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Till R. Kuhnle (ed.)
Benjamin Fondane – Écrire devant l’Histoire
Till R. Kuhnle
Tu es réservé pour un grand Lundi!
(Introduction)
Tu es réservé pour un grand Lundi! Bien parlé! Mais le Dimanche ne finira jamais /
Du bist aufgehoben für einen großen Montag
Wohl gesprochen, aber Sonntag endet nie1
Cette citation de Kafka se trouve en exergue de l’essai Le Lundi existentiel et le
dimanche de l’Histoire qui, publié en 1944, dresse un premier bilan de cette „nouvelle génération existentielle“ autour de Camus et de Sartre qui finira par dominer
sous l’étiquette d’existentialisme le discours philosophico-politique de l’aprèsguerre. L’auteur de cet essai entreprend ici une analyse de la philosophie de l’existence (Existenzphilosophie) et notamment de l’existentialisme naissant à travers
une relecture critique de quelques passages de Hegel.2 Il s’acharne contre toute
forme de philosophia perennis, contre la soumission du singulier à l’universel,
contre le règne de l’Esprit au moyen de l’Idée – bref, contre toutes les tentations
auxquelles la „nouvelle génération existentielle“ s’empresse de céder, trahissant
ainsi la révolution de la pensée préparée par les philosophes Kierkegaard, Nietzsche, Jules de Gaultier et Chestov, par l’ethnologue Lévy-Bruhl ou par le théoricien
des sciences Stéphane Lupasco.
*
Ces réflexions sont sorties de la plume de Benjamin Fondane, né Benjamin Wechsler d’une famille juive en 1898 à Jassy (Iai) en Roumanie. Très jeune, il faisait
déjà preuve d’un éminent talent littéraire: poèmes, essais, drames et critiques littéraires qu’il signe, s’il n’utilise pas un autre de ses nombreux pseudonymes, de son
nom de plume: B(enjamin) Fundoïanu. De plus en plus tourné vers la culture française et confronté à l’antisémitisme croissant en Roumanie qui avait contribué à
l’échec de son petit théâtre d’avant-garde, il décida en 1923 de s’installer à Paris
et de changer son nom de plume en Benjamin Fondane. Ses œuvres, rédigées
d’abord en roumain et à partir de 1928 (cf. la contribution de M. Jutrin) principalement en français, allaient désormais témoigner d’un talent inouï dans plusieurs
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domaines – il était non seulement poète, philosophe et dramaturge, mais aussi
réalisateur de cinéma. A Paris, il participait aux grands débats philosophiques et
littéraires, notamment dans les milieux d’avant-garde sans pour autant adhérer à
l’un de ces mouvements. Or, sous l’Occupation, la menace pour sa personne devenait jour après jour plus grande, malgré sa notoriété naissante et ses nombreux
amis. En 1944, il fut arrêté par la police française, puis déporté à Auschwitz-Birkenau où il mourut, assassiné dans une chambre à gaz.3
Fondane a laissé une œuvre importante, une œuvre interrompue par la mort
brutale de son auteur dans la force de l’âge: une grande partie de ses écrits a été
publiée à titre posthume, et le travail sur ses manuscrits promet encore des révélations.4 Depuis ses premières tentatives littéraires en roumain (cf. la contribution de
C. Oszi),5 il s’avère à la fois poète et philosophe,6 ce qui signifie que toute son
écriture se développe entre ces deux pôles: sa poésie cherche cette vérité que le
philosophe défend, une vérité inaccessible à la raison, à une pensée fidèle au principe de contradiction, une vérité qu’il ne faut pas seulement vivre, mais à laquelle il
faut participer. Oscillant ainsi entre ces deux pôles extrêmes, il cherche différentes
formes d’expression: le théâtre, le poème en prose, l’essai philosophico-théologique, le reportage, la critique littéraire et artistique, le cinéma… – sans pour autant
abandonner la poésie et ses travaux sur une œuvre philosophique qui ne sera jamais achevée. Selon Fondane, il n’est point de contradiction entre ces deux formes d’appréhender la vie et ainsi l’art. Par conséquent, on peut constater un fil
conducteur qui traverse son œuvre. Celle-ci n’est en rien le produit d’un touche-àtout superficiel, d’un homme-orchestre, mais elle est emplie d’une expérience et
d’une volonté qui culminent dans l’éthique du refus d’un irrésigné. Il s’est approprié
Kierkegaard, de Gaultier et Nietzsche, puis Chestov et Lévy-Bruhl, sans pour autant fondre leurs approches philosophiques et leurs terminologies à la manière de
cet éclecticisme menant aux nombreux „existentialismes“; il s’est approprié Rimbaud et Baudelaire, mais aussi certaines approches avant-gardistes, sans pour
autant s’éloigner d’une recherche poétique originale renonçant à faire éclater le
langage poétique à la manière du futurisme ou de dada; la richesse de ses images
poétiques évoque le surréalisme avec lequel il est pourtant aux prises car les mandarins de ce mouvement cherchent à les régir par leur discursivité nourrie de la
psychanalyse freudienne et de l’orthodoxie marxiste. Pour sa poésie, il revendique
un lyrisme „sismographique“ tourné vers le vécu (cf. la contribution d’I. Pop). Bien
que souvent inspirées par la Bible et la Kabbale, ses images poétiques sont riches
en métaphores originales qui ne resteront pas sans écho – c’est l’œuvre de
Claude Vigée qui en témoigne (cf. la contribution d’A. Mounic).
