CNEP RS - Blog Avocats

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CONSEIL D’ETAT
MEMOIRE ET REQUETE EN REFERE SUSPENSION
Pour :
La Confédération Nationale de l’Esthétique-Parfumerie (CNEP)
Légalement représentée par sa présidente en exercice
Dont le siège est sis 4, rue du Faubourg Saint-Honoré – 75008 Paris
Ayant pour Avocat
Maître David SIMHON
Tél. : 01 77 69 59 30 – Fax : 01 73 76 89 21
Contre :
L’article 2 du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la pratique
d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique
I – EXPOSE DES FAITS ........................................................................................................... 3
1.1. Sur la promulgation du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la
pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique ......................................................... 3
1.2. Sur les conséquences économiques et sociales du décret................................................ 8
1.3. Sur l’objectif du présent référé-suspension ..................................................................... 8
II – DISCUSSION ...................................................................................................................... 9
2.1. Sur la recevabilité du référé-suspension.......................................................................... 9
2.1.1. Sur le mandat spécial................................................................................................ 9
2.1.2. Sur l’intérêt à agir ................................................................................................... 10
2.2. Sur la suspension de l’article 2 du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à
l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique ......................... 12
2.2.1. Sur l’urgence .......................................................................................................... 12
2.2.1.1. Sur la gravité du préjudice .............................................................................. 12
2.2.1.2. Sur l’immédiateté du préjudice ....................................................................... 19
2.2.1.3. Sur le bilan des intérêts en présence................................................................ 20
2.2.2. Sur le doute sérieux quant à la légalité de l’acte .................................................... 22
2.2.2.1. Sur la légalité interne de l’article 2 du décret du 11 avril 2011 ...................... 22
2.2.2.1.1. Sur l’erreur dans la qualification juridique des faits ................................ 22
2.2.2.1.1.1. Sur le caractère disproportionné de la mesure .................................. 22
2.2.2.1.1.2. Sur l’erreur manifeste d’appréciation ................................................ 28
2.2.2.1.2. Sur l’erreur de fait et la violation directe de la loi.................................... 29
2.2.2.2. Sur la légalité externe de l’article 2 du décret du 11 avril 2011 : vice de
procédure ...................................................................................................................... 30
BORDEREAU DE PIECES COMMUNIQUEES ................................................................... 35
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I – EXPOSE DES FAITS
1.1. Sur la promulgation du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à
l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique
A) L’article 61 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative
aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a notamment introduit un nouvel article L.
1151-3 au sein du Code de la santé publique (CSP).
Aux termes de cet article L. 1151-3 du CSP :
« Les actes à visée esthétique dont la mise en œuvre présente un danger grave ou une
suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret
après avis de la Haute Autorité de santé. Toute décision de levée de l'interdiction est
prise en la même forme. »
Selon les discussions parlementaires, la disposition a pour objectif de permettre (exposé
sommaire de l’amendement n° 945 / Assemblée nationale) :
« d’interdire par décret les pratiques qui mettraient en danger la santé des personnes
de façon imminente ou différée, parce qu’elles entraînent a priori des risques
disproportionnés par rapport à l’objectif attendu. »
B) Comme suite à la promulgation de la loi, le Ministère de la Santé a saisi la Haute Autorité
de Santé (HAS) afin d’obtenir un avis sur la dangerosité ou suspicion de dangerosité des
techniques de lyse adipocytaire à visée esthétique.
C) D’ores et déjà, plusieurs précisions s’imposent.
C1) Les techniques de lyse adipocytaire ont pour objectif la réduction en nombre et volume
des cellules stockant la graisse (les adipocytes). Il s’agit, en d’autres termes, de lutter contre la
cellulite voire d’obtenir un « bénéfice minceur ».
Ces techniques se distinguent de la liposuccion, qui consiste à retirer la graisse par aspiration.
C2) Deux grandes familles de technique coexistent :
•
Les techniques invasives de lyse adipocytaire, associées à une effraction cutanée, avec
introduction d’un agent chimique et/ou thermique dans le tissu adipeux.
Ces techniques nécessitent donc de percer la peau et d’injecter un produit en souscutané.
Elles ne sont réalisées que par des médecins esthétiques (et non par des
esthéticiennes).
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•
Les techniques de lipolyse, non invasives, utilisant des agents physiques externes
(radiofréquence, laser, infrarouges, ultrasons focalisés etc.), avec ou sans massage
concomitant.
Ce sont les techniques utilisées dans les cabinets d’esthétique non médicalisés.
Il s’agit, à l’aide d’un appareil spécifique de type « palper rouler » (massage en
profondeur) ou émettant des rayonnements particuliers, d’obtenir une action sur la
cellule adipocytaire.
Il n’y a pas réellement « destruction » de la cellule, mais plutôt aide à la dilution puis à
l’évacuation naturelle de la graisse.
Ces techniques ne nécessitent aucun percement de peau. Comme indiqué
précédemment, il y a seulement massage et/ou exposition localisée à des
rayonnements inoffensifs (lasers, infrarouges, ultrasons…).
C3) Les définitions suivantes peuvent s’appliquer :
•
Adipocytes : cellules graisseuses qui constituent notre graisse corporelle. Elles
peuvent se remplir ou se vider de leurs réserves de corps gras (molécules de
triglycérides composés d'une association de trois acides gras). Elles servent de lieu de
stockage pour ces corps gras qui pourront libérer les acides gras qui les composent et
qui seront « brulés » par les muscles pour apporter de l’énergie à l’organisme (à
condition que l'on fasse de l'exercice).
•
Lyse adipocytaire : destruction de cellules graisseuses au sein de la graisse du corps.
Ces cellules meurent et libèrent leur contenu de triglycérides.
Dans ce cas, il est possible de réduire, du moins transitoirement, un volume donné de
graisse corporelle par une diminution du nombre de cellules vivantes restantes.
•
Lipolyse : c’est le processus de « vidange » de la cellule graisseuse, le déstockage de
corps gras, tel qu’il se fait de manière naturelle lorsque l’on perd du poids. Les
hormones lipolytiques stimulent les adipocytes qui vont libérer les acides gras qui sont
alors utilisés pour produire de l’énergie. Lors d’un effort musculaire prolongé, on
libère ces hormones et un amaigrissement se déclenche ainsi. On «brûle » ses réserves
d'acides gras issus des triglycérides de l'adipocyte qui les stockaient mais qui restent
bien vivantes. Dans ce cas, le volume concerné de graisse corporelle pourra se réduire
par diminution du volume des cellules présentes; il n'y a pas de changement du
nombre d'adipocytes et il n’y a pas de cellules détruites.
Ainsi la lipolyse n’est pas synonyme de lyse adipocytaire. La lipolyse est un processus
naturel, la lyse adipocytaire est une destruction déclenchée artificiellement.
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D) La HAS a déposé son avis le 16 décembre 2010.
D1) Pour les techniques non invasives, le rapport de la HAS indique (souligné par nous) :
•
Page 13 :
« I. LIPOLYSE ET AGENTS PHYSIQUES EXTERNES
I.1 Données de la littérature
Aucune complication grave n’a été rapportée à la suite de séances
d’application d’agents physiques externes, radiofréquence, ultrasons
localisés et laser (tableau 1).
Dans l’ensemble, les complications pouvant survenir sont prévisibles et
légères, type érythèmes ou douleur transitoires et ne nécessitent aucun
traitement (18-23).
Les effets indésirables pouvant survenir durant l’application d’agents
physiques externes sont prévisibles et légers, voire modérés, type érythèmes
ou douleur passagère. Très fréquents, ils disparaissent en quelques heures,
sans limitation de l’activité et ne nécessitent pas d’intervention médicale. »
•
Page 29 et 30 :
« INTERROGATION DE PROFESSIONNELS
Un questionnaire a été adressé à vingt professionnels identifiés par la Société
française de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, ainsi que par le
réseau vigilance du groupe Dermatologie esthétique et correctrice de la
Société française de dermatologie.
Ce questionnaire avait pour but de connaître la position des professionnels
quant à la dangerosité des techniques (cf. annexe II).
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Douze experts ont répondu au questionnaire : 1 expert a mentionné qu’il ne
pratiquait pas ces actes ; 11 ont apporté des réponses contributives sur une ou
plusieurs techniques, selon leurs domaines de compétence et leur expérience.
(…)
III. LIPOLYSE PAR AGENT
RADIOFREQUENCE, ETC.
PHYSIQUE
ULTRASON
FOCALISE,
Un praticien interrogé a rapporté la survenue de brûlures superficielles avec
la radiofréquence et de sensibilité, voire douleur avec les ultrasons. À la
question concernant la dangerosité potentielle, 3 praticiens ont répondu et
estimé que ces techniques externes, non invasives, dont l’action est modérée,
ne présentaient pas de risque pour le patient à la condition, bien sûr, que le
praticien soit bien formé et que les patients soient bien sélectionnés. »
•
Page 37 :
« CONCLUSIONS
(…)
1. Techniques à visée lipolytique, non invasives, utilisant des agents physiques
externes, sans effraction cutanée (ultrasons focalisés, radiofréquence, laser,
etc.).
