Financement de l’économie: de nouveaux canaux pour la croissance
Banque de France•Revue de la stabilité nancière •N°19• Avril 2015
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L’après-crise et le nancement de l’économie : enjeux et dés pour la stabilité nancière
ChristianNoyer
Le défi principal auquel sont confrontées les
économies européennes et plus encore les économies
émergentes est donc d’assurer cette transition vers
l’accroissement du financement de marché.
Cette tendance est déjà enclenchée mais à des
degrés et des rythmes divers. Ainsi, pour faire face
aux difficultés de financement durant la crise, les
entreprises ont recouru davantage au financement
de marché, via des émissions obligataires et, dans
une moindre mesure, des augmentations de capital.
Cette tendance a été particulièrement marquée
en France mais n’a concerné que les grandes
entreprises, non les PME ou les entreprises de taille
intermédiaire(ETI) qui restent essentiellement
dépendantes des financements bancaires.
EnEurope, ce mouvement s’est en outre concentré
dans les pays où les marchés financiers étaient
les plus développés et non ceux où les besoins de
financement étaient les plus importants ou les
pluspressants.
Dans les économies émergentes, la part des
financements bancaires a également reculé au cours
de la dernière décennie au profit des financements
obligataires sur les marchés internationaux, en dollar
(notamment pour les entreprises) ou en devises
domestiques. Il en résulte une sensibilité accrue
des économies émergentes aux mouvements des taux
d’intérêt mondiaux à long terme et au comportement
des investisseurs internationaux.
1|4 L’action des pouvoirs publics
est nécessaire pour faciliter
ce développement
La transition d’une économie où le financement
est pour l’essentiel assuré par les banques vers un
système plus équilibré, faisant une place plus large
au financement de marché, est un processus long.
Aux États‑Unis, il aura fallu plusieurs décennies pour
y parvenir. Dans ce processus, entre autres facteurs,
l’action des pouvoirs publics a été déterminante via
l’action réglementaire et la création des agences
gouvernementales, créant des conditions favorisant
la titrisation des créances immobilières.
Conduire cette transition se pose dans les mêmes
termes en Europe, et particulièrement depuis la crise.
En France, les autorités publiques ont par exemple
lancé de nombreuses initiatives pour développer les
financements alternatifs au financement bancaire.
Ainsi, depuis août 2013, les entreprises régies par
le Code des assurances sont autorisées à accorder
des prêts non garantis aux entreprises noncotées.
Cesprêts doivent entrer dans le cadre d’un programme
spécifiquement approuvé par l’Autorité de contrôle
prudentiel et de résolution, l’approbation tenant
notamment compte de l’adéquation de l’analyse
et de la mesure des risques de crédit ausein de
l’établissement.
On peut aussi signaler les initiatives des banques
centrales pour relancer la titrisation qui pâtit d’un
traitement prudentiel encore trop sévère et d’une
mauvaise réputation auprès des investisseurs depuis
la crise. Or, l’arrêt quasi complet des émissions en
Europe est paradoxal si l’on considère la qualité
de la titrisation européenne, caractérisée par un
taux de défaillance des actifs sous‑jacents environ
dixfois moins élevé qu’aux États‑Unis (1,5% contre
18,4% selon l’agence de notation Standard&Poor’s).
La Banque d’Angleterre et la Banque centrale
européenne ont récemment lancé une initiative
visant à promouvoir une titrisation simple,
transparente et homogène. Il en est de même de la
Banque de France qui, avec la place financière de
Paris, a souhaité exploiter les gisements importants de
créances privées présents dans les bilans bancaires.
Les banques qui le souhaitent peuvent ainsi, via un
véhicule de Place (Euro secured note issuer–ESNI),
adosser ces créances à des titres obligataires,
eux‑mêmes négociables et leur permettant de lever
des ressources à moyen/long terme. Ces obligations
devraient être en outre mobilisables, sous réserve
de remplir les conditions d’éligibilité, en tant
que collatéral pour le refinancement auprès de
l’Eurosystème. Ce mécanisme, non déconsolidant,
permet aux banques de diversifier leurs sources de
financement et encourage la fourniture de crédit
aux PME. La Banque de France fournit quant à elle
les informations sur la qualité des créances qui
garantissent ces obligations grâce à son système de
cotation qui porte sur plus de 280 000 entreprises en
France, dont une large majorité de PME.
Tout récemment, la Commissioneuropéenne a lancé
une consultation sur un cadre européen pour des
opérations de titrisation simples, transparentes et
normalisées.