CAHIERS D'ÉPISTÉMOLOGIE Publications du Groupe de Recherche en Épistémologie Comparée Directeur: Robert Nadeau Département de philosophie Université du Québec à Montréal Le nominalisme et les modalités Claude Panaccio ième Cahier nº 9710 240 http://www.philo.uqam.ca numéro "S'il devait un jour n'être plus possible pour les observateurs scientifiques de s'entendre au sujet des énoncés de base, cela équivaudrait à l'échec du langage comme moyen de communication universel. Cela équivaudrait à une nouvelle ‘‘Tour de Babel’’, la découverte scientifique s'en trouverait réduite à une absurdité. Dans cette nouvelle Babel le haut édifice de la science tomberait bientôt en ruines." Karl Popper, La Logique de la découverte scientifique, s e c t i o n 2 9 . "But, even if there is agreement about ‘basic’ statements, if there is no agreement whatsoever about how to appraise scientific achievement relative to this ‘empirical basis’, would not the soaring edifice of science equally soon lie in ruins ? No doubt it would." Imre Lakatos, "Popper on Demarcation and Induction", in T h e M e t h o d o l o g y o f S c i e n t i f i c Research Programmes, p . 1 4 5 . Couverture: La Tour de Babel (Bruegel, 1563) Bureau des graphistes de l'UQAM Cette publication, la deux cent quarantième de la série, a été rendue possible grâce à la contribution financière du Fonds pour la Formation de Chercheurs et l’Aide à la Recherche du Québec ainsi que du Programme d’Aide à la Recherche et à la Création de l’UQAM. Tirage: 75 exemplaires Dépôt légal - 4e trimestre 1997 Bibliothèque Nationale du Québec Bibliothèque Nationale du Canada ISSN 0228-7080 ISBN 2-89449-040-2 © 1997 Claude Panaccio 2 LE NOMINALISME ET LES MODALITÉS Claude Panaccio Université du Québec à Trois-Rivières Courrier électronique: [email protected] Ce texte a été présenté au premier colloque de la Société de Philosophie analytique, tenu à Caen du 22 au 24 mai 1997. 3 4 Le nominalisme, au sens où je l’entends, n’admet dans son ontologie que des entités singulières, spatio-temporellement localisables. Contre cette position, le philosophe américain George Bealer a récemment formulé un argument très subtil, que je voudrais examiner ici1. Beaucoup d’autres ont été avancés avant celui-là, certes. Il y a eu, parmi les mieux connus, l’argument de l’indispensabilité des universaux pour les mathématiques de Quine, de Gödel et d’autres, l’argument de l’indispensabilité des universaux pour la sémantique de Church, l’argument de l’indispensabilité des universaux pour la logique et la physique de Putnam, et avant cela encore, l’argument des ressemblances de Russell. L’entreprise de Bealer, amorcée déjà dans un livre remarquable paru en 19822, repose, si je ne m’abuse, sur une insatisfaction de l’auteur à l’endroit de ces argumentations déjà classiques. Celles-ci ont été largement débattues au cours des dernières décennies, elles ont suscité moult réponses et contre-réponses, la séculaire querelle des universaux s’est beaucoup enrichie depuis un demi-siècle et le nominalisme à travers tout cela s’est beaucoup affiné, dans ses analyses logiques en particulier3. Bealer aujourd’hui — qui est l’un des meilleurs défenseurs du platonisme dans la philosophie récente — estime nécessaire de lancer un nouvel assaut, fondé, cette fois, sur la logique modale. Mon intention ici est de discuter cet argument, et seulement celui-là. Je le ferai à partir d’une suggestion que j’ai avancée ailleurs pour l’analyse nominaliste des contextes indirects à l’aide d’un connecteur propositionnel 1 Cf. George Bealer, «Universals», The Journal of Philosophy, 90/1, 1993. pp. 5-32. 2 Cf. G. Bealer, Quality and Concept, Oxford, Clarendon Press, 1982. 3 Je pense aux travaux des Lesniewski, Quine, Goodman, Sellars, Prior, Davidson, Martin, Marcus, Bonevac, Chihara, Eberle, Field, Gochet, Gottlieb, Orenstein, Scheffler et d’autres qui ont tous, à leur façon, enrichi l’arsenal du nominalisme. Pour une courte présentation d’ensemble de la question, je me permets de renvoyer le lecteur à mon article «La question du nominalisme», dans l’Encyclopédie philosophique universelle, vol. I, A. Jacob, dir., Paris, P.U.F., 1989, pp. 566-573. 5 spécial, que j’ai appelé — un peu artificiellement — tantumsi4. J’avais alors émis l’hypothèse que le même type d’analyse pourrait avec profit être généralisé à tous les énoncés modaux et en particulier, donc, à ceux qui recourent aux modalités aléthiques comme ‘il est nécessaire que p’, ‘il est possible que p’, etc. Je voudrais maintenant montrer que cette approche permet de contrer l’argument de Bealer. Je commencerai par exposer l’argument en question (section 1). J’introduirai ensuite le connecteur tantumsi que j’ai proposé pour l’analyse des énoncés de croyance (section 2) et je l’appliquerai à l’analyse des énoncés modaux (section 3). J’essaierai à partir de là de montrer deux choses : comment cette approche neutralise l’argument de Bealer par le rejet d’une de ses prémisses (section 4); et comment elle traite les contre-exemples précis qu’il oppose au nominalisme, ce qui nous amènera à réfléchir, en particulier, sur le phénomène — redoutable — de la quantification de l’extérieur dans les contextes modaux (section 5). 1. L’argument de Bealer Tel que l’auteur le présente, l’argument que je veux discuter repose sur quatre prémisses. Celles-ci étant mises en place, Bealer avance certains énoncés modaux précis dont l’analyse requiert selon lui — étant donné les prémisses — l’admission sans réserve d’universaux ante r e m dans l’ontologie, comme des propriétés en soi, des relations ou des propositions. Bealer entend défendre par là une forme radicale de platonisme et pense réfuter non seulement le nominalisme sous ses diverses formes, mais aussi, du même coup, le réalisme modéré, celui qui soutient que l’existence des universaux dépend d’une façon ou d’une autre de l’existence des êtres singuliers. 4 Cf. C. Panaccio, «Belief-Sentences : Outline of a Nominalistic Approach», dans Québec Studies in the Philosophy of Science. Part II : Biology, Psychology, Cognitive Science and Economics, M. Marion et R.S. Cohen, dir. (Boston Studies in the Philosophy of Science, 178), Dordrecht, Kluwer, 1996, pp. 265-277. 