LPJE06 - Le Petit Journal de l`Economie

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N° 06
FÉVRIER
2015
DOSSIER DU MOIS
LE FOOTBALL AU SERVICE
DE LA THÉORIE ÉCONOMIQUE
TRIBUNE LIBRE
10
20
VEUT-ON SORTIR KEYNES DE LA MACROÉCONOMIE ?
1
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
ÉCONOMIE ET SPORT
CRISE FINANCIÈRE ET FOOTBALL PROFESSIONNEL
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4
BRÈVES
Les dernières news éco/marketing/société/stratégie
ÉDITO
Chères lectrices,
Chers lecteurs,
ÉCONOMIE
Argentine et Grèce : deux crises distinctes, les mêmes
conséquences désastreuses pour la population
Ce numéro 6 du Petit Journal de l’Économie est
l’occasion d’aborder un tout nouveau thème qui saura
certainement ravir bon nombre de nos lecteurs : celui de
l’économie et du sport. Plus précisément, vous trouverez
un dossier du mois traitant de la théorie économique et
de ses rapports avec le football (p.15-16-17-18) et un
article traitant des conséquences de la crise financière
sur le football (p.19-20).
6
8
ECONOMIE INTERNATIONALE
L'élaboration de la zone économique spéciale en Corée
9
BANQUE
Financement des entreprises: enfin la desintermediation en Europe ?
10
TRIBUNE LIBRE
Veut-on sortir Keynes de la macroéconomie ?
12
ENTREPRISE
Consomm’acteur : une menace pour l’entreprise ?
MARKETING
Aussi, vous trouverez dans ce numéro un article sur la
crise économique et financière que subissent l’Argentine
et la Grèce (p.6-7) et un article sur la réalité du financement
des entreprises par les marchés financiers (p.8-9).
Enfin, vous pourrez lire deux articles liés au droit de la
concurrence : un article traitant du sujet des barrières
à l’entrée sur un marché que peuvent constituer les
règlementations environnementales (p.22-23) ; et un
articlesur la notion d’élasticité prix (p.24-25). Ces deux
articles sont suivis de l’interview de M. Gildas de Muizon, qui
dans le cadre de son travail chez Microeconomix, apporte
son expertise dans les affaires de concurrence (p.26-27).
N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez nous
rejoindre et faire partie de l’aventure LPJE en tant que
rédacteurs.
En attendant, vous pouvez nous envoyer vos articles,
mémoires, doctorats et autres travaux de recherche à
l’adresse [email protected]
Nous vous souhaitons une excellente lecture,
Bienvenue dans le Loubiworld : une expérience marketing unique
LESLIE BLAQUIÈRES
Rédactrice en chef
13
24
CONCURRENCE
La prise en compte de la mesure de l'élasticité-prix de la demande par
les différents acteurs économiques
ÉCONOMIE ET POLITIQUE
14
Les programmes d’ajustement structurels : des institutions
internationales remises en cause
INTERVIEW
Gildas de Muizon, associé et directeur exécutif, Microeconomix
DOSSIER DU MOIS
16
La compétition du football a transformé l’esprit rationnel de
l’agent et l’a fait sombrer dans une réflexion maximisatrice
et individualiste. Ne serait-ce pas l’esprit même de l’homoeconomicus ?
ÉCONOMIE ET SPORT
26
20
Crise financière et football professionnel
ORIENTATION
22
Les concours Ecricome
ÉCONOMIE ET ENVIRONNEMENT
Le développement durable : quelle adaptation des entreprises ?
28
MANAGEMENT
Quels outils de motivation pour les managers ?
23
START-UP
30
Un ami m'a dit
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
12:27
3
BRÈVES
A la recherche de talents féminins...
Poussées par les obligations juridiques ou par conviction, les
entreprises commencent à se donner les moyens de féminiser
leurs effectifs, à tous les niveaux. Depuis deux ans, chez
Bouygues construction, la part de femmes cadres de premier
niveau augmente, 31 % fin 2013, contre 28 % fin 2010. Concrètement, les entreprises
interviennent sur trois axes. Le premier : la communication. En communiquant dans les
écoles pour sensibiliser les jeunes filles, dès le collège, aux métiers auxquels elles ne
pensent pas forcément. Le deuxième : le soutien à la parentalité, qui est une façon de
prendre soin de leurs jeunes salariées et de réduire le décrochage de certaines d’entre
elles après leur maternité (Bouygues Construction organise chaque année Women
at Work, une journée où des femmes de l’entreprise témoignent de leurs parcours).
Le troisième : les réseaux de femmes. Il faut multiplier les témoignages de femmes,
faire évoluer les messages sur le site carrière et développer les réseaux (certaines
entreprises ont ainsi créé des réseaux de femmes depuis plus de dix ans déjà, comme
chez Accenture).
LE
SAVIEZ-VOUS
?
536 000
TONNES DE RHUM
sont bues chaque
année dans le monde
LA MOYENNE MONDIALE
DE CONSOMMATION D'EAU
annuelle par habitant est de
1 385 m3
La ville de Paris crée son incubateur !
Le marché de la musique enregistrée
perd encore de la voix et le streaming
monopolise le devant de la scène
2 842 m3
POUR L'USA (conso. annuelle)
1 089 m3
POUR LA CHINE (conso. annuelle)
1 071 m3
POUR L'INDE (conso. annuelle)
Fin 2015, un nouvel incubateur devrait
voir le jour à Paris dans le XIXème
arrondissement. Co-financé par la
région Ile-de-France et la Ville de Paris,
l’incubateur MacDonald disposera d’une
superficie de 15 000 m2 et sera composé
de 6 étages. Ce bâtiment, implanté
dans le nord-est de Paris, permettra la
réhabilitation des entrepôts MacDonald,
construits dans les années 60, et sera
divisé en 125 lots. Il abritera des start-up
et PME françaises, qui bénéficieront alors
de services d’accompagnement dans leur
développement et d’hébergement. 3000
m2 seront destinés à accueillir des startups,
7000 m2 serviront d’hôtel d’entreprises
et 2800 m2 à divers espaces collectifs. Si
le lieu se situe loin derrière la future Halle
Freyssinet de Xavier Niel et ses 34000 m2,
sa taille n’en reste pas moins imposante.
L’objectif est de faire croiser entrepreneurs,
chercheurs, artistes, étudiants et acteurs
sociaux. En plus de la mise à disposition de
locaux, des services d’accompagnements
avec des tarifs abordables seront
proposés. Un appel à projet vient d’ailleurs
d’être lancé par le bailleur social RIVP
pour trouver des partenaires capables
d’animer le lieu. Le nombre de lieux dédiés
aux startups ne cesse d’augmenter dans
la capitale qu’il soit d’origine publique,
associative ou initié par des entreprises
comme le Crédit Agricole.
4
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
Le bilan de l’année 2014 va ternir toute
perspective positive pour le marché
de la musique enregistrée : son chiffre
d’affaires en France a fléchi de 5,3 %
pour atteindre 570,6 millions d’euros
en 2014, contre 603,2 millions en
2013. Malgré la morosité générale, le
SNEP (Syndicat National de l’Édition
Phonographique)
estime
que
la
croissance du streaming prend le relai
et constitue le prélude à un nouveau
modèle économique prometteur. La
baisse du téléchargement traduit un
essoufflement du modèle mis en place
par Apple avec iTunes. D’ailleurs, la firme
américaine, qui a racheté Beats en mai
2014, entend devenir un des acteurs
majeurs du streaming musical. Les
chiffres donnent envie : le streaming n’a
que 7 ans et pourtant il représente à lui
seul 16 % du marché total de la musique.
Mais comment le modèle peut-il devenir
dominant ? D’abord, il faut monétiser
l’offre : il faudra effectuer un travail de
persuasion du consommateur afin qu’il
paie désormais pour un usage et non
pour une possession. Et surtout, il faudra
assurer une meilleure segmentation du
marché afin d’atteindre tous les publics.
Pour rappel, Spotify a réalisé 746,9 millions
d'euros de chiffres d'affaires en 2013.
3% DES HOMMES
sont concernés par
LA PSYCHOPATHIE
1% POUR LES FEMMES
contre
Source : Psychologies.com
LE NOMBRE D'HEURES DE
SOMMEIL nécessaires pour
un jeune de 18 à 24 ans est
ENTRE
7 ET 9 HEURES
14 À 17 HEURES
sont nécessaires pour
les nouveau-nés
(de 0 à 3 mois)
Source : Sleep Foundation
Time
LES FOYERS FRANÇAIS
CONSACRENT
3 H 47DEVANT
LA TÉLÉVISION
par jour
SOIT PRÈS DE 59
Source : Médiamétrie
JOURS par an
L’aventure de Piketty en Amérique
Google shopping, nouveau relai
de croissance du géant américain
La réponse de Google
à Uber
Contrairement à ce que les médias
en France ont pu annoncer, le succès
du livre Le Capital aux XXIe siècle de
Thomas Piketty en Amérique n’est pas
aussi unanime. Certes, il a porté à la
connaissance du plus grand nombre
des faits concernant les inégalités
sociales qui n’avaient jamais été aussi
clairement et fortement mis en évidence.
Mais, il n’a mobilisé que des politiques
et des intellectuels. Ce manque de
reconnaissance outre-mer n’est-il pas
dû au fait que Piketty ne reconnaisse
qu’un principe de justice, celui de la
méritocratie ? En effet, si Piketty s’était
intéressé à la philosophie morale et
politique de langue anglaise, il se serait
sûrement interrogé sur le fait que toutes
les grandes théories de la justice qu’elle
a produites sont non méritocratiques. Et
alors, il n’aurait sans doute pas déçu le
rêve américain qui anime cette nation.
Google a récemment déçu ses investisseurs : au quatrième trimestre, le moteur
de recherche n’a seulement enregistré
qu’un gain de 15% de ses recettes, sa
plus mauvaise performance depuis plus
de cinq ans.
Le géant américain est en partie victime
du déclin persistant du coût par clic,
cette somme que paie un annonceur
lorsqu’un internaute clique sur sa
publicité. Sur l’ensemble de l’année, la
firme a accru ses bénéfices de 12% à
14,4 milliards de dollars (12,7 milliards
d’euros) pour un chiffre d’affaires de 66
Le service de véhicules avec
chauffeur proposé par Uber, viendrait
à être concurrencé par Google qui
proposerait un nouveau service de
réservation de voitures selon l’agence
Bloomberg News. Selon une source
proche du conseil d'administration
d'Uber citée par l'agence, ce dernier a
été informé par Google de ce service
potentiel, qui fonctionnerait en liaison
avec le projet en développement
depuis longtemps de Google Car,
une voiture sans conducteur. Mais
Google s’attaque à une entreprise
milliards (+ 19%).
Google n’a en effet pas encore trouvé la
solution pour optimiser la monétisation
de son audience mobile. Dans ce
contexte, la société doit trouver de
nouveaux relais de croissance. L’un
d’entre eux commence à afficher des
résultats probants : les annonces Google
Shopping. Selon le baromètre trimestriel
de la publicité en ligne établi par Adobe,
les achats publicitaires sur cet espace
ont grimpé de 47 % au quatrième
trimestre par rapport à l’an passé.
dotée d’une croissance explosive :
Uber est surtout connue pour son
application mobile de location de
voiture avec chauffeur, pensée comme
une alternative aux taxis traditionnels,
et elle est désormais présente dans
plus de 200 villes et 54 pays. Elle
affichait une valorisation de 41
milliards de dollars lors de son dernier
tour de table et fait partie des start-up
américaines considérées comme de
bonnes candidates à une prochaine
introduction en Bourse. Alors, Google
sortira-t-il en vainqueur ?
Six mois après avoir levé cent millions de dollars, le leader
européen du covoiturage lance sa première plate-forme asiatique
le petit
journal de
l’Économie
par les étudiants, pour les étudiants
Après la Russie et la Turquie en 2014, Blablacar attaque son premier
pays extra-européen : l’Inde. Sixième marché automobile mondial,
ce pays de 1,25 milliard d’habitants, dispose d’un fort potentiel pour le covoiturage
d’après l’entreprise. Les transports en commun y sont saturés et l’essence est chère,
autour d’un euro le litre. Par ailleurs, pour relier les grands centres urbains, généralement
distants de plusieurs centaines de kilomètres, les trains bondés ne suffisent plus. Une
opportunité pour les moyens de transports alternatifs.
Le nouveau site et les applications smartphones dédiés au sous-continent ont donc été lancés
en janvier avec une offre classique de partage du trajet contre une compensation financière.
Son fondateur, Frédéric Mazzella, confiait alors au magazine Décideurs : « De Facebook
à Linkedin en passant par Airbnb et Dropbox, toutes les start-up couronnées de succès
sont passées par les trois étapes de développement suivantes : démontrer la viabilité, se
lancer à l’international puis atteindre la rentabilité. »
Rubrique dirigée par Marie VINCENT-RENARD et Leslie BLAQUIÈRES
En collaboration avec : Tehono MARCHAL; Bertrand CLERMONT; Salomé LEWIS
M2/MBA Droit des affaires et mangement-gestion
Université Panthéon-Assas
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
5
ÉCONOMIE
ARGENTINE ET GRÈCE :
DEUX CRISES DISTINCTES, LES MÊMES
CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES
POUR LA POPULATION
Malgré l’océan et les dix années qui les séparent, les crises traversées par l’Argentine et la
Grèce, respectivement en 2001 et en 2007, se font étrangement échos. Assisterait-on à un
recommencement éternel de l’Histoire ?
C
omment passer de la 5ème puissance économique
mondiale (1945) à la 27ème en un peu moins de
70ans ? Prenez une dose de corruption, une dose
d'austérité, une dose de dictature, un zeste d’hommes
politiques peu vertueux, un petit currency board et,
enfin, arrosez le tout avec des recommandations du
FMI. Voici, en quelques sortes, la recette magique de la
crise argentine de 2001.
UNE CRISE, CELLE DE L’ARGENTINE EN 2001…
délicat. Croyant tout d’abord aux promesses de fidélité,
de boom des salaires, de révolution productiviste, le
peuple argentin déchantera rapidement. Dès 1991, une
politique de currency board est adoptée pour enrayer
l’hyperinflation. Désormais, 1 peso vaudra 1 dollar.
La privatisation massive d’entreprises nationales à des prix
dérisoires se généralise sous les conseils du FMI et de la
Banque Mondiale. Et la dette privée, de son côté, explose.
Le choc dû à la revalorisation du dollar en 1998 ne se fit
pas attendre… Le volume des exportations dégringole, le
chômage grimpe. L’Argentine n’est plus compétitive par
rapport à ses voisins, la valeur de sa monnaie étant bien trop
élevée. En échange de prêts, le FMI impose des réductions
de dépenses publiques drastiques : la suppression de la
couverture sociale, du droit au chômage,
des indemnités maladies. Les acquis
sociaux sont réduits à peau de chagrin.
Tout débute avec la dictature militaire de 1976 ; en
7 années, celle-ci laisse l’Argentine avec une dette
extérieure de 45 milliards de dollars
et 30 000 victimes, les “disparus”.
