UN SIÈCLE DE LEISHMANIOSE DANS LES ALPES-MARITIMES Pierre MARTY R 1,2,6, Arezki IZRI3 RTY 6 Joë 4 , Francine PRA , Pascal DEL 1,7 4 Y6,9 5 , 1,8 , 2 , 2 1 - Equipe de Recherche sur les Leishmanioses, Faculté de Médecine, 28, avenue de Valombrose, 06107 Nice Cédex 2. 2 - Service de Centre Hospitalier Universitaire, Hôpital de l’Archet, BP 3079, 062002 Nice Cédex 3. 3 - Service de Parasitologie-Mycologie, Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny Cédex. 4 - Laboratoire Vétérinaire Départemental des Alpes-Maritimes, BP P 107, 06902 Sophia Antipolis Cédex. 5de Parasitologie - Mycologie, Centre National de éff rence des Leishmania, Faculté de Mé 6 - Ré ’ é é de Médecine, 28, avenue V 7 - Service de Médecine Centre Universitaire, Hô de l’ BP P 3079, édex 3. 8- U Tropicales et de Dermatologie, Hôpital Bonnet, avenue André L 9 - Service é animales, Direction des Services Vétérinaires 06, BP P 122, 06903 dex. 10 - Service de P diatrie, Centre Hospitalier Universitaire Hôpital de l’Archet, BP P 3079, 062002 Nice Cé 11 - Entomologiste Médical, 40 bd de Cimiez - 06000 Nice. Les fla sont des maladies parasitaires dues à un protozoaire . Ce est è à re d’ : le Les de ou rande i sur les de l’Océanie (fi ure 1). On recense, dans le monde, environ deux millions de nouveaux cas humains par an d’expressions cliniques variées depuis la leishmaniose cutanée localisée bénigne (se présentant sous forme d’un petit « » siégeant sur une p découverte du corps) jusqu’à la é ’orgar rganisme pouvant, en l’absence de entraîner la mort. (Dedet, 2001, A chaque aire gé ’ r. én ralement un cycle des est dans l l’ m du chien qui constitue au lan é é le réservoir de arasites. La transmission des parasites à partir d’un chien malade est assurée par la Riviéra Scientifique, 89, 33-52, 2005 (30 janvier 2006) 33 34 Figure 1. Carte de la répartition géographique mondiale des leishmanioses. piqûre du phlé d’ die. Comme è l vecteurr (Rioux et Golvan, é é que le au plus loin, il L’ comme é sujet c de la malavoire . LE SITE : LES ALPES-MARITIMES Le département des Alpes-Maritimes dont la superfi ficie est de 4300 km2 e repré é ° °2 de et 43°3 de latitude Nord. C’ un gulier de 70 km de de haut et km . la et sa limite (Régions de et é Il a é en 1860 r union ’ ç ’ on dé environ un million d’ dont près de la moitié est retrouvée dans l’arrondissement de Nice (Poinsot, 1994). Cette population croît considérablement en été du fait de l’ flux touristique en cette saison où la transmission de la leishmaniose est effective, f ffective, principalement û éographiques qui sont décrites ci-dessous. Le Haut Pays élas qui culmine à 3143 m, est monet peu peuplé. Il n’y a pas de transmission de la leishmaniose dans cette région. Le Moyen Pays est situé entre les Préalpes de Grasse et de Nice. ’ à l’ é : . le Var (115 km) qui a 4 affl ffluents : le Cians, la Tinée, la é ffl et l’Esron, . . . ère avec l’Italie Ces vallées correspondent à des foyers ruraux de leishmaniose canine que nous avons explorés. Autour de Grasse existe un foyer périurbain. La zone littorale est trè é Thé -Mer (frontière é r) ’ pond large avec fic de pente d’emblé ont d’ à à ’ de ’ d’un habitat é ériurbain a le dé de la leishmaniose autour des grandes agglomérations. Une enzootie canine existe 35 depuis les premières pentes à partir du rivage jusqu’à 700-800 m d’altitude maximum. Les zones périurbaines constituées de collines de 70-500 m d’altitude entourant Nice ainsi que la Principauté de Monaco sont les lieux de contamination de la plupart des chiens et des humains. HISTORIQUE : Leishmania infantum agent de la leishmaniose méditerranéenne est mis en évidence pour la première fois par Charles Nicolle à l’Institut Pasteur de Tunis en 1908 (Nicolle et coll., 1907, 1908a, 1908b). Pour le Sud de la France, c’est à Marseille que le premier cas de leishmaniose est identifié chez un chien par Pringault en 1914 (Pringault, 1914). Les deux premières observations humaines de leishmaniose