6 Voici donc les quatre prémisses de l’argument, que j’appellerai respectivement P1, P2, P3 et P4. (P1) Les expressions spécifiquement modales comme «est nécessaire», «est probable», «est possible», qui figurent dans des énoncés modaux de forme ‘il est nécessaire que p’, ‘il est possible que p’, etc., sont des prédicats (ou en tout cas quelque chose de très apparenté à des prédicats). La raison — tout à fait correcte à mon avis — que fournit l’auteur à l’appui de cette prémisse est qu’il faut pouvoir former des énoncés généraux quantifiés avec ces expressions-là («est nécessaire», «est possible», etc.) en position de prédicats. On doit, par exemple, tenir pour valide le raisonnement suivant : tout ce qui est nécessaire est vrai tout ce qui est vrai est possible donc : tout ce qui est nécessaire est possible. Or ce raisonnement présente une forme typique reconnue par le calcul des prédicats, dans laquelle, précisément, ce sont les expressions «est nécessaire», «est possible» et «est vrai» qui sont en position de prédicats. (P2) La clause subordonnée de forme ‘que p’ qui figure dans u n énoncé de forme ‘il est nécessaire que p’, ‘il est possible que p’ , etc., est toujours, dans son ensemble, un terme singulier. Pourquoi? Parce que sans cela, on ne pourrait rendre compte, selon Bealer, de certains arguments typiques que nous voulons pouvoir construire à l’aide d’énoncés de ce genre, comme le suivant : tout ce qui est vrai est possible il est vrai que p donc : il est possible que p. 7 Ce raisonnement présente la même forme que l’exemple classique : tout ce qui est humain est mortel Socrate est humain donc : Socrate est mortel, sauf que c’est la clause ‘que p’, prise comme un tout, qui y joue le rôle de terme singulier. (P3) La quantification de l’extérieur est admissible en contexte modal. On doit pouvoir construire, par exemple, des raisonnements comme le suivant : tout ce qui est vrai est possible (∀x) il est vrai que x = x donc : (∀x) il est possible que x = x. Ces trois prémisses relatives à la forme logique étant posées, Bealer tient qu’une seule formulation générale est admissible pour les conditions de vérité des énoncés modaux élémentaires. C’est ce qu’il exprime dans une quatrième prémisse : (P4) Un énoncé modal de forme ‘il est F que p’ est vrai si et seulement si il y a effectivement quelque chose qui est dénoté par le terme singulier ‘que p’ et cette chose appartient à l’extension du prédicat ‘est F’. En d’autres mots : seule une interprétation référentielle de la clause ‘que p’ paraît à Bealer compatible avec ses trois premières prémisses, augmentées de quelques considérations techniques accessoires dont on peut faire ici l’économie. À partir de là, la stratégie de notre auteur est celle des contre-exemples. Il avance à cet effet certains énoncés complexes, mais que nous voudrions certainement tenir pour vrais à moins de rejeter entièrement tout discours modal, et montre sur ces exemples qu’une analyse référentielle de ce type 8 d’énoncés qui soit conforme aux prémisses P1 à P4 ne peut pas être strictement nominaliste. Deux sortes de nominalisme sont distingués dans cette entreprise : celui que j’appellerai «inscriptionnaliste» (token nominalism), qui n’admet comme réalités linguistiques que des occurrences singulières, des tokens; et d’autre part, le nominalisme des types (type nominalism), qui admet les types linguistiques dans l’ontologie, mais pas d’autres universaux. À chacune des deux variantes, Bealer oppose des contre-exemples spécifiques. Je m’en tiendrai ici principalement à sa discussion de l’inscriptionnalisme, qui constitue à mon sens le seul nominalisme conséquent. Les types linguistiques ne sont pas, après tout, des entités singulières spatiotemporellement localisables. Quelle sorte de référents devraient-ils être dénotés par la clause ‘que p’ d’un énoncé de forme ‘il est nécessaire que p’? Bealer ne voit à cette question qu’une seule réponse possible pour le nominalisme inscriptionnaliste : ce qui est dénoté par une telle clause est une occurrence linguistique singulière. L’exigence référentialiste P4 veut qu’un énoncé de forme ‘il est F que p’ soit vrai si et seulement si il existe un x tel que x = [que p] et Fx. Pour l’inscriptionnaliste, ce x doit être de l’ordre des occurrences linguistiques singulières. Considérons maintenant, à la demande de Bealer, un schéma d’énoncé avec deux foncteurs modaux emboîtés, comme : (1) il est nécessaire qu’il soit possible que p. La formulation référentialiste des conditions de vérité devra être dans ce cas: (2) (∃x) (x = [que p] ∧ il est nécessaire que x soit possible). Le x en question, pour l’inscriptionnaliste, doit être une occurrence linguistique, ce qui, jusque là, ne semble pas faire problème. Mais prenons un cas particulier du schéma (1), dans lequel figurerait, conformément à P3, une quantification de l’extérieur, qui ne serait extérieure, cependant, que par rapport à l’un seulement des foncteurs modaux : (3) il est nécessaire que pour tout x, il soit possible que x = x. 9 C’est là un énoncé que l’on voudra certainement admettre comme vrai. La formulation inscriptionnaliste de ses conditions de vérité devrait être, en vertu de ce qu’on a déjà dit : (4) il est nécessaire que pour tout x, il existe une certaine occurrence linguistique y telle que y = [que x = x] ∧ y est possible. Or cela, de quelque façon qu’on le prenne — Bealer en envisage quelquesunes —, requiert selon lui la condition absurde que pour chaque chose possible, il existe effectivement — ou même nécessairement, selon l’interprétation qu’on favorise — une occurrence linguistique de l’énoncé qui dit que cette chose-là est identique à elle-même, ce qui exige, au demeurant, l’existence réelle — voire nécessaire — d’un nom propre pour chaque chose possible. Que cette condition soit satisfaite est « entirely implausible» , commente Bealer, pince-sans-rire (p. 19), «les ressources référentielles du langage sont trop clairsemées» (p. 20)! Le nominalisme inscriptionnaliste est ainsi réfuté. 2. Tantumsi C’est là un très bel argument, dont je ne saurais trop dire s’il est valide ou non tant les détails en sont complexes. Ce que je voudrais montrer, néanmoins, est que sa conclusion est incorrecte et qu’une analyse des contextes modaux à l’aide du connecteur que j’appelle tantumsi permet de rescaper le nominalisme inscriptionnaliste. Il me faut d’abord rappeler comment fonctionne l’analyse avec tantumsi dans le cas des énoncés de croyance. Selon cette analyse, un énoncé de forme : (5) A croit que p peut être représenté de la manière suivante : (6) (∃r) (r est vrai tantumsin p ∧ A croit-vrai r); ou plus simplement : (7) A croit [quelque chose et ce quelque chose est vrai tantumsin] p. Cette dernière formulation, formellement moins précise et que je n’utiliserai plus par la suite, présente à ce stade-ci l’avantage de faire apparaître, 10 graphiquement pour ainsi dire, le trait le plus saillant de l’analyse proposée : le mot «que» dans « A croit que p» y est vu comme l’abréviation d’une expression complexe et logiquement adventice, composée de plusieurs unités différentes ayant chacune des fonctions logiques différentes : «quelque chose et ce quelque chose est vrai tantumsin». Ce genre d’approche s’apparente assez à celle d’Arthur Prior, à ceci près que Prior, lui, pose que le «que» en pareil contexte est un «semi-connecteur»5, alors que je propose plutôt de dire qu’il dissimule deux connecteurs distincts : un connecteur de conjonction et un autre très spécial, tantumsi, affecté d’un indice n (que je caractériserai de façon plus précise dans un instant); plus