La pensée de Fondane est profondément marquée par son judaïsme et la Bible,
pour lui source intarissable de „philosophie vivante“. Toutefois, il n’adhère ni à
l’orthodoxie religieuse, ni au sionisme pour lequel il montre pourtant un vif intérêt
dans sa version culturelle.7 Sa quête philosophique est celle d’une issue pour
l’individu; c’est une quête qui le jette dans une vive polémique avec la tradition philosophique occidentale et dans un débat avec la phénoménologie et avec la philo119
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sophie de l’existence; c’est une quête entre la foi et la métaphysique, ces deux
pôles irréconciliables de la pensée représentés par les noms de Jérusalem et
d’Athènes (cf. la contribution de M. Jutrin);8 c’est une quête qui, par ailleurs, cherche à puiser, notamment à travers l’œuvre de Lévy-Bruhl, dans la richesse de la
pensée dite primitive9 et de la philosophie orientale.10 Mais avant tout, les rencontres avec Jules de Gaultier (cf. la contribution d’A. Gonzi) et Léon Chestov (cf.
la contribution de M. Jutrin) l’ont aidé à exprimer sa pensée en termes philosophiques et à découvrir Nietzsche et Kierkegaard (cf. la contribution de D. tefnescu)
dans toute leur profondeur. Avec Nietzsche, il partage le style polémique. Polemos
et aphorismos – le combat et le fait de bien délimiter les choses sont les principes
même de Nietzsche philosophant „à coups de marteau“. Mais „délimiter“ ou „définir“ ne signifie pas „déterminer“. Il s’agit de „faire sortir“ la vérité afin d’assigner aux
choses leur juste valeur – tout en faisant valoir l’ambiguïté qui en résulte. Telle est
aussi la ‘méthode’ de Fondane philosophe qui s’exprime avant tout à travers des
écrits critiques.
Bien avant Adorno, il a ressenti dans l’œuvre de Kafka (cf. la contribution de
J. David) ce choc profond qui, en faisant frémir la physis,11 envoie à quelque
chose de tout autre que notre pensée ne sait pas encore saisir. Ceci amène ce
génie à la fois philosophique et poétique qu’est Fondane à s’exprimer non seulement à travers sa poésie et à travers sa polémique avec les maîtres penseurs,
mais aussi à travers la lecture critique d’autres poètes. C’est dans son Rimbaud le
voyou qu’il lance le crédo de sa pensée, le rejet de l’Idée, cette ancelle de l’Esprit
(cf. la contribution de M. Jutrin) qui se soumet l’homme – qui nie l’individuel, le singulier, au nom de l’universel: „Si un Rimbaud ne venait pas de temps à autre jeter
le trouble dans l’idée que l’esprit se fait de lui-même, l’homme pourrait enfin dormir
sur ses deux oreilles“.12 Il développe ici une première défense et illustration de la
poésie en tant que quintessence de la philosophie – tout en cherchant à dépasser
cette dernière. Par ailleurs, dans l’ébauche d’un chapitre qui ne figure pas dans
l’édition de 1933,13 il constate que „Rimbaud métaphysicien et philosophe“ n’a lu
aucun livre de philosophie.14
Même s’il choisit Hegel comme bouc émissaire, il suit – inspiré par Jean Wahl
(Malheur de la conscience dans la philosophie de Hegel, 1929) – l’exemple de
l’anti-hégélien Kierkegaard en empruntant un terme forgé par le philosophe allemand: das unglückliche Bewußtsein – à savoir l’état de la conscience qui, après
avoir atteint une liberté absolue par son abstraction, ne connaît ni apaisement ni
repos.15 Sous le titre La Conscience malheureuse, il publie en 1936 un recueil qui
réunit une série d’essais consacrés à Nietzsche, à Gide, à Husserl, à Bergson, à
Freud, à Kierkegaard, à Heidegger, et à Chestov. Au fait, il s’agit d’articles parus
auparavant dans des revues, mais qui ont subi d’importantes modifications avant
d’être repris en volume. Il s’ensuit que celui-ci est traversé d’un fil conducteur qui
mène à une critique fondamentale de la philosophie de l’existence venue
d’Allemagne. Ainsi, dans le dernier ‘chapitre’ intitulé „Chestov, Kierkegaard et le
serpent“, Fondane écrit à propos de la tragédie d’une conscience qui s’avère mal120
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heureuse: „Elle [la conscience] est malheureuse par sa faute assurément, mais
c’est s’arrêter à mi-chemin que de poser comme Heidegger, qui cependant a suivi
Kierkegaard, qu’il y a une faute dans l’être, une culpabilité, sans chercher à savoir
quelle est cette faute“.16 En fait, c’est le refus de toute théorie que Fondane apprécie dans l’œuvre d’un grand sculpteur roumain qu’il vante pour être proche de la
matière: „Jamais Brancusi ne pourra prêcher, ni même proposer, l’Idéal, l’Idée,
mais seulement un idéal, une idée. En ce sens foncièrement insociable, l’œuvre
de Brancusi ne nous donne pas, en terme de son effort, quelque surhomme, ni
même l’homme en chemise ou l’homme à poil, mais l’homme-poisson, l’hommemonstre. L’album de l’Histoire naturelle de Max Ernst se trouve dans ces parages