viscérale (LV) en France sont décrites en 1918 chez deux enfants serbes vivant à Nice depuis 18 mois (Labbé et coll., 1918) et c’est en 1922 qu’est rapporté le premier cas indiscutablement autochtone chez un enfant né et n’ayant jamais quitté la Principauté de Monaco (D’Oelnitz et coll., 1922, 1925). La même année on signale, pour la première fois la maladie chez le chien dans la région grassoise (Césari et coll., 1925). En 1931, 25 cas de LV de l’enfant sont recensés en 5 ans à l’Hôpital Lenval de Nice (Rumpelmayer et Guiberteau, 1931). En 1932, D’Oelnitz décrit 4 cas de LV chez des adultes et plus de 40 cas de LV infantile sur le littoral méditerranéen en 10 ans (D’Oelnitz, 1932). En 1933, il publie un livre de mise au point intitulé « Diagnostic et traitement du Kala-Azar Méditerranéen de l’Enfant et de l’Adulte » (D’Oelnitz, 1933). On voit ici apparaître le terme de Kala-Azar qui est la forme de LV observée en Inde. Elle est due à Leishmania donovani et s’accompagne de tâches noirâtres ou bistres qu’on n’observe pas chez les malades du Bassin méditerranéen. Ce terme est donc inapproprié pour parler de la LV méditerranéenne. Toujours en 1933, Faure-Brac soutient sa thèse de Docteur Vétérinaire à Lyon. Il sacrifie 187 chiens à la fourrière de Nice, trouve 18% de chiens parasités dont 11 % d’entre eux sans signe clinique. Il parle d’infection latente et insoupçonnée donc de porteurs asymptomatiques. Cette notion va être oubliée pendant plus d’un demi-siècle (Faure-Brac, 1933). Il faut attendre 1943 pour la description du premier cas humain d’une leishmaniose cutanée dans les Alpes-Maritimes (Nicolas et coll., 1943). Jusqu’en 1962, on dénombre environ 230 cas cumulés de LV essentiellement pédiatriques chez l’Homme (Houin, 1962). La nette régression de la fréquence de la LV est soulignée dans les Alpes-Maritimes de 1960 à 1970 avec seulement 2 cas rapportés au cours de cette période (D’Oelnitz et coll., 1971) En 1972, Taliercio et coll. établissent une ébauche de cartographie de la leishmaniose canine en retenant 2 zones d’enzootie principales suburbaines : la région de Grasse à une altitude de 300-500 m avec un important foyer urbain à Grasse même et la région de Nice avec surtout la zone de 36 collines qui entoure la ville du Nord-Ouest au Nord-Est et qui culmine à Aspremont à environ 500 m (Taliercio et coll., 1972). De 1970 à 1985, 206 cas de LV humaine, soit environ 13 cas par an, sont recensés pour toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Quilici et coll., 1987). De plus, ces auteurs estiment à 1% le rapport du nombre de cas de LV humaine rapporté au nombre de cas de leishmaniose canine. Pour conclure ce chapitre, on notera qu’un des premiers cas observés dans le monde d’association LV avec le SIDA l’a été à Nice (Le Fichoux et coll ; 1986) de même qu’un des rares cas observés chez un chat (Ozon et coll., 1998). LES PHLÉBOTOMES DES ALPES-MARITIMES : Le phlébotome est un diptère de petite taille (moins de 5 mm de long), jaune pâle, velu, bossu avec des gros yeux noirs. Il présente des ailes lancéolées dressées en V en position de repos. Sa faible dimension, sa pâleur et son vol silencieux fait qu’il est rarement remarqué. Dans les Alpes-Maritimes, l’activité des phlébotomes est essentiellement estivale et crépusculaire. Il se déplace par vol sautillant et saccadé. Seule la femelle est hématophage et plusieurs repas sanguins sont parfois nécessaires à la maturation des œufs. La femelle pond, un par un, une cinquantaine d’œufs qui mesurent 300 à 400µm et sont déposés dans des microhabitats riches en matières organiques (qui serviront de nourriture aux larves) avec un bon degré d’hygrométrie comme les terriers de rongeurs et les fissures des murs. En hiver dans les Alpes-Maritimes, les phlébotomes n’hibernent qu’au stade larvaire. On ne retrouve pas de phlébotomes au-delà de 700-800m d’altitude. L’importance de l’enzootie canine et l’existence de cas humains ont été à l’origine du choix des lieux