deux occurrences d’une variable liée et, par-dessus tout, un prédicat de vérité. Je ne reviendrai pas ici sur les raisons détaillées qui me conduisent à cette proposition pour les énoncés de croyance. Mais il me faut caractériser — au moins informellement — le connecteur en question (que je noterai tsi dans les formules). Comme son nom l’indique, c’est une variante — mais une variante très spéciale, on le verra — du «seulement si». Il se distingue d’abord par les règles de formation suivantes, qui régissent la forme canonique des énoncés avec tantumsi et qui, il faut le souligner, ne sont pas purement syntaxiques ou purement formelles : (RF1) le membre de droite d’une expression complexe de forme ‘ tsi n ’ est une phrase fermée quelconque; (RF2) le membre de gauche d’une expression de forme ‘ tsi n ’ a la forme ‘Vr’, où «V» est le prédicat de vérité («est vrai») et «r» est une variable dont les valeurs admissibles sont (normalement) des entités susceptibles d’être vraies ou fausses (c’est-à-dire des occurrences représentationnelles singulières — des tokens — susceptibles d’une valeur de vérité, par exemple des occurrences 5 Cf. Arthur Prior, «Oratio Obliqua», Proceedings of the Aristotelian Society, Suppl. vol. 37, 11 de phrases orales, écrites ou mentales, ou quelque chose d’équivalent sémantiquement); (RF3) la variable qui, en vertu de RF2, figure dans le membre de gauche d’une expression de forme ‘ tsi n ’ est liée par un quantificateur qui a dans sa portée toute l’expression en question. En vertu de ces règles, la forme canonique d’un énoncé tantumsi est donc la suivante : (8) (∃r) (Vr tsi n p). Je laisse ici de côté le cas simple où on aurait une constante au lieu de la variable liée r. Rien ne devrait l’interdire, certes, mais la chose ne peut être qu’exceptionnelle (peu d’occurrences représentationnelles ont un nom propre!) et n’intéresse pas vraiment la présente discussion. Ces règles de formation, je l’ai noté, ont ceci de particulier qu’elles ne sont pas purement syntaxiques. Cela tient à RF2, qui exige la présence dans le membre de gauche d’un certain prédicat bien précis, le prédicat de vérité en l’occurrence. Le connecteur que je propose d’introduire n’est utilisable que dans le voisinage immédiat de ce prédicat-là. Cette limitation dépend à son tour de la condition de vérité générale que je propose pour un énoncé canonique avec tantumsi (condition qui fournit, si l’on veut, le sens du connecteur en question) : (CV) un énoncé de forme ‘(∃r) (Vr tsi n p)’ est vrai si et seulement si il y a au moins une valeur admissible de r qui est équivalente a u degré n à «p» . En vertu de RF1-3, tantumsi est un connecteur asymétrique (une variante de «seulement si» avec une contrainte spéciale sur la composition du membre de gauche), mais la vérité des énoncés formés à l’aide de ce connecteur 1963, pp. 115-126. 12 requiert en vertu de la condition CV une équivalence (à degré variable — je reviendrai sur ce point dans un instant) non pas entre le membre de droite et le membre de gauche (comme ce serait le cas pour un connecteur symétrique), mais entre le membre de droite et une représentation qui n e figure pas dans l’énoncé en question, mais qui est une valeur admissible de la variable qui apparaît dans le membre de gauche (ou la dénotation de la constante si, exceptionnellement, il s’agissait d’une constante plutôt que d’une variable). Ceci peut être utilement visualisé à l’aide du schéma suivant : ‘(∃r) (Vr tsin p)’ équivalence au degré n occurrence représentationnelle singulière appartenant au domaine de «r» On saisira mieux l’intérêt d’un tel connecteur si l’on considère, à titre d’exemple, l’usage que j’en propose pour l’analyse du discours indirect. Selon cette suggestion, un énoncé de forme (9) A dit que p se représente sous la forme suivante : (10) (∃r) (Vr tsi n p ∧ A dit r). L’intuition de base ici est celle de Davidson : le locuteur qui affirme (9) se fait «même-diseur» (samesayer) que celui dont il parle — A dans l’exemple (9) — au moment où il énonce la clause subordonnée ‘ p’ de son rapport indirect6. Cette relation de «même-dire» entre les deux locuteurs ne requiert-elle pas en effet l’existence d’une certaine équivalence sémantique entre une partie de ce que dit le rapporteur (le ‘p’ de l’énoncé (9)) et une occurrence représentationnelle externe au discours du rapporteur (celle qui 6 Cf. Donald Davidson, «Dire que» (1968), dans Enquêtes sur la vérité et l’interprétation, trad. P. Engel, Nîmes, Éd. Jacqueline Chambon, 1993, p. 159. 13 a été produite par A)? La clause ‘p’ en question, néanmoins, est bel et bien utilisée par le locuteur de (9) et non pas seulement mentionnée. Pour l’analyse que je propose comme pour celle de Davidson, les termes constitutifs de la clause subordonnée ‘p’ dans (9) (comme dans (5) d’ailleurs et dans tous les autres énoncés de ce genre) y sont pris avec leur sens et leur dénotation habituels : «tantumsi» est un véritable connecteur propositionnel unissant entre elles deux phrases complètes. Son caractère spécial tient à ce que son usage évoque une certaine relation sémantique — une relation d’équivalence — entre une de ces phrases (le membre de droite) et une tierce occurrence représentationnelle, externe au discours du locuteur (par exemple la phrase prononcée par A). C’est justement pour cette raison que la variable r (ou la constante, le cas échéant) doit être associée, dans le membre de gauche, à un prédicat sémantique (le prédicat de vérité). On verrait mal autrement quelle pertinence il y aurait à évoquer par le biais de « tantumsi» un rapport d’équivalence sémantique entre le membre de droite et la valeur de r 7. Quant au «n» qui figure en souscrit après «tsi» dans les règles RF1-3 et CV, il devrait en principe prendre, dans chaque énoncé particulier formé à l’aide du connecteur en question, une valeur numérique donnée : 1, 2, 3, etc. Cela suppose qu’il y ait différents degrés d’équivalence sémantique possible entre deux représentations, depuis la simple équivalence vérifonctionnelle (disons, dans ce cas, que n = 1) jusqu’aux formes d’isomorphismes aussi contraignantes que l’on voudra, en passant, évidemment, par l’équivalence stricte (l’équivalence de valeurs de vérité dans tous les mondes possibles). Tantumsi présente la particularité d’être un connecteur indexical : la valeur numérique du souscrit n est déterminée d’une façon ou d’une autre par le contexte d’énonciation. Je ne saurais formuler de façon minimalement 7 On peut évidemment envisager une généralisation formelle de «tantumsi», en vertu de laquelle un énoncé de forme ‘(∃x) (Fx tsin p)’ serait vrai si et seulement si il existe au moins une valeur de x qui est F-équivalente au degré n à «p». Par exemple : ‘(∃x) (x est coloré tsi n p)’ serait vrai si et seulement si il y a au moins une valeur de x qui est équivalente 14 précise les règles qui interviennent dans cette