également“.17
Dans les deux exemples cités, Fondane montre à quel point son style polémique touche au vif du sujet tout en conservant une ambiguïté qui révèle une profondeur de la pensée par le refus du Begriff. Le refus de tout concept (métaphysique)
est pour lui le seul garant de la liberté de l’individu. Ce refus va de pair avec une
vocation de l’art qu’il défend dans „un discours non prononcé au Congrès Internationales des Ecrivains de Paris (1935)“ intitulé L’Ecrivain devant la Révolution: „[…]
l’artiste a une mission d’exploration dans l’individu; il est un créateur de valeurs
psychologiques (qui tiennent du mythologique, du religieux et du sexuel) et non un
détenteur de talent servile à un contenu déterminé à l’avance, ce contenu eût-il,
par ailleurs, une importance sentimentale et passionnelle à laquelle il ne songe pas
un seul instant à se dérober. Comme on le sait très bien l’expression de l’art diffère
de l’expression des valeurs sociales, alors même qu’elle lui est éthiquement identique. L’esthétique une fois admise comme un mode d’action et de connaissance, il
saute aux yeux les moins avertis qu’elle ne saurait parler le langage de l’éthique
sans compromettre sa propre partie“.18
Or, à travers ces textes, commence à se dessiner le fondement philosophique
de la vue fondanienne sur la poésie et sur les arts. Selon lui, „La naissance du
concept de l’art fut un événement historique malheureux, un témoignage de décadence, le signe premier d’une rupture fondamentale, d’une ‘aliénation’ sensible de
la réalité primitive“.19 Tel est le constat principal de son Faux Traité d’esthétique
paru en 1938.20 Cette aliénation devient manifeste à travers une esthétique de
l’imitation, fruit d’une pensée qui éloigne l’homme d’une expérience originelle de
l’art. Etant donné que Fondane fit sa première rencontre avec Nietzsche à travers
la lecture de La Naissance de la tragédie, on n’a certainement pas tort de penser
au „dionysien“. L’esthétique dite idéaliste signifie donc le triomphe de l’Esprit sur
l’art. Chez le jeune Nietzsche, on peut trouver la critique d’une dépravation de
l’apollonien dans une civilisation qui s’éloigne de la grandeur de l’homme hellénique assumant le choc du dionysien, une dépravation de l’apollonien qui finit par
confiner l’homme ‘civilisé’ dans une fausse ontologie où domine la Raison – et qui,
en esthétique, s’exprime par le principe d’imitation. Ceci dit, il faut constater avec
Fondane un tournant décisif dans le développement des arts au moment de
l’avènement d’un nouveau moyen de reproduction: „Or, il nous le faut avouer, la
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stricte servile copie de la réalité intelligible, outre qu’elle ne sévit que dans une
stricte petite mesure (la photographie elle-même, qui servait presque exclusivement à désigner cet art-imitation, s’en est, en cinquante ans d’existence, progressivement délivrée) ne tient qu’une minime place dans notre histoire de l’art et ne
jouit que d’une piètre estime“.21
En parlant de „la réalité primitive“, il s’appuie sur l’ethnologue Lévy-Bruhl dont la
pensée ne fut pas seulement la source d’inspiration pour le Faux Traité d’esthétique, mais aussi pour une nouvelle théorie de la connaissance qui cherche à
s’affranchir du principe de contradiction en tant que fondement de la pensée occidentale. Dans son article Lévy-Bruhl et la métaphysique de la connaissance de
1940, Fondane apprécie en Lévy-Bruhl d’avoir su surmonter les „sombres limites“
de sa science et, sans le vouloir vraiment, „modifier profondément la conception
que la philosophie, tant antique que moderne, se faisait des rapports qui existent
entre la connaissance et l’être“.22 En renversant, par sa découverte du monde
mental des primitifs, l’apriori de la „théorie des connaissances“, l’ethnologue rejoint
dans la radicalité de sa démarche Rimbaud, cet autre philosophe-métaphysicien
malgré lui: „Nul [en parlant de Lévy-Bruhl] n’aurait osé mettre en doute l’axiome
fondamental qui veut qu’à la raison seule (c’est-à-dire l’intelligente, astreinte par
elle-même à un certain nombre de lois immuables dont le principe de contradiction) appartiennent exclusivement, et de plein droit, non seulement la vérité mais
aussi l’être: ordo et connexio idearum, idem est, ac ordo et connexio rerum. Ou
bien, dans la traduction hégélienne: Was wirklich ist, ist vernüftig“.23
Ainsi, Fondane découvre, grâce à Lévy-Bruhl, la loi de participation que ce dernier, dans son étude Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, décrit
comme la structure même de la pensée dite prélogique des ‘primitifs’: „En l’appelant prélogique, je veux dire qu’elle ne s’astreint pas avant tout, comme notre pensée, à s’abstenir de la contradiction. Elle obéit d’abord à la loi de participation.