des enquêtes entomologiques sur les phlébotomes réalisées au cours des années 1990 (Izri et coll, 1992, 1996a, 1996b) qui font suite aux travaux de Giacomo (Giacomo, 1978). Dans les Alpes-Maritimes et en Principauté de Monaco, 5 espèces de phlébotomes ont été mises en évidence : Sergentomyia minuta qui ne piquerait pas l’Homme, Phlebotomus mascittii, et Phlebotomus perfiliewi (ce dernier isolé pour la première fois en 1993, Izri et coll., 1994). Le rôle vecteur de ces 2 espèces n’est pas prouvé chez nous. Phlebotomus perniciosus et Phlebotomus ariasi sont les 2 espèces vectrices dans les Alpes-Maritimes. Au cours des enquêtes entomologiques, il a été démontré que les densités de phlébotomes dans les zones périurbaines en particulier de Nice et Monaco sont peu élevées mais que l’infestation vectorielle y est fréquente (4% en moyenne). Phlebotomus perniciosus représente le vecteur principal de la leishmaniose en zone périurbaine. Son abondance autour des clapiers a permis de suspecter ceux-ci comme un des gîtes principaux de reproduction des phlébotomes. Les clapiers situés à proximité de chiens porteurs de leishmanies semblent constituer un facteur de risque dans la transmission de la leishmaniose (Fauran et coll., 1998). 37 Phlebotomus ariasi représente le vecteur secondaire. Il est davantage présent en zone rurale. LA LEISHMANIOSE CANINE : Chez le chien l’infection à Leishmania peut rester longtemps inapparente. Les manifestations cliniques peuvent apparaître rapidement mais le plus souvent de façon progressive. On note au niveau de la peau des dépilations notamment autour de la truffe, des yeux en « lunettes », des oreilles, des pattes, avec parfois des ulcérations dans les mêmes zones et très souvent un « état pelliculaire » généralisé qui doit attirer l’attention. Au niveau des muqueuses, des manifestations hémorragiques peuvent survenir (saignement de nez, sang dans les selles ou dans les urines). Des troubles oculaires ou articulaires sont possibles. Sur le plan général, l’animal maigrit, accuse un état de fatigue de plus en plus prononcé répercutant sur son activité. Cette diminution d’activité entraîne un allongement anormal des griffes (onychogriffose). L’examen clinique permet de retrouver des ganglions palpables au niveau des creux poplités et sus-claviculaires. La ponction de ceux-ci permet d’identifier les parasites. Depuis 1986, sous l’égide du Conseil Général des Alpes-Maritimes, le Laboratoire Vétérinaire Départemental des Alpes-Maritimes et le Laboratoire de Parasitologie de la Faculté de Médecine de Nice réalisent des enquêtes prospectives dans différentes localités du département (Jambou et coll., 1986, Marty et coll., 1986, Marty et coll., 1998). A ce jour plus de 40 enquêtes ont été effectuées. Au cours de celle-ci, en plus d’une information sur la leishmaniose donnée aux propriétaires, un examen clinique et un dépistage sérologique en ELISA (Haas et coll., 1988) sont gracieusement proposés. Au total près de 4 000 chiens ont bénéficié de ce dépistage. Les résultats figurent dans le tableau 1. Les taux de séropositivité varient de 3 à 28% avec un score global de 12,4% de séropositifs. A noter qu’à Tende (qui constitue, de par son altitude aux environs de 800 m, une zone où, a priori, les phlébotomes sont absents) tous les chiens examinés sont séronégatifs. Il ressort de ces enquêtes qu’à la fin des années 1980 environ un chien séropositif sur deux présentait des signes cliniques alors qu’actuellement ce serait plutôt un rapport de un sur quatre ou cinq. De plus, les signes cliniques sont plus discrets que par le passé témoignant d’une meilleure information de la population et par conséquent probablement d’une prise en charge plus précoce des animaux. A noter qu’en 1993, une enquête ponctuelle sur un mois (du 25 mars au 25 avril) réalisée chez 107 praticiens vétérinaires libéraux a révélé un taux de séropositivité global similaire de 12,3% avec 40% d’entre eux asymptomatiques et sans différence significative selon le sexe et l’âge. Après 2 ans d’âge, les chiens ont plus de risque d’être séropositifs qu’avant un an et si un chien vit entre 100 et 500 m d’altitude, il a 3 fois plus de risque d’être séropositif que s’il vit sur le littoral (Ozon et coll., 1995). 