Aucun effet indésirable grave n’a été relevé avec ces techniques.
Ces techniques doivent répondre à des exigences concernant le matériel
(homologation), la formation des professionnels et les conditions de réalisation
de l’acte afin de garantir la sécurité des patients. »
D2) Pour autant et contre toute attente, l’avis de la HAS stipule (page 41 du rapport)
(souligné par nous) :
« AVIS DE LA HAS
Le titre V, partie I du CSP visait, dans son champ d’application initial, la prévention
des risques liés à certaines activités diagnostiques et thérapeutiques : la loi HPST y a
ajouté l’activité d’esthétique.
Il est prévu à l’article L. 1151-3 CSP que les actes à visée esthétique, dont la mise en
œuvre présente un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé
humaine, peuvent être interdits par décret après avis de la Haute Autorité de Santé.
Compte tenu
- des données issues de la littérature scientifique, des données transmises par
la DGS et des données issues de rapports de sinistralité d’assurances (Sou
médical) ;
- des positions d’agences sanitaires nationales et internationales ;
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- des positions d’organisations professionnelles en France et à l’étranger ;
- des informations et des réponses apportées au cours d’une audition par les
représentants des :
Société française de dermatologie,
Société française de chirurgie plastique et esthétique,
Association de patients Le Lien,
Société de médecine morphologique et anti-âge,
Société française de médecine esthétique,
La HAS a conclu :
- La mise en œuvre des techniques à visée lipolytique non invasives, utilisant des
agents physiques externes, sans effraction cutanée (ultrasons focalisés,
radiofréquence, laser, etc.) présente une suspicion de danger grave pour la santé
humaine.
(…) »
E) Comme suite à cet avis, le Gouvernement a adopté le décret n° 2011-382 du 11 avril 2011
relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique.
Ledit texte dispose (souligné par nous) :
« Article 1 :
Est interdite en raison du danger grave qu'elle présente pour la santé humaine la mise
en œuvre des techniques de lyse adipocytaire à visée esthétique suivantes :
― lyse adipocytaire utilisant des injections de solutions hypo-osmolaires ;
― lyse adipocytaire utilisant des injections de produits lipolytiques
(phosphatidylcholine ou déoxycholate de sodium) ;
― lyse adipocytaire utilisant des injections de mélanges mésothérapeutiques ;
― lyse adipocytaire utilisant la carboxythérapie ;
― lyse adipocytaire utilisant du laser transcutané, sans aspiration.
Article 2 :
Est interdite en raison de la suspicion de danger grave qu'elle présente pour la santé
humaine la mise en œuvre des techniques à visée lipolytique utilisant des agents
physiques externes.
(…) »
Les contrevenants à ces interdictions s’exposent à une lourde sanction administrative : une
amende administrative d’un montant maximum de 37.500 € pour les personnes physiques et
150.000 € pour les personnes morales (article L. 1152-2 du Code de la santé publique).
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1.2. Sur les conséquences économiques et sociales du décret
Le décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 – plus précisément son article 2 – a eu, et va continuer
d’avoir, des conséquences économiques et sociales désastreuses pour l’ensemble de la filière
esthétique concernée (à savoir : fabricants d’appareils de lipolyse, importateurs et
distributeurs d’appareil de lipolyses, instituts d’esthétique non médicalisés, écoles
d’esthétique).
Ces conséquences seront détaillées ci-après (§ 2.2.1.1.).
1.3. Sur l’objectif du présent référé-suspension
La requérante sollicite exclusivement la suspension de l’article 2 du décret litigieux.
C'est-à-dire, la suspension de l’interdiction des techniques non invasives.
C’est ce dont il sera discuté ci-après.
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II – DISCUSSION
Avant d’analyser le bien fondé de la demande de suspension, il convient de démontrer la
recevabilité du présent référé-suspension.
2.1. Sur la recevabilité du référé-suspension
Deux points doivent être spécifiquement abordés :
•
l’existence d’un mandat spécial ;
•
l’intérêt à agir de la CNEP.
2.1.1. Sur le mandat spécial
A) Selon l’article R. 432-2 du Code de justice administrative (souligné par nous) :
« Toutefois, les dispositions de l'article R. 432-1 ne sont pas applicables :
1° Aux recours pour excès de pouvoir contre les actes des diverses autorités
administratives ;
2° Aux recours en appréciation de légalité ;
3° Aux litiges en matière électorale ;
4° Aux litiges concernant la concession ou le refus de pension.
Dans ces cas, la requête doit être signée par la partie intéressée ou son
mandataire. »
Et selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, les mandataires constitués, doivent, à peine
d'irrecevabilité de la requête, justifier d'un mandat spécial (CE, 6 janvier 1909, Élections de
Relizanne, Rec. CE p. 10). Ce mandat doit désigner le mandataire personnellement (CE 12
février 1993, Assoc. groupement de défense du tracé du TGV Nord par Amiens, n° 135.366).
B) En l’espèce, la CNEP a spécialement mandaté Maître David SIMHON, Avocat à la Cour,
aux fins de la représenter devant le Conseil d’Etat dans le cadre d’un référé-suspension contre
le décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 (pièce n° 2, première page : mandat en date du 29
avril 2011).
C) Dès lors, la requête est recevable de ce chef.
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2.1.2. Sur l’intérêt à agir
A) Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, une organisation syndicale a intérêt à agir contre
un acte administratif lorsque l’action est exercée pour la défense de l’intérêt collectif de ceux
qu’elle représente, tel qu’apprécié par référence à ses statuts (CE Ass. 21 janvier 1977, CFDT
et CGT, Rec. CE p. 39).
Ajoutons qu’un syndicat a intérêt à agir contre un règlement dès lors que celui-ci emporte des
conséquences dans le domaine où le groupement a vocation à intervenir (CHAPUS R.. Droit
du contentieux administratif. 13ème éd. Paris : Montchrestien ; 2008. P. 488, n° 584).
B) B1) La Confédération Nationale de l’Esthétique-Parfumerie (CNEP) est un syndicat
professionnel représentant l’ensemble de la branche esthétique (hors médecins).
A ce titre, la confédération regroupe six syndicats professionnels :
•
l’Union des Marques de l’Esthétique (fabricants de produits cosmétiques et de
produits professionnels et créateurs de protocoles de soins de beauté et de bien-être
pour les instituts de beauté / soins du corps et les SPA) (sont adhérents à l’UME : 30
entreprises, pour 4.000 salariés et 500 millions d’euros de chiffre d’affaires) ;
•
l’Union des Marques du Matériel (fabricants, importateurs et distributeurs d’appareils
pour les instituts et les SPA) (20 entreprises, 600 salariés et 60 millions d’euros de
chiffre d’affaires) ;
•
l’Union des Professionnels de la Beauté (instituts de Beauté, SPA, centres de Soins
corporels, centres de thalasso et thermalisme) (25.426 entreprises, 25.694 salariés
1,740 milliard d’euros de chiffre d’affaires) ;
•
l’Union Professionnelle des métiers des Cils, de l’Ongle et du Maquillage
(prothésistes ongulaire, poseurs d’extension de cils et maquilleurs) ;
•
la Fédération Française des Ecoles d’Esthétique Parfumerie (écoles de formation
d’esthétique Parfumerie et de préparation aux diplômes d’état que sont le Certificat
d’Aptitude Professionnel (CAP), le Brevet Professionnel (BP), Bac professionnel
(BAC PRO) et le BTS) (30 entreprises, 1.550 salariés, 55 millions d’euros de chiffre
d’affaires) ;
•
le Syndicat National des Professionnels du Bronzage en Cabine (centres de bronzage
en cabine) (10.700 entreprises, 21.480 salariés et 231 millions d’euros de chiffre
affaires).
Au total, la CNEP représente 26.485 entreprises, lesquelles emploient 56.000 salariés et
réalisent 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaire (Cf. pièces n° 4 et 5).
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B2) Selon ses statuts, la CNEP a pour objet (pièce n° 4 : article 4 des statuts) (souligné par
nous) :
« 4.1- de regrouper et de coordonner les actions de toutes les organisations
professionnelles constituées sous forme syndicale et ayant pour vocation de
représenter au plan national, européen ou international les intérêts professionnels
d’entreprises participant aux métiers liés à la filière professionnelle Esthétique,
Parfumerie et Bien-être,
4.2 - de défendre les intérêts moraux et matériels des organisations adhérentes et de
leurs membres et de procéder à toute étude concernant les activités de la profession,
de centraliser les statistiques et de recueillir tous les renseignements d’ordre
économique nécessaires à cette activité,
4.3- de proposer aux pouvoirs publics toute disposition relative à l’exercice de ces
professions dans le respect de la réglementation communautaire européenne,
4.4- d’assurer la représentation de ses membres, tant auprès des pouvoirs publics
que de toute instance en relation avec ses membres, y compris en convention
collective et toutes les fois où l’intérêt collectif de la profession est concerné,
4.5- de promouvoir, auprès de l’Union Européenne et des instances internationales,
toute initiative propre à défendre et à développer la profession. »
Et la CNEP peut mettre en œuvre tous les moyens d’action utiles et nécessaires à
l’accomplissement de son objet (article 5 des statuts).
