4 • événement n Une pièce insolite pour bien commencer l’année «ma grand-mère, qui vendait des fleurs dans les cafés…» C’était une figure connue à Genève, même si personne ne savait rien d’elle, ni son nom, ni son histoire… Kathinka Salzmann, jeune et dynamique femme écrivain de 27 ans, met en scène, dans sa première pièce de théâtre, l’histoire de son étrange et attachante grand-maman, une femme qui, pendant cinquante ans, a vendu des fleurs dans les cafés et les restaurants à Genève. Une réflexion sur la normalité et la folie, ou plutôt sur cette zone grise où chacun d’entre nous déploie sa vie, ses émotions rentrées, ses complexités insolvables… K athinka Salzmann est née de parents suisses en Afrique, au Rouanda, où elle a vécu ses dix premières années avant de rentrer en Suisse avec ses parents. Elle a toujours eu une passion, le théâtre. Après une licence de lettres à l’Université de Lausanne, elle est partie à Paris, puis à Berlin, pour un master en arts de la scène. A 27 ans, elle propose aujourd’hui sa première pièce de théâtre, «Digital Dahlia», qui sera jouée à Genève, puis à Morges. Une figure familière à Genève Vous ne connaissez peut-être pas Kathinka Salzmann, mais vous connaissez sans aucun doute sa grand-mère, parce que, pendant cinquante ans, c’était cette femme étrangement souriante et jamais importune qui vendait des fleurs dans les cafés et dans les restaurants de Genève. «J’ai construit ma pièce autour de ma grand-mère, explique Kathinka Salzmann, autour de son histoire, autour de son parcours. C’est vraiment fou le nombre de gens qui la connaissaient, qui l’ont vue, qui l’ont côtoyée. Elle est décédée le 28 juin dernier, un jour avant mon anniversaire. Elle avait 92 ans et a continué à travailler presque jusqu’à la fin. Elle n’a jamais pu s’arrêter de travailler; pour elle, c’était une manière de se maintenir en vie». Kathinka Salzmann a essayé de percer un peu, ou plutôt de deviner, le mystère de sa grandmère. Mais sa première pièce de théâtre veut surtout être une expérience plaisante. «Je n’oublie jamais que, comme le dit l’un de mes grands maîtres, Bertolt Brecht, le théâtre a d’abord pour objectif de divertir le public. Ma pièce est ludique, elle fait rire, elle fait sourire et réfléchir». Etre comme les autres et différent des autres Les questions de fond? Est-il normal de vendre des fleurs dans les restaurants? Est-il nor- • La grand-mère de Kathinka, lorsqu’elle vendait des fleurs à la gare... • Kathinka Salzmann. hOstettler mal de passer toutes ses soirées à vendre des fleurs dans des restaurants? Mais qu’est-ce qui est normal et qu’est-ce qui n’est pas normal? «Ma grandmère est le personnage principal de ma pièce, explique Kathinka Salzmann. Je suis frappée par le fait que tout le monde veut être aujourd’hui à la fois normal et original, tout le monde veut être à la fois comme les autres et pas comme les autres. Ma grandmère incarnait, à sa manière, cette contradiction au quotidien, elle faisait partie de ces gens qui dérangent et qui nous obligent à nous interroger sur tout, sur nous-mêmes et sur nos rapports avec les autres. Elle vendait des fleurs et, à sa manière, c’était une forme d’art, un exercice où se mêlaient fragilité et ténacité». La grand-mère de Kathinka Salzmann est donc décédée tOUt L’ImmOBILIeR • nO 660 • 7 janvIeR 2013 Olivier vOgelsang au printemps dernier. Elle avait trois enfants, deux fils et une fille, la plus jeune, qui est aussi la mère de Kathinka. A-t-elle mené une vie ordinaire? Avait-elle basculé dans une forme de folie? La réponse n’est pas claire; elle est même à l’affiche d’une pièce de théâtre. n François Valle «Digital Dahlia». A l’Etincelle, Maison de quartier de la Jonction (18 bis, avenue Sainte-Clotilde), Genève, du 8 au 19 janvier 2013, à 20h30. Aux Trois Petits Tours (8, promenade du Général-Guisan), Morges, du 23 janvier au 3 février 2013, à 20h30.