détermination, mais aucune analyse sérieuse des contextes indirects ne peut, au bout du compte, faire l’impasse sur ce phénomène tout à fait frappant de variabilité contextuelle. Quand je produis un énoncé de forme ‘A croit que p’ ou ‘A dit que p’, la clause ‘ p’ que je formule alors doit être équivalente à un degré qui est variable selon les contextes à une certaine représentation crue ou proférée par A. Il y a des cas où une très grande précision est requise (un haut degré d’isomorphisme, par exemple, ou l’équivalence d’une grande partie des connotations), et d’autres, au contraire, où l’équivalence des conditions de vérité suffit. Les limites bien connues à la substituabilité des identiques en contexte indirect tiennent justement, selon cette analyse, aux contraintes ainsi imposées par le contexte : dès que n est plus grand que 1 en vertu des exigences du contexte, la substitution d’un terme à un autre qui lui est coextensif dans la clause p ne garantit plus la préservation de la valeur de vérité originale de l’énoncé total de forme ‘(∃r) (Vr tsi n p)’, puisqu’il pourrait alors se faire que la nouvelle clause p’ ainsi obtenue, bien qu’elle soit vérifonctionnellement équivalente à p, ne soit plus équivalente au degré requis par le contexte aux occurrences représentationnelles extérieures qui sont les valeurs pertinentes de r. L’analyse avec tantumsi requiert donc idéalement, on le voit, une théorie de l’éventail des équivalences sémantiques possibles, et même, préférence, une énumération ordonnée de ces diverses de formes d’équivalences. Encore un point que je ne discuterai pas plus avant ici. L’application d’une analyse de ce genre aux énoncés de croyance ne fournit, soulignons-le, aucune explication de la relation de croyance ellemême, mais tout au plus une représentation de la forme logique qu’on peut attribuer à de tels énoncés dans le cadre d’une reconstruction philosophique. Et la même chose, évidemment, peut être dite au sujet des autres sortes d’énoncés que l’on voudrait soumettre à des reformulations analogues avec en couleur (au degré n) à l’occurrence de «p» figurant à droite de «tantumsi» dans cette phrase. Mais je n’en vois guère, pour l’instant, l’intérêt pour les questions qui m’occupent. 15 tantumsi, comme les énoncés du discours indirect, les énoncés d’attitudes propositionnelles en général et, comme on le verra, les énoncés impliquant des modalités aléthiques. Dans le cas de la croyance, je me suis simplement permis, dans le passage de (5) à (6) ci-dessus, de remplacer le verbe «croire» qui apparaissait dans (5) (‘A croit que p’) par un nouveau verbe artificiellement construit : «croire-vrai». Ceci pour bien marquer que, quelle que soit la façon exacte dont on le comprenne, le verbe pertinent qui figure dans la formule reconstruite à l’aide de tantumsi diffère syntaxiquement du verbe «croire» de la langue naturelle. Alors que ce dernier admet comme compléments des subordonnées introduites par «que», le nouveau verbe, lui, est un prédicat relationnel ordinaire à deux places. Il marque en fait une relation binaire (dont la nature exacte reste inanalysée) entre certains individus — ceux qui croient — et d’autres, qui, dans le cas précis, sont des occurrences singulières de représentations susceptibles d’être les valeurs admissibles de la variable r dans une formule de forme ‘(∃r) (A croit-vrai r)’. Cela répond à l’exigence inscriptionnaliste. Seule m’importe pour le moment la forme logique qui est compatible avec cette exigence. 3. L’analyse des énoncés modaux Comment cette analyse des énoncés de croyance et du discours indirect se transpose-t-elle à l’analyse des énoncés avec modalités aléthiques de forme ‘il est nécessaire que p’, ‘il est possible que p’, etc.? J’ai brièvement indiqué les grandes lignes de cette généralisation dans l’article «Belief-Sentences…» (1996). Prenons le cas des énoncés de nécessité. Le traitement sera le même, mutadis mutandis, pour les énoncés de possibilité, de contingence ou d’impossibilité. La suggestion est la suivante : (11) il est nécessaire que p s’analysera sous la forme : (12) (∀r) ((Vr tsi n p) → N Vr), où «NV» est le prédicat unaire «nécessairement vrai». 16 Cette reformulation ne fournit aucune explication de ce que c’est pour une occurrence donnée que d’être «nécessairement vraie», pas plus que notre analyse des énoncés de croyance ne fournissait une explication de ce que c’est que croire-vrai, mais elle propose pour les énoncés modaux une forme logique compatible avec les exigences du nominalisme. Si je préfère utiliser ici l’expression «nécessairement vrai» plutôt que le terme ordinaire «nécessaire», c’est pour souligner qu’on parle ici d’une modalité aléthique, et non pas, par exemple, d’une existence nécessaire. Quelle que soit l’interprétation exacte qu’on donne au prédicat «nécessairement vrai», il ne faut pas le confondre en tout cas avec «nécessairement existant». Dire d’une occurrence de «2 + 2 = 4» qu’elle est nécessairement vraie n’implique pas du tout qu’elle soit nécessairement existante! Le point le plus important à noter dans la transformation de (11) en (12) est que cette dernière formule utilise la quantification universelle, plutôt que la quantification existentielle comme on le faisait pour l’analyse des énoncés de croyance (la reformulation de (5) sous la forme (6)) ou celle des énoncés du discours indirect (la reformulation de (9) sous la forme (10)). Dans ces derniers cas, en effet, on voulait évoquer une ou plusieurs occurrences représentationnelles effectivement entretenues ou proférées par l’agent dont on voulait parler. Mais quand on pose qu’il est nécessaire que p, on n’entend pas évoquer l’une ou l’autre occurrence représentationnelle en particulier. On veut dire, selon l’analyse que je propose, que toutes les occurrences représentationnelles qui sont équivalentes (au degré voulu) à « p» sont nécessairement vraies. On pourrait, cependant, s’inquiéter de ce que la reformulation (12) n’aboutisse, dans ces conditions, à un résultat tout à fait curieux et certainement indésirable. L’utilisation du quantificateur universel dans un énoncé de forme conditionnelle — comme c’est le cas ici — présente certes l’avantage d’éviter l’engagement ontologique présumément, le quantificateur existentiel. que véhiculerait, D’un point de vue purement logique, la formulation (12) pourrait être vraie, semble-t-il, même s’il n’existait en réalité aucune valeur de r qui en rendrait l’antécédent vrai, ce 17 qui paraît un bon point pour qui veut répondre à quelqu’un comme Bealer qui associe aux énoncés modaux d’énormes engagements ontologiques incompatibles avec le nominalisme. Mais n’aboutirons-nous pas ainsi au résultat malencontreux que tout énoncé p pour lequel il n’existe de facto aucune occurrence r qui satisfasse l’antécédent de (12) doive être dit nécessairement vrai? Dans ce cas, en effet, (12) ne serait-il pas trivialement vrai, puisque