En réalité, la plus grosse part de
cette dette est une dette privée
d’établissements bancaires étrangers,
Cependant, ce n’est qu’avec l’arrivée
reprise par l’État argentin.
au pouvoir de Fernando de la Rúa
Le rétablissement de la démocratie
que le coup de grâce est donné. Dans
intervient finalement en 1983, avec
la lignée de son prédécesseur, et
l’élection de Raúl Alfonsín, grâce à un
sous la pression du FMI, il poursuit le
discours social fort. Dès 1985, Alfonsín
mouvement de réduction des salaires de
cède à la pression du pouvoir financier
la fonction publique et d’augmentation
et change de discours en mettant
des impôts des ménages. En coulisse,
en place une politique d'austérité.
les privatisations se sont poursuivies,
DEPUIS LE DÉBUT DE LA POLITIQUE
La situation économique du pays ne
privant encore davantage le pays de
D’AUSTÉRITÉ EN GRÈCE*
s’arrange pas, et s’aggrave même : dès
ses ressources. Tandis que l’économie
la fin des années 1980, on assiste à un
s’embourbe, les fonctionnaires ne sont
phénomène d’hyperinflation et, avec lui, une explosion
plus payés que par des reconnaissances de dettes alors que
de la pauvreté. Sur l’unique année de 1989, les prix
le monde de la finance spécule allégrement sur la valeur de la
augmentent de 3000% ; la pauvreté, elle, passe de 25 à
monnaie nationale. Une mesure limitant les retraits bancaires
47%. Alfonsín démissionne avant la fin de son mandat,
provoque une panique générale, des émeutes fleurissent un
laissant le pays en proie à des pillages généralisés.
peu partout dans le pays - émeutes violemment réprimées
L’élection de Menem intervient donc dans ce climat
par le pouvoir.
HAUSSE DE 30%
DES SUICIDES
6
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
La situation finit par se stabiliser en 2002 avec la
renonciation à la parité peso-dollar. L’Argentine
prend désormais ses distances avec le FMI (à qui
elle a continué de rembourser petit à petit sa dette
renégociée) et prend soin de ses industries en ajustant
ses tarifs douaniers.
Cette distanciation vis-à-vis de l’institution internationale
n’est pas anodine, cette dernière étant largement
perçue par la nouvelle classe dirigeante et la population
comme étant grandement responsable de la débâcle
économique qu’a connue le pays. Lors d’un rapport,
le CADTM remet pourtant en perspective ces coupes
budgétaires :
“Certains analystes ont calculé que les coupes exigées à
la Grèce sont 16 fois supérieures à ce qui avait été tenté
en Argentine.”
… RAPPELANT CELLE DE LA GRÈCE ACTUELLEMENT
taux de pauvreté sont
respectivement de 57%
en Argentine au plus fort
de la crise, et en Grèce,
en 2011, de 35% avant
redistribution et de 15%
après redistribution.
La corruption et
l’économie souterraines
sont des fléaux que
connurent les deux pays
avant et pendant les
périodes de déséquilibre
Une
autre
similitude
frappante est la perte de
la souveraineté monétaire qui a caractérisé les deux
économies lors de leur crise respective. Si cette situation
est évidente dans le cas de la Grèce avec son adhésion
à la zone euro en 2001, il nous faut également rappeler
que l’Argentine a eu recours à la parité peso-dollar
dès 1991 afin d’enrayer une hyperinflation galopante.
Dans les deux cas, le recours à une politique monétaire
efficace était impossible afin de prévenir ou de diminuer
les effets d’une crise économique inévitable.
La crise en Argentine fait étonnamment écho
Face à ces contraintes, les dettes
à la crise actuelle qui sévit depuis 7 années en
respectives de ces deux pays ont pris une
Grèce. Il suffit de comparer quelques données
dimension gargantuesque et insoutenable.
macroéconomiques pour mettre en lumière
La dette a ainsi provoqué un caractère
une situation similaire à bien des égards.
d’instabilité, expliquant en grande partie le
Un premier point intéressant est la montée
recours à l’aide d’institutions internationales.
d’une dette rapidement devenue insouteDès lors, ces institutions vont rapidement
nable. En Argentine, entre 2001 et 2004,
s'imposer dans la gestion économique des
la dette passe de 54% à 127% du PIB. En
nations et le plus souvent appliquer une
Grèce, de manière analogue, la dette de
même recette à des pays, certes victimes
105% en 2007 – déjà élevée, mais stable
des mêmes symptômes, mais ne possédant
depuis une dizaine d’années – enfle jusqu’à
pas la même culture, ni la même histoire ou
représenter 147% du PIB en 2007.
les mêmes ressources.
Dans ces deux situations, des débats
EN ARGENTINE
houleux se sont catalysés pour définir si ces
David MOREIRA
AU PLUS FORT
DE LA CRISE
dettes étaient odieuses. La définition de la
Master management des projets et des
dette odieuse est la suivante : il s’agit d’une
organisations
dette contractée par un régime, et qui sert
à financer des actions contre l’intérêt des citoyens de
Nastasya WINCKEL
l’État et dont les créanciers avaient connaissance.
Master macroéconomie et politiques européennes
57%
LE TAUX DE
PAUVRETÉ
Si dans le cas de l’Argentine, le pays ayant été sous
le coup d’une dictature, la conclusion est simple et a
d’ailleurs mené vers un défaut partiel de la dette, le cas
de la Grèce est plus complexe. En effet, il reste à savoir
si certains des créanciers étaient conscients des usages
frauduleux de ces sommes prêtées.
* Source : AFP
egc
eco-gestionConseil
La corruption et l’économie souterraines sont d’ailleurs
des fléaux que connaissent les deux pays avant et
pendant les périodes de déséquilibre subi. En 2003,
l’Argentine est classée 92ème en terme de transparence
démocratique par l’ONG Transparency, tandis que la
Grèce est classée 71ème en 2009. Pour comparaison, la
France – n’étant pourtant pas un modèle – est classée
dans les 30 premiers seulement. Dans le cas de ces
deux pays, nous assistons à un recours important du
travail informel pour pallier à une augmentation forte
du chômage. Ce dernier est de 23% au plus fort de
la crise argentine et de 27% en 2013 en Grèce. Les
POUR EN SAVOIR +
Memoria del Saqueo
de Pino Solana (film documentaire 2004)
La crédibilité des régimes de currency board : les enseignements
de l'expérience argentine
Cahier de recherche de Dupuy Michel, parus en 2000
Mythes et paradoxes de l'histoire économique
de Paul Bairoch, traduit par Anne Saint-Girons, parus en 1994
Site Transparency.org
site de l'ONG Transparency International, résultats de 2014
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
7
ÉCONOMIE INTERNATIONALE
L’ÉLABORATION DE LA ZONE
ÉCONOMIQUE SPÉCIALE EN CORÉE
Selon les données de la Banque de Corée, les échanges inter-coréens ont représenté en 2012
97 milliards de dollars. Cette forte activité est à 99,5% due à la création en 2000 de la zone
économique spéciale (ZES) de Kaesong.
R
appelons qu’une ZES est une zone géographique
limitée dans laquelle un gouvernement applique une
législation particulière afin d’inciter les investisseurs
et entreprises à créer, innover et exporter pour que la zone
fonctionne comme des « laboratoires » de l’économie de
marché et des nouvelles technologies ». Le projet de la
ZES de Kaesong a été mené par les deux gouvernements
coréens, à la suite de la déclaration commune du 15 juin
2000 qui venait clore deux jours de rencontre entre les deux
dirigeants coréens qui, pour la première fois depuis la Guerre
de Corée, s’engageaient dans un véritable processus de
coopération économique. Deux mois plus tard, l’accord
pour la création de la ZES de Kaesong entre la compagnie
Hyundai Asan (filiale du groupe Hyundai) et le gouvernement
nord-coréen était signé, et la zone inaugurée en 2004.
ou équipements automobiles). Concernant le sud, les 120
entreprises implantées bénéficient d’avantages fiscaux
ainsi que de coûts de production et d’une main d’oeuvre
peu coûteuse (les salaires, d’environ 67 dollars par mois
sont directement versés aux autorités nord-coréennes). De
plus, les produits ainsi fabriqués à Kaesong sont exonérés
de droits de douane et sont vendus au sud, donc près du
lieu de production.
UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE
EN DEMI-TEINTE
Les États-Unis ont tenu un discours paradoxal, en ce
qu’ils ont applaudi la création de la ZES et la façon dont
elle incite l’ouverture du marché nord-coréen, alors qu’ils
continuent d’exclure du champ d’application de l’accord
de libre-échange passé avec la Corée du Sud, les produits
manufacturés à Kaesong. Ils n’ont également accepté
que tardivement (fin 2005) qu’une ligne téléphonique soit
établie entre Kaesong et Séoul, et refusent toujours que
soient manufacturés dans la ZES des produits soumis à
l’embargo américain contre la RPDC. Aussi, la présence
de ressortissants sud-coréens à Kaesong est soumise aux
aléas des relations diplomatiques. Ainsi, en avril 2013, le
complexe de Kaesong avait été fermé par Pyongyang à la
suite d’essais nucléaires. À la suite de négociations, le site
ré-ouvrit et Séoul put imposer certaines conditions comme
la possibilité pour des investisseurs étrangers de s’installer
à Kaesong, afin de dissuader Pyongyang de fermer complètement le site en cas de crise diplomatique.
Les ZES et autres accords signés par Pyongyang et ses
voisins témoignent ainsi d'une timide possibilité d'ouvrir le
marché nord-coréen, mais on peut se demander si la politique du pays fragilisera ou renforcera cette démarche…
UNE ALLIANCE ENTRE LES DEUX CORÉES
Kaesong était la capitale du Royaume de Koryo au Xe
siècle (918-1392). La ville se trouve à moins d’une centaine
de kilomètres de Séoul et à quelques kilomètres de la zone
démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux Corées. Si les capitaux et la technologie viennent du sud, la main d’oeuvre
et le terrain sont au nord. L’avantage pour la RPDC est
donc l’utilisation d’une technologie de pointe par plus de
44.600 travailleurs nord-coréens, qui ainsi produisent un
bénéfice annuel pour le pays de 600 millions de dollars (les
principales productions sont liées aux textiles, vêtements,
8
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
Léa BUSSY
POUR EN SAVOIR +
« Les zones économiques spéciales en Pologne : un tremplin pour
l'emploi régional ou des miettes de la mondialisation ? »
L. COUDROY de LILLE, Annales de géographie 6/ 2007 (n° 658),
pp. 645-666.
La Corée vers la réunification
R. CHARVIN, G. DUJARDIN, Paris, L’Harmattan, 2010.
BANQUE
FINANCEMENT DES ENTREPRISES :
ENFIN LA DESINTERMEDIATION
EN EUROPE ?
Face à la rigueur des banques dans l’octroi de prêts, les entreprises européennes se tournent vers d’autres
méthodes de financement. Parmi ces méthodes, le financement direct par les marchés financiers. Ce
procédé, très peu utilisé en Europe, est déjà bien exploité et fonctionnel aux Etats-Unis. Toutefois il reste
peu accessible pour les PME qui elles, demeurent encore largement dépendantes des banques.
M
algré la prédominance du financement bancaire
en Europe (les entreprises européennes se
financent en effet à 70% auprès des banques),
l’on voit poindre une méthode de financement à
l’américaine, à savoir la désintermédiation.
LA DÉSINTERMÉDIATION À L’AMÉRICAINE
ARRIVE EN EUROPE
La désintermédiation : passage d’une économie d’endettement à une économie de marchés financiers, s’est accrue
depuis 2008 avec le contexte de crise dans lequel les crédits
bancaires sont difficilement accordés. Ainsi dans la zone
euro, entre janvier 2009 et février 2014, l’endettement par
titre des entreprises a augmenté de 430 milliards d’euros.
En parallèle on constatait une diminution à hauteur de 270
milliards d’euros des demandes de crédit bancaire.
Selon certains économistes, la désintermédiation pourrait
engendrer sur le long terme des avantages majeurs pour
la croissance économique européenne. Selon le Centre
d'études prospectives et d'informations internationales
(CEPII), les différences de méthode de financement des
entreprises américaines et européennes (zone euro) ont créé
depuis 2007 un écart de croissance de 11 points de PIB en
faveur des Etats-Unis. En effet, si les banques américaines ont
également rechigné à accorder des crédits aux entreprises,
celles-ci ont su facilement se tourner vers les marchés
financiers. Ainsi, le crédit et l’investissement sont repartis à
la hausse en 2009 aux Etats-Unis, alors que l’Europe était
en récession en 2011. Néanmoins, tous les économistes
ne tiennent pas la désintermédiation pour responsable de
la reprise américaine : certains mettent en avant la hausse
de l’activité industrielle américaine. La tendance à l’émission
d’obligations devrait cependant croître en Europe. En cause,
la réglementation Bâle III. Cette réglementation prudentielle
vient renforcer le système financier. En imposant aux
banques de détenir des fonds propres plus conséquents.
Ces règles plus strictes impactent directement la prise de
risque : diminution des risques pris par les banques, soit une
réduction de leurs engagements concernant les crédits. Les
entreprises européennes ont intérêt à se financer autrement
que par le recours aux banques.
LES PME FIDÈLES AUX BANQUES?
Toutefois, les marchés financiers demeurent difficilement
accessibles pour les PME, qui restent massivement soumises
aux prêts bancaires pour leurs financements (à hauteur de
92%). En effet, les techniques complexes que nécessite
l’émission d’obligations pour les PME appellent l’expertise
de spécialistes, ce qui ajoute un coût supplémentaire.
Egalement, l’intermédiaire d’un banquier permet aux PME de
rattraper leur manque de visibilité sur le marché: les marchés
financiers restent quasiment inaccessibles si l’entreprise
ne dispose pas d’une taille suffisante pour convaincre
d’acheter ses obligations. Ainsi, a été créée en 2013 une
bourse dédiée au PME :
Enternext (filiale commerciale
d’Euronext). Une bourse des
L’émission d’obligations
PME peut effectivement être
sur les marchés
la solution pour redynamiser
financiers offre ainsi
leurs
financements,
mais
aux entreprises une
Enternext doit encore faire
ses preuves… Or, l’économie
alternative pour
européenne repose en majeure
réaliser leurs projets
partie sur les PME, ce qui
laisse penser, comme l’estime
l’agence de notation Standard
& Poor’s dans un rapport publié en 2013, l’évolution vers la
désintermédiation « prendra des années en Europe ».
Élisa MORANDINI
Master 2 Entreprise et droit de l'Union Européenne
Université Sceaux (Paris XI)
POUR EN SAVOIR +
« Financement : les entreprises moins dépendantes des banques »
Les Echos.fr
« Financement des PME : pas si simple de se passer des banques... »
La Tribune
Mid-marketevaluation
Etude, Standard &Poor’s Ratings Services, p 4
« Comment se financer sans les banques ? »
Alternatives Economiques, janvier 2015, p 73
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
9
TRIBUNE LIBRE
VEUT-ON SORTIR KEYNES
DE LA MACROÉCONOMIE ?