Ainsi orientée, elle ne se complaît pas gratuitement dans la contradiction (ce qui la
rendrait régulièrement absurde pour nous) mais elle ne songe pas non plus à
l’éviter. Elle y est, le plus souvent, indifférente“.24 Ce passage est cité par Fondane
qui en souligne la conséquence radicale pour une pensée qui doit faire face au
mislogos puisque la pensée de participation des primitifs dévoile une forme de
connaissance qu’il faut désormais assumer: „Jamais les droits de la connaissance,
jamais ceux de l’éthique n’ont été plus radicalement affirmés, sans égard pour les
conséquences, que par un Nietzsche, un Kierkegaard ou un Plotin; mais jamais
aussi personne n’a osé aller plus loin qu’eux dans la proclamation des pouvoirs de
l’Absurde. Mais il arrive aussi, et c’est le cas de Lévy-Bruhl – comme c’était en partie le cas de Freud, qui était rationaliste sans être un philosophe – qu’une conscience claire ne se saisisse pas de l’événement“.25
Fondane poursuivra jusqu’à la fin cette quête d’une philosophie tournée vers
l’irrationnel et vers l’affectivité; au cours de sa quête il y aura encore des rendezvous intellectuels manqués. Avec Stéphane Lupasco, par exemple, qui cherche
une logique de la contradiction. Négligeant l’affectivité, ce physicien philosophe ne
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va pas jusqu’au bout de sa pensée mais tombe dans le même piège que la „nouvelle génération existentielle“ autour de Sartre et de Camus. Ainsi, Fondane
conclut dans son fragment sur Lupasco (L’Etre et la connaissance): „[…] l’Etre
s’est, hélas encore une fois évanoui car l’esprit humain ne fait précisément que la
seule chose qui lui est révélée infailliblement“.26
Fondane part donc d’un dualisme irréductible entre la pensée discursive et la
pensée de participation. Seule à travers cette dernière, l’homme retrouve le chemin du sacré. En revanche, Fondane ne cherche pas un retour à un état antérieur,
à savoir primitif, mais les affinités électives entre les primitifs et „ce non-être, que
chantent les modernes“.27 Ces affinités se font tout d’abord ressentir à travers
l’art. Ainsi, on peut lire dans le Faux Traité d’esthétique: „Le courant esthétique
passe de la réalité des primitifs dans la non-réalité des modernes, sans solution de
continuité, sans brisure; le réalisme des primitifs et la ‘fiction’ des modernes ont un
point de commun: ils fraternisent; une sculpture nègre se situe dans le même ordre de qualité qu’une toile, je ne dis pas même de Picasso, mais de Brueghel ou
de Jérôme Bosch. Nul point de contact, par contre, entre les deux ‘réalismes’; le
courant tourne court“.28
Son esthétique de participation tient donc compte du fait que l’art est entré dans
– pour le dire avec Walter Benjamin – „l’époque de sa reproduction mécanisée“,
mais les œuvres doivent désormais, à travers les innovations technologique, développer leurs propres langages, comme c’est le cas pour la photographie et notamment pour le cinéma vers lequel se tournera Fondane – tout en s’affranchissant du
principe d’imitation. Par ailleurs, le premier livre de Fondane publié en langue française – accompagné de deux photos de Man Ray – porte le titre Trois Scenarii:
ciné-poèmes (1928).29 Or, la dualité irrémissible de la pensée de participation et
de la Raison constatée par Fondane rappelle encore les deux pulsions agissant
selon Nietzsche dans l’art: le dionysien et l’apollonien, avec cette différence pourtant que, pour Fondane, la participation est le but ultime de l’art – et d’une vie tournée, dans sa singularité, vers le sacré, et que la Raison doit être ‘appliquée’ exclusivement au domaine du pratique et point à celui de la métaphysique qui la transforme en idéologie.
Deux années après la publication des Trois Scénarii, il aura ses premiers
contacts avec la pratique de l’art cinématographique: au printemps 1930, Fondane
– qui, en Roumanie, a commencé comme homme de théâtre30 – entre aux studios
Paramount à Joinville-le-Pont comme assistant-metteur en scène et scénariste.
Son entrée définitive dans le monde du cinéma aura lieu en 1934 en Suisse avec
la production de Rapt, une adaptation du roman La Séparation des races de Ramuz réalisée par Dimitri Kirsanoff et pour laquelle il rédigera le scénario. Ce film
accompagné de la musique d’Arthur Honegger et d’Arthur Hoérée compte aujourd’hui parmi les chefs-d’œuvre du cinéma suisse. Introuvable, en revanche,
reste Tararira, ce film musical d’inspiration Dada que Fondane réalisera deux années plus tard en Argentine et qui sera sa dernière œuvre cinématographique. En
outre, il est l’auteur de plusieurs essais importants sur le cinéma.31 L’esthétique de
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participation n’est point en contradiction avec son intérêt pour le cinéma, notamment pour un cinéma défini à partir des principes qui lui sont propres. Et il aurait
certainement souscrit à Elie Faure constatant cette étonnante coïncidence que le
cinématographe et la découverte des arts dits primitifs venaient en même temps
„bouleverser nos notions esthétiques les plus arrêtées, et par suite éveiller le doute
dans nos âmes et l’angoisse dans nos cœurs“.32
*
Face à une situation „qui semble nous situer au plein milieu de l’Apocalypse de
Jean“,33 Fondane s’en prend à une philosophie de l’Histoire cherchant à sceller le
triomphe de la Raison: „Une telle vue, écrit-il dans son article L’Homme devant
l’histoire de 1939, est à l’origine des maux les plus importants qui affligent le
monde moderne“,34 Par ce constat, il anticipe, en quelque sorte, La Dialectique de
la Raison de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, texte fondateur de l’Ecole
de Francfort qu’il dépasse pourtant en lucidité: „Vous voyez bien que, aussi ‘barbare’ qu’il soit, M. Hitler est non seulement raisonnable, mais qu’il est la Raison
même enfin sincère, cette raison qui, bien avant le dictateur allemand, avait été
gênée que le Christ fût mort ‘en pleurnichant’ et qui fut si heureuse lorsque Jean
[19, 16-30] s’avisa de le faire mourir noblement, en le faisant crier à l’instar de Planetta: ‘Heil Jéhova! Tout est accompli!’“.35 Face à cette situation, il faut se révolter,
il faut se défendre, mais point au nom d’une idée puisque l’Idée a engendré
l’abjection du national-socialisme. Ainsi, L’Homme devant l’Histoire finit sur la critique d’une modernité tournée exclusivement vers le progrès scientifique où
l’homme demande à la physique de répondre aux questions existentielles: „Celui
qui a besoin de ces réponses, et coûte que coûte (ne s’inclinant pas devant
l’inévitable), continuera à les exiger et dût-on les lui donner sous des espèces auxquelles sa raison d’homme répugne; mais quand il a échoué partout, ce n’est plus
à l’homme de poser des conditions“.36 Ce sont les paroles d’un irrésigné face au
gouffre que la modernité ne cesse de creuser!