son antécédent est faux pour toute valeur de «r» ? La réponse à cette difficulté est double. D’abord rien ne nous force à lire le connecteur «→» dans (12) comme représentant l’implication matérielle, ce qui paraît présupposé par l’objection. La seconde considération, cependant, est plus amusante : toute occurrence d’un énoncé ayant la forme (12) fournit elle-même — en son propre sein, pour ainsi dire — une occurrence représentationnelle qui est équivalente au plus haut degré possible à l’énoncé p qui figure dans le membre de droite de son antécédent, et c’est cette occurrence de « p» elle-même! linguistique ayant la forme (12) se trouve Dès qu’une occurrence posée, on est ainsi automatiquement assuré qu’il existe de facto au moins une valeur de r pour laquelle l’antécédent en est vrai, quelle que soit la valeur numérique du souscrit n… 4. Retour à Bealer Comment donc cette analyse avec tantumsi permet-elle de contrer l’argument antinominaliste de George Bealer qu’on a exposé ci-dessus? La réponse est très simple : l’analyse en question implique le rejet de la deuxième prémisse de l’argument — la prémisse P2 — selon laquelle l’expression «que p» dans une tournure de forme «il est F que p» est sémantiquement un terme singulier, et par voie de conséquence, le rejet également de la prémisse P4 — qui, dans la formulation qu’en donne Bealer, dépend crucialement de P2 — selon laquelle les conditions de vérité d’un énoncé modal canonique requièrent que le terme singulier «que p» y dénote effectivement quelque entité. Dans l’analyse proposée ici, non seulement l’expression «que p» n’est pas un terme singulier dénotant, mais ce n’est 18 pas un terme du tout. Le «p» y est une phrase fermée ordinaire, alors que le «que» apparaît comme une capsule abréviative dissimulant sur le plan logique toute une suite disparate d’éléments distincts, qui de fait vont très souvent ensemble dans le discours, et en particulier dans tous les contextes modaux au sens large (y inclus les contextes indirects). Et si la séquence «que p» n’est pas un terme singulier, l’argument de Bealer est compromis. Certes, l’analyse avec tantumsi recourt, dans la grande majorité des cas, à une variable liée par un quantificateur objectuel, dont les valeurs sont des inscriptions représentationnelles singulières, des tokens. C’est la variable « r» de la formule (12) ci-dessus. Mais, comme on l’a observé, cette variable dans (12) apparaît dans une proposition de forme conditionnelle, où elle se trouve liée par un quantificateur universel. Il s’ensuit que la vérité d’un énoncé de forme ‘il est nécessaire que p’, ‘il est possible que p’, etc., ainsi analysé, n’entraîne aucun engagement ontologique, pas même à l’endroit des occurrences singulières qui pourraient être les valeurs de la variable r. On évite ainsi la conséquence désastreuse que Bealer tirait du nominalisme inscriptionnaliste, selon laquelle il devrait exister dans le monde réel une expression linguistique distincte pour chaque objet possible. L’argument de Bealer à l’appui de P2 se trouve neutralisé, parce que le genre d’inférence qu’il veut sauver par l’exigence que la clause «que p» soit un terme singulier, est reconnu valide sans aucun problème par l’analyse avec tantumsi. L’exemple qu’il donnait, souvenons-nous, était le suivant : tout ce qui est vrai est possible il est vrai que p donc : il est possible que p, dont il pense qu’on n’en peut sauvegarder la validité qu’en le ramenant au modèle bien connu : tout ce qui est humain est mortel Socrate est humain donc : Socrate est mortel. 19 Or, dans l’analyse inscriptionnaliste avec tantumsi, l’inférence en question est représentée de la façon suivante (j’utilise «V» pour le prédicat de vérité et «PV» pour «possiblement vrai») : (∀r) (Vr → PVr) (∀r) ((Vr tsi n p) → Vr) (∀r) ((Vr tsi n p) → PVr) donc : Le lecteur vérifiera facilement par lui-même qu’étant donné la caractérisation de tantumsi fournie ci-dessus à la section 2, cette inférence est bel et bien valide. Notez, par ailleurs, que la prémisse P1 de Bealer peut être acceptée sans réserve. Dans l’analyse avec tantumsi, les expressions spécifiquement modales («nécessaire», «possible», etc.) sont effectivement représentées par des prédicats («nécessairement vrai», «possiblement vrai», etc.), ainsi que le requiert cette prémisse. Quant à la prémisse P3, qui exige l’admissibilité de la quantification de l’extérieur en contexte modal, on l’acceptera également, bien qu’elle soit notoirement plus problématique. J’y reviendrai dans un instant. Notez également que l’analyse avec tantumsi satisfait à une autre contrainte très importante proposée par Bealer, et dont je n’ai pas parlé jusqu’ici. C’est la contrainte d ’analyse unifiée, selon laquelle il est souhaitable, si on le peut, de fournir une théorie unifiée pour tous les contextes modaux au sens large, qu’il s’agisse de modalités épistémiques (‘A croit que p’, ‘A espère que p’, etc.), illocutionnaires (‘A affirme que p’ , ‘ A ordonne que p’, etc.), aléthiques (‘il est nécessaire que p’, ‘il est possible que p’, etc.) ou autres8. 8 Cf. G. Bealer, «Universals», p. 6 : «The argument emphasizes the need for a unified treatment of intensional statements — modal statements as well as statements of assertion and belief. Some nominalists, conceptualists, and in re realists have tended to neglect this point». 20 5. L’analyse des contre-exemples et la quantification de l’extérieur Il reste à voir comment l’analyse avec tantumsi traite les contreexemples précis que Bealer oppose au nominalisme. Contre l’inscriptionnalisme, il invoque, rappelons-le, l’énoncé suivant, que l’on veut certainement considérer comme vrai : (3) il est nécessaire que pour tout x, il soit possible que x = x. Contre le nominalisme des types, il pense devoir recourir à un énoncé plus complexe, mais non moins indubitable : (13) pour tout x, il est nécessaire que pour tout y, soit il est possible que x = y, soit il est impossible que x = y. Une première caractéristique de ce genre de cas est que les énoncés en question contiennent deux foncteurs modaux emboîtés. En lui-même ce trait ne pose pas de problème spécialement difficile pour notre analyse. Soit un énoncé de forme : (14) il est nécessaire qu’il soit possible que p. Cela devient dans un premier temps : (15) (∀r) ((Vr tsi n il est possible que p) → NVr) Et si le degré n n’est pas trop fort — c’est-à-dire s’il ne requiert pas u n isomorphisme avec ‘il est possible que p’, mais seulement une équivalence stricte —, la clause intérieure de forme ‘il est possible que p’ peut à son tour être soumise au même type de reformulation. Ce qui donnera au total : (16) (∀r) ((Vr tsi n (∀r′) ((Vr′ tsin¢ p) → PVr′)) → NVr). So far so good! Il y a cependant dans les contre-exemples de Bealer une seconde caractéristique plus intéressante. C’est que par rapport à l’un des foncteurs modaux au moins, nous avons affaire à une