Tel chaton, tel chat. C’est à croire que l’héritage félin entre mon chat et ses parents-miaous est
plus qu’intériorisé parfois – surtout lorsqu’il renverse le sapin un peu sec qui trône toujours dans
le salon à la mi-janvier. L’héritage de mon chat n’est pas toutefois d’ordre idéologique. Mon
chat n’a pas ce trait de personnalité qu’avaient Hicks et Samuelson lorsqu’ils étaient de simples
étudiants – et qui les a poussés à modéliser la théorie keynésienne.
L
a macroéconomie contemporaine est dite stochastique
et dynamique, de la grande mouvance intellectuelle qui
saisit les universités du monde entier dans les années
1970. En France, le spasme a touché Toulouse et Panthéon
dès les années 1980 (depuis : tout le monde a succombé
– sauf Nanterre peut-être, l’irréductible village gaulois de
la pensée économique française ?). La pensée « nouvelle
classique », portée par Lucas tout particulièrement, a
accentué la rupture d’avec les trente années de pensée
macroéconomique keynésienne. L’histoire qui en est faite
aujourd’hui est celle d’un oubli – celle d’une grande négation :
celle d’une mort de l’économie keynésienne1 inventée.
L’histoire de la macroéconomie s’appuie en effet sur
deux éléments : ses figures et ses modèles – ou apports
théoriques. Pour faciliter les lectures macrohistoriques, c’est
une association directe qui est régulièrement faite entre les
deux. Pourtant, l’éclatement contemporain en département
et sous-champs de recherche empêche l’identification claire
et précise d’une notion à un auteur – plus encore du fait des
cosignatures de plus en plus nombreuses.
STOCKS ET FLUX :
LES ABEL ET CAÏN CONTEMPORAINS ?
La genèse de la modélisation macroéconomique s’écrit
sur l’autel du temps présent. Les encartés orthodoxes de
nos jours répondront que l’économie keynésienne n’en a
que le nom, en insistant avec délectation sur le manque
de scientificité des « lois psychologiques ». Je laisse ces
débats vaniteux ou bibliométriques de côté pour me
focaliser sur la modélisation-même.
Keynes n’a jamais eu la prétention – bien qu’il
en eût beaucoup – à dessiner les contours d’un
modèle axiomatique. L’ensemble des fondements
10
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
économétriques des modèles macroéconomiques
keynésiens sont le fruit de jeunes économistes de
l’époque, Hicks et IS-LM en tête. Keynes se trompe,
revient régulièrement sur ses travaux. Son grand déficit
intellectuel – pour l’époque, peut-on lui en vouloir ?
– tient à son inconstance du modèle. Keynes sent, en
1930, dans ses essais sur la monnaie, que son équilibre
de flux est instable. Il en offre une nouvelle vision en
1936 dans la Théorie générale mais reste « insatisfait »
et « mécontent »2. Il passe à côté des stocks, jusqu’à ce
que les théories dynamiques les intègrent à la dimension
intertemporelle des décisions des agents.
D’un point de vue bibliométrique, malgré la fondation de
l’économie dite keynésienne, c’est le modèle hicksien
qui gagne la première place. Lorsqu’on parle d’économie
keynésienne [sauf bien sûr pour les dix individus en
Harris tweed du département de Cambridge], nous
faisons tous une erreur : celle de penser qu’elle reflète
les méthodes, orientations et conclusions de l’ouvrage
de 1936. Keynes est mort en juillet 1937 avec Hicks. Il
était néanmoins devenu éternel en janvier 1937, avec
le véritable article d’interprétation linéaire de la Théorie
générale : celui d’Harrod. La pensée économique et ses
historiens ont, en effet, en partie forgé une histoire à la
Polybe, celle des grands hommes de la discipline, plutôt
que des apports modélisés successifs. Lucas est de ces
prophètes. La mort de l’économie keynésienne relève
d’un immense coup de bluff.
KEYNES EN HÉRITAGE
L’héritage de Keynes est passé au travers d’une
modélisation macroéconomique qu’il n’a jamais
explicitement défendue avec verve, même s’il avait
lui-même des affinités immenses avec la méthode
probabiliste. La formation keynésienne des auteurs est
connue et affirmée par tous. Lucas lui-même, dans sa
célèbre prise de parole My Keynesian Education en 2003
insiste sur cette formation totalisante en macroéconomie.
Depuis 1948, Samuelson accorde une place conséquente
dans son manuel Economics à la macroéconomie
keynésienne, si ce n’est la totalité des fondements de
pensée. Mankiw suit cette fibre de manière évidente3.
L’histoire des manuels économiques éclaire en partie cet
héritage, symbolique dans tous les cas mais bien souvent
effectif. Le Mankiw ou le Blanchard, des plus célèbres
d’entre eux, font la part belle à tout un inconscient
keynésien – ou devrais-je dire hicksien – depuis les
relations intra-sphériques entre la monnaie et l’économie
réelle à l’action étatique sur le court terme. On ne pourrait
en ce sens, dans la formation commune des économistes,
que constater l’aura de la macroéconomie keynésienne.
Mais l’histoire de la macroéconomie a entamé depuis
plusieurs années un rejet keynésien qui n’arrive pas
à saisir le fait que ces conclusions ont déjà imbibé la
discipline, malgré des positions parfois ambiguës, tout
particulièrement de Wickens.
RÉÉCRIRE L’HISTOIRE DE LA MODÉLISATION
Mon but n’est pas d’écrire un article d’histoire de la
modélisation macroéconomique. Il est de montrer en partie
que celle qui s’écrit de nos jours est une histoire directive,
pleine de rancœur à l’égard de l’économie non-dynamique.
Les seules bribes d’histoire enseignée dans les cursus
d’économie touchent bien régulièrement aux introductions
des manuels ou à quelques articles résolument binaires.
La modélisation est de celle-ci : si je ne peux qu’admirer la
scientificité de la stochastique en finance ou des modèles
d’équilibre général dynamique en théorie de l’investissement,
ces progrès se font aux dépens des fondements de la
discipline. La grande aventure keynésienne s’efface ou
s’écrit en quelques lignes, encore plus diluée dans les
apports de Klein ou Tinbergen. Keynes est réduit à ses
approximations ou à l’obscurité de son ouvrage.
Pratiquer et maîtriser une discipline comme l’économie, c’est
saisir son ancrage historique dans un temps, notamment
via ses méthodes. La modélisation macroéconomique n’est
pas un bloc fondamental d’équations invariables : c’est
une perception du monde. Chaque lecture d’un manuel
économique entre dans cette conception. C’est le rôle de
tout scientifique, celui, comme l’expliquait Bachelard, de
trouver le caché de toute chose.
ET SI KEYNES N’Y ÉTAIT FINALEMENT
JAMAIS ENTRÉ ?
Je suis parti du postulat que l’histoire de la modélisation
macroéconomique voulait faire sortir Keynes de son grand
récit. Mais si celui-ci n’avait en fait jamais pris place au sein
de cette histoire ? J’ai déjà souligné que le terme keynésien
était impropre en modélisation macroéconomique. C’est le
Keynes « méthodologique » dont parle Mankiw. Celui-ci est
mort en 1946 et n’a jamais pénétré l’histoire économique
de la modélisation, malgré des inspirations au génie sans
équivoque. Ce Keynes n’est, en un sens, jamais entré dans
la macroéconomie.
Mais tel n’est pas le
Keynes que l’étudiant
La modélisation
connaît au fond de
macroéconomique n’est
lui-même durant sa
pas un bloc fondamental
scolarité. Il connaît
d’équations
invariables : c’est
l’auteur du chapitre 24
de la Théorie générale
une perception du monde
sur la philosophie
sociale possible. Le
Keynes « politique ».
Ce Keynes-ci est bien entré dans la modélisation
macroéconomique, puisqu’il en est le père absolu dans
sa finalité : c’est le Keynes économiste, philosophe et
homme politique entièrement fusionné. C’est celui qui ne
sortira plus de l’histoire.
Quentin MESSERSCHMIDT
1. Lucas, Robert E. Jr. 1980. “The Death of Keynesian Economics”, Issues and
Ideas, pp. 18-19. Vindication personnelle, l’article est d’un orgueil très intelligent.
A savourer au plus vite pour concevoir le gouffre entre l’écrivailleur universitaire et
le géant macro-économiste. // 2. Skidelsky, Robert. 2005. John Maynard Keynes:
1883-1946. Economist, Philosopher, Statesman, Ed. Penguin, 1056 p. Ouvrage
dont le poids de l’histoire équivaut au poids réel. C’est la grand Bible biographique
de Keynes. On ira avec délectation lire le récit des années d’études de Keynes,
notamment de ses épreuves et de sa thèse, où la vanité de l’homme dépasse tout
le savoir de l’économiste. Le reste est… dense. // 3. Mankiw, Gregory. 2006. “The
Macroeconomist as scientist and engineer”, Working Paper, National Bureau of
Economic Research, 28 p. Excellent article de Mankiw, même si la première partie
présente une histoire un peu simplifiée de la modélisation. La deuxième partie de
l’article est succulente au regard des guerres idéologiques avec les Classiques.
BIOGRAPHIE
Nom complet :
John Maynard Keynes
Naissance :
5 juin 1883 à Cambridge
Mort :
21 avril 1946 à Firle
Sa force réside dans le fait qu'à la différence de
ses prédécesseurs, il élabore une théorie nouvelle
ainsi que les outils conceptuels nécessaires à
la mise en place de politiques économiques
alternatives. Ses travaux sont utilisés après la
Seconde Guerre mondiale dans le cadre de la
mise en place de l'État-providence. Keynes aurait
eu à son époque une position « centriste » entre
d'une part Friedrich Hayek et d'autre part Harold
Laski, un des inspirateurs de l'aile gauche du parti
travailliste. Il est souvent considéré comme ayant
donné aux sociaux-libéraux britanniques la théorie
économique qui leur manquait.
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
11
ENTREPRISE
CONSOMM’ACTEUR :
UNE MENACE POUR L’ENTREPRISE ?
La loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS) du 31 juillet 2014 a profité de la période estivale
pour discrètement faire son apparition. L’attention s’est alors portée, notamment par choix des
médias, sur l’obligation d’information préalable aux salariés en cas de cession de leurs entreprises.
L’
article 93 de la loi ESS, codifié à l’article L117-1
du Code de la consommation, oblige le fabricant,
le producteur ou le distributeur d’un bien
commercialisé en France à renseigner le consommateur
sur un certain nombre d’informations (origine géographique
des matériaux, composants utilisés dans la fabrication,
contrôles de qualité et audits, organisation de la chaîne de
production et identité, implantation géographique et qualités
du fabricant, de ses sous-traitants et fournisseurs).
L'INFORMATION SUR LES CONDITIONS SOCIALES
DE FABRICATION DU PRODUIT
Afin de se faire délivrer, le consommateur doit faire état de
connaissances portant sur des éléments sérieux mettant en
doute le fait qu’un bien ait été fabriqué dans des conditions
respectueuses des conventions internationales relatives
aux droits humains fondamentaux. S’il parvient à démontrer
ces irrégularités, en retour le fabricant, le producteur ou
le distributeur a une obligation de réponse auprès du
consommateur. Seule atténuation de cette obligation
de réponse: si le fabricant, producteur ou distributeur
ne détient pas l’information nécessaire à la demande du
consommateur, ou encore si cette information est de nature
à compromettre gravement ses intérêts stratégiques ou
industriels. Dans ces deux derniers cas, son obligation se
restreint à un refus motivé.
Cette loi fait suite au scandale du Rhana Plaza : en effet,
à l’origine, cette disposition avait été rejetée par le Sénat
lors des débats concernant la loi du 17 mars 2014. Elle a
finalement été adoptée sans amendements cet été.
12
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
UNE OBLIGATION DE REPORTING
Ainsi, l’article L171-1 impose une obligation de reporting
au fabricant, au producteur ou au distributeur auprès de
leurs sous traitants directs et indirects. Cette obligation
de reporting pose en pratique de nombreuses questions.
Ils doivent notamment divulguer des informations sur les
composants. Or, il n’est pas précisé s’il s’agit seulement
des composants principaux ou de la globalité des
composants. Les informations relatives aux sous traitants
et aux fournisseurs du fabricant doivent également être
communiquées. Les entreprises devront organiser des
audits chez leurs fabricants et remonter toute la chaine de
production de ces derniers ce qui implique un coût financier
important et une stratégie à redéfinir. Si cette disposition
était effective, il pourrait alors être plus opportun pour les
sociétés de relocaliser leurs outils de production en France
afin de mieux pouvoir veiller à la phase de fabrication du
produit. Se situant déjà dans un climat d’insécurité juridique
quant aux informations à réellement fournir, la loi alourdit les
obligations de transparence pesant sur les entreprises. Cela
n’encourage pas la compétitivité des entreprises françaises
et renforce le dumping social. Par ailleurs, cet article a été très
peu commenté. Ni la doctrine, ni même les associations de
consommateurs ne se sont emparées de cette disposition.
Pourtant, celle-ci repose entièrement sur l’opportunité offerte
au consommateur de se positionner en véritable acteur de la
consommation responsable. Enfin, il n’y a pas de sanctions
particulières attachées au non respect de cette obligation.
Toutefois, puisqu’il s’agit d’une disposition d’ordre public,
son irrespect pourrait être condamné par le droit général de
la consommation ou de la concurrence déloyale. Donc cette
obligation de transparence pour le fabriquant, le producteur
ou le distributeur est à prendre au sérieux à défaut de voir
leur responsabilité engagée. Il s’agit maintenant pour les
entreprises de s’organiser en conséquence…
Sarah BARBE
Master 2 Droit et éthique des affaires, parcours finances
et investissement responsable
POUR EN SAVOIR +
Article du blog Vogel & Vogel
Une nouvelle obligation pour les entreprises : l’information sur
demande des consommateurs sur les conditions sociales de
fabrication d’un produit.
MARKETING
BIENVENUE DANS LE LOUBIWORLD :
UNE EXPÉRIENCE MARKETING
UNIQUE
Entrer dans le monde Louboutin, dans une boutique ou sur le e-shop, c’est vivre un incroyable
moment de marketing expérientiel.
L
e marketing expérientiel est une forme contemporaine
de marketing qui regroupe l’ensemble des techniques
de marketing fondées sur l’expérience client. Il
permet à la marque d’établir des relations individualisées
et interactives avec le consommateur afin de le fidéliser.
Ainsi engagé dans une relation durable et plongé dans
l’univers de la marque, l’achat en devient une expérience
particulière pour le consommateur.
LES DÉBUTS D'UNE SUCCESS STORY
L’expérience de consommation unique vécue constitue la
base de l’avantage concurrentiel de la marque.
Agé de seulement 28 ans, le passionné de chaussures
Christian Louboutin ouvre, le 21 novembre 1991, sa
première boutique dans le premier arrondissement de la
capitale, rue Jean-Jacques Rousseau. Cette année là, la
petite entreprise artisanale vendra 300 paires de souliers.
Depuis sa création la marque a connu un essor fulgurant
et gagné en notoriété à l’international. Ainsi, en 2011, le
nombre de paires de souliers vendues dans le monde
s’élève à près de 700 000 et c’est près de 2 000 paires qui
sont fabriquées chaque jour dans les 10 usines italiennes.