B3) En interdisant la pratique des actes de lyse adipocytaire à visée esthétique non invasifs, le
décret litigieux impacte directement sur :
•
les fabricants, importateurs et distributeurs d’appareils, qui ne peuvent plus vendre le
matériel utilisé dans le cadre de la lipolyse ;
•
les instituts de beauté et les centres de soins du corps, qui ont perdu la possibilité
d’exercer une importante part de leur activité ;
•
les écoles d’esthétiques, qui vont être incapables de mettre en œuvre les contrats
d’alternance / de professionnalisation prévus au bénéfice de leurs élèves, voire de
former correctement ces derniers (les référentiels des diplômes d’état du Certificat
d’Aptitude Professionnel, du Brevet Professionnel, du bac professionnel et du Brevet
de Technicien Supérieur – rédigés par le Ministère de l’Education Nationale – incluent
les techniques désormais prohibées en France, mais toujours licites à l’étranger… Cf.
pièce n° 39).
Comme précisé ci-avant, les intérêts de ces trois secteurs d’activité sont défendus par la
CNEP.
C) Par conséquent et par application de la jurisprudence susvisées, la CNEP a manifestement
intérêt à solliciter la suspension de l’article 2 du décret du 11 avril 2011.
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2.2. Sur la suspension de l’article 2 du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011
relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée
esthétique
Selon l’article L. 521-1 alinéa 1er du Code de justice administrative :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en
annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut
ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets,
lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de
l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. »
Deux conditions doivent donc être réunies pour qu’une demande de suspension d’exécution
soit satisfaite :
•
l’urgence ;
•
l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué.
Nous les examinerons successivement.
Au préalable, il faut noter qu’un référé suspension est recevable si un recours en annulation a
été antérieurement ou concomitamment effectué. En l’espèce, un recours en excès de pouvoir
contre la disposition litigieuse a été concomitamment déposé au greffe du Conseil d’Etat.
Copie de ce recours est annexé au présent mémoire (pièce n° 53).
2.2.1. Sur l’urgence
Selon le Conseil d’Etat, il résulte de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative que la
condition d’urgence doit être regardée comme satisfaite « lorsque la décision administrative
contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la
situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. » (CE Sect., 19 janvier 2001,
Confédération nationale des radios libres, Rec. CE p. 29).
Par conséquent, il sera succesivement démontré la gravité puis l’immédiateté des préjudices
nés de la promulgation de l’article 2 du décret litigieux.
Dans un troisième temps, il conviendra de préciser que la balance des intérêts en présence
justifie la suspension.
2.2.1.1. Sur la gravité du préjudice
A) L’exigence de gravité doit notamment être considérée comme satisfaite lorsqu’un
règlement a pour effet de conduire une entreprise à cesser ou réduire notablement ses
activités, à ne plus pouvoir honorer ses engagements, à être exposée à des procédures de
mise en règlement ou en liquidation judiciaire (Cf. à cet égard : CHAPUS R.. Droit du
contentieux administratif. 13ème éd. Paris : Montchrestien ; 2008. P. 1403, n° 1572).
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Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que la condition d’urgence était satisfaite « alors même que [la
décision attaquée] n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en
cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire » (CE Sect.,
19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, Rec. CE p. 29).
B) B1) Sur le préjudice subi par les fabricants et distributeurs
B1a) Via l’Union des Marques du Matériel et l’Union des Marques de l’Esthétique, la CNEP
regroupe des fabricants et des distributeurs qui réalisent un chiffre d’affaire global annuel de
l’ordre de 560 millions d’euros.
Au niveau macro, on peut estimer qu’environs 40 % de leur activité sont orientés vers la
vente et/ou la distribution d’appareils utilisés pour la lipolyse non invasive.
Cela signifie que depuis l’entrée en vigueur de l’article 2 du décret litigieux, 40 % de
l’activité de cette industrie sont mis en péril.
Au niveau micro, certaines entreprises du secteur réalisent 90 % ou plus de leur chiffre
d’affaires par la fabrication/vente desdits appareils, avec une activité exclusivement nationale
(sans export).
L’article 2 du décret expose ces sociétés à une restructuration (dans le meilleur des cas)
ou plus probablement à une disparition à très court terme.
B1b) Compte tenu des délais, il n’a pas été possible de réaliser une étude économique
d’ensemble.
Toutefois, plusieurs attestations comptables ou courriers communiqués par des adhérents de la
CNEP démontrent la véracité de ces affirmations et les illustrent.
Ainsi, pour les fabricants :
•
La société AAA-TELEC, principal fabricant français d’infrarouge, fait état d’une
baisse de 40,53 % de son chiffre d’affaire par comparaison entre avril 2010 et avril
2011 (soit -61.287,28 €). En conséquence, deux contrats d’intérim d’agents de
fabrication n’ont pas été renouvelés et le temps de travail hebdomadaire de 40 heures a
été diminué à 35 heures (avec, naturellement, baisse concomitante des revenus des
salariés qui n’effectuent plus d’heures supplémentaires) (pièce n° 9).
•
La société ADVANCED BEAUTY indique subir une chute dramatique de son
activité. Au mois de mai, elle a dû enregistrer des annulations de commande de ses
deux principaux distributeurs. Les pertes de ce chef s’élèvent à 47 % de son chiffre
d’affaires global et à plus de 80 % de son chiffre d’affaires pour la France (pièce n°
10).
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•
La société ELLA BACHE, filiale du groupe THALGO, estime à environs 150.000 €
par an le chiffre d’affaires réalisé (et donc perdu) par la commercialisation de ses
appareils (pièce n° 11).
•
La société MEDIMOUV atteste avoir perdu un chiffre d’affaire de 200.000 € sur les
mois d’avril et mai 2011. Elle réalise 90 % de son chiffre d’affaires avec un appareil
de radiofréquence, dont l’utilisation est dorénavant interdite. C’est donc la pérennité
de l’entreprise qui est remise en cause. Dans l’immédiat, elle a renoncé à l’embauche
de six nouveaux salariés (pièce n° 12).
Pour les distributeurs :
•
Depuis la parution du décret litigieux, l’activité de la société LEO’S DISTRIBUTION
s’est ralentie, puis a complètement stoppée à compter de la mi-mai (pièce n° 18).
•
L’expert-comptable de la société ESTHEMED-LINE atteste que 90 % du chiffre
d’affaires de l’entreprise était réalisé par la vente des appareils de lipolyse et par la
commercialisation des produits annexes. En conséquence, son chiffre d’affaires a
(pour le moment) diminué de 70 %, un salarié a été licencié pour motif économique et
un second a démissionné par crainte de l’avenir (pièce n° 14).
•
95 % du chiffre d’affaires de la société FG MEDICAL (principal importateur français
de matériel esthétique à base de nouvelles technologies) émanait de la
commercialisation en France des technologies visées par l’article 2 du décret du 11
avril 2011. La société a donc enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 70 % (ainsi,
le chiffre d’affaire d’avril 2010 était de 498.400 €, et de 0 € pour avril 2011…). Par
suite, l’entreprise a drastiquement réduit ses effectifs (en se séparant de quatre
intérimaires et de deux salariés sous contrat à durée indéterminée) et a mis en place un
plan de réduction de charges d’exploitations de l’ordre de 35 % (avec répercutions de
facto sur les sous-traitants) (pièce n° 15). La société envisage dans les jours qui
viennent le dépôt de bilan
•
Par comparaison entre avril 2010 et avril 2011, la société SISMO a perdu 50 % de son
chiffre d’affaires. Elle a été contrainte de licencier deux salariés (pièce n° 19).
•
Cf. également les courriers des sociétés BEAUTY TECH, INGRID MILLET et
IYASHI DOME (pièces n° 13, 16 et 17)
Il y a donc manifestement sinistre économique majeur pour les entreprises fabricant et
commercialisant les appareils visés par l’article 2 du décret du 11 avril 2011.
B2) Sur le préjudice subi par les instituts
B2a) OPCALIA – Organisme Paritaire Collecteur Agréé qui assure une mission de collecte et
gestion des contributions des entreprises au titre de la formation professionnelle – en
partenariat avec la CNEP, a mandaté le Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des
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Conditions de Vie (CREDOC) aux fins de réaliser une étude sur le secteur esthétiqueparfumerie.
Le CREDOC a déposé son rapport en septembre 2008. Les principales données sont toutefois
périodiquement réactualisées.
En se fondant sur ce rapport, il est possible d’avoir une vision assez précise du secteur
esthétique (volet instituts de beauté) et de l’impact du décret (Cf. pièces n° 6 à 8).