quantification de l’extérieur. Or la quantification de l’extérieur en contexte modal est un phénomène notoirement troublant, dont je n’ai guère parlé jusqu’ici dans le présent 21 exposé9. Les règles de formation RF1-3 et la condition de vérité CV avancées ci-dessus ne concernent que ce que j’ai appelé la forme canonique des énoncés avec tantumsi. Or justement, cette forme canonique ainsi caractérisée ne fait jamais appel à une quantification de l’extérieur liant une variable localisée dans la clause ‘p’ qui constitue le membre de droite des formules avec tantumsi. Si nous voulons faire place à la quantification de l’extérieur en contexte modal — ce qui, conformément à la prémisse P3 de Bealer, paraît en effet souhaitable —, il nous faut donc ajouter à ce sujet une règle de formation, qui rende intelligible le rapport des nouvelles formules ainsi obtenues avec celles qui présentent la forme canonique prévue par RF1-3. La voie la plus naturelle, étant donné la caractérisation déjà fournie pour les phrases avec tantumsi, est de recourir ici à la quantification substitutionnelle. Ce n’est pas essentiellement une question d’économie ontologique en l’occurrence, mais d’intelligibilité. Si on admettait des formules comme : (17) (∃r) (∃x) (Vr tsi n Fx), on ne comprendrait pas très bien ce que veut dire tantumsi maintenant et quel est son rapport dans ce genre de contexte avec le sens qu’on lui a reconnu ci-dessus par le biais de CV. Considérons, par contre, l’énoncé suivant avec la quantification substitutionnelle (j’adopte ici la convention proposée par Kripke en notant le quantificateur substitutionnel au moyen d’une majuscule grecque et la variable correspondante par un «x» qui n’est pas en italique)10 : 9 La piste que j’envisageais dans «Belief-Sentences…» pour le traitement de l a quantification de l’extérieur (pp. 272-3) me paraît aujourd’hui insatisfaisante. Elle requérait l’introduction d’une règle spéciale de généralisation existentielle qui supposait que toute quantification de l’extérieur en contexte modal soit obtenue à partir d’un énoncé modal sans quantification extérieure, ce qui est une contrainte trop forte pour l’inscriptionnalisme. Qui plus est, elle nécessitait une distinction, que je n’avais pas thématisée, entre des occurrences d’un terme donné qui sont «directement référentielles» et d’autres qui ne le sont pas. 10 Cf. Saul Kripke, «Is There a Problem about Substitutional Quantification?», dans Truth and Meaning, G. Evans et J. McDowell, dir., Oxford, Clarendon Press, 1976, pp. 325-419. 22 (18) (∃r) (∑x) (Vr tsi n Fx). En regard de la condition CV, cela paraît très clair. Ça veut dire qu’il existe une représentation r (le premier quantificateur, lui, n’est pas substitutionnel) qui est équivalente au degré n à une certaine phrase fermée de forme ‘Fa’ (où «a» est une constante substituable à «x» dans la phrase ouverte «Fx». «Tantumsi» conserve ici la même signification générale que dans les autres cas. Je propose donc le principe suivant, qui permet une extension des énoncés avectantumsi au-delà de la seule forme canonique prévue par RF1-3: (RF4) la quantification substitutionnelle est admissible pour lier de l’extérieur une variable figurant dans le membre de droite d’un énoncé avec tantumsi. Il est à noter que le recours à la quantification substitutionnelle ne véhicule aucun engagement ontologique fort en faveur de l’existence réelle des occurrences linguistiques substituables à la variable «x» : le quantificateur substitutionnel, après tout, n’est pas un quantificateur objectuel à caractère métalinguistique11. On a parfois l’impression très nette, bien sûr, que la quantification de l’extérieur dans certains contextes modaux ou épistémiques évoque bel et bien des objets réels du monde. Prenons par exemple : (19) il y a quelqu’un dont Marie pense que c’est un espion. Le locuteur qui énonce (19) ne peut-il pas vouloir dire qu’il existe effectivement une personne réelle dont Marie pense que c’est un espion? C’est justement pour aménager l’espace de telles interprétations que les philosophes, fréquemment, parlent de modalités de re. Toute approche qui exclurait de telles lectures par simple décret serait certainement lacunaire. Heureusement, ce n’est pas le cas de celle que je propose. L’intuition qu’il y 11 Cf. Alex Orenstein, Existence and the Particular Quantifier, Philadelphie, Temple University Press, 1978, en particulier pp. 34-5. Voir aussi Ruth Barcan Marcus, «Nominalism and the Substitutional Quantifier» (1978), dans Modalities. Philosophical Essays, Oxford, Oxford University Press, 1993, pp. 111-124. 23 a des modalités de re peut à peu de frais y être accommodée au moyen d’une représentation légèrement plus complexe qui combine la quantification objectuelle avec la quantification substitutionnelle. L’énoncé (19), ainsi interprété, s’analyserait comme suit : (20) (∃r) (∃x) (∑x) (x = x ∧ (Vr tsi n x est un espion ∧ Marie croit-vrai r)). On conserve ainsi, par la première clause de la conjonction entre parenthèses, l’impact existentiel requis par l’interprétation de re, sans pour autant enfreindre la règle que nous nous sommes donnée, selon laquelle seul un quantificateur substitutionnel peut lier de l’extérieur une variable figurant dans le membre de droite d’une clause de forme ‘Vr tsi n ’. On peut de la sorte admettre l’idée qu’il y a parfois dans les énoncés du langage ordinaire une ambiguïté de re / de dicto. Le type de reformulation qu’on envisage ici distingue même au moins trois lectures distinctes d’un énoncé comme : (21) Marie pense que quelqu’un est un espion. Il y a celle qui est représentée sous la forme (20) ci-dessus et qui correspond à l’interprétation de re. Il y a l’interprétation de dicto, qui ne fait appel à aucune quantification de l’extérieur : (22) (∃r) ((Vr tsi n quelqu’un est un espion) ∧ Marie croit-vrai r). Et il y a aussi une tierce interprétation, intermédiaire entre les deux autres, qui se lirait comme suit : (23) (∃r) (∃x) (∑x) ((Vr tsi n x est un espion) ∧ Marie croit-vrai r). Ce dernier énoncé serait vrai, par exemple, si Marie entretenait la croyance que le Père Noël est un espion! Au demeurant, le recours exclusif à la quantification substitutionnelle pour rendre compte de la quantification de l’extérieur en contexte modal présente l’avantage non négligeable d’éviter les problèmes existentiels qui 24 avaient amené Quine à rejeter en bloc la quantification de l’extérieur dans les contextes modaux ou indirects12. Supposons, par exemple, qu’on ait : (24) Albert pense que Cicéron était un grand orateur. Quine craignait qu’en admettant la quantification de l’extérieur dans les contextes indirects, on ne soit forcé d’inférer de (24) : (25) (∃x) (Albert pense que x était un grand orateur ∧ x = Cicéron). Ce qui, puisque Cicéron est identique à Tullius, nous amènerait à accepter : (26) (∃x) (Albert pense que x était un grand orateur ∧ x = Tullius), et par