Aujourd’hui, les escarpins, sandales, bottes, compensées
et autres baskets à semelle rouge sont commercialisées
dans toutes les plus grandes villes d’Europe, d’Asie et
d’Amérique, à travers un réseau de distribution sélectif
d’une cinquantaine de boutiques en nom propre. Outre la
vente dans les boutiques, se procurer les précieux souliers
est également possible sur les boutiques en ligne.
LA CRÉATION D'UN UNIVERS LOUBOUTIN
Le succès commercial de la marque s’explique par son
positionnement singulier permettant de faire sortir le
consommateur de son univers quotidien pour le faire
entrer dans le Loubiworld. Les chaussures de la marque se
distinguent, tout d’abord, par leur emblématique semelle en
cuir rouge (rouge chinois selon le code pantone). Le choix de
cette couleur remonte à une journée de 1993 où le créateur
aurait appliqué le vernis à ongle vermillon de son assistante
sur les semelles initialement noires du modèle Pensée. Pour
le chausseur « les semelles rouges, c’est une signature,
et les gens adorent se référer à une identité. Les couleurs
ont souvent des côtés sombres, le blanc dans certaines
civilisations est la couleur du deuil alors que le rouge est
toujours positif. En Chine, c’est la fortune ; en Europe, c’est
l’amour… Disons que le rouge s’est installé comme une
identité de bienvenue ».
L’autre élément symbolique des modèles confectionnés
par Louboutin est leur hauteur souvent vertigineuse, qui a
pour origine les souvenirs d’enfance du créateur. En effet,
c’est un écriteau à l’entrée du musée des arts d’Afrique et
d’Océanie interdisant aux visiteuses de porter des talons
aiguilles, qui risqueraient de rayer le parquet, qui a marqué
le jeune Christian et continué à alimenter ses croquis une
fois devenu grand.
Forte de son succès, la marque cherche à attirer les
consommatrices dès leur plus jeune âge. Ainsi, pour le 50ème
anniversaire de Barbie, le chausseur a créé 3 poupées,
chacune dotée de quatre paires de chaussures déclinées à
partir de modèles existants, le tout vendu dans des boites
imitant les véritables boîtes Louboutin. Outre les chaussures,
l’expérience d’achat chez Louboutin contribue également à
faire vivre à la consommatrice un moment unique, telle une
Cendrillon chaussant son soulier de cristal…
Bertille RUSÉ
POUR EN SAVOIR +
Site internet
Definitions-marketing.com
« La saga Louboutin, un chemin très escarpins »
Olivier Séguret, 26 janvier 2012
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
13
ÉCONOMIE ET POLITIQUE
LES PROGRAMMES D’AJUSTEMENT
STRUCTURELS : DES INSTITUTIONS
INTERNATIONALES REMISES EN CAUSE
Lorsqu’une crise se déclenche et se développe, tumeur affaiblissant le tissu économique, ses
conséquences sociétales sont souvent bien plus larges que les simples modifications qu’elle
opère sur les conditions d’échanges que connaissent un pays et ses agents.
L
es politiques mises en place pour enrayer la crise ne
devraient jamais être uniquement évaluées sur leur
capacité à résorber le phénomène indésirable.
de l’eau, qui est pourtant un bien public essentiel, ainsi
que des privatisations massives des infrastructures, des
services publics en général et du foncier.
En Argentine, les privatisations sont étroitement liées
aux mouvements de corruptions et qui ont, par exemple,
AJUSTEMENT STRUCTUREL OU
résulté en la vente de la compagnie pétrolière du pays à un
UN GRAND PAS VERS LA DAMNATION ?
dixième de sa valeur réellement estimée.
Il est possible de s’interroger si ces privatisations, ayant
Les « programmes d’ajustement structurels » du FMI et de
pour but officiel de renflouer les caisses des États, n’ont
la Banque Mondiale sont les conditions négociées avec les
pas pour objectif non avoué d’offrir à vil prix des créneaux
pays en difficultés dans le cadre de l’octroi de prêts. Ces
à profitabilité garantie à des investisseurs étrangers. Si cela
conditions sont décrites par Stiglitz comme étant les « 4 pas
ne fait pas partie du dessein initial, cela en est en tout cas
vers la damnation » : la privatisation, l’ouverture des marchés
la conséquence principale.
de capitaux aux investisseurs étrangers, la fixation des prix
Il n’est pas étonnant que de nombreuses critiques aient
des biens par rapport aux prix du marché et la mise en place
été adressées à ces politiques menées par les institutions
du libre-échange.
internationales, que ce soit de la part de Stiglitz – prix Nobel
Fait notable, plusieurs papiers scientifiques d’économistes
d’Économie et pourtant ancien économiste en chef au sein
évaluent les politiques imposées
de la Banque Mondiale – ou de
par le FMI comme ayant un
Naomi Klein – auteure du livre La
impact inexistant, voire négatif,
stratégie du choc : la montée d’un
sur l’économie des pays
capitalisme du désastre. Sont
considérés.
Décrivant
des
plus particulièrement pointées
conséquences très éloignées de
du doigt les conséquences
celles officiellement recherchées,
sociales douloureuses pour la
un papier de Graham Bird indique
population. Cette dernière doit –
que les prêts conditionnels
par exemple, dans le cas la Grèce
auraient plutôt un effet négatif sur
et de l’Argentine – faire face au
la croissance et l’investissement.
retour de flammes provoqué
Il n’invalide toutefois pas le
par la crevaison de la bulle
principe d’aide en lui-même.
spéculative créée au sein de la
Ces politiques ont été largement
sphère de la consommation.
PAR RAPPORT AU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT (PIB)
appliquées
en
Argentine
L’austérité, en particulier, a pour
comme en Grèce, qu’il s’agisse
conséquence de dépouiller l’État
de politiques d’austérité ou de privatisations massives
de ses fonctions de redistribution et d’organisation de
des entreprises d’État dans le cadre des ajustements
la solidarité, et cela à travers la réduction drastique des
structurels. En Grèce, on se souvient des pressions
dépenses d’éducation, de protection sociale et de santé,
fabuleuses exercées par la troïka en vue de la privatisation
domaines les plus fortement affectés.
175%
LE POIDS DE
LA DETTE DE LA GRÈCE
14
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
Du point de vue du droit international, il s'agit également
d'une remise en question de la souveraineté des pays
concernés à travers l’imposition de conditions que
l’État affaibli et exsangue ne peut pas refuser s’il veut
bénéficier d’une aide financière qui lui est indispensable.
En témoignent les pressions de l’Allemagne - à travers la
dépendance de la Grèce à la troïka – sur ses législatives
anticipées afin d’empêcher l’élection de la gauche radicale.
LA STRATÉGIE DU CHOC
plus précisément le mouvement
des places en Grèce, ce sont
L’austérité imposée
librement inspirés du pamphlet
par le FMI est une
de Stéphane Hessel, Résistant
remise
en question de
Français : «Indignez-vous ! ». Ce
la souveraineté des
dernier y rappelle notamment
l’article 22 de la Déclaration
pays car ils ne peuvent
universelle des droits de
refuser ces mesures
l’Homme : « Toute personne, en
tant que membre de la société,
a droit à la sécurité sociale ; elle
est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques,
sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité […]. »
Se pose alors une question
fondamentale : en admettant
que les politiques prescrites
soient efficaces, les institutions
internationales ont-elles le droit
d’imposer un remède à une
population qui le refuse ? Pire,
est-il légitime de faire passer
des indicateurs économiques
arbitraires avant des principes
démocratiques primordiaux ?
« Le mal doit se faire tout d’une fois : comme on a moins de temps
pour y goûter, il offensera moins […] », conseille Machiavel dans
« Le Prince ». Et c’est, selon Naomi
Klein, une stratégie largement utilisée
par les dirigeants et les institutions,
suivant la logique suivante :
« en temps de crise – qu’il s’agît
d’une crise financière ou, comme
l’administration Bush l’illustrerait
plus tard, d’un attentat terroriste - les
citoyens sont prêts à céder de vastes
pouvoirs à quiconque prétend avoir
une solution miracle. »
Fin 2013, le Conseil de l’Europe
ENTRE 1998 ET 2001
a d’ailleurs publié un document
David MOREIRA
thématique rappelant que les
Master management des projets
crises économiques étaient des éléments pouvant mettre
et des organisations
à mal les droits de l’Homme dans les pays touchés,
notamment à travers les mesures d’austérité. Ces
Nastasya WINCKEL
dernières portent atteinte « à l’ensemble des droits de
Master macroéconomie et politiques européennes
l’Homme, du droit à un travail décent, à un niveau de vie
suffisant et à la sécurité sociale jusqu’à l’accès à la justice,
la liberté d’expression et les droits à la participation, à la
transparence et au respect du principe de responsabilité. »
En Argentine, un exemple extrême est celui de Carlos Saul
Menem, président de l’Argentine de 1989 à 1999. Par un
eco-gestionConseil
jeu politique comprenant une corruption massive, Menem
obtient, en moins d’un mois, l'appui de la Cour suprême
de justice et la délégation de « pouvoir spéciaux » de la part
du Parlement. Le Parlement a ainsi autorisé, en quelque
LE FMI EN QUELQUES CHIFFRES
Nombre de pays membres : 188 pays
sorte, que Menem réunisse dans sa main un pouvoir quasi
Conseil d’administration : 24 administrateurs représentant
absolu, pouvoir que celui-ci s’empressa d’utiliser, non pas
des pays et groupes de pays
pour réformer son pays et l’aider à sortir de la crise, mais
Effectifs : environ 2.600, originaires de 142 pays
pour s’enrichir en organisant les ventes des entreprises
Total des quotes-parts : 362 milliards de dollars (au 28
publiques, alors même qu’aucun bilan ou compte de
août 2014)
résultats n’était édité. Dans un second temps, trahissant
ses promesses électorales, et suivant les conseils du
FMI, ce même président procéda à la suppression de la
POUR EN SAVOIR +
couverture sociale, du droit au chômage, des indemnités
maladies et accidents.
« Protéger les droits de l'homme en temps de crise économique »
Concernant le programme d’ajustement du FMI, il
Document thématique publié par le Commissaire aux droits de
l'homme du Conseil de l'Europe.
semblerait, selon Naomi Klein, que le soulèvement populaire
est, non seulement, prévisible, mais, également, tout à
« IMF Programs: Do They Work ? Can They be Made to Work Better ? »
Bird, Graham, 2001. World Development, Elsevier, vol. 29(11),
faire intégré par les institutions. Que ce soit en Argentine
pages 1849-1865, November.
ou en Grèce, les mouvements ont été extrêmement
« Grèce 2010, Argentine 2001 »
importants. Ils ont également été, au pire, brutalement
Claudio Katz, CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du
réprimés, au mieux, ignorés. Le mouvement des Indignés
Tiers Monde ), 25 octobre 2010.
créé depuis la crise que connait actuellement l’Europe, et
7 ANNÉES D'AUSTÉRITÉ
EN ARGENTINE
egc
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
15
DOSSIER DU MOIS
COMMENT LE FOOTBALL A-T-IL AIDÉ
LA THÉORIE ÉCONOMIQUE ?
Depuis le début du XXème siècle, le football est entré dans l’ère du professionnalisme. Le
championnat de France date de 1932, avec la « division nationale » - aujourd’hui la Ligue 1.
Quant à l’Angleterre, le championnat professionnel date de 1888, la plus vieille ligue d’Europe.
L
e professionnalisme a impulsé de nouvelles contraintes
économiques et sportives. Les clubs, en concurrence
continue et à la recherche des meilleurs résultats, ont
dû multiplier les méthodes pour tenter de performer et de
remporter les nombreuses batailles. Certains spécialistes
en viennent jusqu’à comparer un match de football à la
stratégie militaire : il s’agit d’un affrontement synchrone où
chacun défend sa réputation et espère repartir vainqueur,
avec la gloire et l’honneur qui lui est dû. Dans l’esprit des
joueurs, tout est mis en œuvre pour gagner, pour être le
meilleur, pour réussir quoi qu’il arrive. Ils en sont arrivés
à un tel point que, lorsqu’on teste l’esprit de footballeurs
professionnels dans des expériences de psychologie
économique en laboratoire, ce sont eux qui mettent le plus
d’impact à réussir la moindre partie.
16
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
LE FOOTBALL INTÈGRE DES HYPOTHÈSES
DE L’ÉCONOMIE ORTHODOXE
Pour le ministre de l’Economie, le besoin est donc urgent
Ce n’est plus une question d’argent, à ce niveau-là, mais
un état d’esprit : la compétition du football a transformé
l’esprit rationnel de l’agent et l’a fait sombrer dans une
réflexion maximisatrice et individualiste. Ne serait-ce
pas l’esprit même de l’homo-economicus ?
L’homo-economicus, ou Homme Economique, est
l’agent représentatif créé par les économistes et
philosophes classiques et néo-classiques du XIXème
siècle, capable de la plus grande rationalité possible
et de la maximisation de son utilité sous la contrainte
financière. Il est l’agent qui permettra de valider
les théories économiques en adoptant la meilleure
psychologie possible. Par exemple, un marché peut
garantir un rééquilibrage naturel si et seulement si
les agents qui le composent adoptent le meilleur
comportement possible, s’ils cherchent tous à garantir
à l’optimum individuel afin de réaliser l’optimum
collectif. C’est l’idée même de la main-invisible.
Game Theory ». Dedans, il a cherché à montrer, à
travers de nombreux exemples, comment le sport le
plus populaire du monde pourrait servir l’économie et
offrir des outils et des données statistiques capables de
valider les théories fondamentales.
Pour une fois, le football est au service de l’économie
et pas l’inverse. De nombreux spécialistes ont
Ce concept, né des réflexions du philosophe écossais
jusque-là toujours associé l’économie pour le
Adam Smith, dans La Richesse des Nations, écrit en 1776,
football. Un club étant dirigé comme une entreprise,
pose que la somme des intérêts personnels forme le tout
il doit répondre à toutes les attentes de l’efficience
collectif, qu’il se réduit au jeu des parties. Si chaque individu,
économique. A l’ère du professionnalisme, l’argent
chaque agent est doué d’une parfaite rationalité égoïste et
doit être utilisé de la manière la plus juste afin de
cherche constamment à réaliser son intérêt personnel, une
maximiser l’utilité sous contrainte.