A la manière de Walter Benjamin, Fondane se sert de Charles Baudelaire afin
d’illustrer cette modernité dévastatrice (cf. la contribution d’I. Pop-Cureu). En
revanche, il ne partage pas le matérialisme dialectique du philosophe allemand –
tout en partageant le même espoir. Dans son livre Baudelaire et l’expérience du
gouffre,37 c’est à travers Kafka que devient sensible l’unique espoir de l’irrésigné:
l’espoir messianique (Cf. la contribution de J. David).38 Et c’est à Kafka que Fondane empruntera la devise – citée au début de cette introduction – pour Le Lundi
existentiel et le Dimanche de l’Histoire.
Malgré la reprise des thèmes récurrents d’une pensée profondément ancrée
dans le judaïsme, ce texte surprenant n’est point le testament philosophique d’une
victime de la Shoah, mais il propose une défense et illustration de la pensée existentielle contre toute philosophia perennis et universalis. Or, l’homme cherche – tel
est son paradoxe – à se soumettre à ce qui est non seulement fait pour lui, mais
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aussi créé ou établi par lui-même. C’est par la bouche de l’évangéliste Marc – cité
également par Fondane – que Jésus nous a mis en garde: Sabbatum propter
hominem factum est et non homo propter Sabbatum (Marc, II. 27).39 Il devrait en
être de même pour ce Dimanche appelé chez Fondane „Histoire“, mais l’Histoire
impose son ‘sens’ à l’espèce humaine – qui, au nom de la Raison, ne cesse de
tisser son propre linceul.
Selon Fondane, la pensée dans la tradition hégélienne cherche à soumettre le
particulier au général ou à l’universel que l’Esprit est censé incarner. Par conséquent, l’idéalisme arrive à calmer cette insécurité qui émane du particulier et de sa
finitude pour aboutir à une „apologie de la guerre“. Ainsi parlait Hegel:
Dans les chaires, on entend souvent parler de l’insécurité, de la vanité, de
l’inconstance des choses temporelles: mais chacun pense, si ému soit-il, qu’il conservera ce qui est le sien. Que cette insécurité apparaisse réellement sous la forme des
hussards sabre au clair et que tout cela cesse d’être une plaisanterie, alors ces même
gens édifiés et émus, qui avaient tout prédit, se mettent à maudire les conquérants.
Néanmoins, les guerres ont lieu quand elles sont nécessaires; puis les récoltes poussent à nouveau et les bavardages se taisent devant le sérieux de l’Histoire.40
La philosophie de l’existence dans le sillon de Heidegger affirme le pouvoir magique, la Zauberkraft (terme repris en allemand par Fondane),41 du néant assurant
le sérieux de l’Histoire par le fait de constater „qu’il y a une faute dans l’être“ (cf. cidessus) – tout en renonçant à questionner cette faute: sous la plume de la „nouvelle génération existentielle“, l’angoisse et le néant ne sont que des ‘mythes’, des
concepts. Il en est de même avec l’absurde puisque, constate Fondane, „l’Absurde
[à savoir l’Absurde de Kierkegaard et de Chestov] n’est pas en deçà, mais au-delà
de la Raison“ (cf. la contribution de D. tefnescu). En revanche, dans l’angoisse
– telle qu’elle a été démontrée par Kierkegaard – la Zauberkraft a perdu sa puissance. Il s’ensuit le constat de Fondane que „si l’angoisse en effet précède la logique, l’existant précède donc l’existence et le singulier le général“.42 Il ne reste
donc que la voix que le poète lève devant l’Histoire (cf. la contribution de G. Vanhese): Ulysse exprime l’errance de l’espèce humaine (cf. la contribution d’I. Pop) et
Titanic forge le symbole de l’échec de l’humanisme (cf. la contribution de C.
Oszi).43
La philosophie existentielle en tant que philosophie ou pensée de participation
signifie le refus de toute expérience au second degré afin de faire valoir le singulier
et ainsi l’homme. Tournée vers l’expérience du sacré faite à travers l’art, cette philosophie se révèle comme une philosophie de l’exception dès qu’elle s’ouvre entièrement au réel. L’évènement ultime vers lequel elle aspire est désigné par la
phrase énigmatique de Kafka: „Tu es réservé pour un grand Lundi!“. C’est la voix
étrange du grand Lundi qui se lève en nous et qui menace le Dimanche d’une Histoire anxieuse de voir s’effondrer son sérieux. Partout où se lève cette voix, partout
où l’on l’écoute pour se révolter, le Dimanche fait appel aux „hussards sabre au
clair“ pour éviter la rupture du pouvoir magique: „Bien parlé! Mais le Dimanche ne
finira jamais“. La parabole du grand Lundi et du Dimanche de l’Histoire renvoie au
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moment messianique qui, en revanche, est situé en dehors de l’Histoire – pour
abolir cette douloureuse séparation exprimée par le décalage du dernier vers de la
„Préface en prose“ (Exode. Super Flumina Babylonis) par rapport au ‘corps’ du
texte – évoquant une fois de plus ce Mal des fantômes (titre d’un autre cycle de
poèmes) qui règne sur la poésie de Fondane:
Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n’est
qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j’étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j’avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,
un visage d’homme, tout simplement!44
Postscriptum
La Société d’étude Benjamin Fondane (SEBF) est une association (loi 1901) fondée en 1997.