38 Tableau 1. Enquêtes prospectives sur la leishmaniose canine dans les localités des Alpes-Maritimes de 1986 à 2005. Au total, 3922 chiens ont été examinés et une sérologie en ELISA leur a été pratiquée de 1986 à 2005 au cours de 40 enquêtes prospectives réalisées dans le département des AlpesMaritimes. Ce tableau fait la synthèse des résultats pour chaque localité: localités ASPREMONT GAIRAUT BREIL- SUR-ROYA BERRE-LES -ALPES OPIO GORBIO PUGET-THENIERS ROQUEBILLIÈRE FALICON GILETTE SAINT-ANDRÉ LE BROC VILLARS-SUR-VAR BEAUSOLEIL CASTAGNIERS SOSPEL ASPREMONT FALICON CARROS FALICON LEVENS TOURRETTE-LEVENS L’ABADIE L’ESCARÈNE LANTOSQUE COLOMARS ROQUESTERON TENDE FALICON LA COLLE SUR LOUP CONTES GRASSE (SAINT JACQUES) CANTARON DURANUS LUCERAM BAR SUR LOUP VENCE LA TRINITE BEAULIEU SUR MER BELVEDERE année 1986 1986 1987 1987 1988 1988 1989 1989 1990 1990 1990 1991 1991 1992 1993 1993 1994 1994 1995 1995 1996 1996 1997 1997 1998 1998 1999 1999 2000 2000 2001 2002 2002 2002 2003 2003 2004 2004 2005 2005 nombre de chiens 97 93 182 118 144 99 198 88 65 57 79 56 27 30 92 130 106 117 68 139 100 138 132 79 119 102 87 40 125 58 228 87 130 50 185 49 37 116 31 44 séropositifs 10 8 24 3 16 7 9 7 12 9 11 10 2 2 21 11 17 13 11 11 10 18 15 6 23 14 21 0 21 16 38 7 23 4 25 2 6 18 3 3 ELISA % de séropositifs 10 % 9% 13 % 3% 11 % 7% 5% 8% 18 % 16 % 14 % 18 % 7% 7% 23 % 8% 16 % 11 % 16 % 8% 10 % 13 % 11 % 8% 19 % 14 % 15 % 0% 17 % 28 % 17 % 8% 18 % 8% 14 % 4% 16 % 16 % 10 % 7% 39 Une enquête effectuée au cours de l’année 2000 auprès de 1792 vétérinaires praticiens exerçant dans 19 départements du Sud de la France et la Principauté de Monaco (118 vétérinaires praticiens pour les Alpes-Maritimes ont répondu) a permis de dresser un bilan épidémiologique, clinique et thérapeutique à propos de la leishmaniose canine. Le taux de réponse satisfaisant d’environ 33% (63% pour les vétérinaires des Alpes-Maritimes) souligne de façon significative une augmentation notable du nombre de cas sur une aire géographique en extension. La plupart des vétérinaires (plus de 90%) diagnostique la maladie sur des éléments épidémiologiques, cliniques et de laboratoire (tests sérologiques pour plus de 95%). L’association Glucantime® pendant 28jours + Zyloric® à vie constitue le protocole le plus couramment utilisé, l’arrêt du traitement pouvant être fondé sur la restauration de l’état clinique associée à une négativation des tests sérologiques. Il est particulièrement remarqué que l’incidence a fortement augmenté puisque plus de 50 cas annuels sont observés dans 19 départements alors qu’en 1988 seulement 6 départements présentaient cette incidence (Coulibaly et coll., 2004). LA LEISHMANIOSE HUMAINE : La leishmaniose viscérale méditerranéenne se caractérise par l’existence d’une fièvre capricieuse associée à une grande fatigue et une pâleur cireuse traduisant l’anémie. L’examen clinique révèle très souvent une rate hypertrophiée. Une prise de sang permet d’orienter le diagnostic qui sera le plus souvent confirmé par la mise en évidence des leishmanies par ponction de moelle osseuse. Des techniques modernes de biologie moléculaire sont parfois utiles (Le Fichoux et coll., 1998). De 1975 à 2004 tous les cas de leishmaniose viscérale humaine contractés dans le département des Alpes-Maritimes ont été recensés. On observe 178 cas en 30 ans soit une moyenne de 6 cas annuels avec un maximum de 17 nouveaux cas dans l’année (tableau 2 + figure 2). Il faut y ajouter les cas, dont le nombre est difficile à estimer, contractés au cours de vacances dans notre région mais diagnostiqués ailleurs. Il faut noter que le Centre National de Référence des Leishmania, dont le siège est à Montpellier et