« main invisible » viendra mettre en relation les désirs de
L’économiste Français Bastien Drut a, par exemple, écrit
chacun et tout le monde y trouvera son compte.
le livre Economie du football Professionnel, qui renvoie à
« Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du
l’utilisation des théories économiques les plus connues
brasseur ou du boulanger que nous attendons notre
afin d’aider des équipes, à performer grâce à l’instrument
dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche
économique. Dans le même ordre d’idée, on peut aussi
de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à
noter les travaux de Simon Kuper et David Szymanski qui,
leur humanité, mais à leur égoïsme ». Les individus sont
avec Soccernomics, ont révolutionné l’art de l’économie
en lutte permanente et ne cherchent qu’à maximiser
du football.
leurs propres intérêts. Le boucher ne viendra pas
Mais ici, Palacios-Huerta fait tout l’inverse. Ce n’est
vendre sa viande par bonté d’âme mais pour récupérer
plus l’économie au service du football mais le football
de l’argent. L’amateur de bonne
au service de l’économie. Il
chair n’achètera pas la viande par
ne cherche non pas à tenter
altruisme envers le boucher mais
d’élaborer
les
meilleures
“ Le sport le plus
pour satisfaire son désir.
stratégies possibles afin d’aider
En
économie,
pour
faire
ses clubs favoris mais à utiliser
populaire du monde ne
fonctionner l’optimum, la théorie
ses connaissances sportives
classique impose que les individus
pour soutenir et prouver des
doit pas être vu comme
soient
rationnels,
égoïstes,
théories économiques.
individualistes et maximisateurs,
un événement populaire,
qu’ils soient capables de prendre
Sa méthodologie est celle Gary
les meilleures décisions possibles
Becker, économiste à l’Université
un simple spectacle, mais
à partir d’un calcul coût-avantage
de Chicago et prix Nobel. Pour
personnel.
ce dernier, l’économie ne devait
comme le moyen d’offrir
pas être considérée comme une
Or, cela n’a jamais été prouvé
science à proprement parler
un nombre considérable
empiriquement et jamais réalisé.
mais comme une méthodologie
de données mettant en jeu
A aucun moment dans l’histoire
à appliquer dans tous les
économique
moderne
nous
domaines de la vie : sociologie,
des centaines de milliers
n’avons pu assister à la naissance
psychologie, marketing, histoire,
d’un Homo-Economicus. Il reste
criminologie, etc. Ainsi, Palaciosde personne à travers
une entité théorique infondée
Huerta reprend sa considération
dans le monde réel. Ainsi, toutes
et applique les outils de
le monde ”
les théories orthodoxes n’ont
l’économie à des matchs de
aucune validité empirique tant que
football et cherche ainsi à justifier
l’hypothèse de base, celle d’un
empiriquement des concepts
agent représentatif est impossible à appliquer et n’existe
théoriques de la science économique. Les agents sontpas. Pourtant, il existe une solution et il nous faut revenir
ils rationnels ? Sont-ils capables de prendre la meilleure
au football ici.
décision possible ? Sont-ils doués d’une rationalité
adaptative et apprennent-ils de leurs erreurs ? Sontils influencés par leur environnement ? Sont-ils voués
LE FOOTBALL POUR L’ÉCONOMIE
à l’amélioration collective via la maximisation de leur
intérêt propre ?
L’économiste espagnol, Ignacio Palacio-Huerta,
Ce sont des questions que la théorie s’est toujours
professeur à la London School of Economics et directeur
posée, a toujours cherché à appliquer mais n’a jamais
de recherche pour l’Athletic Bilbao, club de football dans
su apporter une validité empirique. Sauf que maintenant,
le nord de l’Espagne, est l’auteur du livre « Beautiful
grâce au football, les choses sont vraies.
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
17
DOSSIER DU MOIS
UNE APPLICATION À LA THÉORIE DES JEUX
Prenons par exemple la théorie du minimax, célèbre
réflexion en théorie des jeux appliquée par le mathématicien
John von Neumann. En 1928, ce dernier cherche à trouver
la meilleure stratégie à adopter lorsque deux adversaires
se font faces, doivent prendre des décisions en mêmes
temps et où l’action de l’un influence le résultat de l’autre.
Il a alors montré que le meilleur moyen de remporter des
jeux non-coopératifs était la stratégie de randomisation,
de hasard pur. En d’autre terme, puisque l’adversaire
raisonne à partir de nos décisions, si l’on veut le battre, il
faut garantir un comportement totalement aléatoire, nos
actions doivent être imprévisibles.
Néanmoins, Von Neumann n’a jamais pu prouver
empiriquement sa théorie. Elle n’était basée que sur
des estimations mathématiques. Il a fallu attendre
les années 1990, avec l’apparition de l’économie
expérimentale, pour tester les décisions des agents,
lors de jeux non-coopératifs, et essayer de valider le
théorème du minimax.
Par exemple, avec l’aide des travaux de l’économiste
Américain Vernon Smith, des scientifiques ont testé
en laboratoire la meilleure façon de gagner à PierreFeuille-Ciseau : l’imprévisibilité de décision, la garantie
des choix aléatoires, et le respect du théorème du
minimax. Or, cette étude a montré que les agents testés
n’étaient pas capables de randomiser leurs actions, ils
raisonnaient toujours à partir d’autrui et en fonction de
ce qu’ils ont fait précédemment.
Les individus ne seraient donc pas suffisamment
rationnels pour optimiser leurs chances de résultats à
pierre-feuille-ciseau ou dans un autre jeu et personne
ne pourrait donc être considéré comme meilleur qu’un
autre. Vraiment tous les individus ? L’économiste
Espagnol Ignacio Palacios-Huerta a montré que les
footballeurs avaient cette particularité de randomiser
leur décision de jeu et de la rendre imprévisible lors
d’un événement particulier : le penalty.
En effet, les joueurs de football ne savent pas, au
moment même où ils vont tenter le penalty, de quel
côté ils vont tirer. Ils ne raisonnent pas à partir des
actions précédentes ou à partir des choix précédents
du gardien. Ils agissent sans réfléchir en fonction de leur
instinct. En clair, ils garantissent parfaitement le hasard
et valident alors l’application de Von Neumann.
1888
NAISSANCE DU CHAMPIONNAT
PROFESSIONNEL D’ANGLETERRE
1932
NAISSANCE DU CHAMPIONNAT
DE FRANCE
18
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
L’HYPOTHÈSE DES MARCHÉS EFFICIENTS
ENFIN DÉMONTRÉE ?
Mais ce n’est pas tout Palacios-Huera a aussi réussi
à prouver la véracité d’une chimère en économie :
l’efficience des marchés. Cette théorie considère
qu’à travers le laisser-faire et l’absence de contrainte,
n’importe quel marché conduit naturellement
à atteindre un équilibre et un ordre spontané.
L’information circule librement et aucun agent n’a un
avantage sur un autre.
Cette théorie a toujours été considérée comme vraie par
les tenants d’un libéralisme économique, justifiant ainsi la
non-intervention de l’Etat dans les sphères mercantiles,
sauf qu’elle n’a jamais été prouvée empiriquement. Jamais
aucune recherche n’a pu établir l’efficience parfaite des
marchés. Même son fondateur, l’économiste Américain
Eugene Fama, parle de « degré d’efficience » allant d’une
efficience faible à une efficience forte, la semi-forte étant
l’intermédiaire et celle qui est globalement acceptée
dans la réalité.
Et bien le football offre la possibilité unique de prouver
l’existence d’un marché parfaitement efficient.
Palacios-Huerta cite une recherche menée par les
économistes Karen Croxson et James Reade qui ont
analysé la variation des paris sportifs lors des matchs
en championnat de football Anglais. Ils ont montré qu’à
travers la libre circulation de l’information, l’absence
de sélection adversaire et de comportement amorale,
le cours d’une cotation n’évoluait qu’en fonction des
prises de décision. Il y a un rapport quasiment égal à
100% entre événement observé pendant un match et
prise de pari.
Normalement, sur un marché inefficient, les ordres
passés ne correspondent toujours pas à la réalité du
terrain : les actionnaires vendent parce qu’ils disposent
d’une information particulière, souvent monnayée
illégalement, achètent alors que rien ne le laisse
présager et le prix d’un titre ou d’un bien dépasse
largement son prix « naturel ». Ici, sur le marché des
paris sportifs, l’efficience est parfaite et les prix, les
cotations, équivalent précisément au prix réel, au prix
naturel. La théorie de l’efficience a pour la première fois
était justifiée et démontrée, elle peut exister dans la
sphère réelle et c’est le football qui l’a prouvé.
Entre 1976 et 2010
la part des joueurs noirs
en Angleterre est passé
de
2% à 30%
1950
DÉVELOPPEMENT DE
LA THÉORIE DES JEUX
L’ÉCONOMIE DE LA DISCRIMINATION
Palacios-Huerta continue ses recherches et parvient à
trouver des implications du football dans l’explication
des comportements sociaux, face à la peur, face à des
incitations intrinsèques et extrinsèques mais l’une de
ses plus intéressantes approches et celle donnée sur la
question du racisme et des discriminations.
En économie, une voie majoritaire est suivie comme
quoi, dans un marché libre et non-faussée, le racisme
tend à disparaitre parce qu’il implique le paiement d’une
prime additionnelle liée à une préférence particulière : à
compétence égale, les entrepreneurs privilégieront des
blancs à des noirs et la demande sera supérieure à l’offre
sur le marché du travail.
Ainsi, dans un cadre compétitif, les agents seraient incités
à maximiser leur profit et à se dessaisir de cette taxe
discriminante tacite au profit d’une embauche égalitaire.
Or, tout ceci n’est que théorie puisque le racisme et la
discrimination persistent. Sauf en football.
En effet, à partir d’une étude déjà développée par
l’économiste Américain Stefan Szymanski, en Angleterre,
Palacios-Huerta montre que les clubs de football nondiscriminants ont tendance à performer à la fois leur
résultat économique et sportif. Ils ne payent pas la taxe
discriminante et s’offrent de meilleurs joueurs grâce aux
bénéfices économiques réalisés.
spectacle mais comme
le
moyen
d’offrir
un
Un club étant dirigé
nombre considérable de
comme une entreprise,
données mettant en jeu
il doit répondre à
des centaines de milliers
toutes les attentes de
de personne à travers le
monde. Par son caractère
l’efficience économique
compétitif et professionnel,
il permet de poser les bases
démonstratives des théories
économiques courantes.
Pour une fois, remercions le football pour l’amélioration
de nos connaissances.
Pierre RONDEAU
@Lasciencedufoot
En collaboration avec le site Foot&Stratégie
@FootStrategie
www.football-et-strategie.com
POUR EN SAVOIR +
Entre 1976 et 2010, la part des joueurs noirs en Angleterre
est passée de 2% à 30%, le racisme a considérablement
été battu non pas à cause d’une intervention politique mais
seulement à travers le mécanisme du marché. Les agents
rationnels cherchent à maximiser leur utilité, en l’occurrence
financière pour le cas des dirigeants de club de football.
Tout cela est extraordinaire et montre de façon très
intuitive comment le sport le plus populaire du monde
peut aider l’économie et les sciences. Il ne doit pas
être vu comme un événement populaire, un simple
Bastien Drut
Économie du football professionnel.
Simon Kuper, Stefan Szyamnski
Les attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus.
Ignacio Palacios-Huerta
Beautiful Game Theory.
The beautiful game theory
Ignacio Palacio-Huerta va être traduit et publié en France dans les
prochains mois. La traduction a été assurée par Pierre Rondeau,
l'auteur de cet article.
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
19
ÉCONOMIE ET SPORT
CRISE FINANCIÈRE
ET FOOTBALL PROFESSIONNEL
La période de crise financière qui sévit en France, puis plus généralement en Europe et dans
certaines zones du globe, n'est certes pas la première, ni sans doute la dernière, mais il est
évident qu'elle atteint violemment l'économie de certaines puissances réputées solides, et qu'elle
se manifeste par des phénomènes assez inédits.
E
n effet, si des crises financières ont déjà marqué
marqué le dernier siècle, la crise actuelle ayant
commencé dès 2008 est originale en ce qu'elle se
ressent à tous les niveaux, dans tous les secteurs de
l'économie. Parmi ces secteurs le sport bien évidement,
et le football plus précisément. Alors comment expliquer
qu'une crise, à l'origine financière et bancaire, puisse
produire des impacts dans des domaines tels que le
football ? Et ce phénomène atteint il nécessairement tous
les acteurs du monde footballistique ? Explications.
QU'EST-CE QUE LA SANTÉ FINANCIÈRE D'UN CLUB,
ET COMMENT L'ÉVALUER ?
la structure même du club, lorsqu'on se penche sur
les moyens mis en œuvre, sur la longue durée, pour
permettre l'investissement et le développement. Un club
peut alors générer un chiffre d'affaires intéressant tout en
étant en danger au niveau de sa santé «structurelle», par
exemple si l'emprunt est excessivement utilisé ou que les
investissements sont irréguliers.
Il apparaît clairement aujourd'hui que la situation des
clubs n'est absolument pas homogène: alors que
certains clubs survolent la crise financière, d'autres la
subissent de plein fouet. Même si les apparences sont
parfois trompeuses sur la santé financière des clubs
professionnels, les phénomènes économiques qui
affectent les clubs, dans le bon comme dans le mauvais
sens, sont plutôt visibles, voire prévisibles.
On parle en effet souvent de santé financière d'un club
de football, comme on parlerait de la santé financière
d'une petite société locale ou à une autre échelle d'une
CES CLUBS QUI SE JOUENT
grande entreprise du CAC 40. Il est vrai qu'aujourd'hui,
DE LA CRISE ÉCONOMIQUE
les clubs professionnels ont de plus en plus tendance
à fonctionner telle une entreprise, qui se doit donc
Il est des clubs, en Europe notamment, pour lesquels
d'être compétitive financièrement
la crise financière n'est pas une
pour vivre. Dans ces conditions,
préoccupation. On pense forcément
l'étude des finances du club paraît
au Paris Saint Germain, qui bénéficie
primordiale, c'est d'ailleurs pourquoi
d'un investissement privé Qatari
on trouve désormais des services de
depuis maintenant 3 ans, et pour qui
comptabilité et de gestion, au sein
la question des finances n’apparaît
de la structure des clubs de football
pas comme un souci.
professionnels.
Des clubs comme le PSG il y en a
Pour en revenir à cette question de
d'autres: Le FC Barcelone, le Real
santé financière, il s'agit en fait de
Madrid (Espagne) et le Chelsea FC
la réunion de deux questions qui
(Angleterre), illustrent parfaitement
DE 1ÈRE DIVISION EN 2010
apparaissent complémentaires et
ce profil de club qui bénéficiant
corrélatives : la question des finances
d'investissements
privés
très
à proprement parler, avec une étude des bénéfices
importants, disposent de finances au moins saines
générés, et une autre question portant sur la santé de
voire confortables.
PERTES NETTES
POUR 56% DES
CLUBS EUROPÉENS
20
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
L'aisance financière des ces clubs se manifeste notamment
à travers leurs dépenses vertigineuses qui n'ont pas
d'équivalence avec des clubs plus modestes (l'achat du
Gallois Gareth Bale par le Real Madrid pour la modique
somme de... 91 millions d'euros!).
Dans ce cadre, peut-on soupçonner un quelconque
impact de la crise économique sur la santé financière de
ces clubs ? Le cabinet Deloitte avait en 2009 rendu une
étude sur cette question, et il apparaît que même si le
poids des finances de tels clubs permet une marge de
manœuvre sécurisante, il n'en est pas moins inquiétant
de remarquer que leur endettement préoccupe :
Lorsqu'on sait que le salaire des joueurs représente par
exemple 81% des charges du club de Chelsea, on se
demande si en cas de contre-performance sportive, cela
ne conduirait pas à une situation compromettante pour
le club, même s'il bénéficie lui aussi d'investissements
privés très généreux (le club avait été racheté en 2003 par
le russe Roman Abramovitch).