B2b) Pour les « instituts de beauté » au sens large (centres de soins de beauté, centres de soins
du corps, centres thermalisme et thalassothérapie et parfumeries), nous constatons :
•
un taux de croissance moyen (sur les dix dernières années) de 6,6 % par an ;
•
un chiffre d’affaires de 906 millions d’euros en soins de beauté, 542 millions d’euros
en soins du corps, 292 millions d’euros en thermalisme et thalassothérapie et 3,9
milliards d’euros en parfumerie ; soit un chiffre d’affaire global de 5,640 milliards
d’euros ;
•
environs 25.000 établissements ;
•
environs 56.000 salariés, avec :
o un taux de progression de l’emploi d’environs 10 % pour la décennie 19952005 ;
o 98 % de femmes ;
o 50 % de salariés ayant moins de 35 ans (secteur jeune) ;
o ¼ des salariés en contrat de travail à temps partiel ;
•
une forte atomicité du secteur : 97 % des établissements emplois moins de 5 salariés.
Nous sommes donc en présence de TPE certes dynamiques, mais qui n’ont pas les
moyens financiers de « résister » à une chute significative de chiffre d’affaires.
B2c) Les centres de soins de beauté représentent (en 2010) :
•
906 millions de chiffre d’affaires ;
•
20.566 établissements, dont 9.007 en auto-entreprise ;
•
56.000 € de chiffre d’affaires moyen par établissement ;
•
13.700 salariés.
Les centres de soins de beauté réalisent 8 % de leur activité dans la minceur et 9 % (par
utilisation des techniques prohibées par l’article 2 du décret d’avril 2011) (pièce n° 6 : page
41 de l’étude CREDOC).
Page 15 sur 37
Dès lors, le décret du 11 avril 2011 supprime de facto 72,48 millions d’euros de chiffre
d’affaires pour le secteur.
Par établissement (sur le chiffre d’affaires moyen), la perte s’établit à 4.552,48 €.
De plus, le décret interdit également des activités comptabilisées dans l’étude CREDOC au
titre des soins du corps (enveloppement et couverture chauffante) et de l’hydrothérapie
(infrarouge et ultrason).
Au total, le décret impacte donc sur 17 % de l’activité, ce qui représente plus de 154
millions d’euros.
B2d) Les centres de soins du corps représentent (en 2010) :
•
542 millions d’euros de chiffre d’affaire ;
•
4.630 établissements ;
•
85.426 € de chiffre d’affaire moyen par établissement ;
•
6.194 personnes salariées.
Les centres de soins du corps réalisent 23 % de leur activité dans la minceur.
Pis, la minceur représente leur première et principale activité (en deuxième position, les
soins du corps ne pèsent que 15 % du chiffre d’affaires) (pièce n° 6 : page 41 de l’étude
CREDOC).
Par conséquent, le décret litigieux impacte sur :
•
124,66 millions d’euros de chiffre d’affaires ;
•
19.731,24 € par établissement (chiffre d’affaires moyen).
Bien évidemment, un secteur ne peut perdre, du jour au lendemain, un quart de son
activité sans qu’il y ait des conséquences économiques et sociales désastreuses.
En ajoutant comme précédemment les soins du corps et l’hydrothérapie, le décret influe
sur 49 % de l’activité de ces instituts. Soit 265,58 millions d’euros.
C’est pour le moins considérable.
Page 16 sur 37
B2e) La CNEP a d’ores et déjà enregistré les premiers dépôts de bilan.
L’organisation syndicale craint, à très court terme, la fermeture d’un grand nombre d’instituts,
et notamment de centres de soins du corps, avec leurs lots de licenciements économiques.
A titre illustratif, la CNEP produit au débat une vingtaine de courriers émanant d’instituts. Le
constat est accablant.
Ainsi et par exemple :
•
80 % du chiffre d’affaires du salon BARBARA MELS dépend de l’utilisation
d’appareils prohibés (pièce n° 23).
•
Le franchiseur EFFEA (55 franchises pour un chiffre d’affaire de plus de 8 millions
d’euros) enregistre une baisse significative de l’activité, alors que le 1er trimestre 2011
voyait une augmentation de 10 % de chiffre d’affaire (pièce n° 27).
•
La société INGRID MILLET (distributeur) note un impact du décret pour 175 de ses
clients dépositaires d’appareils de lipolyse. L’activité machine représente en moyenne
35 % de leur chiffre d’affaires et chacun emploie environs trois esthéticiennes (hors
propriétaire). La société INGRID MILLET estime qu’ils vont tous licencier au
minimum une personne, pour faire face à leurs engagements (soit 175 licenciements
économiques) (pièce n° 16).
•
L’institut LA VILLA SPA enregistre une baisse de 40 % de son chiffre d’affaires
depuis la promulgation du décret (pièce n° 32).
•
L’institut ESPACE ESTHETIQUE enregistre une baisse de 50 % de son chiffre
d’affaires pour le mois d’avril 2011. Sa gérante – infirmière de formation – ne pourra
plus assurer le remboursement de ses emprunts dès le mois de juin 2011 (pièce n° 28).
•
L’institut PHYSIOMINS de La Rochelle indique une baisse de chiffre d’affaires de 35
% et va devoir licencier un employé (pièce n° 35).
•
L’institut PHYSIOMINS de Niort indique une baisse de chiffre d’affaires de 30 % et
va devoir licencier deux salariés (pièce n° 36).
•
Cf. plus globalement pièces n° 20 à 38.
B3) Sur le préjudice subi par les écoles de formation
Pour leur part, les écoles de formation professionnelle subissent un préjudice en termes
organisationnels, voire « d’image ».
Ceci se vérifie sur plusieurs points.
Page 17 sur 37
En premier lieu, dès le mois de septembre prochain, les écoles devaient assurer le recrutement
de 4.612 élèves dans le cadre de contrats de professionnalisation (sont concernés : 2.416
étudiants de brevet professionnel, 1.090 élèves de bac professionnel et 1.106 étudiants de
brevet de technicien supérieur (BTS)).
Compte tenu de la soudaine crise économique qui touche le secteur, ces contrats ne pourront
certainement pas être conclus.
En deuxième lieu, dès le mois de juin, les écoles, avec le Ministère de l’Education Nationale,
devaient mettre en œuvre une épreuve de contrôle des connaissances concernant l’utilisation
des appareils visés par le décret.
L’apprentissage de l’utilisation de ces appareils (ainsi que le contrôle des connaissances) est
obligatoire dans le cadre du CAP, du baccalauréat professionnel, du brevet professionnel et du
BTS « Esthétique/cosmétique – parfumerie » (Cf. pièce n° 39).
L’apprentissage et son contrôle sont réalisés de manière théorique, mais aussi pratique,
avec utilisation de « modèles humains ».
Dès lors, soit les écoles sont dans l’illégalité en ne mettant pas en œuvre les référentiels
définis par arrêtés, soit elles sont dans l’illégalité en ne respectant pas le décret du 11 avril
2011.
Sauf à considérer que le décret a implicitement abrogé les arrêtés, mais rien n’est moins sûr
puisque leurs objets sont singulièrement différents.
En troisième et dernier lieu, à moyen terme, l’impossibilité d’apprendre aux étudiants français
des techniques utilisées partout ailleurs à l’international va conduire :
•
d’une part, à une diminution de la valeur des diplômes français, notamment vis-à-vis
des employeurs étrangers ;
•
d’autre part, à une baisse de l’attractivité des écoles françaises, au profit de celles des
autres pays.
B4) En dernier point, Madame ou Monsieur le Président et Juge des référés pourra se référer
au courrier du Directeur de publication du magazine Cabines et Commissaire général du
Mondial SPA et Beauté (pièce n° 41).
Cette personnalité reconnue y liste de manière non exhaustive les professionnels dont
l’activité est ou sera négativement impactée par le décret du 11 avril 2011.
Il faut préciser que le décret a été promulgué quelques semaines après que se soit tenu le
plus grand salon français Mondial SPA et beauté. Ce salon a exposé l’ensemble des
nouvelles technologies. Les instituts y ont fait leurs acquisitions et ont investi massivement
dans des appareils.
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Quelques jours plus tard, ils ne peuvent plus utiliser les appareils mais sont toutefois obligés
de continuer à payer leurs mensualités de remboursement.
C) Il ressort de l’ensemble de ces éléments que toute la filière esthétique minceur
(fabricant/distributeur – instituts – écoles de formation) subit un préjudice grave et notamment
financier en raison de la promulgation de l’article 2 du décret du 11 avril 2011.
La condition d’urgence est manifestement satisfaite sur ce point.
2.2.1.2. Sur l’immédiateté du préjudice
A) Trois observations s’imposent.
D’abord, le décret du 11 avril 2011 (publié au journal officiel le 12 avril) est d’application
immédiate.
Depuis le 13 avril dernier, les techniques de lipolyse non invasives sont prohibées. Les
contrevenants s’exposent à une amende administrative d’un montant maximum de 37.500 €
pour les personnes physiques et 150.000 € pour les personnes morales (article L. 1152-2 du
Code de la santé publique).
