
dossier
Infirmier !
Un métier dangereux...
Tous les risques encourus par les infirmiers sont-ils inhérents à la profession ?
Ne pourrions-nous pas limiter les risques ? La notion de devoir ne tombe-t-elle
pas face au risque vital ?
ous les risques encourus par les
infirmiers sont-ils inhérents à la
profession ? Ne pourrions-nous
pas limiter les risques ? La notion de de-
voir ne tombe-t-elle pas face au risque
vital ?
Nous savons bien que nous travaillons
avec des risques de contamination et
notre formation nous apprend à les limi-
ter, mais avons-nous tous les éléments
en main ?
À chaque injection, nous essayons de
ne pas nous piquer avec des aiguilles
souillées, nous avons des méthodes :
nous ne remettons pas les fourreaux
aux aiguilles, mais nous les jetons di-
rectement dans nos boîtes qui seront
incinérées, mais... le risque existe tout
de même. Chaque année, nous nous pi-
quons tous après avoir piqué un patient !
Mais si nous avions accès au DMP, nous
saurions que chez ce monsieur, nous
devons particulièrement être prudents
puisqu’il est atteint du SIDA ou chez
cette dame qui a une hépatite virale...
Ce même dossier partagé pourrait nous
être utile quand nous sommes appelés
chez un nouveau patient : si nous sa-
vons qu’il a un suivi psychiatrique, nous
pourrions être plus vigilants et garder
toujours la possibilité de fuir en cas de
crise, laissant le trajet vers la sortie tou-
jours libre. Grâce à ce DMP, notre col-
lègue retrouvée morte dans le coffre de
sa propre voiture, il y a quelques années,
assassinée par son nouveau client, se-
rait peut-être encore en vie. J’avais été
choqué car, dans cette même période,
un policier aussi était mort en service :
triste série... Pour le policier, le Ministre
et son staff s’étaient déplacés. Pour l’in-
firmière libérale : personne. Même dans
la mort, l’infirmière reste peu de chose.
Récemment, à Strasbourg, une infir-
mière libérale a été assassinée. Là en-
core, pas de Ministre. Elle ne travaillait
pas dans une zone sensible, c’était juste
une collègue qui faisait son métier, un
peu seule… Notre métier est un métier
solitaire. Même en cabinet de groupe,
nous ne prenons pas toujours le temps
de partager nos inquiétudes. Elle sen-
tait peut-être qu’un danger la guettait,
mais elle pensait ne pas avoir le choix :
elle avait un devoir à accomplir. Alors,
rappelons-nous que nous avons un droit
de retrait. Si nous sentons que nous
sommes en danger chez un patient,
que, retourner chez lui pourrait mettre
notre vie en danger, si nous sentons
l’urgence de ne plus se rendre chez
une personne, nous pouvons passer
déposer « une main courante » à la
gendarmerie ou au commissariat dont
notre ville dépend. Là, nous explique-
rons au représentant de l’ordre public
que nous avons peur de continuer les
soins chez telle personne et que, pour
les raisons suivantes, nous interrom-
pons immédiatement les soins. Nous
envoyons rapidement, le lendemain,
une lettre recommandée motivée avec
accusé de réception à la personne
concernée et conformément à l’Art.
R4312-41 du Code de la santé publique,
lui remettons la liste départementale
des infirmiers et infirmières. Personne
ne peut nous reprocher d’avoir peur.
Les agressions verbales sont monnaie
courante avec une patientèle de plus
en plus exigeante. Nous devenons des
prestataires de services corvéables à
merci. Combien d’horaires devons-nous
modifier pour que notre pansement
n’empêche pas la patiente de se rendre
chez son coiffeur indisponible à un autre
moment.
Et puis, bien sûr, nos emplois du temps
sont élastiques : nous sommes dans les
rues dès 05h30 ou 06h et jusqu’à 21h ou
22h et souvent appelés à sortir dans la
solitude et les dangers de la nuit. Parfois,
les pharmacies sont sécurisées mais
nous, nous allons « à découvert »…
Alors, des risques ? Oui… Mais nous
savons les maîtriser, nous l’avons ap-
pris. Certains risques pourraient aussi
être réduits grâce au DMP qui permet-
trait d’anticiper. Face au danger im-
minent, la possibilité d’engager notre
droit de retrait. Et puis messieurs les
Ministres, quand notre profession est
assassinée, rappelez à la population
que nous sommes importants.
Bernard Gallifet, Trésorier
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N° 158 - Septembre 2014
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