À ce propos d'ailleurs, l'UEFA a depuis la saison dernière
mis en place le système du Fair Play financier, une mesure
visant à encadrer et réglementer les actions financières
des clubs professionnels, par exemple en limitant le
recours à l'emprunt.
recrutement par la DNCG (Direction Nationale de Contrôle
de Gestion) dès l'entame de la saison 2014-2015. Déjà
surveillé de près par l'organisme depuis le départ de l'ancien
propriétaire Frédéric Sébag en 2013, le club a néanmoins
toujours su corriger ses finances de manière à conserver son
statut de club professionnel et sa place en ligue 2. La DNCG
a d'ailleurs récemment levé son interdiction de recrutement
pour la saison en cours.
Souhaitons alors au club tourangeau de ne pas subir
les mêmes débâcles que son homologue Sarthois deux
saisons auparavant.
UNE VISION PROSPECTIVE DE LA SANTÉ FINANCIÈRE
DES CLUBS PROFESSIONNELS
Si le bilan actuel dressé ici paraît primordial, il n'en
est pas moins de la question de l’évaluation de ce qui
pourrait se passer dans les années à venir. Le contraste
établi entre les clubs fortunés et les clubs plus modestes
financièrement devrait sans nul doute être confirmé
dans les années à venir. En effet, de plus en plus de
milliardaires du monde entier n'hésitent pas à investir,
notamment en Europe.
Mais ce qui semble intéressant ici, c'est de se pencher
sur des championnats à la réputation beaucoup
LES CLUBS PLUS MODESTES
moins établie. Car c'est en effet là où l'activité et le
À LA MERCI DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ?
développement sont les plus croissants depuis peu de
temps : de fortes puissances économiques et politiques,
Il apparaît évident que des clubs comme le PSG ne
qui semblaient traîner des pieds concernant le football
constituent pas la majeure partie des clubs de football
misent aujourd'hui sur ce domaine, avec parfois des
professionnels : même en première division, que ce soit
évolutions fulgurantes. Nous pensons bien évidemment
en ligue 1 française ou en Liga espagnole par exemple, on
à la Chine, la Russie, où grâce à des investisseurs privés
trouve au sein du même championnat ce profil de clubs mais
de plus en plus influents, on arrive à voir des transferts
aussi et surtout, très majoritairement,
de grands joueurs européens. De
des clubs que l'on peut qualifier de
même, les États-Unis, qui longtemps
plus modestes. Dans le championnat
dépassés dans le monde du football
écossais par exemple, nous avons le
(appelé « Soccer » outre atlantique), se
cas du club des Glasgow Rangers qui,
tournent de plus en plus vers ce sport
après avoir longtemps figuré en tête
notamment grâce au développement
du championnat de première division
impressionnant
des
sections
et participé à de nombreuses coupe
universitaires mais aussi de son
d'Europe, a subi une liquidation judiciaire
championnat professionnel (MLS),
en 2012 et a été contraint à la relégation
dans lequel de très grands noms sont
en 4ème division.
déjà apparus (David Beckham aux L.A
DU MANS FC
Ce cas n'est malheureusement pas
Galaxy's, Thierry Henry aux N.Y Red
isolé. En France, nous pouvons citer
Bulls, etc.).
le cas du club du Mans FC, souffrant
Partant de là, il est intéressant
d'une dette qui s'élevait à 14,4 millions d'euros. Le club
de se demander si dans les années/décennies à
Sarthois a en 2013 été relégué en Division d'Honneur
venir, ces championnats très florissants viendront
(plus haut niveau régional) alors même qu'il évoluait
dépasser les championnats européens, qui sur le plan
jusque là en ligue 2, et avait auparavant goûté à la ligue 1.
qualitatif mais aussi économique, restent aujourd'hui
De même, la situation du Tours Football Club est également
incontestablement les plus développés.
intéressante à étudier en ce que le club tourangeau est sur
la sellette depuis quelques années mais a jusqu'ici toujours
Julien CHEVY
lutté et réussi à conserver sa place dans le championnat
Étudiant en Licence 2 Droit
de ligue 2. En effet, malgré la vente du joueur vedette Andy
Université François Rabelais de Tours
Delort au mercato d'été qui a rapporté 4 millions d'euros
au club, les finances ne sont pas suffisantes et le Tours FC
«Sportif de Haut niveau» à l'université de Tours
a été placé sous contrôle de masse salariale et interdit de
Joueur amateur au Tours Football Club
14,4 MILLIONS
D'EUROS DE DETTE
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
21
ORIENTATION
LES CONCOURS ECRICOME :
VOTRE TREMPLIN POUR INTÉGRER LES
ÉCOLES DE COMMERCE
Les concours ECRICOME Tremplin 1 (bac + 2) et Tremplin 2 (bac + 3/4) vous permettent de
présenter 6 campus au sein d’écoles renommées et reconnues par les recruteurs afin d’acquérir
une double compétence en intégrant une école de commerce et de management.
Les écoles de commerce et de management
- ICN Business School Nancy-Metz,
- KEDGE Business School Bordeaux-Marseille,
- NEOMA Business Rouen-Reims
L’INTÉRÊT D’UNE DOUBLE COMPÉTENCE
EN ÉCOLE DE MANAGEMENT
Les candidats issus des admissions parallèles doivent
pouvoir afficher une double compétence : celle acquise
durant leurs premières années d’études, et celles qu’ils
travailleront dans le Parcours Grande École. Il peut s’agir
d’une double compétence en management, ou bien d’une
première compétence plus technique, complétée par
le volet management. Dans tous les cas, les recruteurs
seront sensibles à ce profil, qui correspond à des
étudiants capables d’évoluer aisément dans des milieux
hétérogènes, comme, par exemple l’industrie, ou dans
tous les secteurs de l’économie.
QUELS SONT LES ATOUTS DE CES CANDIDATS
LORS DES ORAUX ? QUE DOIVENT-ILS VALORISER ?
Les étudiants ayant déjà étudié le management sauront
parler de leurs expériences dans ce domaine, et expliquer
pourquoi ils ont souhaité une poursuite d’études dans la
même voie, et comment ils l’envisagent. Pour les profils
plus techniques, les candidats devront être capables de
montrer qu’ils maîtrisent l’articulation entre leur première
spécialité et la poursuite d’études qu’ils envisagent.
Dans les deux cas, une projection sur des métiers ou
des secteurs précis pourra être présentée au jury, car
l’expérience professionnelle déjà acquise à l’occasion de
stages permettra sans doute aux candidats d’élaborer un
projet professionnel plus précis et plus argumentés que
ceux issus des classes préparatoires.
COMMENT S’INSCRIRE AU CONCOURS ?
Les inscriptions se font uniquement par internet
www.ecricome.org jusqu’au mardi 24 mars 2015. Les
épreuves écrites se dérouleront le samedi 18 avril 2015,
22
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
dans le centre de votre choix. Les épreuves orales se
dérouleront du lundi 1er juin au samedi 20 juin 2015
(vous choisirez vos dates de passage parmi les dates
proposées par chaque école).
COMMENT SE PRÉPARER AU CONCOURS ?
Pour préparer les épreuves du concours, les candidats
peuvent utiliser les ressources du centre de préparation au
concours ECRICOME « le HUB », accessible depuis le site,
où sont regroupés les annales des concours précédents, des
vidéos de conseils et de nombreux exercices d’entraînement.
Pour les concours ECRICOME Tremplin 1 & 2, en plus
des rubriques classiques en libre accès (traitant des
annales, des journées préparatoires…), une salle
d’entraînement est proposée tout spécialement et
uniquement aux candidats inscrits.
Cette prestation est totalement gratuite et comprise dans
le coût d’inscription au concours TREMPLIN 1 & 2. Le
tarif du concours reste pour autant inchangé.
Une fois inscrit(e) et connecté(e), vous y trouverez pour
chaque épreuve : des vidéos de présentation donnant des
conseils de préparation, de gestion du temps pour bien
maîtriser l’exercice demandé ; des fiches de cours pour revoir
les règles de chaque matière à connaître et des exercices
supplémentaires à réaliser, en complément des annales. Au
total une vingtaine de nouvelles vidéos pour les épreuves
écrites et orales, des mémos de cours et des exercices
complétant les annales afin de pouvoir vous préparer par
vous-même et de vous donner les moyens de réussir !
Tous ces nouveaux contenus pédagogiques ont été
élaborés par des professionnels de la Communauté
Éducative de l’Enseignement Supérieur, en partenariat
avec ECRICOME, qui, en la matière, assure la conception
de ses sujets depuis plus de 25 années.
Une vraie préparation en ligne !
ÉCONOMIE ET ENVIRONNEMENT
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE :
QUELLE ADAPTATION
DES ENTREPRISES ?
Les règlementations sur l’environnement ont un effet de barrière structurelle liée aux conditions
concurrentielles d’accès au marché, c'est-à-dire qu’elles constituent une norme juridique qui
forme une entrave à l’accès au marché.
C
es mesures jouent un rôle social important car
elles visent à protéger l’environnement, et l’analyse
de la concurrence potentielle doit les prendre en
considération étant donné qu’elles ont pour effet d’empêcher
ou de retarder les nouveaux arrivants sur le marché.
L’ADAPTATION AUX NORMES
ENVIRONNEMENTALES INDUIT UNE
AUGMENTATION DES COÛTS IRRÉCUPÉRABLES
Les coûts irrécupérables se définissent comme
l’investissement nécessaire pour s’implanter dans un
secteur, mais qu’une entreprise ne restant pas longtemps
sur le marché ne peut pas récupérer à la sortie. Dans
le cadre des règlementations environnementales, il
s’agira pour les entreprises d’adapter en général leurs
modes de production afin qu’ils n’aient pas d’impact sur
l’environnement, particulièrement quand ils sont polluants.
Les grandes entreprises sont alors favorisées étant donné
que le coût unitaire de mise en conformité à la règlementation
environnementale sera moins élevé que pour les petites
entreprises. A titre d’exemple, dans les années 90, les
entreprises du marché américain de ciment de Portland ont
dû s’adapter suite à l’adoption d’une nouvelle règlementation
environnementale. Selon une estimation, les amendements
de 1990 sur la loi américaine sur la pureté de l’air ont augmenté
de 35% les coûts irrécupérables d’entrée sur le marché.
Cela a conduit à la faillite de nombreuses petites entreprises
productrices de ciment, qui n’ont pas été remplacées par la
suite. Le rétrécissement du marché pouvait alors se justifier
par le fait que les coûts irrécupérables nécessaires afin de
s’adapter aux nouvelles normes environnementales avaient
augmenté d’au moins un tiers.
LE DÉSAVANTAGE DES ENTREPRISES NOUVELLES
PAR RAPPORT AUX ENTREPRISES DÉJÀ PRÉSENTES
SUR LE MARCHÉ
Le deuxième effet qui caractérise une barrière structurelle
relève des avantages des entreprises présentes dans un
secteur par rapport à celles de l’extérieur. Avantages qui ont
pour effet de limiter l’entrée sur le marché aux concurrents,
ou de freiner leur développement. Cette situation est
caractéristique aux États-Unis, où sont appliquées des
règlementations différenciées selon l’année de création des
entreprises. L’application de normes environnementales
est alors plus stricte pour les entreprises qui sont entrées
sur le marché après une date butoir. Ce concept se
justifie par une volonté d’influencer l’exploitation des
usines existantes, et d’utiliser intensivement les matériaux
anciens. Toutefois, ce programme, New Source Reniew,
instauré aux États-Unis est contesté comme entrainant
une discrimination contre les entreprises susceptibles de
s’implanter sur le marché avec
des usines neuves.
Les petites entreprises
La
nécessité
d’adaptation
sont plus fortement
pour les entreprises de se
touchées par le
mettre en conformité avec les
phénomène des coûts
normes environnementales et
les bouleversements entrainés
irrécupérables
dans les interrelations entre
les acteurs du marché nous
amènent alors à nous demander si les concepts de
développement durable n’auraient pas un effet nocif pour
la concurrence. Pourtant, il faut prendre en considération
l’intérêt supérieur qui est recherché par la prise en
compte de ces principes. Les critiques relatives aux
coûts irrécupérables ou encore aux désavantages entre
les entreprises déjà présentes sur le marché par rapport
aux entreprises nouvelles ne sont que des critiques qui
s’inscrivent dans le court terme. Le développement
durable n’aura vraisemblablement d’effets positifs sur la
concurrence que dans une considération à long terme.
Margarita TODOROVA
Taline MÉNÉDJIAN
Leslie BLAQUIÈRES
POUR EN SAVOIR +
« Réglementation environnementale et concurrence »
OCDE (2008), Revue de l'OCDE sur le droit et la politique de la
concurrence, vol.9/2.
« Le contrôle de la puissance de marché: Contribution à une approche juridique du marché »
Karounga Diawara, Cowansville, édition Yvon Blais, 2011.
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
23
CONCURRENCE
QUELLE PRISE EN COMPTE DE
L’ÉLASTICITÉ-PRIX PAR LES ACTEURS
ÉCONOMIQUES ?
Dans l'exercice de son activité, l'entrepreneur est amené à présenter des projets de commercialisation :
ceux-ci seront certainement débattus ou transformés pour finalement être adoptés. Que ce soit pour
la commercialisation d’un produit ou d’un service, la question essentielle reste celle du prix.
S
a détermination en fonction des ressources internes
et du marché pertinent est le centre d'un arbitrage
auquel sont confrontés les entrepreneurs. Il existe
un outil de mesure économique qui regroupe ces deux
aspects de la mise en œuvre d'un tel projet d'entreprise:
l'élasticité-prix de la demande, ci-après "l'élasticité-prix".
Afin de mieux déterminer les enjeux de l’application de
cette notion, il est nécessaire dans un premier temps
de la définir et de comprendre son interprétation. C’est
seulement une fois la notion acquise qu’il est opportun
de s’interroger sur la manière dont elle est utilisée par les
différents acteurs économiques.
Ces deux interrogations semblent similaires, pourtant leurs
réponses produisent deux informations différentes qui
peuvent cependant être complémentaires.
L’essentiel à retenir reste l’interprétation des résultats de
cette mesure. S'agissant de l'élasticité-prix directe, si elle est
inférieure à 1, la demande est dite inélastique. Autrement dit,
les consommateurs sont peu sensibles à la variation du prix
du bien. Par exemple, en bon français que nous sommes,
l’augmentation de 1% du prix du pain ne changera pas
significativement notre consommation actuelle de ce bien.
À plus grande échelle, les biens dont l’élasticité –prix est très
inélastique sont nommés biens de Giffen (Rober Giffen), ils
sont essentiels : les consommateurs sont prêts à faire des
sacrifices sur le reste de leur consommation pour pouvoir
LA NOTION D’ÉLASTICITÉ-PRIX
continuer à satisfaire leur demande pour ce bien.