Ensuite, comme démontré ci-avant, les conséquences notamment financières du décret sont
immédiates. Les premières baisses drastiques d’activité ont été enregistrées dès les mois
d’avril et mai 2011.
Enfin, la filière esthétique non médicale n’a pas été associée à la rédaction du rapport de la
HAS ni informée de l’instruction menée par la Haute Autorité :
•
ont été entendus par la HAS : la Société française de dermatologie, la Société française
de chirurgie plastique et esthétique, l’Association Le Lien, la Société de médecine
morphologique et anti-âge, la Société française de médecine esthétique ;
•
n’ont pas été entendus par la HAS : des représentants des instituts, des fabricants ou
des distributeurs d’appareils et certainement pas la CNEP ou l’un de ses syndicats
membres…
Ainsi, la filière n’a pas même pu anticiper la prohibition : les acteurs du marché ont été
informés du décret uniquement par voie de presse !
B) Par conséquent, le préjudice subi appert immédiat.
Page 19 sur 37
2.2.1.3. Sur le bilan des intérêts en présence
A) Afin d’apprécier l’urgence, le Conseil d’Etat met en balance les intérêts du requérant (ou
ceux qu’il entend défendre) avec l’intérêt général (Cf., pour un exemple récent : CE, 28
janvier 2011, Société Ciel et Terre, n° 344.973).
Le Conseil d’Etat a ainsi pu juger qu’aucune considération tirée de l’intérêt public ne pouvait
faire obstacle à l’urgence invoquée par le demandeur, dans l’hypothèse d’une décision mettant
un chirurgien dans l’impossibilité d’exercer son activité mais non justifiée par l’intérêt pour la
santé publique ou un risque pour les patients (CE, 19 octobre 2001, Bail, Rec. CE p. 374) :
« Considérant, en premier lieu, que les décisions du directeur du centre hospitalier
universitaire de Brest en date du 30 janvier 2001 et du 1er février 2001, suspendant à
titre provisoire l'activité du service de chirurgie digestive où exerçait M. X..., et
refusant à ce dernier de poursuivre son activité médicale dans un autre service ont
pour conséquence de faire obstacle à ce qu'il exerce toute activité médicale au centre
hospitalier de la Cavale Blanche, y compris dans le cadre de la permanence médicale
du service de chirurgie ; que cette situation affecte en outre nécessairement l'activité
d'enseignement de ce professeur des universités-praticien hospitalier ; que la
concertation annoncée par l'administration hospitalière pour déterminer le cadre dans
lequel pourrait exercer M. X... n'a, depuis lors, pas été engagée ; que, dans ces
circonstances, eu égard à l'ensemble des conséquences qui résultent pour M. X... de
l'impossibilité dans laquelle il a été placé d'exercer son activité chirurgicale dans sa
spécialité conformément à son statut, en l'absence de justification tirée de l'intérêt
de la santé publique et de tout risque pour les patients, la condition d'urgence posée
à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie en tant que les
décisions attaquées affectent la situation individuelle de M. X...»
In fine, les faits de cette jurisprudence sont largement analogues à l’affaire dont il s’agit ici.
B) En l’occurrence, le bilan est manifestement favorable à la CNEP.
B1) La filière esthétique s’est vue interdire l’exercice d’une de ses principales activités. Et
l’application du décret du 11 avril 2011 va entraîner un préjudice économique irréversible.
En l’absence de suspension, l’annulation du décret, même à très court terme (dans la
meilleure des hypothèses, 6 mois) n’empêchera pas, dans l’intervalle, nombre de dépôts de
bilan et de licenciements économiques (déjà en partie engagés).
Moins de deux mois après l’entrée en vigueur du décret, des premières mesures de réduction
des coûts salariés (licenciements économiques) ont dû être entreprises.
Certaines entités déjà fragiles ont été conduites au dépôt de bilan. Les entreprises plus solides
ne pourront pas résister très longtemps à une baisse d’activité pouvant atteindre jusqu’à 80 %
de leur chiffre d’affaires.
Page 20 sur 37
B2) Le Ministère de la Santé pourrait se prévaloir d’une suspicion de danger grave pour la
santé publique. Motif qui a justifié – aux yeux du Gouvernement – l’interdiction des
techniques de lipolyse non invasives.
Toutefois :
1. Il ne s’agit, au mieux, que d’une suspicion. Aucun danger grave pour la santé humaine
n’a été établi et n’est même allégué par l’Etat : les seuls effets indésirables rapportés
par la HAS sont mineurs.
2. De surcroît, la suspicion est infondée : la CNEP est en mesure de démontrer
l’innocuité des techniques visées par l’article 2 du décret (Cf. § 2.2.2.1.1.1. : absence
de sinistralité reconnue par les assurances, rapports médicaux attestant l’innocuité des
techniques, raisonnement et méthodologie de la HAS plus que contestable…).
3. Les techniques interdites par l’article 2 sont utilisées depuis des années par les
esthéticiennes. La première d’entre elles, la couverture chauffante, est employée
depuis quatre décennies.
Il n’y a manifestement pas d’urgence ou d’intérêt à interdire ces techniques –
communément employées et pour certaines très anciennes – dans l’attente d’un
règlement au fond du contentieux.
B3) Dans l’arrêt SNEG, le Conseil d’Etat avait refusé d’ordonner une suspension au motif que
le décret litigieux interdisait, dans l'intérêt de la sécurité des consommateurs, des produits
toxiques dont les effets hypotenseurs et vasodilatateurs peuvent entraîner des troubles
physiologiques en cas d'usage intensif et répété (CE, SNEG, 29 février 2008, n° 312707).
Toutefois et en l’espèce :
•
il ne s’agit pas d’une simple « baisse d’activité » de quelques entreprises (comme dans
l’arrêt SNEG), mais bien de la mort annoncée en premier lieu, des centres de soins de
beauté (lesquels emploient plus de 6.000 personnes) ; en second lieu, de plusieurs
centaines d’entreprises du secteur esthétique.
•
contrairement aux poppers de l’arrêt SNEG, il n’existe aucun rapport faisant état d’une
véritable dangerosité des actes interdits. La HAS a conclu à une suspicion de
dangerosité au motif qu’il n’y avait pas de preuve de non dangerosité… (Cf. supra
pages 26 et 32).
C) Par conséquent, eu égard à la balance des intérêts en présence, la condition d’urgence est
indubitablement satisfaite.
Pour l’ensemble de ces motifs, Madame ou Monsieur le Juge des référés pourra se
convaincre de l’urgence.
Sera également démontré le doute sérieux quant à la légalité de l’acte.
Page 21 sur 37
2.2.2. Sur le doute sérieux quant à la légalité de l’acte
In fine, une décision administrative peut être suspendue s’il existe une probabilité d’illégalité
A la lecture de l’article 2 du décret du 11 avril 2011 (et de sa motivation), il apparaît qu’existe
un doute sérieux quant à sa légalité tant interne qu’externe.
2.2.2.1. Sur la légalité interne de l’article 2 du décret du 11 avril 2011
L’article 2 est entaché par plusieurs vices de légalité interne, savoir :
•
une erreur dans la qualification juridique des faits ;
•
une erreur de fait ;
•
voire une violation directe de la loi.
2.2.2.1.1. Sur l’erreur dans la qualification juridique des faits
En interdisant les techniques à visée lipolytique utilisant des agents physiques externes, le
Gouvernement a :
•
promulgué une mesure disproportionnée ;
•
commis une erreur manifeste d’appréciation.
2.2.2.1.1.1. Sur le caractère disproportionné de la mesure
A) Les articles L. 1151-2 et L. 1151-3 du Code de la santé publique – inséré par la loi HPST –
autorise le Gouvernement a adopté des mesures de police administrative spéciale.
Les dispositions susvisées ont en effet créé une police administrative spéciale sanitaire de
protection des consommateurs en matière esthétique :
•
article L. 1151-2 du Code de la santé publique :
« La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique
autres que ceux relevant de l'article L. 6322-1 peut, si elle présente des risques
sérieux pour la santé des personnes, être soumise à des règles, définies par
décret, relatives à la formation et la qualification des professionnels pouvant
les mettre en œuvre, à la déclaration des activités exercées et à des conditions
techniques de réalisation.
Elle peut également être soumise à des règles de bonnes pratiques de sécurité
fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. »
Page 22 sur 37
•
article L. 1151-3 du Code de la santé publique :
« Les actes à visée esthétique dont la mise en œuvre présente un danger grave
ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits
par décret après avis de la Haute Autorité de Santé. Toute décision de levée de
l'interdiction est prise en la même forme. »
De jurisprudence constante, en matière de police administrative, le Juge administratif effectue
un « contrôle maximum de la qualification juridique des faits ».
En d’autres termes, le Juge vérifie si les mesures de police adoptées étaient les mieux
adaptées à la situation litigieuse et s’il n'existait aucune autre solution plus satisfaisante.