a été créé en 1998, a recensé au cours des années 2001 à 2003 une moyenne de 22 cas de LV autochtones par an en France (à noter qu’un tiers des cas sont originaires des Alpes-Maritimes). La déclaration n’étant pas obligatoire, le nombre de cas annuel est probablement plus élevé (Basset et coll., 2005a). En dehors des classiques formes viscérales de l’enfant qui sont régulièrement diagnostiquées et représentent 30% du total, les observations chez des individus adultes sont majoritaires et représentent 70% de l’ensemble. A partir de 1986, un peu plus d’une cinquantaine de cas a été recensée chez des malades du SIDA faisant de la leishmaniose viscérale une maladie opportuniste à part entière. Les cas de co-infection VIH/Leishmania représentent dans les Alpes-Maritimes près d’un tiers du total des cas 40 41 Tableau 2. Leishmanioses viscérales dans les Alpes-Maritimes 1975-2004 Beausoleil, sur les hauteurs de Monaco (Photo A. Izri) Colline de l’Abadie (Photo A. Izri) 42 Figure 2. Carte des lieux présumés de contamination des cas humains de leishmaniose viscérale dans les Alpes-Maritimes de 1975 à 2004 43 44 Leishmaniose cutanée autochtone due à Leishmania infantum (Photo J.P. Lacour) Chien leishmanien : stade avancé (Photo P. Marty) Chien leishmanien : ulcère de la truffe (Photo P. Marty) Leishmaniose féline (Photo P. Haas) localités année nombre de testés L’ABADIE 1989 237 FALICON 1992 165 CASTAGNIERS 1993 50 SOSPEL 1993 85 ASPREMONT 1994 54 FALICON 1995 63 CARROS 1995 38 LEVENS 1996 33 TOURRETTE-LEVENS 1996 35 BEAUSOLEIL/MONACO 1996 565 L’ABADIE 1997 67 L’ESCARÈNE 1997 30 LANTOSQUE 1998 51 COLOMARS 1998 43 ROQUESTERON 1999 31 FALICON 2000 43 LA COLLE SUR LOUP 2000 27 CONTES 2001 52 56 GRASSE (SAINT JACQUES) 2002 CANTARON 2002 39 DURANUS 2002 36 LUCERAM 2003 37 BAR SUR LOUP 2003 26 VENCE 2004 23 LA TRINITE 2004 27 BELVEDERE 2005 22 positifs 72 41 19 14 15 18 8 7 8 76 24 4 8 5 3 8 6 17 7 10 6 13 7 3 4 7 % de positifs 30 % 25 % 38 % 16% 28% 29% 21% 21% 23% 13% 36% 13% 16% 12% 10% 19% 22% 33% 12% 26% 17% 35% 27% 13% 15% 30% Tableau 3. Dépistage des sujets contacts dans les localités des Alpes-Maritimes de 1989 à 2005 (Rosenthal et coll., 1995). Enfin, près de 40% de l’ensemble des cas sont observés chez des sujets adultes présentant pour moins de la moitié d’entre eux une immunodépression permanente : hémopathies malignes, lymphomes, transplantation d’organe, corticothérapie au long cours…(Marty et coll., 1994a, Sirvent-Von Bueltzingsloewen et coll., 2004, Basset et coll., 2005b). L’agent des leishmanioses viscérales des Alpes-Maritimes est Leishmania infantum . De plus, la centaine d’isolats analysée par électrophorèse des isoenzymes au Laboratoire de Parasitologie de la Faculté de Médecine de Montpellier a permis d’identifier dans la quasi-totalité des cas humains et canins le zymodème MON-1 témoignant d’un monomorphisme du foyer des Alpes-Maritimes (Rioux et coll., 1990, Pratlong et coll., 2004). Les leishmanioses cutanées sont rarement diagnostiquées 45 (8 cas en 30 ans) peut-être parce qu’elle passent inaperçues lorsqu’elles siègent sur certaines parties du corps (à l’exception du visage) et qu’elles guérissent très souvent spontanément (Del Giudice et coll., 1998). Elles sont parfois dues au variant enzymatique MON-24 de Leishmania infantum (Marty et coll., 1994d, Del Giudice et coll., 2001). Les formes viscérales patentes, mortelles si non traitées, ne représentent en fait que la partie émergée de l’iceberg. Comme nous l’avons démontré, au cours de la dernière décennie, les sujets contacts voire porteurs asymptomatiques de leishmanies sont nombreux et la maladie peut survenir dès la primo-infection ou à la suite de la réactivation d’une forme latente plusieurs années après la contamination par piqûre de phlébotome (Kubar et coll., 1998) . A partir de 1989, des dépistages de sujets contacts ont été réalisés dans différentes localités des Alpes-Maritimes sélectionnées de par l’existence de cas récents humains