Inversement, si elle est supérieure ou égale à 1, la demande
L’élasticité-prix est un outil utilisé principalement en
est élastique, les consommateurs vont facilement changer
microéconomie qui permet de mesurer la variation d’une
de comportement face à cette variation. Prenons les offres
donnée en fonction de la
touristiques pour des destinations
variation d’une autre. Enoncée
non encore tout à fait reconnues,
comme telle, cette notion
la baisse des prix va entrainer une
semble vague et pour cause :
forte croissance de leur demande.
pour appréhender la notion
S’agissant de l'élasticité-prix
d’élasticité-prix il faut d’ores
croisée, elle permet également
et déjà comprendre qu’elle est
d'établir une typographie des
dépendante, à la fois du facteur
biens de consommation. Si
VARIATION EN % DE LA QUANTITÉ DEMANDÉE
qu’elle cherche à mesurer et
lorsque le prix d’un bien A
VARIATION EN % DU PRIX
de celui en fonction duquel la
augmente, la demande d’un
variation est étudiée.
bien B diminue, les deux biens
Il existe deux types d’élasticitésont dits complémentaires : on
prix: l’élasticité-prix directe qui
ne peut consommer l'un sans
répond à la question « si le prix
l’autre. En guise d'illustration, si
VARIATION EN % DE LA QUANTITÉ DEMANDÉE
du bien 1 augmente de 1%,
le prix des cartouches d'encre
VARIATION EN % DU PRIX D'UN AUTRE BIEN
comment varie la demande
d'imprimante
augmente,
la
du bien 1 ? » et l’élasticitédemande
d'imprimante
va
prix croisée qui répond à la question « si le prix du bien 1
diminuer. En revanche, si le prix d’un bien A augmente,
augmente de 1%, comment varie la demande du bien 2 ? ».
et que la demande d’un bien B augmente, les biens
ELASTICITÉ-PRIX DIRECTE
ELASTICITÉ-PRIX CROISÉE
24
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
sont substituables. À titre d’exemple, si le prix du beurre
s’envolait, fini la cuisine française pure beurre, en avant
la margarine ! Enfin, rassurons-nous de ne pas être dans
un monde de consommation binaire: il existe des biens
dits indépendants (élasticité-prix = 0) qui, comme leur
nom l'indique, ne sont en aucun cas impactés par une
quelconque variation du prix de l'un ou de l'autre. Il est
impossible de comparer l’augmentation du prix du textile
avec la demande grandissante en chocolat !
L’UTILISATION DE L’ÉLASTICITÉ-PRIX DE LA DEMANDE
PAR LES ENTREPRISES À DIFFÉRENTS STADES DE
DÉVELOPPEMENT
L’élasticité-prix de la demande est une mesure, certes, mais
se pose alors la question de savoir comment les acteurs
économiques aujourd’hui la prennent-ils en compte?
Plaçons-nous du côté de l’entrepreneur, plusieurs situations
différentes peuvent l’amener à être confronté à cette notion.
Supposons une start-up qui cherche à se positionner sur
un marché ou, au contraire, une entreprise qui a des parts
de marché importantes commercialisant des produits dans
un secteur particulier. Il faut envisager de quelle manière
l’arrivée d’un nouveau produit peut avoir un impact sur les
ventes de l’ancien. Autant de situations qui nécessitent, en
amont de la prise de décision stratégique du lancement du
produit, une étude à l'aide de l'élasticité-prix. Effectivement,
une notion économique telle que l’élasticité-prix joue un rôle
important lors d’un positionnement stratégique qui concerne
généralement les équipes marketing : l’établissement du
marketing mix. Le marketing mix, ou la théorie dite des 4P
représente l'ensemble des outils marketing que l'entreprise
doit activer de façon cohérente pour faire la promotion
d'un produit ou d'un service. Les 4P correspondent aux
termes anglo-saxons suivant : price (prix), product (produit),
promotion (publicité), place (lieu/moyen de distribution).
Sachant cela, il est aisé de comprendre l’influence des
résultats donnés par le calcul de l’élasticité-prix. L’élasticitéprix est un levier économique dont il faut se servir pour
mener à bien la théorie des 4P. Prenons l’exemple d’un
bien substituable, c'est-à-dire dont l’augmentation du prix
engendrerait l’augmentation de la demande d’un autre bien
à sa place, ne serait-il pas opportun pour ce dernier de
valoriser d’autant plus la publicité pour envoyer un message
fort ? Cela peut être risqué si l’augmentation de la demande
escomptée grâce à l’augmentation du prix du bien auquel
le produit en question se substitue n’est en réalité pas
suffisante. Dans ce cas, un entrepreneur engageant moins
de risque fera le choix d’une promotion plus modérée pour
s’assurer un minima de bénéfice. Il s’agit ici d’un exemple
reflétant le levier de l’élasticité-prix utilisé via la publicité
mais le même raisonnement peut être fait avec la méthode
de distribution par exemple.
Au-delà de l'aspect du positionnement sur le marché avec un
prix compétitif, l'élasticité-prix permet également en aval de
faire des études sur les marges réalisées. Prenons l’exemple
de l’entreprise ayant des parts de marchés conséquentes
dans un secteur particulier. Les études économiques
internes prévoient que l'entrée sur le marché du nouveau
produit B moins onéreux et substituable au produit A va
entrainer une baisse de la demande de ce dernier. Il faut
alors que le coût de production de B soit inférieur à celui
de A pour en produire et en vendre plus. C'est un arbitrage
classique à faire entre une marge réalisée grâce au volume
des ventes ou grâce à la qualité des ventes.
Les développements précédents mettent en exergue
une autre caractéristique de cette mesure. Au-delà de
la détermination du prix précédemment évoquée, une
évidence apparaît : plus qu’un prix, l’élasticité-prix de la
demande aide à définir un marché.
AU-DELÀ DE L’ENTREPRISE, UNE MESURE AU SERVICE
DU DROIT DE LA CONCURRENCE
Au fur et à mesure des années, le droit de la concurrence et
sa mise en œuvre ont évolué. C'est un droit essentiellement
économique qui a pour principal objectif de maintenir une
concurrence équilibrée sur les marchés. Ce notamment
grâce à la prévention mais aussi la condamnation des
pratiques anticoncurrentielles telles que les ententes, les
abus de position dominante ou encore les concentrations.
Sachant cela, il est aisé de comprendre tout l'enjeu d'une
intégration de notions économiques pour appliquer ce
contrôle. Pour répondre au mieux à leurs objectifs, les
autorités de la concurrence nationales et la Commission
européenne ont mis en exergue l'enjeu de la définition
du marché pertinent. En effet, avant même de mettre en
application la procédure permettant de déterminer s'il y a ou
non une pratique anticoncurrentielle constatée, il faut définir
le marché pertinent. Comment? Raisonnons simplement
pour comprendre cet enjeu: nous ne comparons pas une
tomate avec une pomme de terre. Pourquoi ? Ce ne sont
pas les mêmes produits, ils n'ont pas la même utilité, les
consommateurs en cas de pénurie de tomate ne vont pas,
à la place, consommer des pommes de terre. Les exemples
culinaires ont l'avantage d'être caricaturaux et donc assez
clairs: nous retrouvons ici la notion de substituabilité des
biens chez les consommateurs et donc la mesure de
l'élasticité-prix de la demande.
Plus concrètement, la Commission européenne définit un
marché selon deux critères, un critère géographique et
un critère de substituabilité des produits: "un marché de
produits en cause comprend tous les produits et/ou services
que le consommateur considère comme interchangeables
ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur
prix et de l'usage auxquels ils sont destinés." C'est sur cette
deuxième phase que l'élasticité-prix de la demande joue un
rôle essentiel.
Valeska MONTFORT
POUR EN SAVOIR +
Microéconomie
Robert Pindyck et Daniel Rubinfield, 8ème édition, Marson.
Site internet Autoritedelaconcurrence.fr
Rapports annuels
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
25
INTERVIEW
GILDAS
DE MUIZON
Associé et directeur exécutif
Microeconomix, cabinet de conseil
en économie spécialisé en matière
d’analyse microéconomique et
d’économétrie
Le conseil en économie est une
activité de niche au niveau français
Le Petit Journal de l'Économie : Quelles études avezvous faites ?
Gildas de Muizon : J’ai à la base une formation scientifique,
Math Sup et Spé à Louis-le-Grand, ingénieur de l’Ecole
des mines de Paris. J’y découvre l’économie et complète
ma formation par un DEA d’économie avant d’entamer une
thèse dans le laboratoire d’économie industrielle de l’Ecole
des mines.
LPJE : Qu’est-ce qui vous a poussé vers le domaine du
conseil? Quelles ont été vos motivations premières ?
GDM : Durant ma thèse à l’Ecole des mines, j’ai
déjà l’opportunité de travailler en tant qu’ingénieur
de recherche sur des contrats, par exemple dans le
domaine de l’efficacité énergétique avec l’ADEME, l’IFP
ou le cabinet de conseil danois COWI. L’application de
la recherche académique au monde de l’entreprise me
passionne et lorsque François Lévêque me propose à
l’issue de ma thèse, de reprendre Microeconomix, je n’ai
pas hésité car cela répondait à toutes mes aspirations :
réflexion scientifique tout en étant appliquée à des
problèmes concrets du monde des affaires et défi
entrepreneurial de développer un cabinet de niche.
LPJE : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots
Microeconomix, son activité, les domaines et secteurs
auxquels elle offre son expertise ?
GDM : Lors de sa création en septembre 2002,
Microeconomix est le premier cabinet d’expertise
économique appliquée au droit de la concurrence à
26
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
proposer ses services en France. L’activité s’est depuis
largement diversifiée même si notre activité historique
d’analyse économique appliquée au droit de la concurrence
reste importante. Nous analysons le fonctionnement des
marchés et les comportements d’entreprises et aidons les
avocats de nos clients à renforcer leur stratégie de défense
par des arguments économiques solides. Nous intervenons
dans les affaires de pratiques anticoncurrentielles comme
les cartels ou les abus de position dominante ainsi qu’en
matière de contrôle de concentration lors de fusions entre
entreprises. Nous intervenons également pour évaluer les
préjudices économiques, qu’ils aient été causés par des
pratiques anticoncurrentielles ou par d’autres types de
pratiques, contractuelles notamment dans le cadre de
procédure d’arbitrage. Notre métiers est devenu de plus en
plus quantitatif : nous exploitons les grandes quantités de
données de marché en mobilisant des outils statistiques et
des techniques économétriques pour mesure au mieux les
effets, quantifier les préjudices et porter un regard novateur
sur certaines problématiques de stratégies d’entreprise.
LPJE : Plus particulièrement, pouvez-vous expliciter
votre rôle lorsque vous intervenez dans des contentieux
de droit de la concurrence ?
GDM : Dans les contentieux de droit de la concurrence,
nous sommes principalement mobilisés pour analyses
les effets de pratiques anticoncurrentielles et quantifier
le dommage à l’économie qu’elles ont pu causer. Il s’agit
souvent de construire des modèles économétriques
permettant par de mesurer le surprix causé par un cartel en
tenant compte des facteurs exogènes qui ont pu influencés
les prix mais qui ne sont pas imputable au cartel (par
exemple les variations des coûts des matières premières).
En pratique, nous intervenons en étroite collaboration avec
les avocats de nos clients et produisons des rapports aux
différents stades de l’instruction. Nous sommes amenés
à défendre nos conclusions lors des séances devant les
autorités de concurrence et avec leurs économistes.
LPJE : Diriez-vous que votre intervention est encore
plus utile pour conseiller les entreprises évoluant dans
des secteurs régulés, tel que le secteur de l’énergie ?
GDM : Les industries de réseau telles que le transport de
l’électricité, la téléphonie fixe ou le transport ferroviaire
présentent des spécificités dont il faut tenir compte
lorsqu’on ouvre à la concurrence des marchés auparavant
occupés par des monopoles publics. Par exemple, on
parle de monopole naturel pour décrire une situation où
il serait inefficace de dupliquer certains actifs comme par
exemple un réseau ferré. Dès lors que la concurrence ne
peut pas fonctionner, se pose la question de l’intervention
publique pour prévenir les abus. Mais il peut très bien y
avoir des mesures de régulation qui causent plus de mal
que de bien. L’analyse économique est un formidable
outil pour évaluer les propriétés de différents modèles de
régulation, anticiper leurs effets sur les entreprises et pour
le bien-être collectif, etc.
LPJE : Enfin, que conseilleriez-vous à un jeune diplômé
qui souhaiterait s’orienter vers le conseil ? Quelles
qualités sont attendues des nouveaux entrants pour
exercer dans votre domaine d'activité ?
GDM : Le conseil en économie est une activité de niche
au niveau français. On ne compte guère plus d’une
cinquantaine de consultants à Paris intervenant sur ces
sujets. Il s’agit d’un métier technique et exigeant : chez
Microeconomix, nous ne recrutons que des économistes,
souvent docteurs en économie, et qui doivent être familiers
des logiciels d’analyse de données et des techniques
d’analyse quantitative. Il est également très important
d’être capable de s’exprimer clairement, de rendre
compréhensible des raisonnements qui peuvent parfois
être complexes car in fine c’est à des juristes que nous
nous adressons et on ne peut convaincre que si l’on est
compris. Souvent nos consultants ont un double-profil
d’ingénieur et d’économiste.
LPJE : Quels sont les apports de votre métier sur le plan
personnel ?
Ce que je trouve le plus intéressant dans mon métier, c’est
d’explorer la complexité du fonctionnement des marchés
et la diversité des stratégies d’entreprises. Chaque dossier
soulève ses propres questions et nous conduit à découvrir
des environnements particuliers. Impossible dans ces
conditions de recaser plusieurs fois la même analyse et
c’est ça qui est particulièrement stimulant. Le dialogue
entre des professionnels aux profils très différents (avocats
et juristes, dirigeants d’entreprises, économistes, juges,
etc.) est également très enrichissant. Au-delà des travaux
d’expertise qui peuvent être très complexes et techniques,
il est indispensable d’être capable d’expliquer en des
termes simples les raisonnements et hypothèses qui ont
conduit aux conclusions obtenues.
LPJE : Comment imaginez-vous votre profession dans
10 ans ?
Depuis une dizaine d’années, l’expert économiste fonde
de plus en plus son analyse sur sa capacité à traiter
correctement les données économiques (évolution des
prix, des coûts, des quantités vendues, etc.). Cette
tendance de fond se poursuit et s’inscrit maintenant dans
la généralisation de l’analyse de très grandes quantités de
données (big data) qui sont quotidiennement collectées
par les entreprises. Les techniques évoluent et l’expert
économiste doit élargir ses compétences : statisticien,
économètre, data scientist, programmeurs, etc.
Marie VINCENT-RENARD
Leslie BLAQUIÈRES
LE CABINET
Création : en septembre 2002 par François
Lévêque
Siège social : 5 rue du Quatre Septembre
75002 Paris
3 domaines d’expertise :
- concurrence
- économétrie
- énergie
L’équipe : tous docteurs en économie, les consultants
seniors de Microeconomix sont des ingénieurs
et des économistes de haut niveau, polyvalents
et dont le professionnalisme et la réactivité font
référence. Microeconomix renforce la portée de
ses argumentaires économiques en proposant à
ses clients la contribution et la signature d’experts
académiques renommés.
Valeurs : rigueur, créativité et pédagogie sont les
maîtres mots de leurs équipes, dont les rapports
d'expertise complètent efficacement les travaux
juridiques et les réflexions stratégiques de nos clients.