La décision ne sera considérée comme légale que s'il apparaît qu'elle était exactement
nécessaire et qu'aucune mesure moins rigoureuse n'aurait suffi.
Si l'objet de la décision n'est pas exactement proportionné à ses motifs, l'acte est illégal
(CE 19 mai 1933, Benjamin, Rec. CE p. 541)
Dans l’arrêt Société France Conditionnement Création, le Conseil d’Etat a récemment annulé
une mesure de police administrative sanitaire en raison du caractère disproportionné de la
décision adoptée.
A l’instar du présent dossier, le Gouvernement avait cru devoir promulguer une interdiction
générale et absolue (CE, 15 mai 2009, n° 312.449) :
« Mais considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que les substances
litigieuses ont une toxicité faible aux doses inhalées habituelles ; que si les effets
toxiques observés peuvent être parfois graves lorsque les produits litigieux sont
associés à certains médicaments d'usage fréquent, ces effets sont relativement rares et
mal mesurés ; que la plupart des accidents dont il est fait état, peu nombreux sur une
période longue, sur la base de statistiques incomplètes ou hétérogènes, résultent en
général d'usages anormaux des produits considérés, ingérés ou consommés en
association avec d'autres produits ; qu'aucune étude scientifique ou enquête n'est
produite ou citée qui permettrait d'établir que, au regard des dangers observés, seule
la mesure d'interdiction totale de tous les produits contenant des nitrites quelle
qu'en soit la forme serait de nature à y répondre ; qu'ainsi, en décidant d'interdire
de façon générale la fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la détention en
vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la
distribution à titre gratuit des produits contenant ces substances, alors que les
dispositions de l'article L. 221-3 permettent également de réglementer, notamment,
l'étiquetage, le conditionnement ou le mode d'utilisation de ces produits, y compris
en adoptant des restrictions partielles ou temporaires, le Premier ministre, en l'état
des éléments versés au dossier, a adopté une mesure excessive et disproportionnée
au regard des risques que représente la commercialisation de ce produit pour la
santé et la sécurité des consommateurs ; »
Page 23 sur 37
B) En l’espèce, la mesure d’interdiction promulguée est excessive et disproportionnée eu
égard aux risques encourus par les consommateurs.
Deux éléments plaident en ce sens :
•
d’une part, les techniques à visée lipolytique utilisant des agents physiques externes ne
présentent aucun danger ;
•
d’autre part, le Code de la santé publique autorise le gouvernement à adopter d’autres
mesures, moins rigoureuses.
B1) Sur l’absence de danger
Il est permis d’affirmer que les techniques de lipolyse ne présentent aucun danger
sérieux pour trois raisons au moins :
•
le rapport de la HAS lui-même ne recense aucun risque ;
•
de nombreux médecins, professionnels reconnus, attestent de l’innocuité de ces
techniques ;
•
les compagnies d’assurance ne dénombrent aucune sinistralité.
B1a) Au risque de se répéter, il faut encore préciser que le rapport de la HAS prouve
l’absence de danger des techniques interdites.
Ainsi, selon ce document (souligné par nous):
•
page 13 :
« I. LIPOLYSE ET AGENTS PHYSIQUES EXTERNES
I.1 Données de la littérature
Aucune complication grave n’a été rapportée à la suite de séances
d’application d’agents physiques externes, radiofréquence, ultrasons
localisés et laser (tableau 1).
Dans l’ensemble, les complications pouvant survenir sont prévisibles et
légères, type érythèmes ou douleur transitoires et ne nécessitent aucun
traitement (18-23).
Page 24 sur 37
Les effets indésirables pouvant survenir durant l’application d’agents
physiques externes sont prévisibles et légers, voire modérés, type érythèmes
ou douleur passagère. Très fréquents, ils disparaissent en quelques heures,
sans limitation de l’activité et ne nécessitent pas d’intervention médicale. »
•
page 30 :
Un praticien interrogé a rapporté la survenue de brûlures superficielles avec
la radiofréquence et de sensibilité, voire douleur avec les ultrasons. À la
question concernant la dangerosité potentielle, 3 praticiens ont répondu et
estimé que ces techniques externes, non invasives, dont l’action est modérée,
ne présentaient pas de risque pour le patient à la condition, bien sûr, que le
praticien soit bien formé et que les patients soient bien sélectionnés. »
Aux termes du rapport de la HAS, les complications engendrées par les techniques prohibées
sont prévisibles et légères, type érythèmes momentanés (i.e. rougeurs) ou douleur passagère.
De tels effets indésirables ne sauraient, à eux seuls, justifier l’interdiction des techniques.
Eu égard au corps de l’avis de la HAS, on peut légitimement s’interroger sur la motivation de
la conclusion de la Haute Autorité : pourquoi a-t-elle considéré qu’il y avait suspicion de
danger grave ?
Le Docteur MORIN-SURROCA a supervisé la rédaction dudit rapport (Cf. pièce n° 3 : page 3
du rapport).
Page 25 sur 37
Elle a accordé une interview au magazine Top santé, où elle précise (pièce n° 52 : BLIN I..
Cellulite. Lipolyse, laser, injection… Le point sur les interdictions. Top Santé, juillet 2011, n°
250, p. 12-13) (souligné par nous) :
« Pourquoi ces méthodes ont-elles été jugées risquées ?
(…)
Les techniques non invasives – même si les complications rapportées étaient
prévisibles et légères (rougeurs ou douleurs passagères) – ne sont pas synonyme
d’absence de danger. Il ne s’agit peut-être que de la partie émergée de l’iceberg.
Aucune étude ne prouve en effet leur innocuité. Par précaution, il était donc
préférable de les interdire également. »
Ainsi, la HAS n’a pas conclu à une suspicion de dangerosité en raison d’une
présomption de risque, mais à cause de l’absence de preuve d’innocuité.
Ce raisonnement ne saurait justifier une mesure de police d’interdiction totale et
absolue.
En sus, ajoutons que le décret interdit toutes les techniques à visée lipolytique utilisant des
agents physiques externes. Or, la HAS n’en a évalué que quatre (radiofréquence, laser,
infrarouges, ultrasons focalisés).
B1b) Plusieurs médecins, professionnels reconnus de l’esthétisme et/ou de la dermatologie,
attestent de l’innocuité des techniques prohibées.
B1b1) Le Docteur Ghislaine BELLIN, médecin consultants en recherche et développement
pour de nombreux laboratoires, expert scientifiques et orateur pour les principaux congrès de
médecine esthétique, atteste que (pièce n° 42) :
« Les techniques de traitement des lipodystrophies ou surcharges graisseuses
localisées par ultrasons non focalisés, infrarouge, radiofréquence, en application
externe, sont des techniques dénuées de risque grave pour la santé. »
Le Docteur Jean-Luc MOREL, président de l’Association Française de Médecine morphoEsthétique et anti-âge (AFME), fait la même constations (pièce n° 46 : annexe du premier
rapport).
Il ajoute que depuis plus de 20 ans, l’AFME n’a constaté aucun sinistre lié à l’utilisation de
ces techniques.
Le Docteur Jean-Marc CHARDONNEAU, angio-phlébologue, responsable de l’enseignement
de la cellulite au Collège National de Médecine Esthétique, Président de la commission
phlébologie esthétique au sein de la Société Française de Phlébologie confirme l’innocuité
des techniques d’ultra-sons et d’infrarouge (pièce n° 46 : annexe du premier rapport).
Page 26 sur 37
La Haute Juridiction pourra également se référer aux attestations des Docteurs MARECHAL,
MOGA, COCCHI et VIGNERON (pièces n° 43 à 46).
B1b2) Comme suite à la publication du décret, le Docteur MAZER (dermatologue, rapporteur
de l’ANAES pour les « indications lasers en dermatologie », membre du bureau du Groupe
Laser de la Société Française de Dermatologie, membre de l’American Society for Lasers in
Medicin and Surgery) a réalisé une analyse exhaustive de la littérature consacrée aux
techniques prohibées par l’article 2 du décret litigieux (pièce n° 46 : page 18 à 23 du premier
rapport + second rapport).
Il a ainsi étudié trente-sept références identifiées sur la base de données MedLine (NB :
MedLine est la base de données de référence pour les sciences biomédicales).
A titre de comparaison, seuls six articles sont cités dans le rapport de la HAS.
Les conclusions du Docteur MAZER sont dénuées d’ambigüité : aucune publication ne met
en évidence des effets indésirables significatifs.
B1c) Pour des raisons de confidentialité, il n’a pas été possible d’obtenir des compagnies
d’assurance leurs statistiques globales sur la sinistralité liée aux techniques de lipolyse non
invasives.
Toutefois, de nombreux membres de la CNEP ont sollicité leurs assureurs afin d’obtenir des
attestations sur leurs propres sinistres.