Depuis sa création, elle publie d’abord à Jérusalem, puis à Tel Aviv (Israël), sous la direction de
Monique Jutrin, les Cahiers Benjamin Fondane (précédés par Les Bulletins de la Société d’études
Benjamin Fondane, de 1994 à 1996; l’association étant encore informelle). Il s’agit d’une revue
annuelle dont chaque numéro est conçu comme cahier thématique autour de l’œuvre de
Benjamin Fondane. Les différents numéros des Cahiers Benjamin Fondane sont présentés sur le
site de la SEFB qui offre également une chronologie détaillée ainsi qu’une bibliographie
commentée des œuvres de Benjamin Fondane et des ouvrages qui lui sont consacrés. Aux
monographies et aux nombreux ouvrages collectifs, dont les plus importants sont cités par les
contributeurs au présent numéro de la revue Lendemains, s’ajoutent des numéros thématiques ou
dossiers de plusieurs revues littéraires ou culturelles (liste non exhaustive): Cahiers du Sud, N°
283, 1947; Non Lieu, N° 2-3 1979 (dir.: Michel Carassou, Paris); Europe, no 827, mars 1998 (dir.:
Monique Jutrin, Tel Aviv); Cardozo Studies in Law and Literature, vol.6 no1, 1994 (dir.: Eric
Freedman, Orléans / New York); Euresis, 1999-2000 (dir.: Mircea Martin, Bucarest); Acanthe (dir.:
Jad Hatem. Beyrouth, Université de Saint-Joseph), 2002; Seine et Danube, 2004 (dir.: Mircea
Martin, Bucarest); Altermed. La Méditerranée autrement 3, décembre 2009, 134-152 (Paris, Editions Non Lieu); Euresis, 2009 (dir.: Mircea Martin, Bucarest); Humanitas. Rivista di cultura, 2012
(dir.: Alice Gonzi, Brescia). Pour les écrits de Fondane, Eric Freedman a établi une Bibliographie
des œuvres publiées de Benjamin Fondane: 1912-2008, Paris, Non Lieu / SEBF, 2009. Par
ailleurs, le site de la SEBF permet de consulter un choix d’articles des Cahiers Benjamin Fondane
et des nombreux documents, souvent inédits.
Adresse du site de la Société d’Etudes Benjamin Fondane: benjaminfondane.com
Je remercie Monique et Isi Jutrin ainsi que Tania Bontems-Gabaude pour avoir parcouru d’un
œil attentif les manuscrits.
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Franz Kafka, Tagebücher 1910-1923 (= Gesammelte Werke 3), éd. par Max Brod, Frankfurt, Suhrkamp 1967, Tagebuch 12, 30 octobre 1921.
Benjamin Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, in: Jean Grenier
(dir.): L’Existence, Paris: Gallimard 1945, 25-54. Repr. in: Le Lundi existentiel et le dimanche de l’histoire suivi de La Philosophie vivante, textes réunis et introduits par Michel
Carassou, Paris: Editions du Rocher 1990, 7-68. Les citations par la suite se réfèrent à
l’édition de 1990. Cf. Till R. Kuhnle, „L’insoutenable fardeau de l’être: Benjamin Fondane
devant Sartre et la ‘nouvelle génération existentielle’“, in: Monique Jutrin (dir.), Europe N°
972 – Dossier: Penseurs existentiels des années trente, Paris: avril 2010, 233-254.
Pour la biographie (intellectuelle) de Benjamin Fondane, cf. Monique Jutrin, Benjamin
Fondane ou Le Périple d’Ulysse, Paris, Nizet 1989; Olivier Salazar-Ferrer, Benjamin
Fondane, Paris, Oxus (Les Etrangers de Paris), 2004; Monique Jutrin, Avec Benjamin
Fondane au-delà de l’Histoire, Paris, Parole et Silence, 2011; avec photos et documents:
Patrice Beray et Michel Carassou (éd.), Benjamin Fondane: le voyageur n’a pas fini de
voyager, Paris, Méditerranée 1996; Sophie Nagiscarde (éd.) et Société d’études Benjamin Fondane (réd.), Benjamin Fondane, poète, essayiste, cinéaste et philosophe [Catalogue réalisé à l’occasion de l’exposition „Benjamin Fondane, poète, essayiste, cinéaste et
philosophe. Roumanie, Paris, Auschwitz. 1898-1944“, conçue et réalisée par le Mémorial
de la Shoah et la Société d’études Benjamin Fondane, et présentée à Paris du 14 octobre 2009 au 31 janvier 2010], Paris, Mémorial de la Shoah, 2010.
Pour les lieux où sont conservés des manuscrits de Fondane, cf. la bibliographie dans
Jutrin, Avec Benjamin Fondane au-delà de l’Histoire, op. cit.
Outre sa collaboration à de nombreuses revues, il publie en 1918 Tagaduinta lui Petru
(texte repris dans: Benjamin Fondane, Poèmes d’autrefois. Le reniement de Pierre, traduits du roumain par Odile Serre, Paris, Le temps qu’il fait, 2010 – avec une préface de
Monique Jutrin); en 1922 Imagini Ьi crЮi din FranЮa (Benjamin Fondane, Images et livres
de France, traduits du roumain par Odile Serre, Paris, Paris-Méditerranée, 2001); en
1923 PriveliЬti (Paysages, recueil de poèmes). Cf. aussi B. Fundoianu, Opere I. Poezia
antum, édition critique de Paul Daniel, George Zarafu et Mircea Martin – avec une introduction de Mircea Martin et une postface d’Ion Pop, Bucarest, Art, 2011 (il s’agit du premier volume d’un grand projet d’édition des œuvres complètes de Benjamin Fondane en
roumain; le second volume en voie de parution est une traduction et édition critique de
Baudelaire et l’expérience du gouffre par Ion Pop et Ioan Pop-Cureu, éditeur: Mircea
Martin).