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
27
MANAGEMENT
QUELS OUTILS DE MOTIVATION
POUR LES MANAGERS ?
Outil d’intéressement au capital des managers, le Management Package a pour objectif
essentiel d’aligner les intérêts de l’entreprise et de ses managers. Il y a un partage de la valeur
actionnariale finale du fait de la prise de risque capitalistique par le manager.
É
tape préalable à la réalisation d'un projet, la
négociation du contrat de management est cruciale
non seulement pour la protection des managers
investissant dans l'entreprise, mais aussi pour le bon
développement de l'entreprise. En permettant aux
managers d'investir dans le capital de l'entreprise et en
les associant à la réussite du projet grâce à l'attribution
d'une part des plus-values réalisées par la société, le
Management Package récompense les managers qui
ont contribué à cette réussite. Ils ont alors tout intérêt
à s'impliquer dans le développement de la société.
Cependant, l’investissement requis de la part des
managers dans le projet étant souvent conséquent,
la négociation du Contrat de management devra être
particulièrement réfléchie. Elle devra nécessairement
inclure les éléments suivants : la définition des missions
confiées aux managers, les droits et obligations des
managers, les modalités de la prise de participation des
managers au capital de la société, et l'intéressement à la
surperformance, en cas de réussite du projet.
LES MISSIONS CONFIÉES AUX MANAGERS
Il est nécessaire dans un premier temps que le manager
se voit confier une mission spécifique, en l'absence de
laquelle il ne pourrait arguer de la bonne réalisation de ses
tâches. Le manager devra en outre valider que la société
présente un véritable potentiel de développement. C'est
seulement à l'issue de cette délimitation que la négociation
pourra évoluer sur d'autres points.
LES DROITS ET OBLIGATIONS DES MANAGERS
Les droits et obligations des managers dans le cadre de
leur contrat de travail ou de leur mandat social à négocier
28
LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE - Février 2015
sont d'abord les modalités d’exercice de leurs fonctions :
prérogatives propres et relations avec les organes sociaux
de contrôle, ressources humaines et matérielles à disposition
des managers, organisation des délégations de pouvoir… Il
faut ensuite débattre, et il ne fait nul doute que les managers
y seront particulièrement attentifs, de la rémunération et
des avantages accordés par le Contrat de management :
rémunération fixe, rémunération variable, avantages en
nature, primes exceptionnelles, mutuelle et prévoyance,
congés rémunérés, garantie d’emploi… Enfin, le contrat
devra envisager les droits après le départ des managers : la
durée et la rémunération de la clause de non-concurrence,
les indemnités conventionnelles de départ, la couverture
chômage… Autant d'éléments sur lesquels il conviendra de
se pencher avant de se lancer dans le projet !
LES MODES DE PARTICIPATION AU CAPITAL
Les managers peuvent participer au capital de la société par
le biais de nombreux outils. Les plus utilisés sont les outils
légaux d'intéressement des salariés et mandataires sociaux.
Parmi ces outils légaux, on trouve prioritairement des stockoptions, mais aussi des mécanismes d'attribution gratuite
d'actions, ainsi que des BSPCE (bons de souscription de
parts de créateur d’entreprise) lorsqu'il s'agit de jeunes
entreprises. L'intéressement peut également être organisé de
manière conventionnelle, par émission de valeurs mobilières
au profit des managers, les outils les plus répandus étant
alors les ABSA (actions à bons de souscription d'actions), les
BSA (bons de souscription d'actions) et les OC (obligations
convertibles en actions). De manière résiduelle, certains
Management Packages prévoient des mécanismes de
sweet equity, des clauses de rétrocession de plus-value
dans les pactes d'actionnaires, ou encore des schémas
d’intéressement centralisés par l’intermédiaire d’une Manco.
Tous ces outils permettront aux managers de recevoir une
part des plus-values réalisées par la société. Il convient
toutefois d'attirer l'attention sur la manière dont ces outils
sont mis en œuvre. L'administration fiscale veille en effet
à ce que les managers ne reçoivent pas, sous forme de
plus-values, ce qu'elle considère comme étant des salaires
et traitements cachés. L'enjeu fiscal étant conséquent le régime des plus-values est plus avantageux pour les
managers - l'administration fiscale a tenté à plusieurs
reprises de requalifier ces plus-values, et la jurisprudence a
dû se mêler au débat. Dans les grandes lignes, il semble que
le principe appliqué aujourd'hui soit le suivant : le gain réalisé
par un manager dans le cadre de son package est qualifié
en tant que plus-value à la double condition que le manager
ait pris un risque en capital réel et que ses conditions
d’investissement ne soient pas avantageuses.
L'INTÉRESSEMENT À LA SURPERFORMANCE
(LES "CARRIED INTEREST")
Le "carried interest" correspond à la part de la plus-value
réalisée par la société qui est restituée au manager lorsque
le taux de rendement interne excède un certain seuil, c'està-dire lorsque l'objectif fixé dans le Contrat de management
est atteint. C'est le cœur du Contrat de management: c'est
dans le but de toucher cet intéressement à la surperformance
que les managers vont s'impliquer dans l'entreprise. Il
est donc crucial que les conditions d'acquisition de cet
intéressement soient précisées. Lors de la négociation
du contrat de management, il conviendra donc, dans un
premier temps, de déterminer le seuil du TRI (hurdle) à
atteindre pour bénéficier du "carried interest". Il faudra
également définir le pourcentage de la plus-value accordée
au manager : il correspond en général à 20% des profits
réalisés dans la plupart des cas, mais peut atteindre 50%
dans les cas exceptionnels. Il sera utile en outre d'établir le
délai minimum de détention des parts avant d’en bénéficier.
Enfin, il faudra décider s’il convient d’accorder uniquement
des parts de "carried interest" ou également des parts
ordinaires, afin d’associer les managers à la réussite du
projet, même lorsque le hurdle n’est pas atteint.
Le Management Package est un outil d'intéressement
performant, qui permet à la fois des gains conséquents
pour les managers motivés, et un développement rapide
de l'entreprise concernée. Il convient dès lors d'encourager
ces pratiques, favorables à notre croissance économique.
Ji-Soo KIM
POUR EN SAVOIR +
« Le management package, outils d'intéressement au capital des
salariés et dirigeants »
Laurent Julienne et Alexis Katchourine, édition Lamy.
« Le contract management (Performance contractuelle, renégociations, claims : comment sauvegarder et accroître les marges) »
Alain Brunet et Franck César, édition Eyrolles.
« Pratique du Contract Management - Optimisez la gestion du
cycle de vie contractuel »
Grégory Leveau, Gualino Editeur.
Z
OM
Serge Clemente
VINCI PARK
« Le management
package, le meilleur outil
pour réussir un LBO »
Le chairman et CEO de Vinci Park réaffirme
l'intérêt des management packages dans le
cadre d'un LBO.
Le management package est-il le meilleur moyen
d’obtenir le maximum d’une équipe dirigeante ?
Au sein d’un LBO, deux populations cohabitent :
les managers et le reste des collaborateurs. Ainsi,
l’alignement des intérêts des actionnaires se fait
tant avec les managers qu’avec les salariés. En
ce qui nous concerne, les dirigeants ne sont pas
les seuls à investir dans l’opération. S’il y a un outil
de partage de la valeur au niveau des managers,
les salariés bénéficient également d’un fonds
commun de placement d’entreprise (FCPE). Cette
situation correspond au postulat suivant : les
managers investissent à risque alors que le reste
des collaborateurs a la faculté de participer au
succès du LBO de manière moins risquée. Dans le
cadre du FCPE, l’entreprise finance un abondement
important permettant de valoriser et de sécuriser
l’investissement des salariés. Sous réserve que
l’intéressement du management soit assez large et
que l’ensemble des salariés de Vinci Park puisse
participer aux fruits de la croissance, la mise en
place de management packages est le meilleur
moyen d’aligner les intérêts de toutes les parties et
de partager la valeur. Finalement, c’est l’actionnaire
qui demande aux managers d’investir sur la même
base que lui et ce, sans garantie ou presque, car
la seule protection réside dans la confiance de
l’investisseur qui a participé à la vendor due diligence
et qui a conçu le plan stratégique. Le fonds demande
ensuite à l’investisseur d’allier la parole aux gestes
et de montrer qu’il croit en l’opération. D’ailleurs, il
faut bien comprendre que si les sommes investies
ne représentent qu’au maximum 2 % du capital,
elles constituent un engagement important à titre
personnel. Pour conclure, le management package
est aujourd’hui le meilleur outil pour favoriser la
réussite d’un LBO.
Propos recueillis par Firmin Sylla
pour le magazine Décideurs
Février 2015 - LE PETIT JOURNAL DE L'ÉCONOMIE
29
START-UP
Un ami m’a dit est une place de marché qui s’appuie
sur la force de la recommandation pour générer des
ventes. Ainsi, nous mettons en relation des marques et
des ambassadeurs en assurant la promotion.
Les Ambassadeurs sélectionnent sur notre site les
produits qu’ils souhaitent recommander et les partagent
à leurs proches par mail ou grâce aux réseaux sociaux.
Ils touchent des commissions sur les visites générées
sur le site, mais surtout lorsqu’une vente se concrétise.
Tous les achats sur le site passent forcément par un
ambassadeur. Tout le monde peut devenir ambassadeur,
il suffit de s’inscrire. Nous couvrons une large gamme
de produits (mode, beauté, puériculture, sport, high
tech, alimentaire).
COMMENT VOUS FAÎTES-VOUS
CONNAITRE ?
Nous avons 800 Ambassadeurs qui promeuvent euxmêmes les produits de notre site, et nous diffusons
également de nombreuses publications sur les réseaux
sociaux et la presse.
COMMENT VOUS EST VENUE
L’IDÉE ?
Lancé en janvier 2014, Un ami m’a dit s’inscrit dans la
tendance des services « participatifs » se développant
sur le web.
Aujourd'hui, les internautes sont :
- Financeurs : KissKissBankBank, MyMajorCompany...
- Créateurs : Quirky...
- Taxis : Blablacar, Uber...
- Vendeurs : Unamimadit
Un ami m’a dit souhaite également capitaliser sur le
marché de la vente directe (400 000 vendeurs en France)
qui se développe indépendamment de la conjoncture
économique.
Direction artistique
Claire SEICHEPINE
Publication – Edition – Rédaction
15 Avenue de la Grande Armée – 75116 Paris
Maquettiste
Héloïse DAUBANNES
Directeur de la publication
Adrien CHALTIEL
Responsable partenariats
Salomé LEWIS
Responsable éditorial
Laura LIZÉ
Dépôt légal
26 septembre 2008
Rédactrice en chef
Leslie BLAQUIÈRES
Images
Shutterstock.com
Le parrainage et le bouche à oreille reste néanmoins l’un
des meilleurs moyens de se faire connaître.
VOTRE PLUS
QUEL EST
PAR RAPPORT À VOS CONCURRENTS ?
Un ami m’a dit n’est pas une place de marché classique.
Les ventes sont effectuées par des Ambassadeurs qui
effectuent des partages sur les réseaux sociaux ou par
mail. Ils mettent en avant les produits grâce à leurs
explications et à leur expérience de consommation,
ainsi que pourrait le faire un vendeur à domicile.
Chaque publication est personnelle et adaptée à une
clientèle ciblée.
FAIT PAR LES ETUDIANTS POUR LES ÉTUDIANTS
Avec la participation de l’ensemble des membres
du Petit Journal de l’Économie et de ses rédacteurs.
Remerciements particuliers Tous les rédacteurs, qui en plus d’écrire des articles d’une excellente
qualité, sont toujours d’un énorme soutien ; l’équipe du MBA de Paris
II pour leur aide et leur amitié (Amandine, Tehono, Bertrand, Salomé
et Marie) ; le site www.carrieres-juridiques.com; notre régie publicitaire favorite Alpaga Media ; les équipes de Éco-gestion Conseil
Strasbourg et de Foot & Stratégie pour leur implication toujours plus
active ; et enfin toutes les associations partenaires nous aidant à
faire atterrir Le Petit Journal de l’Économie entre vos mains.
Communiqué de presse - Agenda
Mais où va donc la planète ? - 3ème édition du Printemps de l’Economie
Du 13 au 17 avril 2015 à Paris
Paris, le 21 janvier 2015 – En 2015, Paris se veut la capitale du changement, changement environnemental,
changement sociétal et cela débute avec la 3ème édition du Printemps l’Economie qui a pour thème : « Mais où va
donc la planète ? ». Cet événement original, ouvert au grand public compte s’adresser en priorité aux jeunes
(lycéens, étudiants, jeunes actifs…) et ainsi œuvrer à la citoyenneté par une meilleure compréhension de
l'économie.
Du 13 au 17 avril, le Printemps de l’Economie proposera 30 conférences réunissant plus de 100 intervenants
(économistes, experts, chefs d’entreprises, politiques mais aussi représentants de la société civile, artistes…) qui
interviendront au cours de 5 journées thématiques :
Chaque journée sera rythmée par 5 rendez-vous et les soirées seront l’occasion d’événements « grand format »
rassemblant économistes, chefs d’entreprises, artistes, grand témoin... Lilian Thuram sera notamment le grand
témoin de la soirée d’ouverture sur le thème « inégalité et exclusion, où va-t-on ? ».
Le Printemps de l’Economie c’est aussi…
Un site Internet, un Blog, une lettre d’information bimensuelle et des rendez-vous entre étudiants et
économistes dont la prochaine édition est le 22 janvier à 19h en présence de Selma Mahfouz, Commissaire
générale à la stratégie et à la prospective et Xavier Ragot, Président de l’OFCE: Informations et inscriptions
A propos des Economiques et du Printemps de l’économie
Le Printemps de l’Economie est un événement organisé par l’association les Economiques créée en 2010 et présidée par son
fondateur Pierre-Pascal Boulanger, Professeur au Lycée Turgot à Paris et dont l’objectif est d'ouvrir la sphère éducative sur
l'économie et d'œuvrer à la citoyenneté par une meilleure compréhension du monde.
Le Printemps de l’Economie créé en 2013 a accueilli 1500 personnes et 3000 lors de sa seconde édition en 2014. Le Printemps
de l’Economie dispose d’un Conseil Scientifique rassemblant économistes, représentants des médias et des entreprises et aussi
d’un Conseil Etudiant (une vingtaine d'étudiants issus d'établissements du supérieur : universités, écoles d'économie, écoles
d'ingénieurs et écoles de commerce) qui veille à maintenir un contenu très didactique au programme. Sous le haut patronage
de l’Assemblée nationale, ce projet est soutenu par de nombreux partenaires institutionnels, politiques, entreprises
(Alternatives Economiques, Assemblée Nationale, Académie de Paris, APSES, CAE, Caisse des Dépôts et Consignation, Centre
d’Economie de la Sorbonne, CEPII, Challenges, Cnam, Fondation Croissance Responsable, France Culture, France Stratégie,
IGPDE, Insee, Ecole d’économie de Paris, La finance pour tous, Les Economiques de Turgot, Lycée Turgot, Mairie du 3e, Natixis,
OFCE, Terra Nova, Xerfi).
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