Sont ainsi produits au débat des attestations pour quinze fabricants et/ou distributeurs
d’appareils, parmi les plus importants du secteur (par exemple, AAA-TELEC : 1,5 millions
d’euros de chiffre d’affaires, BEAUTY TECH : 11 millions d’euros de chiffre d’affaires,
EUROFEEDBACK : 4,8 millions d’euros de chiffre d’affaires).
Aucun sinistre corporel n’a été enregistré par leurs assureurs (pièce n° 47).
Ceci prouve, une fois encore, l’absence de dangerosité des techniques prohibées.
L’ensemble de ces éléments démontre incontestablement l’innocuité des techniques à visée
lipolytique utilisant des agents physiques externes.
Par conséquent, les mesures d’interdictions adoptées ne sont pas justifiées.
B2) Sur les autres mesures susceptibles d’être promulguées
B2a) L’interdiction absolue et définitive des actes esthétiques n’est que la plus sévère des
mesures susceptibles d’être adoptées par le Gouvernement.
Page 27 sur 37
Selon l’article L. 1151-2 du Code de la santé publique :
« La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres
que ceux relevant de l'article L. 6322-1 peut, si elle présente des risques sérieux pour
la santé des personnes, être soumise à des règles, définies par décret, relatives à la
formation et la qualification des professionnels pouvant les mettre en œuvre, à la
déclaration des activités exercées et à des conditions techniques de réalisation.
Elle peut également être soumise à des règles de bonnes pratiques de sécurité fixées
par arrêté du ministre chargé de la santé. »
B2b) Dès lors, en lieu et place de l’interdiction, le Gouvernement aurait éventuellement pu :
•
réglementer la formation et la qualification des esthéticien(ne)s ;
•
imposer une déclaration d’activité ;
•
réglementer les conditions techniques de réalisation des actes et adopter des règles de
bonne pratique de sécurité.
A cet égard, il faut signaler que l’apprentissage des techniques non invasives visées à l’article
2 est déjà imposé dans le cadre du bac professionnel, du CAP, du brevet professionnel et du
BTS (pièce n° 39).
L’apprentissage est théorique (par exemple : cours théorique de physique sur les ondes
électromagnétiques) et pratique.
B2c) Aucune étude ne démontre que seule l’interdiction des techniques permettrait d'éviter les
risques pour la santé humaine.
Par conséquent, même s’il y a danger (ce qui n’est pas le cas), le Premier ministre et le
Ministre de la Santé auraient dû utiliser les pouvoirs que leur confère le Code de la santé
publique pour prendre des mesures moins rigoureuses.
Dès lors, les dispositions de l’article 2 du décret sont indubitablement disproportionnées par
rapport aux risques réels.
2.2.2.1.1.2. Sur l’erreur manifeste d’appréciation
A) Même en cas de refus de contrôle maximum ou normal, le Juge administratif doit
systématiquement vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de l’Administration
(CE Sect. 25 avril 1980, Institut technique de Dunkerque, AJDA 1980 p. 591).
Classiquement, l’erreur manifeste d’appréciation est présentée comme « une erreur grossière,
flagrante, repérable par le simple bon sens, et qui entraîne une solution choquante dans
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l'appréciation des faits par l'autorité administrative » (VAN LANG A., GONDOUIN G. et
INSERGUET-BRISSET V.. Dictionnaire de droit administratif. 4ème éd. Paris : Armand
Colin ; 2005. P. 140).
B) En l’espèce, la mise en œuvre des techniques à visée lipolytique utilisant des agents
physiques externes a été interdite au motif « de la suspicion de danger grave qu'elle présente
pour la santé humaine » (article 2 du décret du 11 avril 2011).
Or, comme discuté et démontré ci-avant, les techniques de lipolyse non invasives
prohibées ne présentent aucun danger pour la santé humaine.
Les seuls effets indésirables constatés sont des rougeurs et douleurs momentanées.
C) Dès lors, le Premier Ministre et le Ministre de la Santé ont indubitablement commis une
erreur manifeste d’appréciation en interdisant ces techniques.
La suspension s’impose également de ce chef.
2.2.2.1.2. Sur l’erreur de fait et la violation directe de la loi
A) Il y a erreur de fait si l’Administration s’est fondée, pour prendre sa décision, sur des faits
inexacts (CE, 14 janvier 1916, Camino¸GAJA n° 32).
Le Gouvernement a motivé l’interdiction des techniques visées à l’article 2 du décret litigieux
par l’existence d’une présomption de danger pour la santé humaine.
Il ressort notamment du rapport de la HAS qu’une telle présomption n’existe pas.
Par conséquent, il y a erreur de fait.
B) Il y a violation de la loi lorsque le contenu d’un acte réglementaire est déterminé en
méconnaissant directement une norme qui lui est supérieure. En d’autres termes, l’acte illégal
autorise ce que la norme supérieure ne permet pas ou ne permet que sous certaines conditions
non remplies (par exemple : CE 29 mai 1992, Assoc. amicale des professeurs titulaires du
muséum d'histoire naturelle, n° 67622).
En l’occurrence, l’article L. 1151-3 du Code de la santé publique autorise l’interdiction
d’acte à visée esthétique, à condition que leur mise en œuvre présente un danger grave ou
une suspicion de danger grave pour la santé humaine.
En l’espèce, il n’y a ni danger grave, ni suspicion de danger grave.
L’article 2 du décret viole directement l’article L. 1151-3 du Code de la santé publique.
Dès lors, il y a violation directe de la loi.
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Pour tous ces motifs, il y a doute sérieux quant à la légalité du décret.
La suspension s’impose.
2.2.2.2. Sur la légalité externe de l’article 2 du décret du 11 avril 2011 : vice de
procédure
A) A1) En cas de violation d’une formalité substantielle, un acte administratif peut être annulé
pour vice de procédure.
Plus précisément encore, les irrégularités d’une procédure consultative entachent la procédure
dans toutes ses phases et ont pour effet de vicier la légalité de la décision finale (CE, ass., 16
avril 1948, Van Zuylen, Rec. CE p. 164 ; CE, 2 juillet 1965, Synd. indépendant des cadres
ingénieurs et agents de maîtrise d'Air France, Rec. CE p. 398).
En l’espèce, l’article L. 1151-3 du Code de la santé publique a institué comme formalité
substantielle, avant édiction d’une mesure d’interdiction, la consultation de la HAS.
Et le Conseil d’Etat a déjà pu constater l’illégalité d’une recommandation de la HAS en raison
d’une irrégularité dans la procédure d’adoption de cet « avis » (CE, 27 avril 2011, n°
334.396).
A2) Dans le présent dossier, la rédaction de l’avis de la HAS a été confiée au Service
évaluation des actes professionnels et à la Commission nationale d’évaluation des dispositifs
médicaux et des technologies de santé de la Haute Autorité.
Pour apprécier la régularité de la procédure d’adoption de l’avis, il faut en particulier se
référer au règlement intérieur de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs
médicaux et des technologies de santé. Lequel prévoit (pièce n° 48 : article IV-2-1) (souligné
par nous) :
« Méthode d’évaluation des technologies de santé et des actes
L’évaluation des technologies de santé et des actes est assurée par les chefs de projet
du service évaluation des actes professionnels. Elle est réalisée en utilisant une
méthode notamment fondée sur :
- l’analyse critique des données de la littérature scientifique,
- l’analyse de données contextuelles, notamment les nomenclatures étrangères
- la position argumentée des professionnels
- la place dans la stratégie thérapeutique.
Cette méthode peut être adaptée en tant que de besoin après discussion par la
Commission.
Le processus d’évaluation aboutit à la rédaction d’un document de cadrage, d’un
rapport d’évaluation technologique, d’un texte court et, pour les actes, le cas échéant,
d’un document d’avis. Des documents d’information peuvent être rédigés, notamment
des fiches de bon usage des technologies de santé. »
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B) En l’espèce, plusieurs irrégularités ont pu être constatées :
•
le manque de compétence des personnes chargées de la rédaction du rapport ;
•
une analyse de la littérature très incomplète ;
•
un non respect du principe du contradictoire ;
•
une méthodologie de travail non conforme aux prescriptions du Code de la santé
publique.
B1) La rédaction du rapport a été confiée à Madame le Docteur Françoise SAINT-PIERRE,
chef de projet au Service évaluation des actes professionnels.
Les membres référents de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et
des technologies de santé, pour cette évaluation, ont été Madame le Docteur Françoise
ROUDOT-THORAVAL et Monsieur le Docteur Bernard GUILLOT.
Madame le Docteur Françoise SAINT-PIERRE est Docteur en chirurgie-dentaire (pièce n°
49).
Madame le Docteur Françoise ROUDOT-THORAVAL est gastro-entérologue (pièce n° 50).
Monsieur le Docteur Bernard GUILLOT est certes dermatologue, mais plus spécifiquement
spécialisé en cancérologie (pièce n° 51).
Aucun des rédacteurs de l’avis ne semble avoir de compétences particulières en matière de
médecine esthétique.
On peut dès lors s’interroger sur leur possibilité d’évaluer pleinement les actes professionnels
dont il s’agit, comme exigé par le règlement intérieur susmentionné.