Une première synthèse – loin d’être exhaustive – est proposée dans les actes du colloque de Royaumont de 1998: Moniqu Jutrin (dir.), Rencontres autour de Benjamin Fondane, poète et philosophe, Paris, Parole et Silence, 2002.
A citer comme exemple, un texte écrit en 1919 à la suite d’une projection du film documentaire La vie des Juifs en Palestine, réalisé en 1913 par Noah Sokolovsky: Benjamin
Fondane, „Vision de Palestine“, traduit du roumain par Carmen Oszi, in: Till R. Kuhnle,
Carmen Oszi et Saskia Wiedner: Orient lointain – proche Orient. La présence d’Israël
dans la littérature francophone, Tübingen, Narr (edition lendemains 15), 2011, 11-12. Cf.
aussi la contribution de Carmen Oszi au présent volume.
Monique Jutrin a réuni les textes les plus importants de Benjamin Fondane portant sur le
judaïsme sous le titre Entre Jérusalem et Athènes. Benjamin Fondane à la recherche du
judaïsme, Paris, Parole et Silence, 2009. Les textes de la première partie sont essentiellement des traductions des textes édités par Léon Volovici et Remus Zstroiu : Iudaism i
elenism, Bucarest, Hasefer, 1999.
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Cf. Dominique Guedj, „La lecture de l’œuvre de Lévy-Bruhl par Fondane: accord ou désaccord?, in: Cahiers Benjamin Fondane N° 6, 2003, 56-71; pour la bibliographie commentée des textes de Fondane consacrés à Lucien Lévy-Bruhl cf. id., 59-61.
En 1941, Fondane contribue à un numéro spécial des Cahiers du Sud intitulé Message
actuel de l’Inde avec un examen comparatif de la pensée indienne (hindouiste/bouddhiste) et de la philosophie/métaphysique occidentale. Le texte a été réédité comme livre: Au
seuil de l’Inde, texte édité par Michel Carassou, Paris, Fata Morgana, 1994. Cf. Dominique Guedj, „Au seuil de l’Inde: une pensée autre?“, in: Cahiers Benjamin Fondane, N°
14, 2011, 16-29.
Theodor W. Adorno, Ästhetische Theorie, texte établi par Gretl Adorno et Rolf Tiedemann, Frankfurt a.M. 1973, 26.
Benjamin Fondane, Rimbaud le voyou et l’expérience poétique, édition présentée par
Michel Carassou, Paris, Non Lieu, 2010, 31.
Pour la genèse du texte, cf. Monique Jutrin, „Sur les traces de Rimbaud le voyou“, in:
Cahiers Benjamin Fondane, N° 9, 2006, 7-30.
Id., 235.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Phänomenologie des Geistes (= Werke 3), Frankfurt
a.M., Suhrkamp (stw), 2e éd. 1989, 163; cf. Till R. Kuhnle, „Consciences malheureuses –
ou Hegel à bâtons rompus?”, in: Cahiers Benjamin Fondane, N° 13, 2010, 65-90.
Benjamin Fondane, La Conscience malheureuse, Paris, Plasma, 1979, 255.
Benjamin Fondane, ‘Brancusi’ suivi de ‘Marc Chagall’, avec une postface de Franck
Guyon, Paris, Marguerite Waknine, 2011, 16. En automne 1929 paraît dans Les Cahiers
de l’Etoile cet hommage au sculpteur qui est un ami de Fondane. La première publication
de l’article sur Marc Chagall date de 1934 (Cahiers juifs en avril-mai).
Benjamin Fondane, L’Ecrivain devant la Révolution. Discours non prononcé au Congrès
des Ecrivains de Paris (1935), avec une préface de Louis Janover, Paris, Paris-Méditerranée (Les pieds dans le plat), 1997, 83sq.
Benjamin Fondane, Faux Traité d’esthétique, présenté par Ann Van Sevenant, Paris-Méditerranée, 1998, 95. C’est Fondane qui souligne.
Le livre devait porter le sous-titre „Le poète et le schizophrène“ qui a été rayé par Fondane lui-même sur les épreuves de l’éditeur Denoël. Pour la genèse du texte, cf. Monique Jutrin, „Quelque part dans l’inachevable. Genèse du Faux Traité“, in: Cahiers Benjamin Fondane, N° 10, 2007, 19-27 et l’article de Michael Finkenthal: „Faux Traité
d’esthétique: texte et contexte“, in: id., 28-34.
Id., 97.
Benjamin Fondane, „Lévy-Bruhl et la métaphysique de la connaissance“, in: Revue Philosophique de la France et de l’Etranger, 65e année, 1940, 289-316, 290.
Id., 290sq.
Lucien Lévy-Bruhl, Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, Alcan,
1910, 79. Ajoutons ici les précisions données par Lévy Bruhl au sujet de la loi de la participation: „[…] les représentations collectives des primitifs ne sont pas, comme nos
concepts, le produit d’un travail intellectuel proprement dit. Elles contiennent, à titre de
parties intégrantes, des éléments émotionnels et moteurs, et surtout elles impliquent, au
lieu d’inclusions et exclusions conceptuelles, des participations plus ou moins nettement
définies, mais en général, vivement senties. Pourquoi, par exemple, une image, un portrait sont-ils pour les primitifs une autre chose que pour nous? D’où vient qu’ils leur attribuent les propriétés mystiques dont nous avons eu la preuve plus haut? Evidemment que
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toute image, toute reproduction ‘participe’ à la nature, aux propriétés ou de vie possédée
par le modèle“ (id., 80)
Fondane, „Lévy-Bruhl et la métaphysique de la connaissance“, op. cit., 302.