conséquent : (27) Albert pense que Tullius était un grand orateur, ce qui, pourtant, pourrait bien être faux même si (24) était vrai. Or, pour l’approche proposée ici, le problème ne se pose pas du tout de la même façon. (24) y sera représentée comme : (28) (∃r) ((Vr tsi n Cicéron était un grand orateur) ∧ Albert croit-vrai r). D’où l’on peut inférer, certes : (29) (∃r) (∑x) ((Vr tsi n x était un grand orateur) ∧ Albert croit-vrai r), mais guère plus! Le reste de l’inférence maudite est bloqué. Dans ce cas comme dans les autres, les limitations à la substitution des identiques dans le membre de droite de la clause avec tantumsi de l’énoncé (28) tiendront exclusivement à la valeur numérique de n. Cela étant dit, il n’est pas difficile de voir ce que deviennent les contreexemples de Bealer. L’énoncé (3), dont il croit la vérité incompatible avec le nominalisme inscriptionnaliste, prend, dans un premier temps, la forme : (30) (∀r) ((Vr tsi n pour tout x, il est possible que x = x) → N Vr), ce qui se lit ainsi : si une occurrence représentationnelle quelconque est vraie tantumsi (au degré n) pour tout x, il est possible que x = x, alors elle est 12 Cf. W.V.O. Quine, «Reference and Modality», dans From a Logical Point of View, New York, Harper and Row, 1963, pp. 139-159, et «Quantifiers and Propositional Attitudes», dans The Ways of Paradox and Other Essays, Cambridge, Mass., Harvard U.P., 1976, pp. 185196. 25 nécessairement vraie. On ne voit pas qu’un tel énoncé conditionnel entraîne un engagement ontologique inadmissible pour qui que ce soit. Par ailleurs, si n dans (30) n’est pas trop fort — c’est-à-dire n’exige pas ici d’isomorphisme —, on peut réitérer l’analyse pour le membre de droite de la clause avec tantumsi. Mais comme dans ce cas, le quantificateur lie de l’extérieur une variable en contexte modal, on aura recours, conformément à RF4, à un quantificateur substitutionnel, ce qui donnera : (31) (∀r) ((Vr tsin (∀r ) (∏x) ((Vr tsi n′ x = x) → PVr )) → N Vr). Si en outre on veut attribuer une portée objectuelle à la quantification sur x dans (3), comme c’est sans doute l’intention de Bealer, on pourra procéder sur le modèle de ce qu’on a fait en (20) ci-dessus, en écrivant : (32) (∀r) ((Vr tsin (∀r ) ∧ (∀x) (∏x ((x = x (Vr tsin′ x = x)) → P Vr )) → NVr). La vérité de (31) ou celle de (32) ne posent guère plus de problème au nominalisme inscriptionnaliste que celle de (30). Quant à (13), que Bealer oppose au nominalisme des types, le traitement en est à l’avenant, sauf que l’énoncé original étant plus complexe, les formules obtenues par l’analyse avec tantumsi le sont également, mais elles ne soulèvent pas de nouvelles difficultés théoriques. (13) deviendra ainsi dans un premier temps : (33) (∀r) (∏x) ((Vr tsi n (pour tout y, soit il est possible que x = y, soit il est impossible que x = y)) → NVr), et dans un deuxième temps (si la valeur de n n’est pas trop forte) : (34) (∀r) (∏x) ((Vr tsin (∀r ) (∏y) (((Vr tsi n x = y) → P Vr ) ∨ (Vr tsi n x = y)) → ImpVr )) → NVr), que l’on pourrait, comme ci-dessus, enrichir encore par une ou plusieurs clauses objectuelles. Il apparaît de la sorte que le nominalisme, armé de tantumsi, résiste à l’assaut de Bealer. D’une part, il récuse les prémisses P2 et P4, cruciales 26 pour son argument, et d’autre part il permet des analyses ontologiquement inoffensives des contre-exemples invoqués par lui. Resterait à voir de quelle manière et jusqu’à quel point on pourrait développer sur une telle base une logique modale intéressante. 27 Numéros disponibles/Still available (Novembre/November 1997) Jocelyne Couture: Les reconstructions formelles de l'analyticité: logique et méthodologie (No 8510); Jocelyne Couture: Substitutional Quantifiers and Elimination of Classes in Principia Mathematica ( N o 8602); Jean Leroux: Le problème de l'analyticité dans le modèle empiriste standard des théories scientifiques (No 8603); Yvon Gauthier: A theory of local negation: the model and some applications (No 8604); Daniel Laurier: Analyticité, traduction, intentionnalité (No 8605); François Tournier: Le scepticisme économique d'Alexander Rosenberg (No 8606); Daniel Laurier: La langue d'une population: le lien entre la sémantique et la pragmatique (No 8607); Jocelyne Couture: Méta-éthique (No 8609); François Latraverse: Contingence, identité, règles, corps, esprit, etc. Remarques à propos de “Identity and Necessity” de Saul Kripke (No 8610); François Lepage: L'analytique et le synthétique dans la première philosophie de Russell (No 8611); Claude Panaccio: Le nominalisme de Nelson Goodman (No 8612); Jean-Guy Meunier: L'interprétation sémantique chez Montague et Chomsky (No 8702); Michel Seymour: L'expérience de Burge et les contenus de pensée (No 8909); Jean-Guy Meunier: La structure générique des systèmes sémiotiques (No 8911); Daniel Desjardins: Le paradoxe de Newcomb et la solution d'Ellery Eells (No 8913); E.Jennifer Ashworth: La sémantique du XIVe siècle vue à travers cinq traités oxoniens sur les Obligationes (No 8915); Claude Panaccio: Attitudes propositionnelles, sciences humaines et langage de l'action (No 9001); Robert Nadeau: Cassirer et le programme d'une épistémologie comparée: trois critiques (No 9002); Jocelyne Couture: Le molécularisme: logique et sémantique (No 9003); Grzegorz Malinowski: Shades of Many-Valuedness (No 9004); Bernard Walliser: Les processus de généralisation des modèles économiques (No 9010); Claude Panaccio: Solving the Insolubles: Hints from Ockham and Burley (No 9020); David Davies: Perspectives on Intentional Realism (No 9021); Stephen P. Stich: Moral Philosophy and Mental Representation (No 9101); Daniel Mary: La dualité génotype-phénotype en épistémologie évolutionnaire: remarques sur le modèle de David Hull (No 9102); Daniel Vanderveken: What Is a Proposition? (No 9103); Robert Nadeau: Trois images de la science (No 9107); Jean-Pierre Cometti: Pour une poétique des jeux de langage (No 9113); Michel Rosier: Rationalité universelle et raisons singulières (No 9115); Paul Dumouchel: Scrutinizing Science Scrutinized (No 9116); Jacques Carbou: Le Néo-finalisme de Raymond Ruyer (No 9117); Robert Nadeau: Friedman's Methodological Stance and Popper's Situational Logic (No 9118); Jocelyne Couture: Pour une approche légaliste et non réductionniste des droits moraux (No 9120); Jeremy Shearmur: Popper's Political Philosophy: Some Problems (No 9125); Richard Collette: La controverse du calcul socialiste: la question de Ludwig von Mises (No 9202); Lukas K. Sosoe: Henry Sidgwick et le fondement de l'éthique (No 9205); Paisley Livingston: Bratman's Dilemma: Aspects of Dynamic Rationality (No 9209); Paul Dumouchel: Les émotions sociales et la dichotomie affectif/cognitif (No 9210); Michael Hartney: Existe-t-il des droits collectifs? (No 9211); Jérôme Maucourant: Monnaie et calcul économique socialiste: la position de Karl Polanyi (No 9213); Andrea Salanti: Popper, Lakatos and Economics: Are We Begging the Questions? (No 9214); Pierre-Yves Bonin: La liberté de choisir son “style de vie”: le dilemme de Rawls (No 9215); Alfred R. Mele: Intentions, Reasons, and Beliefs: Morals of the Toxin Puzzle (No 9217); Kai Nielsen: Justice as a Kind of Impartiality (No 9218); Paul Dumouchel: Gilbert Simondon's Plea for a Philosophy of Technology (No 9219); Pierre Livet: L'intentionnalité réduite ou décomposée? (No 9221); Paisley Livingston: What's the Story? (No 9223); Claude Panaccio: Guillaume d'Ockham et la perplexité des platoniciens (No 9224); 28 Dagfinn Føllesdal: In What Sense is Language Public? (No 9225); Denis Sauvé: La seconde théorie du langage de Wittgenstein (No 9227); Philippe Mongin: L'optimisation est-elle un critère de rationalité individuelle? (No 9301); Richard Vallée: Do “We” Really Matter? (No 9302); Denis Fisette & Pierre Livet: L'action mise en cause (No 9304); Charles Larmore: Moral Knowledge (No 9305); Robert Nadeau: Karl Popper et la méthodologie économique: un profond malentendu (No 9309); Jean-Guy Prévost et Jean-Pierre Beaud: How should occupations be classified? The Canadian model and its British-American counterpart in the inter-war period (No 9311); Daniel Vanderveken: A Complete Formulation of a Simple Logic of Elementary Illocutionary Acts (No 9312); Daniel Vanderveken: La théorie des actes de discours et l’analyse de la conversation (No 9313); Henri Atlan: Is Reality Rational? (No 9314); Robert Nadeau: Sur la pluralité des mondes. À propos de Nelson Goodman (No 9315); Pierre-Yves Bonin: Le libéralisme politique de Rawls (No 9316); Claude Panaccio: Belief-Sentences: Outline of A Nominalist Approach (No 9317); Stéphan D’Amour: Walter Gropius et le rationalisme constructiviste (No 9318); Michael Bratman: Shared Intention and Mutual Obligation (No 9319); Hugues Leblanc: Of A and B Being Logically Independent of Each Other and of Their Having No Common Factual Content (No 9322); Wenceslao J. González: Economic predictions and human activity. An analysis of prediction in Economics from Action Theory (No 9323); Pierre-Yves Bonin: Les deux libéralismes de Charles Taylor, le Québec et le Canada (No 9325); Richard Vallée: Do I Have To Believe What I Say? (No 9327); Christian Brassac: Actes de langage et enchaînement conversationnel (No 9401); Claude Panaccio: De la reconstruction en histoire de la philosophie (No 9403); Richard Vallée: Talking About Oneself (No 9404); Robert Nadeau: Trois approches pour renouveler l’enseignement des sciences (No 9405); Robert Nadeau: Economics and Intentionality (No 9407); Myriam Jezequel-Dubois: La communauté en question (No 9410); Alfred R. Mele: Real Self-Deception (No 9412); Paul Dumouchel: Voir et craindre un lion. Hobbes et la rationalité des passions (No 9413); Jean-Pierre Cometti: Pragmatisme, politique et philosophie (No 9415); Jean-Pierre Cometti: Le langage et l’ombre de la grammaire (No 9416); Paul Dumouchel: De la tolérance (No 9417); Jean-Pierre Cometti: Quelle rationalité ? Quelle modernité ? (No 9418); Paul Dumouchel: Rationality and the Self-Organisation of Preferences (No 9419); Chantale LaCasse & Don Ross: A Game Theoretic Critique of Economic Contractarianism (No 9420); Christian Schmidt: Newcomb’s Problem : A Case of Pathological Rationality ? (No 9502); Mufit Sabooglu: Hayek et l’ordre spontané (No 9503); Jean-Paul Harpes: Plaidoyer en faveur d’une portion congrue de démocratie directe et de démocratie modulée (No 9504); Paul Dumouchel: Pinel’s Nosographie and the Status of Psychiatry (No 9505); Ianick Marcil: La signification des anticipations rationnelles face à la dynamique de stabilité faible (No 9507); Robert Nadeau: Disputing the Rhetoricist Creed (No 9508); Paul Dumouchel: Le corps et la coordination sociale (No 9509); Gilles Dostaler: La genèse de la pensée de Keynes (No 9510); R. A. Cowan & Mario J. Rizzo: The Genetic-Causal Tradition and Modern Economic Theory (No 9602); Claude Panaccio: Des signes dans l'intellect (No 9603); Don Ross & Fred Bennett: The Possibility of Economic Objectivity (No 9605); Paul Dumouchel: Persona: Reason & Representation in Hobbes's Political Philosophy (No 9606); Shigeki Tominaga: Voice and Silence in the Public Space: The French Revolution and the Problem of Secondary Groups (No 9607); Paisley Livingston: Reconstruction, Rationalization, and Deconstruction (No 9608); Richard Hudson: Rosenberg, Intentionality, and the ‘Joint Hypothesis Problem’ in Financial Economics (No 9609); 29 Claude Meidinger: Vertus artificielles et règles de justice chez Hume: une solution au dilemme du prisonnier en termes de sentiments moraux (No 9610); David Gauthier: Resolute Choice and Rational Deliberation: A Critique and a Defence (No 9611); Pierre-Yves Bonin: Neutralité libérale et croissance économique (No 9612); Paul Dumouchel: Exchange & Emotions (No 9613); Robert Nadeau: The Theory of Spontaneous Order (No 9614); Jean-Guy Prévost: Francis Walker’s Theory of Immigration and the Birth Rate: An Early Twentieth-Century Demographic Controversy (No 9701); D o n R o s s : The Early Darwinians, Natural Selection and Cognitive Science (No 9702); Raimondo Cubeddu: The Critique of Max Weber in Mises’s Privatseminar (No 9703); Jean Mathiot: Monnaie, macroéconomie et philosophie (No 9704); Luciano Boi: Questions de géométrie et de phénoménologie husserliennes: intuition spatiale, modes de la constitution et prégnances (No 9705); Daniel Vanderveken: Formal Pragmatics and Non Literal Meaning (No 9706); Robert Nadeau: Hayek’s Popperian Critique of the Keynesian Methodology (No 9707); L o u i s R o y : Pour une interprétation large de la norme fondamentale-transcendantale de Hans Kelsen (No. 9708]; Marguerite Deslauriers: La radicale égalité féministe et l'histoire de la philosophie (No. 9709); Claude Panaccio: Le nominalisme et les modalités (No. 9710). Prix: individus (2,00$), institutions (5,00$). Frais de poste: 2,00$ l'unité. Pour commander, prière de s'adresser à Robert Nadeau, Département de philosophie, Université du Québec à Montréal, Case Postale 8888, succ."Centre-ville", Montréal (Québec), Canada, H3C 3P8. Tél.: (514) 987-4161; télécopieur: (514) 987-6721; courrier électronique : [email protected] Pour consulter, s'adresser au Centre de Documentation des Sciences Humaines ou encore à la Bibliothèque Centrale de l'UQAM (Pavillon Hubert-Aquin, local A-M100). Internet: les numéros parus à compter de l’année 1996 sont également disponibles sur le site Internet du département de philosophie de l'UQAM à l'adresse suivante : http://www.philo.uqam.ca Prices: individuals ($2.00), institutions ($5.00). Mailing fee: $2.00 for each copy. To order, please send your request to: Robert Nadeau, Department of Philosophy, University of Quebec in Montreal, P.O. Box 8888, succ."Centre-ville", Montreal (Quebec), Canada, H3C 3P8. 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