Il y a donc irrégularité dans la procédure d’adoption.
B2) le règlement intérieur impose une analyse critique des données de la littérature
scientifique.
En l’espèce, six références bibliographiques ont été étudiées par la HAS.
Or, trente-sept références sont recensées par la base de données MedLine (pièce n° 46).
L’analyse critique de la littérature est dès lors particulièrement lacunaire.
B3) Le règlement intérieur prévoit le recueil de « la position argumenté des professionnels »,
donc in fine le respect du principe du contradictoire tel qu’institué par la jurisprudence
administrative.
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En l’espèce, ont été entendus par la HAS :
•
des représentants des médecins ou chirurgiens esthétiques (la Société française de
dermatologie, la Société française de chirurgie plastique et esthétique, la Société de
médecine morphologique et anti-âge, la Société française de médecine esthétique) ;
•
une association d’usagers du système de santé (l’Association Le Lien).
Par contre, aucun représentant d’instituts d’esthétique, de fabricants ou de distributeurs
d’appareils n’a été auditionné par la Haute Autorité.
Ces professionnels sont pourtant concernés au premier plan par l’avis de la HAS et
subséquemment par la mesure de police adoptée.
De ce point de vue, il y a également irrégularité.
B4) B4a) Le Code de la santé publique dispose que peuvent être interdits les « actes à visée
esthétique dont la mise en œuvre présente un danger grave ou une suspicion de danger grave
pour la santé humaine » (article L. 1151-3).
A cet égard, les travaux législatives précise bien que l’objectif de la loi est « d’interdire par
décret les pratiques qui mettraient en danger la santé des personnes de façon imminente ou
différée, parce qu’elles entraînent a priori des risques disproportionnés par rapport à
l’objectif attendu » (exposé sommaire de l’amendement n° 945 / Assemblée nationale).
La Haute Autorité de Santé a été saisie par la Direction Générale de la Santé pour rendre un
avis sur la dangerosité ou suspicion de dangerosité des techniques de lyse adipocytaire.
Selon la huitième édition du dictionnaire de l’académie française, le terme suspicion signifie
« soupçon, action de tenir pour suspect ».
Ainsi, pour qu’il y ait suspicion, il est nécessaire qu’il y ait a minima commencement de
preuve d’un danger grave.
B4b) En l’espèce, le rapport de la HAS a été rédigé sous la responsabilité de Madame le
Docteur Michèle MORIN-SURROCA, adjoint au chef de Service évaluation des actes
professionnels.
Le Docteur MORIN-SURROCA a consenti une interview au magasine Top santé. Elle y
indique notamment (pièce n° 52) (souligné par nous) :
« La décision est-elle définitive ?
Le décret est appliqué depuis le 12 avril dernier, date de sa parution au « Journal
Officiel ». Toutefois, cette interdiction n’est pas immuable. Si les promoteurs de ces
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techniques démontrent par des études scientifiques l’innocuité et l’efficacité de leur
méthode, la HAS pourrait revoir son évaluation à la demande du ministère de la
Santé. En vue d’une levée d’interdiction, le cas échéant.
(…)
Pourquoi ces méthodes ont-elles été jugées risquées ?
(…)
Les techniques non invasives – même si les complications rapportées étaient
prévisibles et légères (rougeurs ou douleurs passagères) – ne sont pas synonyme
d’absence de danger. Il ne s’agit peut-être que de la partie émergée de l’iceberg.
Aucune étude ne prouve en effet leur innocuité. Par précaution, il était donc
préférable de les interdire également. »
B4c) D’abord, la HAS n’était saisie que de la dangerosité des techniques, non de leur
efficacité. Elle a manifestement outrepassé sa mission.
Ensuite, elle a considéré qu’il y avait suspicion de danger non en raison de preuves d’un
risque, mais en considérant une prétendue absence de preuve d’innocuité.
Ainsi, la HAS a violé tant la lettre que l’esprit de la loi.
Pour conclure à la suspicion de danger grave, la HAS aurait dû au moins présenter un faisceau
de présomption de dangerosité.
L’article L. 1151-3 du Code de la santé publique prévoit l’interdiction en raison d’une
suspicion de danger grave, pas en cas d’absence de preuve de non dangerosité.
Manifestement, la HAS a voulu appliquer un principe de précaution poussé à l’absurde.
De surcroît, il faut rappeler la difficulté à prouver un fait négatif, classiquement défini comme
une « probatio diabolica » ou preuve impossible.
A suivre le raisonnement de la HAS, aucune technique ne pourrait jamais être autorisée
puisqu’il est strictement impossible de démontrer de manière irréfragable une absence totale
de dangerosité.
La méthodologie suivie par la HAS est donc contraire à la loi comme à la rigueur
scientifique attendue dans ce type d’évaluation.
C) Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la HAS appert irrégulier.
En conséquence, l’article 2 du décret du 11 avril 2011 souffre d’un vice de procédure.
Il y a doute sérieux quant à sa légalité et la suspension s’impose.
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PAR CES MOTIFS ET TOUS AUTRES A DEDUIRE, A
SUPPLER, AU BESOIN D'OFFICE
Il est demandé à Madame ou Monsieur le Président et Juge des référés du Conseil
d’Etat de :
•
ORDONNER la suspension de l’article 2 du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011
relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique ;
•
CONDAMNER l’Etat à la somme de 7.000 € au titre de l’article L. 761-1 du Code de
justice administrative et aux entiers dépens.
Le 10 juin 2011
Maître David SIMHON
Avocat à la Cour
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BORDEREAU DE PIECES COMMUNIQUEES
1. Décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de
lyse adipocytaire à visée esthétique
2. Mandats spéciaux
3. Avis de la Haute Autorité de Santé en date du 16 décembre 2010
4. Statut de la CNEP
5. Plaquette de présentation de la CNEP
6. Rapport CREDOC de septembre 2008
7. Fiche de présentation OPCALIA pour la branche Esthétique – Parfumerie – SPA
(mars 2011)
8. Plaquette de présentation de la branche Beauté – Bien être – Parfumerie (Etude CNEP
/ CREDOC / OPCALIA – Statistiques 2009/2010)
9. Attestation AAA-TELEC
10. Attestation ADVANCED BEAUTY
11. Attestation ELLE BACHE
12. Attestation MEDIMOUV
13. Attestation BEAUTY TECH
14. Attestation ESTHEMED-LINE
15. Attestation FG MEDICAL
16. Attestation INGRID MILLET
17. Attestation IYASHI DOME
18. Attestation LEO’S DISTRIBUTION
19. Attestation SISMO – CENTRE SISMO
20. Attestation 12 FAUBOURG
21. Courrier ALPHA BEAUTE
22. Courrier AMAT Nicolas
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23. Attestation BARBARA MELS
24. Attestation CLINICAL LIGHT SYSTEM
25. Attestation COTE BEAUTE
26. Attestation DIVINE ET SENS
27. Attestation EFFEA
28. Courrier ESPACE ESTHETIQUE
29. Courrier GLORIOSA
30. Courrier HEURTEAU Nathalie
31. Attestation INSTITUT BRIGITTE
32. Attestation LA VILLA SPA
33. Courier MAGRI AMELIE
34. Attestation PHYSIOMINS Aix-les-Bains
35. Attestation PHYSIOMINS La Rochelle
36. Attestation PHYSIOMINS Niort
37. Attestation PHYSIOMINS Paris
38. Attestation ZEN GARDEN INSTITUT & SPA
39. Référentiels d’apprentissage : extrait du référentiel CAP, extrait du référentiel BP et
Bac pro, extrait dur référentiel BTS, référentiel BP et Bac pro complet
40. Extrait d’un manuel d’apprentissage pour le bac professionnel
esthétique/cosmétique-parfumerie » : L’essentiel des techniques esthétiques.
«
41. Courrier de Monsieur Roland BUFFET
42. Attestation du Docteur BESLIN
43. Attestation du Docteur MARECHAL
44. Attestation du Docteur MOGA
45. Attestation du Docteur COCCHI
46. Analyse critique du rapport de la HAS de décembre 2010 / Analyse bibliographique
démontrant l’innocuité des agents techniques externes non invasifs concernés par le
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décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 / Rapport d’analyse de tolérance et démonstration
de la totale innocuité des agents techniques externes rapportés par le décret n° 2011382 du 11 Avril 2011
47. Attestations d’assurance
48. Règlement intérieur de la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux
et des technologies de santé de la HAS
49. CV de Madame le Docteur Françoise SAINT PIERRE (Disponible sur :
http://www.academiedentaire.fr/membres/641-francoise-saint-pierre (consulté le 6 juin
2011))
50. Fiche de l’annuaire du Conseil National de l’Ordre des Médecins du Docteur
ROUDOT-THORAVAL
51. Fiche de l’annuaire du Conseil National de l’Ordre des Médecins du Docteur
GUILLOT
52. Extrait du magazine Top santé de juillet 2011
53. Recours en excès de pouvoir
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