Benjamin Fondane: L’Etre et la connaissance. Essai sur Lupasco, présenté par Michael
Finkenthal, Paris, Méditerranée 1998, 94. Durant les années de guerre, Fondane travaillait à L’Etre et la connaissance, une étude consacrée à Chestov, Lévy-Bruhl et Lupasco.
Le volume compte parmi les fragments qui ont été publiés après sa mort.
Fondane, Faux Traité d’esthétique, op. cit. 97.
Id., 97sq. Cf. dans ce contexte la comparaison de Fondane avec l’expressionniste allemand Carl Einstein proposée par Liliane Meffre et Olivier Salazar-Ferrer (dir.): Carl Einstein et Benjamin Fondane. Avant-gardes et émigration dans le Paris des années 19201930, Bruxelles et al., Peter Lang (Comparatisme et société 9), 2008. Or, aucune des
contributions n’entreprend une vraie confrontation des différents concepts du primitif.
Benjamin Fondane, Trois scenarii: ciné-poèmes, Bruxelles, Documents internationaux de
l’Esprit Nouveau, 1928; repris dans Benjamin Fondane, Ecrits sur le Cinéma. Le Muet et
le parlant, textes réunis et présentés par Michel Carassou, Olivier Salazar-Ferrer et Ramona Fotiade., Paris: Non lieu / Verdier poche 2007, ainsi que dans Christian Janicot,
Anthologie du cinéma invisible: 100 scénarios pour 100 ans de cinéma, Paris, Jean-Michel Place, 1995.
Actuellement accessibles sont Tagaduinta lui Petru (1918) en traduction française (op.
cit.) et Le Festin de Balthazar (1932), Paris, Arcane 17, 1985. Une édition de l’œuvre
dramatique – avec les inédits – de Fondane est annoncée depuis longtemps. Cf. Les Cahiers Benjamin Fondane, N° 11, 2008 consacrés au théâtre de Fondane.
Cf. Fondane, Ecrits sur le Cinéma. Le Muet et le parlant, op.cit.; Till R. Kuhnle, „Le
royaume du cinéma n’est pas encore de ce monde! Réflexions sur un art industriel“, in:
Dorin tefnescu (dir.): B. Fundoianu i încercarea paradoxului. Pentru o hermeneutic
existenial / B. Fondane et l’épreuve du paradoxe. Pour une herméneutique existentielle,
Bukarest: Eikon, 191-209.
Elie Faure: „Cinéma [1937]“, in: Cinéma, Houilles, Manucius, 2010, 121-149, 122.
Benjamin Fondane, “L’homme devant l’histoire ou le bruit et la fureur“, in: Fondane, Le
Lundi existentiel, op. cit., 123-148, 138; paru pour la première fois dans Les Cahiers du
Sud, XVIII, 1939.
Id., 136.
Id., 143.
Id., 148.
Benjamin Fondane, Baudelaire ou l’expérience du gouffre, Paris Seghers, 1947; actuellement disponible dans certaines librairies: la réédition de Patrice Beray aux éditions Complexe (1994). Malheureusement, cette édition est dépourvue de toute rigueur philologique. Avant 1944 furent publiés deux fragments du même titre dans des revues. Pour la
genèse du texte, cf. Monique Jutrin, „Fondane aux prises avec Baudelaire“, in: Cahiers
Benjamin Fondane, N° 15, 2012, 7-18; Ion Pop, „Les défis d’une édition critique“ [à propos de l’édition roumaine en voie de parution]“, in: id., 19-26; Eric de Lussy, „La réception
de Baudelaire et l’expérience du gouffre (1947-1994)“, in: id., 36-58. Ce numéro des Cahiers Benjamin Fondane contient également les „Principaux passages supprimés par les
éditeurs“ (id., 27-35); il reproduit les fruits des travaux des „Rencontres de Peyresq de
2011“, second colloque entièrement consacré au Baudelaire de Fondane – après celui de
Cosenza en 1999 dont les actes font toujours office d’ouvrage de référence: Monique Ju-
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trin et Gisèle Vanhese, Une Poétique du gouffre, Sur Baudelaire et l’expérience du gouffre de Benjamin Fondane, Rubbettino, 2004.
Cf. Till R. Kuhnle, „Ernst und Revolte. Ein Versuch zum ‚existentiellen Messianismus’“, in:
Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte, XXII, 1998, 107-136.
Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, op. cit., 11sq.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Grundlinien der Philosophie des Rechts (= Werke 7),
Frankfurt a.M., Suhrkamp (stw), 2e éd. 1989, 494. Fondane, „Le Lundi existentiel et le
Dimanche de l’Histoire“, op.cit., 25, cité d’après G. W. F. Hegel, Morceaux choisis, anthologie établie par Henri Levèbre, Paris, Gallimard 1936, 278. C’est Fondane qui souligne.
Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, op.cit., 26, citant Hegel, Phänomenologie des Geistes, op. cit. 36.
Fondane, „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’Histoire“, op.cit., 28.
Ce qu’atteste Jules de Gaultier: „Lettre à Benjamin Fondane“, du 26 mars 1937, in: Cahiers Benjamin Fondane, N° 12, 2009, 33-34, 34.
Benjamin Fondane, Le Mal des fantômes, édition établie par Patrice Beray, Michel Carassou et Monique Jutrin, avec une préface d’Henri Meschonnic, Paris, Verdier poche,
2006, 153. Cette édition contient Ulysse, Le Mal des fantômes, Titanic, L’Exode, et Au
temps du poème. La „Préface en prose“ de 1942 est souvent citée, comme par exemple
dans Robert Ganzo, Cinq poètes assassinés, Saint-Pol-Roux – Max Jacob – Robert
Desnos – Benjamin Fondane – André Chennevière, Paris, Editions de Minuit, 1947, 157-160.
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