risque et une amélioration du
pronostic (différenciation cellulaire). Le risque global
dépend de l’âge de la première grossesse, qui détermine le ratio risque augmenté/risque diminué, mais
aussi le risque attribuable, qui dépend de l’impact du
risque relatif sur le risque spontané, qui, lui, dépend
de l’âge.
Les mastopathies bénignes induisent un risque qui
n’est pas en rapport avec des phénomènes hormonaux mais qui est lié au caractère histologique.
Conclusion
Depuis l’ère du "tout-hormonal" dans la responsabilité du cancer du sein, la roue a tourné. Seules la
durée et la profondeur d’une carence estrogénique
expliquent une diminution du risque de cancer du
sein. Toutes les autres situations de surrisque font
appel à des facteurs de croissance ainsi qu’à des
phénomènes immunologiques, histologiques et
inflammatoires. Il faut se garder de vouloir à tout
prix y voir un effet de l’hyperestrogénie relative
ou absolue, ou même d’un effet progestérone ou
progestatif.
■
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