ou canins. Ces dépistages ont été réalisés par intradermoréaction à la leishmanine dite de Montenegro (Montenegro, 1926, Pampiglione et coll., 1975) et ou par la technique sérologique Western Blot (Mary et coll., 1992). Cette dernière technique permet de mettre en évidence un profil sérologique particulier chez les individus ayant eu un contact avec les leishmanies sans développer de maladie (Marty et coll., 1992, 1994b, 1994c, 1995, 1998). Les positivités varient de 10 à 38% selon les localités et sont résumées dans le tableau 3. Dans un travail complémentaire effectué chez les donneurs de sang vivant dans et autour de la Principauté de Monaco nous avons démontré que le parasite était présent transitoirement dans le sang d’ environ 20% des sujets contacts! ( Kubar et coll., 1997, Le Fichoux et coll., 1999). LA LEISHMANIOSE FÉLINE : Considérée comme exceptionnelle, la leishmaniose du chat n’avait jamais été décrite dans les Alpes-Maritimes jusqu’à la première observation chez un animal vivant dans la région de Biot (Ozon et coll., 1998). Pour connaître la fréquence du contact entre chats et leishmanies une enquête sérologique a été effectuée chez 97 chats « tout-venants » vivant dans divers foyers d’endémie de leishmaniose canine. L’analyse en Western Blot a montré que 12% d’entre eux avaient eu un contact avec le parasite. Plus récemment, une nouvelle observation de leishmaniose féline a été rapportée chez un animal vivant dans la région de Grasse (Grevot et coll., 2005). Peut-être que le chat se comporte comme l’homme vis à vis de Leishmania en étant moins sensible au développement de la maladie que le chien ? LA LEISHMANIOSE VULPINE : Dans les Alpes-Maritimes, il n’a jamais été mis en évidence de renard infecté par des leishmanies. Certains signes cliniques comme la dépilation 46 Clapier avec piège CDC pour phlébotomes (Photo A. Izri) Leishmaniose viscérale de l’enfant (Photo P. Marty) Phlébotome femelle (Photo A. Izri) 47 de certains animaux avaient fait suspecter cette parasitose mais il s’agissait en fait d’épidémies de gale. Des renards malades ou séropositifs vis à vis de Leishmania ont été signalés dans les différents pays du Sud de l’Europe (Portugal, Espagne, France, Italie) et en particulier un taux de 18% de séropositivité dans la Province d’Imperia en Ligurie voisine (Mancianti et coll., 1994). Il doit certainement y avoir des renards leishmaniens dans les Alpes-Maritimes. EN CONCLUSION : Dans les Alpes-Maritimes, des nouveaux cas de leishmaniose canine sont régulièrement dépistés mais à des stades de plus en plus précoces de la maladie permettant la mise en route d’un traitement relativement efficace. Les activités de prévention et l’information dispensées depuis deux décennies par les autorités sanitaires et le Groupe d’Action Contre la Leishmaniose visant à réduire les gîtes de reproduction des phlébotomes semblent porter des fruits. Le nombre de nouveaux cas humains se stabilise aujourd’hui aux environ de 6 par an avec régulièrement 1 à 2 cas pédiatriques annuels. Le traitement de ces malades est devenu aisé. Après quelques jours de perfusion d’Amphotéricine B sous forme liposomale, la guérison est constante en l’absence d’immunodépression profonde. La notion de portage asymptomatique déjà soulevée par Faure-Brac en 1933 chez le chien a été confirmée au cours de la dernière décennie chez l’Homme. La leishmaniose viscérale patente survient de façon sporadique, elle est toujours due à Leishmania infantum et quasi exclusivement au zymodème MON-1. Les formes cutanées, dues à la même espèce de parasite sont rarement décrites, probablement sous-estimées car guérissant souvent spontanément. Un cycle biologique classique rural de moyenne altitude ou péri-urbain persiste avec le chien domestique comme réservoir et Phlebotomus perniciosus et Phlebotomus ariasi comme vecteurs assurant la contamination de l’Homme, mais aussi … du chat chez lequel des formes patentes viennent d’être rapportées. 48